XXIII-LE SINTHOME
Séminaire DU 20 janvier 1976
(p1->) Il doit vous apparaître, je le suppose, si vous n'êtes pas trop arriérés pour ça, il doit vous apparaître que je suis embarrassé de Joyce comme un poisson d'une pomme. C'est lié évidemment, je peux le dire parce que je l'éprouve, ces jours-ci, journellement, c'est lié évidemment à mon manque de pratique, disons, à mon inexpérience de lalangue dans laquelle il écrit. Non pas que je sois totalement ignorant de l'anglais. Mais justement, il écrit l'anglais avec ces raffinements particuliers qui font que lalangue anglaise, à l'occasion, il la désarticule. I1 faut pas croire que, que ça commence à " Finnegans Wake ". Bien avant " Finnigans Wake ", il a une façon de, de hacher les phrases, dans " Ulysses " notamment, c'est vraiment un processus pour, qui s'exerce dans le sens de donner à lalangue dans laquelle il écrit un autre usage, un usage en tout cas qui est loin d'être ordinaire. Ça fait partie de son savoir-faire et, là-dessus, j'ai déjà cité l'article de Sollers, il ne serait pas mauvais, enfin, que vous en mesuriez la pertinence. Alors, il en résulte que ce matin, je vais laisser la parole à quelqu'un qui a une pratique bien au-delà de la mienne, non seulement de lalangue anglaise, mais de Joyce, de Joyce nommément. I1 s'agit de Jacques AUBERT, et je vais, pour ne pas m'éterniser, je vais tout de suite lui laisser la parole, puisqu'il a bien voulu prendre mon relais. Je l'écouterai avec toute la mesure que j'ai prise de son expérience de Joyce, je l'écouterai, et j'espère que les réflexions petites, n'est-ce pas, je ne lui conseille pas d'abréger, bien loin de là, les réflexions petites que j'aurai à y ajouter seront faites, enfin , avec tout le respect que je lui dois pour le fait qu'il m'ait introduit à ce que j'ai appelé " Joyce Le Sinthôme ".
(p2->)
( Jacques AUBERT : )En juin dernier, Lacan a annoncé que
Joyce se trouverait dans son cheminement. Le fait que je sois ici aujourd'hui
ne signifie nullement que je me trouve sur ce chemin royal. N'est-ce pas, il
faut tout de suite préciser que je suis plutôt sur les accotements, et en générale
vous savez pourquoi on les signale les accotements, et que c'est plutôt des
propos à la cantonnier que vous allez entendre.
Il faut que je remercie Jacques Lacan de
m'avoir invité à produire un travail bâclé. Bâclé, je précise donc , un
travail pas bouclé, pas bouclé du tout, pas bien fait et pas, disons, articulé
trop bien sur ce qu'il en est des noeuds. D'un autre côté, je voudrais
indiquer que ce que je vais vous dire part d'un certain sentiment que j'ai eu de
ce qui se faufilait dans le texte de Joyce, dans certains textes de Joyce, en
certains points qu'il s'agissait, semblait-il, de quelque chose que Joyce
faufilait; et cette conscience du faufil m'amène justement à ne pas insister
sur ce qui pourrait faire, au contraire, pièce, définitive.
Pour
situer le point dont je suis parti, par accident, il faut que je dise qu'il
s'agit très didactiquement, je dis très
didactiquement, qu'il s'agit d'un petit bout de " Circé " , d'un petit
bout d'échange dans " Circé " , ce chapitre qu'on a appelé a
posteriori " Circé " d' " Ulysse ", et qui est le chapitre
dit-on de l'hallucination, dont l'art, dit-on, est l'hallucination,
est la magie, mais la catégorie l'hallucination.
Des éléments
dont il est trop tôt
pour assigner le statut reviennent des chapitres précédents : il s'agit de
personnages, bien sûr, vrais ou fictifs ; il s'agit d'objets, il s'agit de
signifiants ; mais ce qui est intéressant aussi, c'est la manière dont ça
revient, la manière dont ça, manifestement, a à voir avec la parole, avec une
parole. C'est signalé dès le début, puisque les deux premiers personnages, si
j'ose dire, sont les appels et les réponses, qui marquent bien cette
dimension-là, dimension qui est développée, la forme, si j'ose dire, du chapitre
par une écriture ostensiblement dramatique. Donc, une dimension de la
parole, et, en définitive, des sortes d'instauration de lieux d'où ça parle.
L'important est que ça parle, et ça part dans tous les sens, que (p3->)
tout peut y être impersonné, pour
reprendre un terme que nous allons rencontrer
tout à l'heure, tout peut personner dans ce texte-là. Tout peut être
occasion d'effet de voix à travers du masque.
C'est une de ses fonctions, le détail
d'une de ses fonctions, disons peut-être simplement le fonctionnement, un
fonctionnement de l'une de ses fonctions que j'ai cru distinguer tout près du début
du chapitre, dans un échange entre Bloom et celui qui est censé être son père,
Rudolph, mort depuis dix-huit ans.
Alors,
je vous lis le passage, le bref
échange en cause. I1 se trouve dans l'édition française -page
429-, dans l'édition américaine -page 437-. Rudolph a surgi
d'abord comme Sage de Sion. Il a un visage qui est celui, nous dit-on, dit
une indication scénique, qui est celui d'un Sage de Sion. Et après différents
reproches, quelques reproches à son fils, il dit ceci :
" Qu'est-ce
que tu fais dans
ce place ici, et ton âme, quoi tu fais avec ? "
il est sensé justement
ne pas bien manier la langue anglaise : originaire de Hongrie, il est censé de
ne pas avoir le maniement de la langue anglaise. Il tâte le visage inerte
de Bloom avec des griffes tremblantes de vieux gypaète.
N'es-tu
pas mon fils, Léopold,
petit-fils de Léopold ?
N'es-tu pas mon cher fils Léopold qui a
quitté la maison
de son père et qui a quitté le Dieu de ses pères,
Abraham
et Jacob ? ".
Alors, ce qui se passe à première vue ici, pour le lecteur d' " Ulysse ", c'est un phénomène décrit, à plusieurs reprises, par Bloom lui-même, sous l'expression de " arrangement rétrospectif " - " rétrospective arrangement "- c'est un terme qui revient assez souvent dans les, disons, pensées de Bloom, tout au long du bouquin. Et alors, cet arrangement rétrospectif, le lecteur ne peut manquer d'y être sensible, ne peut manquer d'être sensible au fait qu'il s'agit d'un arrangement à partir d'une citation favorite du père, citation d'un texte littéraire ayant eu, selon toute apparence, certains effets sur lui. Et, ce texte-là se trouve page 75, dans l'édition française. Voici le texte de la page 75 : (p4->)
" La voix de Nathan, la voix de son
fils. J'entends la
voix de Nathan qui laissa son père mourir de douleur
de
chagrin, dans mes bras, qui abandonna la maison
de son père et le Dieu de son père. "
On
voit que ce qui revient est légèrement
différent. Mais avant de dégager cette différence, je voudrais indiquer ce
que me paraissent être les effets de ce revenir différent, sur Bloom. Que répond-t-
il ? Que répond-t-il dans l'épisode de " Circé " ? I1 répond ceci.
Je vous donne d'abord la phrase, le français :
"
Bloom, prudent : " Je crois que oui,
Père. Mosenthal.
Tout ce qui nous reste de lui. "
Et alors, je vais
ici écrire le
texte
anglais de cette phrase :
" I
suppose so. Mosenthal. All that's left of him. "
Bloom, prudent,
le texte anglais dit
" with precaution ", c'est précisément une fonction de Bloom, décrit
tout au long, enfin, dans une bonne partie d' " Ulysse " comme " le
prudent ". Le prudent, c'est son côté, son côté qui est à demi
Ulysse, parce qu'Ulysse c'est pas simplement ça, et il est décrit, à
plusieurs reprises, dans un langage un peu inspiré de la Maçonnerie, " The
prudent member ", " le membre prudent ". Et, c'est dans sa fonction
de " membre prudent " que nous le trouvons ici. Et le " membre
prudent "
dit " I suppose so - " Je le suppose " - et non pas - " Je
crois que oui "
-, dit la traduction française, - " Je suppose ainsi " - " Je
sous-pose ainsi " " Je suppose quelque chose " pour répondre à cette
question, n'est-ce-pas, - " n'es-tu pas mon
fils ? " -. Donc, je sous-pose de la sorte, ce qui en principe
renvoie à ce qu'a dit le père, mais qui, tout à coup, dès lors que l'on suit
le texte, prend une autre figure. Car, immédiatement, nous avons cet arrêt,
cet arrêt marqué par ce que les anglais, les anglo-saxons, appellent
" period ", quelque chose qui fait période, un point qui n'est pas
de suspension, mais de suspens, et un point à partir duquel surgit Mosenthal.
A nouveau ponctué, à nouveau mis en période. Autour de ce nom propre,
justement, quelque chose s'articule et
se désarticule en même temps. Quelque chose s'articule et se désarticule de
la sous-position annoncée. Quelle est donc cette, ce suppôt, quelle est
donc
Ici,
dans ce contexte, il rapporte , il a pour fonction ce signifiant de rapporter
la parole du père à l'auteur d'un
texte à l'auteur, précisément, du texte qui vient d'être évoqué par le père.
Mais, on voit bien que, dans sa brutalité, ce signifiant fait plus opacité
qu'autre chose. Et, on est amené, le lecteur est amené à dégager, à
retrouver de quelle pensée ceci fait renvoi , de quel déplacement, dans quel
déplacement
ce signifiant est impliqué. Déplacement, il y en a un qui est évident, c'est
que, dans le texte, le texte, disons, premier, celui des " Lotophages "
, n'est-ce pas, celui de la page 75-76, le nom en question, le nom de
l'auteur, figure avant la citation. Ici, il est en position de signature. I1
est en position de signature et il est en position, également de réponse. C'est
très
tentant, c'est très bien, puis c'est Moïse, n'est-ce pas, alors ça fait
plaisir. Mais si on a à l'esprit, comme toujours, nest-ce pas, on a
toujours ça à l'esprit parce qu'on passe son temps à relire, la place qui était
celle de Mosenthal, dans le premier texte, on trouve que là, c'était une réponse
déplacée à une question sur l'existence du vrai nom. Qu'une question qui elle-même
n'arrivait à se formuler que d'une manière éloquemment vacillante. Et, il faut
que j'inscrive ici une phrase qui est précisément la question à laquelle
Mosenthal répondait, était censé répondre :
" What
is this the rigt name is ? By M . it is . Rachel is it ? No .
Alors, pour faire
bonne mesure, j'ai mis la suite qui a quand même un certain intérêt, aussi,
peut-être.
Mosenthal, même si un germanique qui connaît son argot, y entend autre
chose, à un tréma près, Mosenthal, c'est le nom d'une pièce de théâtre, le
nom de l'auteur d'une pièce de théâtre dont Bloom essaie de retrouver, de
retraduire le titre original allemand, qui est en fait un nom de femme, un nom
juif de femme, un nom qui n'a pas été gardé en anglais c'est une curieuse idée
- il s'agit d'un mélodrame qui avait pour titre " Deborah ", en
allemand, qui a été traduit, en anglais, sous le nom de " Lea ", et
c'est ce que Bloom essaie de retrouver, dont il essaie de retraduire le titre
original qui est un nom de femme.
(p6->)
Et alors, ce qui lui, ça prend la forme
de cette recherche-là . On voit évidemment le jeu de cache-cache
entre le nom de l'auteur et celui de la créature au niveau de l'art, qui met
en jeu à la fois, l'être, avec insistance, le " is " insiste, et la
problématique
sexuelle, un patronyme venant à la place d'un nom de fille. Alors ici le
lecteur qui, à qui rien n'a échappé dans " Ulysse " dit que ça lui
fait penser à autre chose dans " Ulysse ", quelque chose qui se trouve
avoir un rapport avec Bloom lui-même. Avec Bloom lui-même, et là je
vous redonne, je vous donne alors, je suis désolé de le faire par petits
morceaux, mais je suis simplement une démarche qui a été la mienne-, je
vous redonne le passage, le premier passage dans lequel s'inscrivaient toutes
ces belles choses. Je vous le donne dans la traduction française qui, là,
n'est pas trop mauvaise à quelques détails près :
" Monsieur Bloom
s'arrêta au coin de la rue, ses yeux errant sur les affiches hautes en couleur : limonades de Cantrel et ( Cochraine) aromatisées, expositions d'été |
Alors,
il y a à un
certain niveau, donc, le fait que
Why
Ophelia commited suicide ?
Pourquoi Ophélie s'est-elle
suicidée ?
ou bien : Est-ce la raison pour laquelle Ophélie
s'est suicidée ?
Ceci, évidemment,
ne passe pas dans la traduction française, et je pense que c'est quand
même assez important à
remarquer. Et, quest-ce qui vient ensuite :
" Pauvre
papa. Comme il parlait souvent de Kate Bateman
dans ce rôle, attendait aux portes de l'Adelphi , à
Londres, toute la journée, pour rentrer. C'était l'année
avant ma naissance,
soixante-cinq, et la Ristori à Vienne. "
Alors, c'est là que
commence le titre :
" Qu'est-ce
que c'était que
le titre . . . " etc.
Enfin, je vous fais grâce d'une
traduction, enfin, chacun, je crois, peut la fabriquer. Pas moi.
" C'est par Mosenthal. Est-ce
Rachel ? Non. La scène dont
il parlait toujours où le vie d 'Abraham, aveugle,
reconnaît la voix et lui touche la figure avec
ses doigts. "
Donc, ici : " la
voix de Nathan, la
voix de son fils, " etc. " Chaque mot est si . . . ", alors, après
le passage :
" La
voix de Nathan, la voix de son fils, j'entends la
voix de Nathan qui laissa son père mourir de douleur
et de
chagrin dans mes bras, qui abandonna la maison
de son père et le Dieu de son père,
chaque mot est si
profond, Leopold. "
" Pauvre
papa. Pauvre homme. Je suis content de n'être
pas entré dans la chambre pour regarder
sa figure.
Ce jour-là, mon Dieu, mon Dieu ! "
" Bah ! , peut-être que cela
valait mieux pour lui. "
Dans ce passage-là,
se trouve donc, en réalité, en jeu, toute une série de questions. Questions,
donc, sur l'exsistence, non seule-
Le
nom, donc, derrière la question du
nom, se trouve le suicide du père, qui a cette autre caractéristique, c'est
que il a précisément changé de nom. C'est ce que l'on nous indique dans un
autre passage, ce qui, donc, est présenté d'une manière qui, elle-même,
m'a paru curieuse. Dans un bistrot, des gens s'interrogent, un certain nombre
de piliers de bistrot s'interrogent sur Blooms :
" C'est
un Juif renégat ",
dit
l'un d'entre eux.
Et, en anglais, ça
se dit " pervert ".
" Perverted Jew ". Et le mot " pervert ", en anglais, signifie
" renégat ". C'est pas du tout une invention de Joyce, une astuce,
c'est comme ça. D'ailleurs, vous le trouvez vers la fin de Portrait:
" Est-ce que vous essayez de me convertir ou de me pervertir ",
" convert ", " pervert ", c'est comme ça que ça fonctionne
en anglais.
" C'est
un Juif renégat, qui vient
de Hongrie et c'est
lui qui a tiré tous les plans selon le système hongrois
( de cette histoire du plan politique du SinnFein ). Il a
obtenu de
changer de nom par décret. Pas lui, le père
Donc, il apparaît
que le père a changé
de nom. Et il a changé d'une manière qui est assez intéressante, selon une
formule juridique qui s'appelle " deed poll " (
indenture ). Deed,
c'est-à-dire un acte, un acte mais poll évoque, décrit en quelque
sorte ce qu'est l'acte, du point de vue du document. C'est un document qui est
rogné. Et il est rogné, ce poll qui décrit ce qui est rogné, est également
ce qui décrit ce qui est étêté, n'est-ce pas, ce qui est décapité. Un têtard,
un arbre qui a été rogné, c'est " a polled ", et poll peut désigner
aussi la tête.
Alors, le " deed poll ", c'est ce type d'acte particulier qui est rogné.
I1 a cette caractéristique de ne comporter qu'une partie, c'est un acte qui
est, c'est (p9->) pour ça
qu'on dit par décret,
n'est-ce
pas, il a décrété que, et cela s'oppose à, cela se distingue au moins
de " indenture " qui est un acte déchiré, selon justement une
indentation, pour être confié aux parties, n'est-ce pas, aux deux
parties, ou deux ou plusieurs parties. C'est, nous dit-on, nous dit Joyce,
de cette manière que le père a changé de nom. I1 a changé de nom, il a changé
quel nom ?
" Nullement ",
dit Martin. " Ils n'ont que le nom en com . . " |
" The
father's name that poisoned himself ".
où l'on entend,
presque, que c'est le nom qui s'est empoisonné, nest-ce pas. " The
father's name " ; il y a
une espèce de jeu sur le génitif, qui fait, sur la position du nom du père,
qui fait que c'est le nom qui semble s'être empoisonné. Virag . Virag
réapparaît,
il est évoqué à plusieurs endroits, dans Ulysse, il réapparaît dans
Circé, mais ce qui réapparaît dans Circé d'abord, c'est une virago, désignée
comme telle, Virago. Alors, c'est ici que on peut, peut-être, se souvenir
de ce que c'est que " virago ", c'est-à-dire le nom qui, dans la
Vulgate, dans la traduction de la Bible par St Jérôme, sert à désigner la
femme, du point de vue d'Adam. Dans la genèse, l'homme est amené à nommer la
femme : " Tu t'appelleras femme ". I1 l'appelle " Virago ",
puisqu'elle est un p`tit peu homme. Elle est " fomme " ; si vous voulez.
A une côte près, enfin.
Arrivé à ce
point de mes
élucubrations ! et de
mes cafouillages dans, entre les lignes d'Ulysse, je souhaiterais distinguer
dans cet entrelacis, ce qui fait mine de trou, car évidemment, on est tenté
d'utiliser pour une interprétation, en vue dune interprétation, un schéma qui
serait tiré de, du suicide, du changement de nom, du refus par Bloom de voir
le visage de son père mort, évidemment, on trouverait très gentil et très
complaisant que réapparaisse justement tout ça, dans Circé, dans
l'hallucination. Seulement,
Et, je pense justement que le tour de main de Joyce consiste, entre autres choses, à déplacer si j'ose dire l'aire ( erre ? ) de trou de manière à permettre certains effets . On aperçoit par exemple la disparition de la voix du fils dans la citation donnée : la voix du fils n'est pas mentionnée, pas plus que la mort du père. Mais, en revanche, un effet est produit par cette voix du fils déplacée en réplique, mais une voix du fils porteuse justement d'un certain savoir-faire sur le signifiant. Cette précaution, cette habileté à parler, à supposer, à sous-poser, on voit qu'elle se propage, on voit qu'elle se propage selon une logique qui est tout à fait éloquence. J'ai parlé de l'éloquence du Mosentral bien bien rhétorique, en période, et puis aussi par l'articulation, Mosenthal, All that's . . . ", n'est-ce pas, j'en ai marre, marabout, " All that's left of him ", alors il faut ici que je vous donne la phrase anglaise : ce que disait Rudolph dans Circé, c'est de ce qu'il répétait :
" Are you not, my dear the Leopold who left the
hange of
his father
and left the God of his father Abraham and ( Jacob )
Qui
a laissé, qui a quitté qui a
abandonné , alors,
" All that's left of him ", tout ce qui est, tout ce
qui
reste de lui, tout ce qui abandonne de lui, c'est quand
même déjà pas mal, et puis aussi, tout ce qui est à
gauche
de lui.
(p11->)
Alors, évidemment,
si l'on pense à ce
qu'indique le credo, sur les places respectives du père et du fils, n'est-ce-pas,
là-haut,
ça en dit long sur le respect impliqué là-dedans. Tout ce qui reste de
lui, bon, un nom, un nom d'auteur, tout ce qui est à gauche de lui, donc, de
toute façon, quelque chose qui n'est pas du vrai fils. Je ne sais pas où il
faut s'arrêter là-dedans, je frémis, il vaut mieux que je m'arrête. Ce
qui est sûr, c'est que Bloom, ça lui fait plaisir, à lui aussi, ça m'a fait
plaisir, moi, quand j'ai vu ça, ça lui a fait plaisir à lui, c'est sûr, et
ça s'est entendu ça s'est entendu, et comment est-ce qu'on le voit,
c'est que papa n'est pas content du tout. La réplique suivante, ça commence
par :
" Rudolph, severely, one night, they bring you home drunk
Une nuit, on t'a rapporté saoul
etc.
Sévèrement, autrement
dit je t'en prie, pas d'humour déplacé, parlons plutôt de tes transgressions à toi.
Donc, cette jubilation de Bloom qui, prudemment, a dit des choses qu'il avait à
dire, c'est des choses qui font plaisir, donc à tout le monde. Mais alors, dans
cette série d'effets dont je viens de dégager quelques-uns, il y a une
sorte de cascade , une sorte de cascade parce que se développe un autre effet
qui est en quelque sorte de structure, par rapport au précédent, une sorte de
résultat
des effets précédents. Cette espèce de jeu par rapport au père, sur
toutes ces choses, je n'y reviens pas, semble faire glisser du côté de la mère
; cette espèce de père, contesté de différentes façons, n'est-ce pas, conduit
à une mère, et à une mère qui est du côté, disons, de l'Imaginaire, pour
simplifier, car donc Rudolph évoque une transgression du fils, qui est revenu,
qui est revenu saoul, qui a dépensé de l'argent, et qui est revenu aussi
couvert de boue. Mud. Mais le lecteur, bon il a fait, ça a été un beau
spectacle pour sa mère, dit-il, " nice spectacle for your poor mother ",
n'est ce pas, hein, c'est pas moi, c'est elle qui était
pas contente. Mais, la manière dont ça arrive, la manière dont c'est refilé
à la mère, par la boue, c'est assez drôle parce que Mud, ceux d'entre vous
qui ont lu le Portrait en anglais, on peut remarquer qu'à un certain moment,
Mud est une sorte de forme familière de mother. Et, ici, c'est autour des
pages, je sais pas, dans le premier, en gros, dans les deux premiers chapitres,
je crois que c'est au dé-(p12->)but du second
chapitre. Et il est question, c'est associé à la pantomime. Où est-elle ? Eh
bien, tenez, après tout j'ai ça là, je vais peut-être essayer de vous le retrouver
Mais j'ai pas le temps, peut-être. Quelle heure il est ?
Voilà.
Bon, dans cette
éditions
dans l'édition Vikings c'est page soixante-sept, et, c'est une petite
saynète de rien du tout, du type Épiphanie, je ne sais pas comment il faut dire
ça, j'emploie le terme avec un peu de provocation parce j'ai . . . . . Bon. Euh
! Épiphanie
? Oui. - oui. Mais là, on pourrait discuter, disons, de sa
pertinence. Ça fait partie d'une série de petites que Joyce a placé, donc
dans un des premiers chapitres d'Ulysse, de, du Portrait, et où l'enfant, le
jeune Steven, est en train de s'y retrouver dans Dublin, à partir d'un certain
nombre, disons, de points, de scènes, de lieux, de maisons. I1 était là,
assis dans une maison. En général, ça commence comme ça. Et, on le voit
assis sur une chaise, dans la cuisine de sa tante, et sa tante était en train
de lire le journal du soir et d'admirer " the beautifull May-bell
Hunter ",
une belle actrice, et une petite fille arrive toute bouclée, elle, sur la
pointe des pieds, pour regarder le portrait, et dit doucement :
" What
is she in , Mud ? "
- Dans quoi est-elle,
boue ( maman ) ?
- Dans la pantomime, mon
amour.
Alors, il se trouve
que ce passage de Circé glisse dans la boue, n'est-ce pas, puisque ça revient,
le signifiant revient trois ou quatre fois dans ce passage là, glisse
de la boue à un surgissement de la mère : " beau spectacle pour ta
pauvre mère "
dit Rudolph et Bloom dit " maman " parce qu'elle est en train d'apparaître
à l'instant-même. Dès que un certain, certains mots, certains
signifiants apparaissent dans Circé, l'objet, si j'ose dire, fait surface, et
fait surface comment ? Vêtue en dame de pantomime, crinoline et tournure, avec
un corsage à la widow-trunky ?, elle apparaît en dame de pantomime,
c'est-à-dire selon la logique de la pantomime anglaise, homme déguisé
en femme, n'est-ce pas, les spectacles de pantomime, qui se jouaient en
particulier autour de Noël qui sont évoqués là, impliquaient un renversement
des habits, et un travestissement généralisé. Pantomime, n'est-ce pas.
Donc, d'un certain
" Ou
maintenant, ses secrets, vieux
éventails de plumes,
carnets de bal à glands, imprégnés de musc, une parure
de grains d'ambre dans son tiroir fermé à clé, une cage
d'oiseaux qui avait été
suspendue à la fenêtre ensoleillée
de la maison où elle vécut jeune fille.
Elle allait voir le vieux
Royce dans la pantomime de Turco Le Terrible, et riait
avec tout le monde quand il chantait : " Je suis le garçon,
possesseur du
don de se rendre invisible. " Gaîté fantomale,
enfuie en fumée ; fumée de
musc. "
Donc, ce qui réapparaît là-dedans, c'est donc un ensemble fantasmatique, lié à la mère, mais lié à la mère par le truchement de Steven, avec quand même une ambiguïté radicale, de quoi riait-elle n'est-ce pas, du vieux Royce chantant, de ce qu'il disait ; de . . . bon, de son jeu de voix, Dieu sait quoi . . .
Et
alors cette mère, cette mère-là,
cette mère problématique se trouve être vêtue telle qu'est vêtue, dans la
pantomime, la mère d'Aladin: " Widow-trunky ( ?) , le corsage à la
widow-trunky ? c'est le corsage donc de la mère d'Aladin dans les pantomimes.
Mère
d'Aladin ; qui évidemment ne comprenait rien à ce que faisait son fils, sinon
ceci c'est que, en astiquant bien la lampe, on faisait parler l'esprit qui était
dedans. J'en resterai là sur ce point, pour passer à un autre aspect du
fonctionnement du texte.
Helen
Bloom qui vient de surgir n'est pas du tout comme papa du côté des Sages
de Sion, mais, à l' entendre, elle
est plutôt du côté de la religion catholique, apostolique et romaine. Car qu'est-ce
qu'elle dit en le voyant tout plein de boue :
" O
Blessed Redeemer !
0, Rédempteur Bienheureux ! 0 Béni soit le Rédempteur !
" What
have they done to him !
Que lui ont-ils fait, etc.
(p14->)
" Sacred
Heart of Mary ! Where were
you at all !
Sacré coeur de Marie, où étiez vous donc !
Ce qui est d'ailleurs
assez curieux parce que " Sacré coeur de Jésus " plutôt devrait
lui venir à l'esprit, ce
qui signe d'une certaine manière son rapport narcissique à la religion ; elle
est très nettement catholique à la manière dont on pouvait l'être particulièrement
au XIXème siècle, n'est-ce pas, et c'est toute cette dimension-là
qui en fait, je pense, mérite d'être soulignée dès que l'on parle de Joyce -
dès que l'on parle de Joyce, même si on va le chercher dans les textes
les plus bénins, même si on va le chercher dans les textes de Steven Heroe, même
si on va le chercher dans les textes de Gens de Dublin, de Dublinois.
Un
rapport imaginaire à la religion,
c'est ce qu'on
" Et
il se met à errer dans les
rues, et un spectacle de
" Dublin émeut suffisamment sa
sensibilité pour lui faire composer un poème. "
puis, plus rien
sur le poème, et il
rapporte le dialogue qu'il a entendu, qui est un dialogue entre une jeune
personne et un jeune homme, et un des rares mots qui apparaît, c'est le mot
" Chapel ", là-dedans, et pratiquement il y a que des points de
suspension dans ce dialogue. Donc, ce dialogue où il n'y a rien lui fait écrire
un poème. Et puis, d'un autre côté, il baptise ça, d'une les lignes qui
suivent, " Épiphanie ". Voilà ce qu'il voulait faire, enregistrer ces
scènes, ces saynètes réalistes lui en racontent tant. Donc, une double, une
espèce de dédoublement de l'expérience une espèce de dédoublement d'un
côté du, d'un côté réaliste, disons, pour simplifier, de l'autre côté, en
quelque sorte, poétique et, une espèce de liquidation, de censure, dans le
texte de Steven Heroe, de ce qui en fait était du côté du poétique. Et le poème
en question, on s'aperçoit qu'il s'intitule : " La vilanelle ? de la
tentatrice ", n'est-ce pas. Mais précisément ça arrive, ça arrive
dans un certain discours qui implique justement la mère, et la mère dans son
rapport au prêtre.
Alors
cette . . . le rapport, le rapport que
je définis grossièrement, et vous me le pardonnerez, comme rapport
imaginaire à la religion, on le retrouve d'autres manières dans le Portrait de
l'Artiste, avec par exemple les sermons sur l'enfer qui sont justement
interminables, qui sont très sadiques et kantiens, et qui sont en fait, qui
visent à représenter dans le détail les horribles tortures de l'enfer, et qui
visent à représenter, à donner in praesentia, justement, une idée de ce qu'est
l'enfer.
Du
même ordre de fonctionnement, le
confesseur. Le confesseur comme étant celui qui écoute, mais aussi répond, répond
quoi, dit quoi, c'est précisément surtout de cela que ça tourne. Autour de ça
que tournent, entre autres choses, les Pâques de Steven, les confessions de ses
turpitudes, et puis aussi, l'artiste, la fonction de l'artiste. J'invoquerai
ici deux passages, deux textes, l'un qui se trouve près du début de Steven le
Héros où il dit que en écrivant ses poèmes, il avait la possibilité de
remplir la double fonction de confesseur et de confessé. Et puis, l'autre
texte, l'autre passage, il se trouve vers la fin du Portrait de
Autre chose
concernant cette dimension
imaginaire de la religion, au fond, c'est résumé dans Ulysse, dans le fameux
passage où se trouvent opposées la conception, disons, trinitaire
et problématique
de la théologie, par opposition à la conception italienne, madonisante, n'est-ce
pas, qui bouche évidemment tous les trous avec une image de Marie. Et alors,
vous avez pu remarquer dans Ulysse, comment il dit qu'au fond l'Église
catholique s'est pas mal débrouillée en plaçant l'incertitude du vide, n'est
ce pas, à la base de tout. Là encore, je brode.
Donc,
le fonctionnement de ce texte, de ces textes, une des
choses au moins,
un certain nombre de choses qui font fonctionner,
ce sont évidemment des
noms du père à de multiples niveaux. On
saisit bien que dans les deux passages auxquels je me suis
" Tourné vers
Steven, JJ 0' Molloy lui dit posément :
" L'une des périodes
les plus harmonieuses que j'ai
jamais entendue de ma vie, je la dois aux lèvres
de
Seymour Bushe, (p .137)
qui évidemment, à une lettre près,
signifie, donc, le buisson, et éventuellement, alors là, c'est peut-être
trop tôt pour l'indiquer, c'est également la toison sexuelle, si vous voulez.
" Samer
Bushe, c'était dans cette
affaire de fratricide,
l'affaire Childs. Bushe était au banc de la défense. "
Alors, ici, une
petite interpellation shakespeare - et dans le porche de mon oreille versa
etc. - Hamlet - à propos, comment a-t-il découvert ça, puisqu'il est mort
en dormant - et l'autre histoire, la Bête à deux dos - ça, c'est
donc Steven qui cogite ça.
" Citez-là demanda
le professeur (il y en a toujours un pour ça hein ! )
" Italia
magistra artium ",
c'est le titre, un de ces titres qui scandent l'épisode de la salle de rédaction.
"
I1 parlait de la procédure en
matière de preuve. "
Alors là je vous
renvoie au texte anglais qui dit : " the law of evidence " - " He
spoke of the law of evidence " - La loi de l'évidence , si on veut,
mais certainement le témoignage. La loi du
" de
la procédure en matière de
preuve (la loi du témoignage)
dit JJ 0 ! Molloy, de la loi romaine opposée à
la loi mosaïque
primitive, la lex talionis. Et il va parler du Moïse de
Michel-Ange,
au Vatican. Ah ! Des termes bien choisis en petit nombre annonça Lenehan.
Bon, je passe sur certaines phrases
qui mériteraient, évidemment sans doute qu'on s'y arrête, mais enfin, j'ai
pas le temps.
P
137 " JJ
0' Molloy reprit, détachant chaque mot : " Voici ce
" Une
musique figée, marmoréene figur
humaine, symbole
de
ce que l'imagination ou la main d'un sculpteur inscrivit dans le marbre
spirituellement transfigurant et
Vous avez suivi,
bien sûr ! Donc, ici,
le 0' Molloy en question ayant commencé par se faire caisse de résonnance d'un
savoir sur la loi, n'est-ce pas, ayant réparti les lois, les lois par
rapport à l'évidence, par rapport au témoignage, allez-vous y retrouver, ayant
fait ceci, c'est lui qui fait parler Bushe, n'est-ce pas, c'est
lui qui fait parler le buisson. C'est lui qui fait parler, qui fait porter témoignage
rhétorique sur art, sur l'art comme fondant le droit à l'existence - " deserves
to live " - fondant le droit à l'existence de l'oeuvre d'art. Vous
voyez l'écho que cela a par rapport à, bon, la littérature de journaux, qu'
est-ce que ça veut dire, comment ça se situe par rapport à cela " deserves
to live " - ce qui mérite de vivre, et, fondant ainsi, en droit, le
porteur de la loi, Moïse, puisque il restera, peut-être pas en tant que Moïse,
mais Moïse du Vatican. C'est comme ça qu'on nous le dit. Le Moise du Vatican.
Ce qui est évidemment assez intéressant quand on a à l'esprit ce que le
Vatican représente du point de vue d'Ulysse. Alors, ce " deserves to
live ", il insiste puisqu'il réapparaît par le biais de la rhétorique sous
la forme de l'insistance - " deserves to live, deserve to live "
I1 réapparaît avec insistance, mais il est marqué, il est contresigné par ses
effets sur celui auquel la période était destinée, à savoir Steven. JJ 0'
Molloy s'était tourné vers lui, et ce qui
(p21->) Donc,
se trouvent joints dans le discours de Joyce, la question justement du droit à
l'existence, celui au droit à la création, et celui de la validité, et celui
aussi de la certitude
Ce
que je voudrais rajouter. Je voudrais rajouter une première chose concernant
le bush . Bush , vous voyez qu'il, se construit d'une sorte de série du bush
, à
partir du Holy Bush, du bush éloquent, qui parlant de Moïse, parle aussi d'un
holey bush, n'est-ce pas, puisque ça, ça se trouve aussi dans la Bible,
n'est-ce pas. L'Eternel dit à Moïse que le sol qu'il foule devant le buisson
ardent est " holey ". Le " holy. bush ", et un " holy
bush
", un bush qui se révèle avoir un certain rapport au " fox ".
Car, lorsque 0' Molloy reparaît dans Circé, lorsque JJ reparaît dans Circé,
il a des moustaches de renard, et quelque chose de bushe, de l'avocat Bushes
: le renard, au renard que lui aussi on a aperçu à plus dune reprise dans le
Portrait par exemple. I1 apparait bien sûr parce que il est, Fox est un
des pseudonymes de Parnell, associé un peu à sa chute. Mais il est aussi une
sorte de signifiant ramenant la dissimulation, foxing, -" He was not foxing "-,
dit le jeune Steven quand il est à l'infirmerie et qu'il a peur de se faire
accuser de fraude. Et puis, un peu plus tard, lorsqu'il vient de renoncer à entrer
dans les ordres, qu'il a aperçu sa carte de visite, le Révérend Steven
Daedalus , S.J., il évoque quelle tête il peut bien y avoir là-dessous, n'est-ce
pas, et une des choses qui lui revient à l'esprit, c'est :
" Ah oui ! une tête de Jésuite qu'ont certains appelée comme ceci, " l
(?) J (?) ", et d'autres appelée " foxy camble ", camble, le
renard.
Donc,
il y a cette série bush, fox, mais il y a aussi il y a aussi
et ça, ça
fonctionne, le jeu sur Molloy, Moly, qui s'articule sur le holy. Nous avions
: holy, holey, Moly, Molloy et, un autre mot qui ne parait pas dans Ulysse, mais
dont Joyce dit, alors là c'est une chose que je tire un petit peu de la manche,
plutôt des lettres de Joyce, mais après tout les lettre : c'est des trucs qu'il
a écrit, oui, lorsqu'il
indique,
il donne le nom de quelque chose qui est sensée
faire fonctionner, entrer dans le fonctionnement de Circé, c'est cette plante,
l'ail doré, que Hermès a donnée à Ulysse pour qu'il se tire d'affaire
chez (p22->) Circé.
Et, ça
s'appelle Moly. Là où
ça devient drô1e, c'est que il y a entre les deux, entre Moly et Molly, une
différence qui est de l'ordre de la phonation . Ce qui se phonise, je ne sais
pas comment il faut dire, dans Ulysse, c'est Molly, avec une voyelle simple et
le Moly dont il parle, c'est une diphtongue, une ditongue, comme on disait
autrefois, et la ditongue se transfère, se transforme en consonnance , avec en
même que la diphtongue, la ditongue se transforme en une voyelle simple, il y
a un redoublement consonnantique, un redoublement de consonnance et c'est cette
consonnance qui apparaît dans Ulysse sous la forme de Holly. C'est trop beau
pour être vrai.
Alors
ce qu'il dit de Molly, de Moly pardon, de cette plante, ce sont des choses
curieuses, il en dit des choses différentes,
l'une que je crois Lacan analysera, une autre que je me contente de signaler.
C'est donc le don d'Hermès, Dieu des voies publiques, et c'est l'influence
invisible ( prière, hasard, agilité, présence d'esprit, pouvoir de récupération
qui sauve en cas d'accident ). C'est donc quelque chose qui confirme Bloom dans
son rôle de prudence, n'est-ce pas, il est le prudent, il est celui qui répond
finalement assez à la définition que j'ai trouvée en note dans le Lalande sur
cette question de la prudence - c'est curieusement décevant Lalande sur la
question de la prudence - probablement parce que c'est surtout St
Thomas qui
en parle. I1 y a une petite note sans nom d'auteur, une petite citation qui dit
ceci : prudence - l'habileté dans le choix des moyens d'obtenir pour
soi-même le plus grand bien être - et, c'est comme ça justement,
qu'on se supporte, semble-t-il, dirait Bloom.
La
deuxième chose que je voulais
ajouter avant de me taire, c'est simplement souligner qu'il s'agit dans toutes
ces choses de la certitude, notamment, de la certitude et de comment on peut
fonder ça . La certitude, elle réapparaît justement à propos du fameux virag
. Parce que je ne vous ai pas tout dit, je me suis arrêté dans la
citation, la fameuse citation où on parlait de virag , où on parlait, où les
autres 0'Molloy racontaient ce qu'il en était de virag . Page 331, dans
Ulysse. 0ui.
" Il
s'appelait Virag , c'était le
nom du père qui s'é-
I1 a obtenu de
changer de nom par décret, pas lui, le père. Voilà le nouveau
Messie de
l'Irlande, dit le citoyen, l'Île des Saints et des Sages. Oui, eux aussi,
ils
attendent encore leur rédempteur dit Martin, tout comme nous, en somme.
Oui, dit
J.J. Et chaque fois qu'ils ont un enfant mâle, ils croient que ça peut être
le Messie. Et tout Juif est parait-il dans une agitation extraordinaire
jusqu'à ce
qu'il sache s'il est père ou mère. "
Alors, là-dessus,
je serai bref, indiquant simplement ce qui apparaît peut-être des, par delà l'humour
qui est, constitue un des fonctionnements de ce texte du Cyclope, un humour de
bistrot mais un humour qui est bien là, un humour qui, d'ailleurs, serait à
rattacher à d'autres problèmes touchant l'antisémitisme, et je n'ai pas le
temps de la raccrocher là.
Identification
imaginaire, qui je crois situe le problème également de la problématique
de la succession. La problématique
du Messie et, à travers elle, la problématique de la succession. Le problème
de la parole du roi fondant la légitimité la parole du roi qui est ce qui
permet, même si le ventre de la mère a menti, n'est-ce pas, de retomber
sur ses pieds, par une légitimation. C'est le problème de la légitimation,
c'est-à-dire de la possibilité de porter la marque du roi, la
couronne, stephanos, quelque chose comme ça, en grec, ou bien de porter la
marque du roi, telle qu'elle apparaît dans Circé à propos de vira
Cette
problématique de la légitimité
qui se révèle problématique de la légitimation a une dimension, prend
peut-être figure ici de dimension imaginaire et de sa récupération.
Cette certitude, il me semble que Joyce l'utilise, la met en scène, dans ses
rapports avec les effets de voix. Même si une parole, une parole paternelle est
contestée en tant que parole, en tant que ce qu'elle dit, il me semble que
quelque chose, suggère-t-il, en passe dans la personnation, dans ce
qui est derrière la personnaition, dans ce qui est du côté de la phonation,
peut-être, du côté de ce qui est également quelque chose qui
mérite de vivre dans la mélodie. Dans la mélodie, et pourquoi ? Peut-être
justement à
Alors, cette certitude, cette
certitude et ces problèmes
Alors, je m'arrête, avant que ça devienne par trop apocalyptique.
LACAN
Je
vais dire un mot de conclusion. Je remercie Jacques AUBERT de s'être mouillé.
Car, il est évident que comme
l'auteur de Surface and Symbol, dont je vous ai dit le nom la dernière fois,
il est évident que le terme dont cet auteur se sert pour dire, pour épingler
l'art de Joyce, qu'il s'agit là de " inconcevably ",
inconcevablement, " private jokes " ; des jokes inconcevablement privés.
Dans
ce même
texte apparaît le mot que
j'ai dû chercher dans le dictionnaire - eftsoonrise - je ne sais pas
si ce mot est commun, vous ne le connaissez pas ? - eftsoonrise - ça
ne vous dit rien ? - c'est-à-dire eftsoon, des eftsoonrides, c'est
des choses renvoyées à tout à l'heure. I1 ne s'agit que de ça. Non seulement
ces, ces effets sont renvoyés à tout à l'heure, mais ils ont un effet le plus
souvent déroutant. C'est évidemment l'art, l'art de Jacques
AUBERT qui vous a fait suivre un de ses fils, de façon telle qu'il vous tienne
en haleine. Tout
ceci n'est évidemment pas sans fonder ce que, à quoi j'essaie de donner une
consistance, et une consistance dans le noeud.
Qu'est-ce
qui, dans ce glissement de Joyce, auquel je me suis aperçu que je faisais
référence
dans mon séminaire " Encore "
j'en suis stupéfait, j'ai demandé à Jacques Aubert si c'était là le départ
de son invitation à parler de Joyce, il m'a affirmé que à ce moment-là,
le séminaire " Encore " n'était pas encore paru, de sorte que ça ne
peut pas être ça qui l'a invité à me présenter ce trou dans lequel je me
risque par, sans doute, par quelque prudence, la prudence telle qu'il l'a définie.
Mais le trou du noeud ne m'en fait pas moins question. Si j'en crois SOURY et
THOME, puisqu'aussi bien c'est eux à qui
je dois mention de ceci que sans doute, dont sans doute je m'étais aperçu bien
sûr et que le noeud, le noeud
à proprement parler borroméen, lequel n'est pas un noeud, mais une chaîne. Si
ce noeud, on peut en repérer la duplicité, je veux dire qu'il y en a deux, qu'à
ce que les cercles, les ronds de ficelle ; soient coloriés, s'ils ne sont pas
coloriés, ce qui veut dire que quelque chose distingue, quelque chose, la
qualité coloriée, distingue chacun des deux autres si ce n'est qu'à l'aide de
ce barbouillage que nous pouvons faire qu'il y ait deux noeuds, puisque ceci
est
équivalent au fait que
La
mise à plat implique un point de
vue, un point de vue spécifié. Et ce n'est sans
doute pas pour rien que n'arrive pas d'aucune façon à se traduire dans le Symbolique
la notion de la droite et de la gauche.
Pour
le noeud, ceci ne commence à exister
qu'au-delà de la relation triple. Comment se fait-il que cette
relation triple ait ce privilège, c'est bien là ce dont je voudrais m'efforcer
de résoudre la question. Il doit y avoir là quelque chose et qui ne doit pas
être sans rapport avec cet isolement que nous a fait Jacques AUBERT de
la fonction de la phonation précisément dans ce qu'il en est de supporter le
signifiant. Mais, c'est bien là ce point vif sur lequel je reste en suspens.
C'est à savoir à partir de quand la signifiance en tant qu'elle est écrite
se distingue des simples effets de la phonation. C'est
la phonation qui transmet cette fonction propre du nom et c'est du nom propre que nous repartirons, j'espère,
la prochaine fois que nous nous retrouverons.
commentaire revu ce 25 août 2005