XXI-Les non-dupes errent 1973-1974
version rue CB + Quelques références,
11 Juin 1974 note
(p173->) VOILA.
J'ai du faire quelque efforts pour que cette salle ne, n'ait pas été
aujourd'hui occupée par, par des gens en train de passer des examens et je dois
dire qu'on a eu la bonté de, de me la laisser. Il est évident que c'est plus
qu'aimable de la part de l'Université de Paris I d'avoir fait cet effort puisque, les cours étant finis cette année
- ce que, bien sûr, moi j'ignore, cette salle aurait dû être à la disposition d'une autre partie
de l'administration qui, elle, s'occupe de vous canaliser. Voilà.
Alors tout de même,
comme ça ne peut pas se renouveler, passé une certaine limite, ça sera
aujourd'hui la dernière fois de cette année que je vous parle. Ça me force
naturellement un peu à tourner court, mais ce n'est pas pour me retenir
puisqu'en somme il faut bien toujours finir par tourner court. Moi je ne sais pas
d'ailleurs très bien comment je suis niché là-dedans, parce qu'enfin
l'Université, si c'est ce que je vous explique, c'est peut-être elle la
femme . Mais c'est la femme préhistorique, c'est celle dont vous voyez qu'elle
est faite de replis. Évidemment, moi c'est dans un de ces plis qu'elle m'héberge.
Elle ne se rend pas compte - quand on a beaucoup de plis, on ne sent pas
grand-chose - sans ça, qui sait, elle me trouverait peut-être
encombrant. Bon.
Alors,
d'autre part, d'autre part - je vous le donne en mille - vous n'imaginerez
jamais à quoi j'ai perdu mon temps, - perdu, enfin, oui perdu - à quoi j'ai
perdu mon temps en partie depuis que je vous ai vus réunis là ; je vous le
donne en mille : j'ai été à Milan à un congrès de sémiotique . Ca c'est
extraordinaire . C'est extraordinaire et bien sûr, ça ma laissé, ça
m'a laissé un peu pantois. Ça m'a laissé un peu pantois en ce sens que
c'est très difficile dans une perspective justement universitaire d'aborder la
sémiotique. Mais enfin, ce manque même que j'y ai, si je puis dire, réalisé,
m'a rejeté , si je puis dire, sur moi même, je veux dire m'a fait
m'apercevoir que c'est très difficile d'aborder la sémiotique - moi bien sûr,
je n'ai pas mouffeté parce que j'étais invité, comme ici, très gentiment, et
je ne vois pas pourquoi j'aurais, enfin dérangé ce Congrès en disant que -
que le sème, enfin, ça ne peut s'aborder comme ça tout cru à partir d'une
certaine idée du savoir, une certaine idée du savoir qui n'est pas très bien
située, en somme dans l'université. Mais j'y ai réfléchi et y a à ça des
raisons qui sont peut-être dues justement au fait que le savoir de la femme
(p174->)
puisque c'est comme ça que j'ai situé l'Université
- le savoir de la femme, c'est
peut-être pas tout à fait la même chose que le savoir dont nous nous
occupons ici.
Le
savoir dont nous nous occupons ici - je pense vous l'avoir fait
sentir - c'est le savoir en quoi consiste l'inconscient. Et c'est en
somme là-dessus que je voudrais clore cette année.
Je
n'ai jamais, en somme, je ne me suis jamais attaché à autre chose qu'à ce
qu'il en est de ce savoir dit inconscient. Si j'ai par exemple marqué l'accent,
enfin, sur le savoir en tant que le discours de la science peut le situer
dans le Réel - ce qui est singulier et ce dont je crois avoir ici articulé en
quelque sorte l'impasse, l'impasse qui est celui dont on a assailli
Newton pour
autant que, ne faisant nulle hypothèse, nulle hypothèse en tant qu'il
articulait la chose scientifiquement, eh bien, il était bien incapable de dire
où se situait ce savoir grâce à quoi enfin le ciel se meut dans l'ordre qu'on
sait, c'est-à-dire sur le fondement de la gravitation. Si j'ai
accentué, n'est-ce pas, ce caractère dans 1e réel d'un certain
savoir, ça peut sembler être à côté de la question, à côté de la
question en ce sens que le savoir inconscient, lui, c'est
un savoir à qui nous
avons affaire. Et c'est en ce sens qu'on peut le dire dans le Réel.
C'est ce
que j'essaie de vous supporter cette année de ce support d'une écriture, d'une
écriture qui n'est aisée , puisque c'est celle que vous
m'avez vu manier plus ou moins adroitement au tableau sous la forme
du noeud borroméen. Et c'est en quoi je voudrais conclure cette année ; c'est
à revenir sur ce savoir et à dire comment il se présente. Comme il se présente,
je ne dirais pas tout à fait dans le Réel, mais sur le chemin qui nous mène
au Réel.
De ça,
il faut tout de même que je reparte, de ce qui m'a été également présentifié,
présentifié
dans c't'intervalle , c'est à savoir qu'il y a de drôles de gens enfin, des
gens qui continuent dans une
Néanmoins,
ce qui ressort d'une pratique, d'une pratique
Mais
comme ce corps - et c'est en ça que ça consiste, cette seconde Topique
de Freud - comme ce corps est situé d'une
relation au ça, au ça qui est une idée
extraordinairement confuse ; comme Freud l'articule, c'est
un lieu, un lieu de silence, c'est ce qu'il en dit de principal. Mais à l'articuler
ainsi , il ne fait que signifier que ce qui est supposé être ça, c'est
l'inconscient quand il se tait. Ce silence, c'est un t a i r e . Et
ce n'est pas là rien, c'est certainement un effort, un effort dans le sens, dans
un sens peut-être,
un
peu régressif par rapport à sa première découverte, dans le sens disons de
marquer la place de l'Inconscient. Ce ne dit pas pour autant ce qu'il est, cet
inconscient, en d'autres termes, à quoi il sert. Là , il se tait : il est la
place du silence. II reste hors de doute que c'est compliquer le corps, le corps
en tant que dans ce schème, c'est le moi, le moi qui se trouve , dans cette écriture
en forme d'oeuf, le moi qui se trouve le représenter.
Le
moi est-il
le corps ? Ce qui rend difficile de le réduire au fonctionnement du
corps, c'est justement
ceci que dans ce schème, il est censé ne se développer que sur le fondement
de ce savoir, de ce savoir en tant qu'il se tait, et d'y prendre ce qu'il faut
bien appeler sa nourriture. Je vous le répète : c'est difficile d'être entièrement
satisfait de cette seconde Topique parce que ce qui se passe, à quoi nous avons
affaire dans la pratique analytique, c'est quelque chose qui semble bien se présenter
d'une façon toute différente, c'est à savoir que cet inconscient, par rapport
à ce qui couplerait si bien le moi au monde, le corps à ce qui l'entoure, ce
qui l'ordonnerait sous cette sorte de rapport qu'on s'obstine à vouloir considérer
comme naturel, c'est que par rapport à lui, cet inconscient
se présente commeessentiellement différent de cette harmonie. Disons
le mot : dysharmonique. Je
le lâche tout de suite, et pourquoi pas ? Il faut y mettre l'accent. Le rapport
au monde est certainement, si nous donnons son sens, ce sens effectif qu'il a
dans la pratique, est quelque chose dont on ne peut pas ne pas tout de suite
ressentir que, par rapport à cette vision toute simple en quelque sorte de l'échange
avec l'environnement, cet inconscient est parasitaire. C'est
un parasite dont il semble qu'une certaine espèce, entre autres, s'accommode
fort bien, mais ce n'est que dans la mesure où elle n'en ressent pas les effets
qu'il faut bien dire (p176->)
Je ne veux pas
m'étendre là-dessus, je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais après
tout, c'est bien parce que je n'assimile nullement cette
sorte de signalétique dont se sert la biologie, je
ne l'assimile nullement à ce qu'il en est
du langage, contrairement à la sorte de jubilation qui semble avoir
saisi à ce propos, le linguiste (p177->)
qui se rencontre avec le biologiste, lui serre la main et lui dit nous sommes dans le même bain.
Je crois que des concepts, par exemple, comme celui de stabilité structurelle
peuvent , si je puis dire, donner une autre
forme de présence au corps. Car
enfin, ce qui est essentiel, ce n'est pas seulement comment la vie s'arrange
avec soi-même pour qu'il se produise des choses qui sont capables d'être
vivantes, c'est que tout de même, le corps a une forme, une
organisation, une morphogenèse, et que c'est une autre façon aussi de voir les choses, à
savoir qu'un corps, ça se reproduit.
Alors,
c'est pas pareil , quand même, c'est pas pareil que la façon dont à l'intérieur, ça
communique, si on peut dire. Cette notion de communication
qui est tout ce dont il s'agit dans cette idée des premiers messages grâce à quoi
s'organiserait la substance chimique, c'est autre chose. C'est autre chose et
alors, c'est là
qu'il faut faire le saut et nous apercevoir que des signes sont donnés dans une
expérience privilégiée, qu'il y a un ordre, un ordre à distinguer , non
pas du Réel, mais dans le Réel, et qu'il s'origine, s'originalise d'être
solidaire de quelque chose qui, malgré nous, si je puis dire, est exclu de cet
abord de la vie, mais dont nous ne nous rendons pas compte - c'est ça
sur quoi, cette année, j'ai voulu insister - que la vie l'implique, l'implique
imaginairement si on peut dire. Ce qui nous frappe dans ce fait qui est celui
auquel a adhéré vraiment Aristote, qu'il
n'y a que l'individu qui compte vraiment, c'est que sans le savoir, il y suppose
la jouissance. Et ce qui
constitue l'Un de cet individu, c'est qu'à toutes sortes de signes -
mais pas de signes dans le sens où je l'entendais tout
à l'heure, de signes que
donne cette expérience privilégiée que je situais dans l'analyse, ne
l'oublions pas - il y a des signes dans son déplacement, dans sa motion,
enfin, qu'il jouit. Et c'est bien en ça qu'Aristote n'a aucune
peine à faire
une éthique, c'est qu'il suppose, c'est qu'il suppose
, que
n'avait pas reçu
ce sens que plus tard il a reçu des épicuriens ;
Cette
jouissance est évidemment liée bien plus qu'on ne le croit à la logique
de la vie. Mais ce que nous découvrons, c'est que chez un être privilégié,
aussi privilégié qu'Aristote
l'était par rapport à l'ensemble de l'humain - chez un
être privilégié, cette vie, si je puis dire, se varie, ou même s'avarie,
s'avarie au point de se diversifier, dans quoi ? Eh bien, c'est de ça qu'il
s'agit justement
: il s'agit des sèmes, à savoir de ce quelque chose qui s'incarne dans " lalangue ".
Car il faut bien se résoudre à penser que " lalangue " est
solidaire de la réalité des sentiments qu'elle signifie. S'il y a quelque
chose qui nous le fait vraiment
Alors
je voudrais quand même vous faire sentir ce qu'implique l'expérience analytique
: c'est que, quand il s'agit de cette sémiotique, de ce qui fait sens et
de ce qui comporte sentiment, eh bien , ce que démontre cette expérience,
c'est que c'est de " lalangue ", telle que je l'écris, que procède
ce que je ne vais pas hésiter à appeler l'animation - et pourquoi pas,
vous savez bien que je ne vous barbe pas avec l'âme : l'animation,
c'est dans le sens d'un sérieux trifouillement, d'un chatouillis, d'un
grattage, d'une fureur, pour tout dire - l'animation de la jouissance du
corps. Et cette animation
n'est pas notre expérience, ne provient pas de n'importe où . Si le corps,
dans
sa motricité , est animé, au sens où je viens de vous le dire, à savoir que
c'est l'animation que donne un parasite, l'animation que peut-être moi je
donne à l'Université par exemple, eh bien, ça provient d'une jouissance privilégiée,
distincte de celle du corps. Il est bien certain que pour en parler, enfin, on
est plutôt dans l'embarras parce que l'avancer comme ça, c'est risible, et
c'est pas pour rien que ce soit risible : c'est risible parce que ça fait
rire. Mais c'est très précisément ça que nous situons dans la jouissance
phallique. La jouissance phallique, c'est celle qui est en somme apportée par
les sèmes, puisqu'aujourd'hui à côté de - puisqu'aujourd'hui ,
tracassé comme je l'ai été par ce Congrès de sémiotique, je me permets
d'avancer le mot " sème ". C'est pas que j'y tienne, vous comprenez,
parce que je ne cherche pas à vous compliquer la vie. Je ne cherche pas à vous
compliquer la vie, ni surtout à vous faire sémioticiens. Dieu sait où ça
pourrait vous mener ! Ça vous mènera d'ailleurs dans l'endroit où vous êtes,
c'est-à-dire que ça ne vous sortira pas de l'Université.
Seulement, c'est quand même là ce dont il s'agit : le sème - ce n'est
pas compliqué - c'est ce qui fait sens. Tout ce qui fait sens dans " Ialangue " s'avère
lié à l'ek-sistence de cette langue, à savoir que
c'est en dehors de l'affaire de la vie du corps, et que s'il y a quelque chose,
que j'ai essayé de développer cette année devant vous - que j'espère
avoir rendu présent, mais qui sait ? - c'est que c'est pour autant que
cette jouissance phallique, que cette jouissance sémiotique se surajoute au
corps qu'il y a un problème.
(p179->)
Qu'imaginairement,
à cause de ça, cette jouissance dont vous voyez qu'en vous la présentant comme
phallique, je l'ai qualifiée de façon équivalente comme sémiotique , bien sûr,
c'est évidemment parce qu'il me paraît tout à fait grotesque de l'imaginer
ce phallus , dans l'organe mâle. C'est quand même bien ainsi que dans
le fait que révèle l'expérience analytique, il est imaginé. Et c'est certainement
aussi le signe qu'il y a dans cet organe mâle quelque chose qui constitue
une expérience
de jouissance qui est à part des autres, non seulement qui est à part
des autres, mais qui, les autres jouissances, la jouissance qu'il est, ma foi,
tout
à fait facile d'imaginer, à savoir qu'un corps, mon Dieu, c'est fait pour qu'on
ait le plaisir de lever un bras et puis l'autre, et puis de faire de la
gymnastique, et de sauter, et de courir, et de tirer, et de faire tout ce qu'on
veut. bon. I1 est quand même curieux que ce soit autour de cet organe que
naisse une jouissance privilégiée. Car c'est ce que nous montre l'expérience
analytique, c'est à savoir que c'est autour de cette forme grotesque que se met
à pivoter cette sorte de suppléance que j'ai qualifiée de ce qui, dans
l'énoncé
de Freud, est marqué du privilège, si on peut dire, du sens sexuel sans qu'il
ait vraiment réalisé - quoique tout de même, ça le chatouillait lui aussi et
il l'a entrevu, il l'a presque dit dans Malaise dons la Civilisation - c'est
à savoir que le sens n'est sexuel que parce que le sens
se substitue justement au sexuel qui manque. Tout ce qu'implique son usage, son usage analytique du
comportement humain, c'est ça que ça suppose : non pas que le sens reflète
le sexuel, mais qu'il y supplée.
Le
sens, il faut le
dire, le sens comme ça quand on ne le travaille pas, eh bien, il est
opaque. La
confusion des sentiments, c'est tout ce que " lalangue " est faite
pour sémiotiser.
Et c'est bien pour ça que tous les mots sont faits pour être ployables à tous
les sens. Alors, ce que j'ai proposé, ce que j'ai proposé dès le départ de
cet enseignement, dès le discours de Rome, c'est d'accor-(p180->)
Le signans a
l'intérêt,
a l'intérêt qu'il nous permet dans l'analyse d'opérer , de résoudre, encore
que comme tout le monde nous ne soyons capables que d'avoir une pensée à la
fois, mais de nous mettre dans cet état dit pudiquement d'attention
flottante qui fait que justement quand le partenaire, là, l'analysant, lui,
en émet
une, une pensée, nous pouvons en avoir une tout autre, que c'est un heureux
hasard d'où jaillit un éclair ; et c'est justement là que peut se produire
l'interprétation, c'est-à-dire qu'à cause du fait que nous avons
une attention flottante, nous entendons ce qu'il a dit quelquefois simplement
du fait d'une espèce d'équivoque, c'est-à-dire d'une équivalence
matérielle. Nous nous apercevons de ce qu'il a dit - nous nous en
apercevons parce que nous le subissons - que ce qu'il a dit pouvait être
entendu tout de travers. Et c'est justement en l'entendant tout de travers
que nous lui permettons de s'apercevoir d'où ses pensées, sa sémiotique à lui,
d'où elle émerge : elle émerge de rien d'autre que de l'ek-sistence
de " lalangue ". " Lalangue " ek-siste, ek-siste
ailleurs que dans ce qu'il croit être son monde.
" Lalangue " a le même parasitisme que la jouissance phallique, par rapport à toutes les autres jouissances. Et c'est elle qui détermine comme parasitaire dans le Réel ce qu'il en est du savoir inconscient. Il faut concevoir " lalangue ". Et pourquoi pas, pourquoi pas parler de ce que " lalangue " serait en rapport avec la jouissance phallique comme les branches à l'arbre. C'est pas pour rien - parce que quand même, j'ai ma petite idée . . . - c'est pas pour rien que je vous ai fait remarquer que ce fameux arbre de départ, là, celui où on a cueille la pomme, on pouvait se poser la question s'il jouit lui-même tout comme un autre être vivant. Si je vous ai avancé ça, c'est pas tout à fait sans raisons, bien sûr. Et alors, disons que " lalangue " , n'importe quel élément de " lalangue ". c'est, au regard de la jouissance phallique, un brin de jouissance. Et c'est en ça que ça étend ses racines si loin dans le corps.
(p181->) Bon,
alors ce dont il faut partir - vous voyez, ça traîne, il est tard, bon c'est
cette forte affirmation que l'inconscient n'est pas une connaissance
: c'est un savoir, et un savoir en tant que je le définis de la connexion de
signifiants.
Premier point. Deuxième point : c'est un savoir dysharmonique qui ne
prête
d'aucune façon à un mariage heureux, un mariage qui serait heureux.
C'est impliqué dans la notion même de mariage, c'est ça qui est énorme, qui est
fabuleux
: qui est-ce qui connaît un mariage heureux ? Non, mais enfin . . . Passons.
Néanmoins
le nom est fait pour exprimer le bonheur. Oui, le nom est fait pour exprimer
le bonheur et c'est celui qui m'est venu pour vous dire ce qu'on pourrait imaginer
d'une bonne adaptation, comme on dit, d'un emboîtement , enfin de quelque chose
qui ferait que ce que je vous ai dit de la vie, de la vie du corps chez celui
qui parle, ça pourrait se juger d'un juste, d'un noble échange entre ce corps
et son milieu, comme on dit, son Welt à la noix.
Quand
même, ces
remarques ont leur importance historique, parce que vous verrez, vous qui me
survivrez, vous le verrez tout ce qui a commencé de se balbutier en biologie
donne bien l'impression que la vie n'a rien de naturel. C'est
une chose folle. La preuve, c'est qu'on y a foutu la linguistique ! C'est énorme,
enfin. Elle réservera
des surprises, cette vie, quand on aura cessé de parler comme des sansonnets,
à savoir de s'imaginer que la vie ça s'oppose à la mort. C'est absolument
dingue, cette histoire ! D'abord, qu'est-ce que nous en savons ?
Qu'est-ce qui est mort ? Le monde inanimé, que nous disons. Mais c'est
parce qu'il a une autre conception de l'âme que celle que je vous représentais
maintenant, à savoir que l'âme, c'est ce qui . . . , c'est un crabe.
Alors, je vais vous
dire, même : au point où nous en sommes, c'est paradoxal. C'est paradoxal, je
dis ça parce que j'ai lu un petit papier torchon qui s'est émis là dans le
dernier congrès de la Société de Psychanalyse et qui témoignait de ceci qui
est pour le moins paradoxal : c'est que pour ce que je suis en train de
rejeter, à savoir qu'il y ait connaissance, qu'il y ait la moindre harmonie de
ce qu'on situe de la jouissance, de la jouissance corporelle avec ce qui
entoure. Mais il n'y a qu'un endroit où ça puisse se produire, cette fameuse
connaissance, un endroit, à mon sens et vous ne le devinerez jamais : c'est
dans l'analyse elle-même. Dans l'analyse, on peut dire qu'il peut y
avoir quelque chose qui ressemble à la connaissance. Et j'en trouve le témoignage
dans ceci qu'à propos du papier, du papier torchon dont je vous parle où il
s'agit du rêve, c'est absolument merveilleux l'innocence avec laquelle ça
s'avoue. Il y a une personne, et une personne dont je m'étonne pas du tout que
ce soit cette personne -là, parce que quand même il a reçu une touche
d'un petit coup de fion que je lui ai donné dans le temps, c'est que tout est
centré autour de ceci qu'il voit se reproduire dans un de ses rêves une note,
une note à proprement parler sémantique - à savoir que ça n'est que
vraiment là comme noté, articulé, écrit - il voit se reproduire dans
un de ses rêves une note sémantique du rêve d'un de ses patients
(p182->)
Ça,
c'est autre chose, bien sûr, c'est autre chose que la connaissance. Et
il y faut une discipline évidemment un peu autre qu'une discipline philosophique.
Il y a un machin de Cocteau parce que de temps en temps je ne vois pas
pourquoi je cracherais sur les écrivains, ils sont plutôt moins cons que
les autres - il y a un machin de Cocteau qui s'appelle
Le Potomak où il a créé
quelque chose dont je ne vais pas me mettre à vous dire ce que c'est : les Eugènes.
Mais il y a aussi là-dedans les Mortimer. Les Mortimer n'ont qu'un seul coeur,
et c'est représenté dans un petit dessin où ils ont un rêve en commun.
C'est quelqu'un
dans le genre de mon psychanalyste de tout à l'heure, de celui que je n'ai pas
nommé : entre l'analysant et l'analyste c'est comme chez les Mortimer. C'est
pas fréquent, c'est pas fréquent, même chez les gens qui s'aiment, qu'ils
fassent le même rêve. Ca, c'est même très remarquable. C'est bien ce qui
prouve la solitude de chacun avec ce qui sort de la jouissance phallique. Bien.
Alors
quand même - il ne reste plus qu'un petit quart d'heure - je voudrais quand même
faire quelques remarques sur la portée - parce que ça (p183->)
a semblé frapper
comme ça un copain qui est là au premier rang, je lui ai lâché ça comme ça
au cours d'un dîner et j'ai eu la surprise de voir que ça le comblait de
plaisir, alors je me suis rendu compte à quel point je m'explique mal : parce
que moi je vous avais écrit au tableau
ce qui veut dire :
il
faut qu'il y ait un
qui dise non à la jouissance phallique
grâce à quoi et seulement à quoi
il y en a des tous qui disent oui
Et je vous ai mis en
face ceci : qu'il y a - j'ai dû, j'ai dû prêter à confusion -
qu'il y en a d'autres chez qui il n'y en a pas qui disent non. Seulement, ça
a pour curieuse conséquence que chez ces autres,
Et
c'est là-dessus
que je voudrais terminer. Je voudrais terminer sur ceci qui est extrait de
Peirce : c'est qu'il s'est aperçu quand même que la logique, la
logique aristotélicienne, c'est une logique purement prédicative et classificatoire.
Alors il s'est mis à cogiter autour de l'idée de la relation, à savoir ce qui
est parfaitement, ce qui va de soi, ce qui est du billard, du billard
concernant non pas l'épinglage fonctionnel à un seul argument que je viens de
vous donner pour être celui de l'identification en en remettant la chose dans
la poche de la femme, il s'est mis à cogiter autour de x R .
R, signe d'une
relation idéale vidée, il ne dit pas laquelle - R et y : x R y : une
fonction à deux arguments. Qu'est ce que c'est, à partir de ce que je viens de
vous avancer aujourd'hui, qu'est-ce que c'est que la relation savoir ?
Il y a une chose très très astucieuse qui est notée dans Peirce - vous voyez,
je rends hommage à mes auteurs. Quand j'y fais une trouvaille, je la lui
rends. Je la lui rends comme ça, je pourrais aussi bien ne pas la lui rendre.
Autrefois, j'ai parlé de métaphore et de métonymie, et tous les gens se sont
mis à pousser les hauts cris, sous prétexte que je n'avais pas dit tout de
suite que je devais ça à Jakobson. Comme si tout le mon de ne devait pas le
savoir ! Enfin, c'était Laplanche et Lefebvre-Pontalis qui ont poussé
les hauts cris autour de ça. Enfin, quel souvenir ! C'est le cas de le dire !
Si ce que je vous dis
aujourd'hui, ce que je vous avance, est fondé, le savoir, ça n'a pas de
sujet. Si le savoir c'est foutu dans la connexion de deux signifiants et que ce
n'est que ça, ça n'a de sujet qu'à ne supposer qu'un ne sert que de représentant
du sujet auprès de l'autre. I1 y a quand même quelque chose d'assez curieux là
: c'est que la relation, si vous écrivez x R y dans cet ordre, en résulte-t-il
que x est relaté à y ? Pouvons-nous de la relation supporter ce qui
s'exprime dans la voie active ou passive du verbe ? Mais ça ne va pas de soi.
C'est pas parce que j'ai dit que les sentiments sont toujours réciproques - car c'est ainsi
que je me suis exprimé dans le temps devant des gens qui comme d'habitude n'entendent rien à ce que je dis
- c'est pas parce
qu'on aime qu'on est aimé. Je n'ai jamais osé dire une chose pareille.
L'essence de la relation, si en effet quelqu'effet en revient au point de départ,
ça veut simplement dire que quand on aime on est fait énamoré. Et quand le
premier terme, c'est le savoir ? Là, nous avons une surprise, c'est que le
savoir, c'est parfaitement identique , au niveau du savoir inconscient, au fait
que le sujet est su. Au niveau du sens en tout cas, c'est absolument clair le
savoir, c'est ce qui est su.
Alors essayons
quand même de tirer quelques conséquences de ceci que ce que l'analyse nous
montre, c'est que ce qu'on appelle le transfert, c'est-à-dire ce que
j'ai appelé tout à l'heure l'amour, l'amour courant -l'amour sur lequel on
s'asseoit tranquillement et (p186->)
Mais,
si le
x de la
relation qui pourrait s'écrire comme sexuelle c'est le signifiant en tant
qu'il est branché sur la jouissance phallique nous avons tout de même à en
tirer la conséquence. La conséquence, c'est ça : si l'inconscient est bien ce
dont je vous ai dit aujourd'hui le support, à savoir un savoir, c'est que tout
ce que j'ai voulu vous dire cette année à propos des non-dupes qui
errent, ça veut dire que : qui n'est pas-amoureux de son inconscient
erre. Ça ne dit rien
du tout contre les siècles passés. Ils étaient tout
autant que les autres amoureux de leur inconscient et donc, ils n'ont pas erré.
Simplement, ils ne savaient pas où ils allaient, mais pour être amoureux de
leur inconscient, ils l'étaient ! Ils s'imaginaient que c'était la
connaissance. Car il n'y a pas besoin de se savoir amoureux de son inconscient
pour ne pas errer, il n'y a qu'à se laisser faire, en être la dupe. Pour
la première fois dans l'histoire, il vous est possible, à vous d'errer,
c'est-à-dire de refuser d'aimer votre inconscient, puisqu'enfin
vous savez ce que c'est : un savoir, un savoir emmerdant. Mais c'est
peut-être dans cette erre, e, deux r, e, vous savez, ce truc qui tire,
là,
quand le navire se laisse balancer c'est peut-être là que nous pouvons
parier de retrouver le Réel un peu plus dans la suite, nous apercevoir que
l'inconscient est peut être sans doute dysharmonique, mais que peut-être
il nous mène à un peu plus de ce Réel qu'à ce très peu de réalité qui
est la nôtre, celle du fantasme, qu'il nous mène au-delà : au pur Réel.
note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un émail. Haut
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