J.LACAN                         gaogoa

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XXII- R.S.I    1974-1975
      
version rue CB                              note

19 novembre 1974

 

     ((p1->) verso de la page de couverture) R.S.I 

    (p2->) Il n'y a pas de micro. Alors il va falloir que vous me disiez si vous m'entendez.

    Voilà, il y a des gens - je le sais parce qu'on me l'a dit - qui vivent la grève comme la fête. Je le sais, bien sûr, par l'analyse. On en sait des choses par l'analyse ! On sait même qu'il y a des gens assez tordus pour ça. Mais enfin pourquoi pas ? C'est subjectif, comme on dit. Ca veut dire qu'il y a des gens qui peuvent prendre beaucoup de choses par le bon bout. Néanmoins je ne suis pas de ce bord-là : comme analyste, je ne peux tenir la grève que pour un symptôme, au sens où peut-être cette année j'arriverai à vous en convaincre que le symptôme c'est, pour se référer à une de mes trois catégories, c'est du Réel. L'ennuyeux - et c'est en ça que je fais mes réserves - c'est que c'est un symptôme organisé ; c'est ça qui est mauvais, au moins du point de vue de l'analyste.

    Alors, si tout de même je vais faire grève, ça n'est pas que ce soit pour moi la fête, mais il se trouve que cette grève me vient comme une bague au doigt, je veux dire qu'il se trouve qu'aujourd'hui, à savoir au début de cette année 74-75, je n'avais pas la moindre envie de vous faire un séminaire, comme l'atteste ceci que vous n'en avez pas vu d'affiche affichant le titre comme chaque année. Je dois dire que néanmoins votre affluence aujourd'hui n'est pas sans m'ébranler. Vous savez que chaque année je m'interroge qu'est-ce qui peut bien, cette affluence la motiver. C'est pas plus résolu maintenant, c'est pas plus résolu pour moi, mais tout de même je considère cela comme un appel, un appel lié au fait que ce que j'ai écrit, rien de glus qu'écrit, je veux dire ce qui s'écrit au tableau avec des petits signes , le a, le Sl, le S2, le S du sujet ,  c' est que le discours analytique est quelque chose qui vous remue, je parle qui vous remue vous . C `'est  pas un " vous ", un " vous remue " au sens neutre. C'est vrai que de l'avoir écrit, tentative approchée, on peut peut-être faire mieux. J'espère qu'on fera mieux.

(p3->) Mais enfin cette année, il faut bien que, je vous dise que j'ai d'autres soucis. Ça ne m'en donnera que plus de mérite si - à vos yeux, j'espère - si, ce séminaire, ici je le poursuis. J'ai d'autres soucis et je m'interroge s'il ne faudrait pas que je les fasse passer avant; je veux dire que parmi vous - j'en vois ici de nombreuses figures - il y a des gens qui sont de mon École. Et peut-être après tout ma lassitude provient-elle de ceci qui me mord, c'est à savoir que ce séminaire m'empêche, de cette École, de m'occuper de plus près.

    J'ai pris cette année un bord, pour stimuler cette École, dont peut être certains d'entre vous ont eu écho. Je ne vais pas mettre ce souci que je me donne sur la place publique ; non pas, bien sûr, que ce soit là quelque chose de privé, bien au contraire, puisque ce dont il s'agit c'est qu'il y ait ailleurs, ailleurs qu'ici, quelque chose qui donne place à d'autres enseignements que le mien. Il est étrange, étrange au sens proprement freudien : " unheimlich ", il est étrange que ce soit de certains qui ne se trouvent pas à proprement parler encore s'autorisant de l'analyse, mais qui en sont sur le chemin, que vienne cette résistance à ce pourquoi je les stimule ; je les stimule en somme de rendre effective, effective quoi ? Dans un témoignage qu'ils apporteraient du point où ils en sont, de rendre effective cette passe dont peut-être certains d'entre vous savent que c'est ce que j'essaye d'introduire dans mon École, cette passe par quoi en somme ce dont il s'agit c'est que chacun apporte sa pierre au discours analytique en témoignant de comment on y entre .

    Il est étrange que parmi eux il y en aient qui soient des analystes formés et qui quand littéralement - c'est ce que j'ai fait dans cet endroit où je voudrais que certains enseignements prennent place - quand littéralement je mendie leur aide - c'est ce que j'ai fait - s'y refusent de la façon que je dois dire la plus catégorique, allant jusqu'a m'opposer l'injure, l'injure qui traîne dans les journaux  par exemple - ça c'est pas des choses qui me font de l'effet - mais qui quand, même sur cette injure qui n'est déjà pas mal à traîner dans le journal, dans le journal " Le Monde " notamment, comme par hasard, qui gonflent cette injure, qui en rajoutent. Ouais.

 

    (p4->) Si je parle cette année, je prendrai les choses par le bout de l'identité de soi à soi. La question. est de savoir si ça s'applique à l'analyste. L'analyste peut-il être considéré comme un élément ? Est-ce, qu'il fait, autrement  dit, ensemble ? Faire ensemble, c'est quelque chose que j'essaierai de vous expliquer, ça n'est pas faire syndicat, Ce sont deux termes différents. Faire ensemble, ça peut vouloir dire, ça veut dire : pouvoir faire série. Et ce sur quoi je m'interroge, c'est : où cette série s'arrête ? Entre d'autres termes, un analyste peut-il à l'exemple de ce à quoi je viens de faire allusion concernant l'injure, se comporter comme un imbécile ? C'est très important comme question. Comment se juge ce que je qualifie de l'imbécillité ? Ça a sûrement un sens, même dans le discours analytique. Ailleurs aussi, bien sûr. Dans chaque discours personne ne s'y trompe : on est imbécile ou pas, je dis par rapport à ce discours nommément au discours du maître, au discours universitaire et au discours scientifique, ça ne fait pas de doute. Comment définir l'imbécillité dans le discours analytique ? Voilà une question, une question que j'ai introduite, ma foi, je dirais dès ma première année de séminaire en énonçant que l'analyse est certes un remède contre l'ignorance, qu'elle est sans effet contre la connerie. Faites attention, minute ! J'ai déjà dit que la connerie n'est pas l'imbécillité. Comment situer l'imbécillité, la spécifier dans la connerie ?

    L'ennuyeux et le difficile dans la question que j'évoque, c'est ceci dont peut être de moi vous gardez vent, je n'ai pas à insister lourdement, mais quand même il faut dire qu'il y a des sujets à quoi l'analyse, je dis l'expérience analytique, quand ils s'y offrent ne réussit pas. Et je précise que ça les rend imbéciles. Il faut bien qu'il y ait quelque chose au départ qui pèche. Ca veut peut-être dire qu'ils seraient plus utiles, j'entends utilisables ailleurs. Je veux dire que pour ailleurs ils ont des dons évidents. Ça nous ramène à à l'éthique de chaque discours et ce n'est pas pour rien que j'ai avancé le terme " Éthique de la Psychanalyse " : l'éthique n'y est pas la même et c'est peut-être à ceux dont l'éthique aurait fait florès ailleurs que l'analyse ne réussit pas. Simple hypothèse, mais que peut-être - ça ne peut pas être sans détours - peut-être si je me décide, nous mettrons ici - enfin nous mettrons : c'est une façon de parler - je mettrai ici (p5->) à l'épreuve, partant de ceci que j'indique qu'il n'y a d'autre éthique que de jouer le jeu selon la structure d'un discours et que nous retrouvons là mon titre de l'année dernière : ce sont les non-dupes, ceux qui ne jouent pas le jeu d'un discours, qui se trouvent en passe d'errer. C'est pas forcément plus mal pour ça. Seulement c'est à leurs risques. Ceux qui errent, dans chaque discours, n'y sont pas forcément inutiles, bien loin de là ! Seulement il serait préférable que pour fonder un nouveau, de ces discours, on en soit un peu plus dupe.

    Voilà. Alors, comme tout de même ça serait bien vain de vous dire que je me suspend moi-même, que je m'interroge sur ce que je ferai cette année, ça serait bien vain de le faire, mais de le faire pendant deux heures comme vous vous y attendez, eh ben, je ne vais pas le faire. Je vais m'arrêter là, en vous priant seulement de vous fier pour savoir si vous reviendrez ici le 10 décembre, deuxième mardi, de vous fier aux petites affiches sur lesquelles s'inscrira le titre que j'aurai choisi si, ce séminaire, cette année, je le fais. Il est tout à fait superflu - et je dirai même contre-indiqué que vous bombardiez Gloria de coups de téléphone. La pauvre n'en peut plus ! De deux choses l'une : ou cette affiche sera portée là, disons, pour laisser le temps de la faire et puis  il faut aussi que je cogite, l'affiche sera là dans le couloir deux jours avant, ou bien elle n'y sera pas. Si elle n'y est pas, eh bien, vous vous direz que je prends une année sabbatique. Si elle y est, je compte vous avoir aussi nombreux qu' aujourd'hui .

 

note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un émail. Haut de Page 
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relu ce 12 août 2005