J.LACAN                   gaogoa

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XIV- La logique du fantasme. 1966-1967

                        version rue CB

24 Mai 1967                       note  

  (p261->) Je vais essayer de vous faire entrer aujourd'hui dans cette arcane qui pourrait être triviale dans la psychanalyse. Elle n'en est pas moins qu'une arcane, à savoir ceci que vous rencontrez à tous les tournants, que si le sujet analysé, le sujet analysable adopte ce qu'on appelle une position régressive, ou encore préœdipienne, pré-génitale, pré quelque chose, qui serait bien souhaitable, dont on pourrait s'étonner à cette occasion qu'on ne la désigne que post, puisque c'est pour se dérober au jeu, à l'incidence de la castration, que le sujet est censé s'y réfugier. Si j'essaie cette année d'ébaucher une structure qui s'annonce comme logique d'une logique hasardeuse, combien précaire peut-être, ou aussi bien je vous ménage n'y donnant pas trop vite les formes auxquelles j'ai pu me fier dans mes propres gribouillages, mais essayant de vous montrer l'accessible d'une articulation de telle sorte sous cette forme facile qu'enfin j'ai choisi entre d'autres qui consiste simplement à m'emparer de ce qu'il y a de plus incommensurable au Un, nommément, le nombre d'or, et ceci à cette fin seulement de vous rendre tangible combien par un tel chemin où je vous le répète, je ne prétends point ni vous donner les pas définitifs, ni même les avoir fait moi-même, mais combien est préférable un tel chemin qui s'assure de quelque vérité concernant la dépendance du sujet, plutôt que de se livrer à ces exercices pénibles qui sont ceux de la prose analytique commune et qui se distinguent en ces sortes de tortillements, de détours insensés qui semblent toujours nécessaires pour rendre compte de ce jeu des positions libidinales.

    La mise en exercice de tout une population d'entités subjectives que vous connaissez bien et qui traînent partout, le moi, l'idéal du moi, le surmoi, le Savoir sans compter ce qu'on peut y ajouter de nouveau, de raffiné en distinguant le Moi Idéal de l'Idéal du Moi, est ce que tout cela ne porte pas en soi-même, voire, comme il se fait dans la littérature anglo-saxonne depuis quelque temps, y adjoindre le self qui, pour manifestement y être adjoint pour porter remède à cette multitude ridicule, n'y échoue pas moins pour ne représenter que la façon dont il est manié, qu'une entité supplémentaire.

    Entité, être de raison, toujours inadéquat à partir du moment où nous faisons entrer en jeu, d'une façon correcte, la fonction du sujet comme rien d'autre que ce qui est représenté par un signifiant auprès d'un autre signifiant.

    (p262->) Un sujet n'est en aucun cas une entité autonome, seul le nom propre peut en donner l'illusion. Je, c'est trop dire qu'il soit suspect, depuis que je vous en parle, il ne doit même plus l'être, il n'est très précisément que ce sujet, que comme signifiant je représente pour le signifiant marche, par exemple, ou pour le couple de signifiants : la boucle, je la boucle.

    Vous sentez que si j'ai pris cette formule, c'est pour éviter la forme pronominale, je me tais, qui assurément commencerait à nous mener bien loin si nous posions la question de ce que veut dire le me dans une telle forme, comme dans bien d'autres.

    Vous verrez combien son accession prétendue réfléchie s'étale en un éventail qui ne permet à aucun degré de lui donner quelque consistance. Mais je ne m'étendrai pas bien sûr dans ce sens qui n'est ici qu'un rappel.

        Il est donc une fonction, une fonction subjective qui s'appelle la castration et dont on doit rappeler qu'il ne peut qu'être frappant qu'on nous la donne, et ceci n'a jamais avant la psychanalyse, été dit, qu'on nous la donne pour essentielle à l'accès de ce qu'on appelle le génital. Si cette expression était appropriée, au dernier carat, je  veux dire qu'elle ne l'est pas, on pourrait s'émerveiller de quelque chose qui alors s'exprimerait ainsi : que, disons comment ça se présenterait si on l'aborde du dehors, et après tout nous en sommes toujours là, que le passage au fantasme, de l'organe est dans une certaine fonction, assurément privilégiée dès lors, la génitale plus précisément, nécessaire pour que la fonction s'accomplisse. Je ne vois aucune façon ici de sortir de l'impasse, sinon à dire aux psychanalystes, l'importance notable dans la topographie politique à employer ce moyen, je veux dire qu'au tournant d'une phrase, sans même bien s'apercevoir de la portée de ce qu'ils disent, ils nous affirment après tout que la castration, c'est un rêve, ceci employé au sens où c'est des histoires de malades. Or, il n'en est rien, la castration. est une structure subjective, tout à fait essentielle, précisément à ce que quelque chose du sujet, si mince que ce soit entre dans cette affaire que la psychanalyse étiquette : le génital.

            Je dois dire qu'à cette impasse je pense avoir apporté une petite entrebaillure, avoir, comme on dit, changé quelque chose à cela pour autant qu'il n'y a pas très longtemps, il y a 4 - 5 rencontres, que j'ai introduit la remarque qu'il ne saurait s'agir que de l'introduction du Sujet dans cette fonction du génital si tant est que nous sachions ce que nous voulons dire quand nous l'appelons ainsi, c'est-à-dire du passage de la fonction à l'acte, de la mise en question de savoir si cet acte peut mériter le titre d'acte sexuel, il n'y a pas, il y a, qui le sait, il y a peut-être, nous saurons peut-être un jour s'il y a un acte sexuel. Aussi ai-je commenté le sexe, le mien, le tien, le vôtre, repose sur la fonction d'un signifiant, capable d'opérer dans cet acte. Quoiqu'il en soit, on ne saurait d'aucune façon s'évader de ceci qui est affirmé non seulement par la doctrine, mais que nous rencontrons à tous les tournants de notre expérience, que n'est capable d'opérer dans le sens de l'acte sexuel, je parle de quelque chose qui y ressemble, et ne soit pas ce à quoi je vais essayer de me (p263->) référer aujourd'hui d'introduire à proprement parler le registre, à savoir : la perversion, mais capable d'opérer d'une façon  qui ne soit pas fautive que le sujet disons, castré, est, répétons-nous à la façon des dictionnaires, en règle avec ce complexe qu'on appelle le complexe de castration, qui ne veut pas dire, bien entendu, qu'on est complexé, mais bien au contraire comme toute littérature digne de ce nom, psychanalytique, je veux dire qui ne soit pas le bavardage de gens qui ne savent pas ce qu'ils disent, ce qui arrive, même aux plus hautes autorités, ce qui veut dire, bel et bien dans toute littérature analytique saine, qu'on est normé au regard de 1'acte sexuel. Ca ne veut pas dire qu'on y parvient, ça veut dire, à tout le moins, qu'on est dans la bonne voie.

     Normé a un sens très précis, au franchissement de la géométrie affine vers la géométrie métrique. Bref, on en entre dans un certain ordre de mesure qui est celle que j'essaie d'évoquer avec mon nombre d'or qui ici, je le répète, n'est bien que métaphorique. Réduisez-le au terme de l'incommensurable, le plus espacé qui soit au regard de l'Un. Donc, le complexe de castration, je le dis, j'espère n'avoir à le dire ici que pour les oreilles novices, ne saurait aucunement se contenter du support de la petite histoire du genre : papa a dit, on va te la couper si tu prétends succéder à ton père.

    D'abord, parce que la plupart du temps, comme bien sûr tout le monde depuis longtemps a pu s'en apercevoir, pour ce qui est de cette petite histoire, de ce menu propos, c'est maman qui l'a dit au moment précis où Jean succèdait en effet à son père, mais dans cette mesure modique qu'il se tripotait tranquillement dans un petit coin, tranquille comme Baptiste, qu'il se tripotait son petit machin, comme déjà avait fait papa à son âge. Ceci n'a rien à faire avec le complexe de castration, c'est une petite historiole qui n'est pas rendue plus vraisemblable par le fait que la culpabilité sur la masturbation se rencontre à tous , les tournants de la genèse des troubles auxquels nous avons à faire. II ne suffit pas de dire que la masturbation n'a rien de physiologiquement nocif et que c'est par sa place dans une certaine économie subjective qu'elle prend son importance, nous dirons même comme je l'ai rappelé une de ces dernières fois, qu'elle peut prendre une valeur hédonique tout à fait claire, puisqu'elle peut, être poussée jusqu'à l'ascétisme et que telle philosophie peut en faire, à condition bien sûr, d'avoir avec sa pratique une conduite totale cohérente, peut en faire un fondement de son bien être. J'ai rappelé Diogène à qui non seulement elle était familière mais qui le promouvait en exemple de la façon dont il convenait de traiter ce qui reste dans cette perspective le menu surplus d'un chatouillement organique : titillation.

        Il faut bien dire que cette perspective est plus ou moins immanente à toute position philosophique et même empiète sur un certain nombre de positions qu'on peut qualifier de religieuses si nous considérons la retraite de l'ermite comme quelque chose, qui, de soi-même, la comporte. Ça ne commence à prendre son intérêt, donc à l'occasion sa valeur coupable, que là où l'on s'efforce à atteindre à l'acte sexuel. Alors apparaît ceci : que la jouissance recherchée en elle (p264->) même d'une partie du corps et qui joue un rôle je dis : qui joue un rôle, parce qu'il ne faut jamais dire qu'un organe est fait pour une fonction, on a des organes, je vous dis ça si vous généralisez un peu, si vous vous faites de temps en temps moules ou autres bestiaux, si vous essayez de réfléchir, ce que ça serait si vous étiez dans ce qu'on appelle à peine un repos, alors vous comprendriez assez vite que ce n'est pas la fonction qui fait l'organe, mais l'organe qui fait la fonction, position qui va trop contre l'obscurantisme dans lequel nous  baignons pour que j'y insiste, si vous ne voulez pas me croire, venez dans le courant principal. Il est donc hors de jeu d'alléguer selon la tradition moralisante, que la masturbation est coupable et même un péché grave, parce que non seulement ça détourne un moyen de sa fin, la fin étant la production de petits chrétiens, voire, j'y reviens, quoique ça ait scandalisé la dernière fois que je l'ai dit, par de petits prolétaires . Que ce soit porter un moyen au rang de fin, ça n'a absolument rien à faire avec la question telle qu'il faut la poser puisque c'est celle de la norme d'un acte pris au sens plein que j'ai rappelé de ce mot acte, et que ça n'a rien à faire avec les rejets reproductifs que ça peut prendre dans la fin de la perpétuation de l'animal. Au contraire, nous devons le situer par rapport à ceci qui est le passage du sujet à la fonction de signifiant dans ce lieu précis et tout à fait en dehors du champ ordinaire où nous sommes à l'aise avec le mot acte qui s'appelle ce point problématique qu'est l'acte sexuel ; que le passage de la jouissance là où elle peut être saisie, soit par une telle interdiction pour nous en tenir à un mot utilisé, à une certaine négativation pour être plus prudent et mettre en suspens ceci que peut-être on pourrait arriver à la formuler d'une façon plus précise, que ce passage en tous cas, ait le rapport le plus manifeste avec l'introduction de cette jouissance à une fonction de valeur, voilà en tous cas ce qui peut se dire sans imprudence, que l'expérience où l'on peut dire qu'une certaine empathie de l'auditeur ne soit pas étrangère, nous annonce la corrélation de ce passage d'une jouissance à la fonction d'une valeur, c'est-à-dire sa profonde adultération.

    La corrélation de ceci ( - je n'ai aucune raison à me refuser à ce que s'y donne la littérature, comme je viens de vous le dire, il n'y là d'accès que, empathique ça devra être purifié secondairement - on ne se refuse pas cet accès-là non plus, quand nous sommes en terrain plus difficile) donc ait le plus étroit rapport cette castration avec l'opération de ce qu'on appelle l'objet dans la structure de l'orgasme en tant - je vous le répète nous sommes toujours dans l'empathie - il est repéré comme distinct d'une jouissance auto-érotique, c'est une concession masturbatoire et puis c'est tout, étant donné ce dont il s'agit, c'est-à-dire d'un organe et bien précis. Parce que d'auto-érotisme, Dieu sait ce qu'on en a fait et ce qu'on va en faire ! Comme vous savez que c'est justement là ce qui est en question, à savoir que cet auto-érotisme qui pourrait avoir un sens bien précis, celui de jouissance locale, maniable comme tout ce qui est local, on va en faire bientôt le bain océanique dans lequel nous avons à le repérer.

        Comme je vous l'ai dit, quiconque fonde quoi que ce soit sur l'idée d'un narcissisme primaire et part de là pour engendrer ce qui serait l'investissement (p265->) de l'objet est bien libre de continuer puisque c'est avec ça que fonctionne à travers le monde la psychanalyse comme coupable industrie. Vous pouvez aussi bien être sûr que tout ce que j'articule ici est  fait pour le répudier absolument.

    J'ai admis j'ai parlé d'un objet présent dans l'orgasme. II n'y a rien de plus facile de là que de filer bien sûr, et on y manque pas, vers la mômerie de la dimension de la personne. Quand nous copulons, nous autres qui  sommes parvenus à la maturité génitale, nous avons référence à la  personne ainsi s'exprimait-on il y a quelque 25 ou 30 ans. spécialement dans le cercle des psychanalystes français qui ont après tout bien leur intérêt dans l'histoire de la psychanalyse.

    Rien n'est moins sûr que poser la question de l'objet intéressé dans l'acte sexuel, c'est introduire la question de savoir si cet objet est l'homme ou bien un homme, la femme on bien une femme. Bref, c'est l'intérêt de l'introduction du mot acte d'ouvrir la question qui vaut bien après tout d'être ouverte, ce n'est pas moi qui la fait circuler parmi vous, de savoir si dans l'acte sexuel, pour autant que pour aucun d'entre vous ce soit jamais arrivé un acte sexuel, si ça a rapport à l'avènement d'un signifiant représentant le sujet comme sexe auprès d'un autre signifiant, ou si ça a la valeur de ce que j'ai appelé dans un autre registre, la rencontre, à savoir la rencontre unique, celle qui une fois arrivée est définitive.

   Naturellement, tout ça, on en parle, c'est ce qui a de grave, on en parle légèrement en tous cas marquez qu'il y a là deux registres distincts à savoir si dans l'acte sexuel l'homme arrive à l'homme dans son statut d'homme et la femme de même est une tout autre question que de savoir si on a oui ou non à rencontrer son partenaire définitif, puisque c'est de cela qu'il s'agit quand on évoque la rencontre. Curieux, que plus les poètes l'évoquent, moins ce soit efficace dans la conscience de chacun comme question. Que ce soit la personne en tous cas, peut faire doucement sourire, quiconque a un petit aperçu de la jouissance féminine, voilà assurément un premier point très intéressant à mettre tout à fait en avant comme introduction à toute question qui peut se poser sur ce qu'il en est de ce qu'on appelle la sexualité féminine, alors que ce dont il s'agit est précisément sa jouissance. Il y a une chose certaine et qui vaut la peine d'être remarquée, c'est que la psychanalyse semble dans une question telle que celle que je viens de produire rendra incapable tous les sujets installés dans son expérience, nommément les psychanalystes, de l'affronter le moindrement. Les mâles, la preuve est faite surabondamment, cette question de la sexualité féminine n'a jamais fait un pas qui soit sérieux venant d'un sujet apparemment défini comme mâle par sa constitution anatomique.

    Mais la chose la plus curieuse c'est que les psychanalystes femmes, alors elles, manifestement en approchant ce thème, montrent tous les signes d'une défaillance qui suggère qu'elles sont par ce qu'elles pourraient avoir là-dessus à formuler, terrifiées. De sorte que la question de la jouissance féminine ne semble pas ici un jour prochain être mise vraiment à l'étude puisque c'est là, mon Dieu, le seul lieu où on pourrait en dire quelque chose de sérieux. A tout le moins, de (p266->l'évoquer ainsi, de suggérer à chacun et spécialement à ce qu'il peut  y avoir de féminin dans ce qui est ici rassemblé comme auditeurs, le fait qu'on puisse s'exprimer ainsi concernant la jouissance féminine, il nous suffit de la placer pour inaugurer une dimension qui, même si nous n'y entrons pas, faute de le pouvoir, est essentielle à situer, tout ce que nous avons à dire par ailleurs.

    L'objet donc, n'est pas du tout donné en lui même par la réalité du partenaire. J'entends l'objet intéressé dans la dimension normée, dite génitale de l'acte sexuel. Il est beaucoup plus proche en tous cas, c'est le premier accès qui nous est donné de la fonction de la détumescence.

    Dire qu'il y a complexe de castration c'est précisément dire que la détumescence, d'aucune façon ne suffit à le constituer. Que c'est ce que nous avons avec quelque lourdeur pris soin d'affirmer d'abord, maintenant bien sûr, ce fait d'expérience, que ce n'est pas la même chose de copuler et de se branler. Il n'en reste pas moins que cette dimension qui fait que la question de la valeur de jouissance s'accroche, prend son point d'appui, son point pivot, là où détumescence est possible, ne doit pas être négligée parce que la fonction de la détumescence quoique ce soit que nous ayions à en penser sur le plan physiologique, royalement délaissé, bien entendu, par les psychanalystes, qui là-dessus n'ont pas apporté la moindre lumière clinique nouvelle qui ne soit pas déjà dans tous les manuels concernant la "psysiologie" du sexe, je veux dire qui n'était pas trainant partout avant que la psychanalyse vienne au monde.

    La détumescence n'est là que pour rappeler la limite du principe dit du plaisir. La détumescence dans l'acte génital, pour être la caractéristique de l'organe pénien nommément, dans la mesure où ce qu'elle supporte de jouissance est mis en suspens est là pour introduire légitimement ou pas, quand je dis légitimement, je veux dire comme quelque chose de réel, ou comme une dimension supposée pour introduire ceci : qu'il y a jouissance au-delà. Que le principe du plaisir ici, fonctionne comme limite au bord d'une dimension de la jouissance en tant qu'elle est suggérée par la conjonction dite : acte sexuel. Tout ce que nous montre l'expérience, ce qu'on appelle éjaculation précoce et qu'on ferait mieux d'appeler dans notre registre détumescence précoce, donne lieu à l'idée que la fonction, celle de la détumescence, peut représenter en elle-même le négatif d'une certaine jouissance, d'une jouissance qui est précisément ceci et la clinique ne nous le montre que trop, d'une jouissance qui est devant, quoi le sujet se refuse, voire, le sujet se dérobe pour autant que cette jouissance comme telle est trop cohérente avec cette dimension de la castration perçue dans l'acte sexuel comme menace, toutes ces précipitations du sujet au regard de cet au-delà nous permet de concevoir que ce n'est pas sans fondement que dans ces achoppements, ces lapsus de l'acte sexuel, se démontrent, précisément ce qu'il s'agit dans le complexe de castration à savoir : que la détumescence est annulée comme bien en elle-même, qu'elle est réduite à -la fonction de protection contre un mal redouté que vous l'appeliez jouissance ou castration comme un moindre mal elle-même, et à partir de là que plus (p267->) petit est le mal, plus il se réduit, plus la dérobade est parfaite, tel est le ressort que nous touchons du doigt cliniquement dans les cures de tous les jours de tout ce qui peut se passer sous les divers modes de l'impuissance plus spécialement en tant qu'ils sont centrés autour de l'éjaculation précoce.

    Donc il n'y a de jouissance, de toutes façons, repérable que du corps propre et ce qui est au-delà des limites que lui impose le principe du plaisir, ce n'est pas hasard mais nécessité qui de ne le faire apparaître que dans cette conjoncture de l'acte sexuel l'associe tel quel à l'évocation du corrélat sexuel sans que nous puissions en dire plus. Autrement dit, pour tous ceux qui ont déjà l'oreille ouverte aux termes usuels dans la psychanalyse c'est sur ce plan et ce plan seul que Thanatos peut se trouver de quelque façon mis en connexion à Éros, c'est dans la mesure où la jouissance du corps propre au-delà du principe du plaisir s'évoque et ne s'évoque pas ailleurs, que dans l'acte qui met un trou un vide d'une béance en son centre autour de ce qui est localisé à la détumescence hédoniste, c'est à partir de ce moment-là que se pose la possibilité de la conjonction d'Éros et de Thanatos. C'est à partir de là que le fait est concevable et n'est pas une grossière élucubration mythique que dans l'économie de l'instinct la psychanalyse est introduite, ce n'est pas par hasard qu'elle désigne sous ces deux noms propres   (....?)

    Vous voyez c'est encore tourner autour, il faudrait croire que si on y est encore autour c'est parce qu'il n'est pas facile d'y entrer. Nous pouvons tout au moins retenir, recueillir cette vérité que la rencontre sexuelle des corps ne passe pas en son essence par le principe du plaisir. Néanmoins que pour s'orienter - dans la jouissance qu'elle  comporte supposer, s'y orienter ne veut pas dire y entrer, pour s'y orienter elle n'a d'autre repère que cette sorte de négativation portée sur la jouissance que l'organe de la copulation en tant que c'est celui qui définit le présumé mâle, à savoir le pénis et que c'est de là que surgit l'idée d'une jouissance de l'objet féminin. J'ai dit que surgit l'idée et pas la jouissance bien entendu. C'est une idée. C'est subjectif. Seulement ce qui est curieux et que la psychanalyse affirme, faute de l'exprimer d'une façon logiquement correcte, personne ne s'aperçoit de ce que ça veut dire, de ce que ça comporte, c'est que la jouissance féminine elle-même ne peut passer que par le même repère, et que c'est ça qu'on appelle chez la femme le complexe de castration.

    C'est bien pour ça que le sujet femme n'est pas facile à articuler, et qu'à un certain niveau je vous propose l'hommelle, ça ne veut pas dire que toute femme se limite là, justement, il y a de la femme quelque part, mais elle n'est pas facile à trouver.

    Je veux dire, à mettre à sa place, puisque pour y organiser une place il faut cette référence dont les accidents organiques font qu'elle se trouve chez ce qu'on appelle anatomiquement le mâle. C'est à partir de ce suspens porté sur l'organe qu'une orientation pour les deux : l'homme et la femme, se rencontre. Que la fonction autrement dit prend sa valeur d'être par rapport à ce trou, cette béance du complexe de castration dans une position renversée.

    (p268->) Un renversement c'est un sens, avant le renversement il se peut qu' il n'y ait nul sens subjectivable. Après tout, c'est peut-être à ça qu'il faut rapporter le fait frappant que je vous ai dit tout à l'heure, c'est qu'à savoir que les psychanalystes femmes ne nous ont  rien appris de plus que ce que les psychanalystes hommes, avaient été capables sur leur jouissance d'élucubrer, c'est à dire peu de chose.

    A partir d'un renversement il y a une orientation, si peu que ce soit, si c'est tout ce qui peut orienter la jouissance de la femme dans l'acte sexuel, on comprend que jusqu'à nouvel ordre, il faille nous en contenter.

    En somme ceci nous laisse en un point qui a sa caractéristique, nous dirons que pour ce qui est de l'acte sexuel, ce qui peut actuellement s'en formuler c'est la dimension de ce qu'on appelle dans d'autres registres ce qui peut actuellement s'en formuler, ce qu'on appelle la bonne intention, une intention droite concernant l'acte sexuel, voilà au moins dans ce qui peut au point où nous en sommes se formuler, voilà ce que raisonnablement aux dires des psychanalystes, nous pouvons, nous devons nous contenter.

    Tout ceci est fort bien exprimé dans le mythe fondamental quand le père originel est dit jouir de toutes les femmes, est-ce que ça veut dire que les femmes jouissent si peu que ce soit ? Le sujet est laissé intact et ce n'est pas seulement dans une intention humoristique que je l'évoque en ce point, c'est que vous allez  le voir, c'est là une question clé. C'est-à-dire que tout ce que je vais avoir à articuler concernant ce que je  vais reprendre, à savoir ce que j'ai laissé ouvert la dernière fois, que s'il nous fallait laisser désert et en friche le champ central , celui  de l'Un, de l'union sexuelle pour autant que s'avère légèrement dérapante l'idée d'un procès quel qu'il soit de partition permettant de fonder ce qu'on appel  les rôles et que nous appelons nous les signifiants de l'homme et de la femme, que si ce au seuil de quoi je vous ai laissé la dernière fois à savoir une tout autre conjonction, celle de l'Autre, sur le registre, sur les tablettes, duquel s'inscrit toute cette aventure et je vous ai dit que ce registre et ces tablettes n'étaient autres que le corps même que ce rapport de l'Autre avec le partenaire qui lui reste, à savoir ce dont nous sommes partis et ce n'est pas pour rien que je l'ai appelé «a», c'est à savoir votre substance, votre substance de sujet pour autant que comme sujet vous n'en avez aucune, sinon cet objet chût de l'inscription signifiante, sinon que ce qui fait que ce «a » est cette sorte de fragment de l'appartenance du A en ballade, c'est-à-dire vous-même qui êtes ici en tant que présence subjective, mais qui dès que j'aurai fini montrerez bien votre nature d'objet «a » à l'aspect de grand balayage que prendra aussitôt cette salle.

    Je laisserai en suspens la question de ce qu'il en est de l'objet phallique, parce qu'il faut et ce n'est pas tine nécessité qui ne s'impose qu'à moi, que je le dépouille, de la façon dont il est supporté comme objet.

    Tout ceci pour m'apercevoir que lui-même, il n'est pas supporté, (p269->) c'est ce que veut dire le complexe de castration . Il n'y a pas d'objet phallique, c'est ce qui nous laisse notre seule chance justement qu'il y ait un acte sexuel, ce n'est pas la castration, c'est l'objet phallique qui est l'effet du rêve autour de quoi échoue l'acte sexuel. Il n'y a pas pour faire sentir ce que je suis en train d'articuler de plus belle illustration que celle qui nous est donnée par le Livre Sacré par le livre unique, par la Bible elle-même. Si vous vous êtes rendus sourds à sa lecture allez dans le Nartez de l'Église Saint Marc à Venise, autrement dit la chapelle dogale, nulle part en image ne peut être exprimé avec plus de relief ce qu'il y a dans le texte de la genèse et parmi d'autres, vous y verrez sublimement magnifié ce que j'appellerai cette idée infernale de Dieu quand de l'Adam, de celui qui, puisqu'il était Un il fallait bien qu'il soit les deux, il était l'homme sous ces deux faces : mâle et femelle. Il est bon se dit Dieu, qu'il ait une compagne, ce qui encore ne serait rien si nous ne voyons pas que pour procéder à cette adjonction d'autant plus étrange qu'il semble que jusque là l'Adam en question figure faite de terre rouge, s'en était fort bien passé, Dieu profite de son sommeil pour lui extraire une côte où il façonne, nous dit-on, l'Ève première. Est-ce qu'il peut y avoir illustration plus saisissante de ce qu'introduit dans la dialectique de l'acte sexuel ce fait que l'homme au moment précis où vient supplémentaire se marquer sur lui l'intervention divine, se trouve dès lors à avoir à faire comme objet à un morceau de son propre corps.

    Tout ce que je viens de dire, la loi Mosaïque elle-même et aussi bien peut-être l'accent qui ajoute le soulignage que ce morceau n'est pas le pénis, puisque sans la circoncision il est en quelque sorte incisé pour être marqué de ce signe négatif. Est-ce que ce signe n'est pas pour faire surgir devant nous, ce qu'il y a, dirai-je, de porte perverse dans l'instauration au seuil de ce qu'il en est de l'acte sexuel, de ce commandement, ils ne seront qu'une seule chair. Ce qui veut dire, que dans un champ interposé entre nous et ce qu'il en serait en ce qu'il en pourrait être de quelque chose qui aurait non l'acte sexuel en tant que l'homme et la femme s'y vont valoir l'un pour l'autre. Auparavant, il est à savoir si cette épaisseur est traversable, s'il y aura un rapport autonome du corps à quelque chose qui en est séparé après en avoir fait partie. Telle est l'énigmatique, le seuil aigu où nous voyons la loi de l'acte sexuel dans sa donnée cruciale. Que l'homme châtré puisse être conçu comme ne devant étreindre jamais que ce complément auquel il peut se tromper et Dieu sait s'il n'y manque pas de le prendre pour complément phallique, je pose aujourd'hui, en terminant mon discours, cette question que nous ne savons pas, ce complément, encore comment le désigner, appelons-le, logique. La fiction que cet objet soit autre, assurément, nécessite le complexe de castration.

    Nul étonnement qu'on nous dise dans les à-côtés mythiques de la Bible, ces à-côtés dans lesquels on trouve les petites additions marginales des rabbins, qu'on nous dise que quelque chose qui est peut-être bien justement la femme primordiale, celle qui était là avant Ève et qu'ils appellent, Illite (Lilith !?  note du claviste ). Que ce soit elle qui, sous la forme du serpent et par la main d'Ève fasse se présenter à la dent, quoi ? la pomme. Objet oral et qui peut-être n'est pas là pour autre chose que pour (p270->) le réveiller sur le vrai sens de ce qui lui est arrivé pendant qu'il dormait, c'est bien ainsi en effet que les choses dans la Bible sont prises, puisqu'on nous dit qu'à partir de là il entre pour la première fois dans la dimension du savoir c'est justement parce que cette dimension du savoir, l'effet de la psychanalyse est celui-ci, que nous y ayions repéré au moins sous deux de ses formes majeures et l'on peut dire aussi sous les deux autres, encore que le lien n'en soit pas encore fait, quelle est la nature et la fonction de cet objet tout concentré dans cette pomme, c'est seulement par ce chemin qu'il se peut que nous arrivions à préciser mieux et justement d'une série d'effets de contrastes ce qu'il en est de cet objet phallique dont j'ai dit qu'il fallait, pour l'articuler enfin, que je le dépouille d'abord.

note : bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un émail. Haut de Page 
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