J.LACAN                    gaogoa

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XIV- La logique du fantasme. 1966-1967

                        version rue CB

10 Mai 1967                        note  

    (p245->) Je veux tout d'abord vous annoncer qu'à mon grand regret, je ne ferai pas ce séminaire mercredi prochain, pour la raison qu'il y a la grève, qu'après tout, j'entends, pour ma part, la respecter, outre les incommodités que cela nous donnerait, il n'y aura donc de prochain séminaire que dans 15 jours : le 24 mai.

    Quelqu'un a-t-il quelque observation à me faire sur ce que je vous ai communiqué à la dernière séance ? Quelqu'un s'est-il fait une réflexion concernant ce que j'ai écrit au tableau ? Il ne semble pas. Je ne sais pas si je dois ou non en respirer, est-ce à cause de la profonde distraction avec laquelle on reçoit ce que je fais inscrire ? Je me suis fait en rentrant chez moi un sang d'encre, pour avoir écrit au tableau la formule de "a" , et tout de suite après la valeur de je me suis livré à quelques plaisanteries sur la table de logarithme, j'aurais mieux fait de vous préciser que ce que j'écris là, n'était pas la valeur de « a » mais de . On ne s'imagine pas que « a » c'est 2,... C'est un chiffre plus élevé que 6/ l0ème, ceci est utile à connaître quand vous voulez inscrire ses longueurs, ses lignes dont je me sers et mettre dans une proportion exacte la longueur du "a" à côté de la longueur définie pour équivaloir à l'unité.

    La seconde erreur que j'ai faite, c'est à la suite d'une longue série d'égalités, nommément celle qui s'inscrit par , à la fin j'ai écrit 1 a alors que c'était qu'il fallait écrire.  

    Nous continuons de nous avancer dans l'objet de cette année et bien sûr, cette logique que j'élabore sous le nom de logique du fantasme a une fin que j'ai plusieurs fois définie, et dont il faut qu'elle vienne à s'appliquer à quelque chose qui ne saurait être qu'une oeuvre de criblage, même à proprement parler de critique contre ce qui est avancé à un certain niveau d'expérience et sous une forme théorique qui parfois prête à défaut.

    (p246->) Dans ce dessin j'ai ouvert à votre usage l'ouvrage qui ne m'avait pas manqué de nous paraître important au moment où il a surgi, il est accessible à tout le monde, puisqu'il a été traduit en français sous le nom de la névrose de base, de quelqu'un qui ne manque ni de talent, ni de pénétration et qui s'appelle M. BERGLER. Ouvrage que je vous recommande, à titre d'exemple, de support occasionnel de ce à quoi peut servir notre travail ici. En vous le recommandant à titre d'exemple, ce n'est pas vous le recommander à titre de modèle. C'est pourtant un ouvrage d'un grand mérite, ce n'est pas certes par ces voies que nous verrons d'aucune façon s'éclairer ce qu'il en est de la nature de la névrose. Ce n'est pas dire non plus qu'il ne soit pas là, aperçu quelque ressort essentiel.

    Les notions de structure qui sont ici mises en avant, et qui, d'ailleurs, au sens où j'emploie ce mot, ne sont pas le privilège de cet auteur, ce qui s'énonce dans la notion de couche que pour la même raison en étage superficiel ou profond ou inversement du profond au superficiel. Celle nommément dont part l'auteur, c'est à savoir que dans les cas qu'il envisage, mais encore faut-il ajouter, qu'il les considère de beaucoup comme les plus nombreux dans la névrose, les cas définis à son sens, dans ce qu'il appelle la régression orale, se définissent par quelque chose, qu'après tout je n'ai pas de raison - puisque c'est le résumé en quelques lignes - de ne pas emprunter à son texte, "les névrosés font surgir constamment la situation du triple mécanisme de l'oralité que voici :

    1) je me créerai le désir masochique d'être rejeté par ma mère, en créant ou déformant des situations dans lesquelles quelques substituts de l'image pré-oedipienne de ma mère refusera mes désirs. Ceci est la couche plus profonde, celle dont l'accès est le plus difficile, celle contre la révélation de laquelle le sujet se défendra le plus fortement et le plus longtemps. Ceci pour les auditeurs les plus novices de cette salle.

    2) Je ne serai pas conscient de mon désir d'être rejeté et de ce que je suis l'auteur de ce rejet, je verrai seulement que j'ai raison de me défendre. Mon indignation est bien justifiée ainsi que la pseudo-agressivité que je témoigne en face de ces refus.

    3) Après quoi, je m'apitoierai sur moi‑-même, en raison de ce qu'une telle «injustice» ne peut arriver qu'à moi et je jouirai une fois de plus d'un plaisir masochique».

    Je passe sur ce que Bergler y ajoute de ce qu'il appelle le point de vue clinique, singulière différenciation d'ailleurs qu'il considère comme résumant la genèse du triple élément génétique, cette forme ou aspect clinique se définissant pour nous par l'intervention d'un surmoi dont la vigilance consiste précisément à maintenir la présence l'élément qu'ici il désigne comme masochique, comme élément toujours actif dans le maintien de la défense.

    (p247->) Ce second point de vue est en lui-même à discuter et je ne le ferai pas aujourd'hui. Ce que, aujourd'hui, sur ce sujet, j'avance est ceci : que nulle part, n'est articulé en quoi ceci - qui au reste est juste que dans la pulsion orale le sujet dit-on, veut être refusé - pourquoi il n'est pas vrai de dire que la pulsion orale consiste à vouloir obtenir nommément le sein. Si l'observation est fondée, dans sa position radicale, dans nul point de ce travail de Bergler il n'est de quelque façon rendu compte de ce que ceci veut dire au regard d'une pulsion définie comme orale et pourquoi en quelque sorte au départ, ce qui en semble la tendance, disons, naturelle est ainsi renversée. Point important en ceci que de sa position naturelle que le sujet  arguera pour soutenir cette agressivité que Bergler dénomme justement pseudo, car ce n'est pas une, laissant ouvert ce dont il s'agit au niveau d'une agressivité qui ne serait pas pseudo.

    Comme sur ce sujet, j'ai introduit un registre qui est à proprement parler celui du narcissisme, équivalent à ce que dans la théorie ordinairement reçue on appelle narcissisme secondaire, j'ai mis l'agressivité comme étant sa dimension constitutive et comme distincte à ce titre de la pure et simple agression, nous nous trouvons là dans un éventail de notions depuis celle prétendue d'agression qui ne convient en presque aucun cas quand il s'agit de phénomènes névrotiques. celui d'agressivité narcissique, enfin de cette pseudo-agressivité que spécifie Bergler comme ressortant à un certain niveau de la névrose orale.

    Je pointe simplement ces distinctions sans leur donner, pour l'instant, leur développement complet. Quoiqu'il en soit la question se pose de ce qu'il convient de maintenir comme le statut jusqu'à présent défini comme agressif d'un certain temps le la pulsion orale et pourquoi, dans la névrose orale, cet accent de l'être référé est posé par Bergler comme étant la plus radicale. La portée de ma remarque n'est pas d'en trancher quant au fait, qu'en trancher impliquerait de chercher de quoi il parle, à savoir de quelle névrose, de quel moment. Mais ceci qui manque dans un théorique à savoir : s'il n'y aurait pas à se pencher au point où ici les choses s'arrêtent, à savoir : sur ce que veut dire et pourquoi est pertinent le terme d'être refusé. Être refusé suggère quelque suspens, questionnant, être refusé à quel titre ? Être refusé en tant que quoi ? Ce n'est tout de même pas pour nous à le supposer au seuil de la théorie analytique, chose nouvelle que ce qui se passe quand nous nous présentons dans une relation, par exemple, qu'on qualifiera d'intersubjective.

    Vous savez à cet égard ce qui a pu être avancé dans un certain mode de pensée qui est celui hégélien, dont Sartre, lui-même, détachant un rameau, a mis en valeur l'accent qu'à un certain niveau il peut prendre, comme celui qui a été qualifié de l'exclusion radicale et mutuelle des consciences, du caractère incompatible de leur coexistence, que c'est ou lui ou moi qui surgirait dès qu'à proprement parler apparaît la dimension du sujet.

    C'est assez dire, aussi, combien ce relief, dont sous la portée des (p248->) critiques, on peut avancer dans la genèse initialement prise dans la lutte à mort, lutte à mort qui prend son statut de cette conception radicale du Sujet comme absolument autonome, comme celle de Bewustheit; est-ce de quelque chose de cet ordre qu'il s'agit ? Il ne semble pas puisque tout ce que nous apporte l'expérience analytique concernant le stade dit oral y fait intervenir une autre dimension, nommément cette dimension corporelle de l'agressivité orale, du besoin de mordre et de la peur d'être dévoré.

    L'Être refusé, est-il à prendre, dans cette occasion, comme concernant l'objet. A la vérité, on en verrait facilement la justification en ceci : qu'être refusé serait, dans ce registre, à proprement parler, se sauver soi-même de l'engloutissement du partenaire à lui-même. Ce serait pour-être aussi un peu trop simple que de répondre ainsi à la question du statut de l'Être refusé, et dire que c'est trop simple est suffisamment souligné par ceci deux fois répété dans les lignes que je viens de vous lire de Bergler, et qui associe à cette névrose orale comme étant essentielle la dimension du masochisme. L'être refusé en question est un refus de défaite est un refus humiliant écrit encore l'auteur et c'est en ceci qu'il se permet d'introduire l'étiquette de masochisme, qu'il qualifie de masochisme psychique, en l'occasion, consacrant en quelque sorte un usage arbitraire du terme de masochisme dont je ne dis pas qu'il n'y est pas dans tel texte de Freud prétexte à l'introduire, mais qui est pris dans cet usage où il est maintenant de plus en plus courant et à proprement parler : ruineux. L'allusion à la référence à l'objet au niveau de ce refus est là ce qui pourrait justifier l'introduction de la dimension du masochisme à ce niveau. Il est inexact de dire que ce qui caractérise le masochisme c'est le côté pénible, assumé comme tel dans une situation. Aborder les choses sous cet angle aboutit à cet abus de faire, de la dimension sado-masochiste, le registre essentiel par exemple de toute la relation analytique. Il y a là une véritable perversion autant de la pensée de Freud que de la théorie et de la pratique et ceci est à proprement parler insoutenable quand la dimension du masochisme est définie, sans doute par le fait que le sujet assume une position d'objet au sens le plus accentué de ce que nous donnons au mot objet, pour le définir comme cet effet de chute de déchet, de reste de l'avènement subjectif, le fait que le masochiste instaure une situation réglée à l'avance, dans ses détails, qui pour aller jusqu'à le faire séjourner sous une table dans la position d'un chien, ceci fait partie d'une mise en scène, d'un scénario qui a son sens et son bénéfice qui est, incontestablement, au principe d'un bénéfice de jouissance quelque note que nous puissions y ajouter concernant le maintien, le respect de l'intégrité du principe du plaisir. Que cette jouissance soit étroitement liée à une manœuvre de l'Autre, qui s'exprime le plus communément sous la forme du contrat, - quand je dis du contrat, je dis du contrat écrit -est quelque chose qui dicte tout autant à l'autre et bien plus à l'Autre qu'au masochiste lui-même, sa conduite, c'est ceci qui doit nous instruire concernant le rapport qui donne sa spécificité, son originalité à la perversion masochique et qui est hautement faite pour nous éclairer jusqu'en son fond sur la part où joue l'Autre au sens où j'entends ce terme, j'entends l'Autre, lieu où se déploie dans l'occasion une parole qui est une parole de contrat. Réduire l'usage du terme masochique après cela à être quelque chose qui (p249->) se présente simplement comme étant une exception, une aberration à l'accès du plaisir le plus simple, est quelque chose de nature à engendrer tous les abus dont le premier est ceci, pour lequel je ne croirai pas employer un terme trop fort, ni inapproprié en relevant dans les lignes de Bergler d'un bout à l'autre de ce livre remarquable, rempli d'observations très fouillées et toutes très instructives, de relever pourtant ce quelque chose que j'appellerai une exaspération qui n'est pas loin de réaliser une attitude méchante à l'égard du malade, tous ces gens qu'il appelle, comme si c'était là un grand tort de leur part, collectionneurs d'injustices, - comme si nous étions après tout, dans un monde où la justice soit un état si ordinaire qu'il faille vraiment y mettre du sien pour avoir à se plaindre de quelque chose ! - Ces collectionneurs d'injustices, chez qui, assurément, il décèle leur opération la plus secrète dans le fait d'être rejetés, mais après tout, nous ne pouvons pas ne pas nous-mêmes émettre contre Bergler cette idée que dans certains cas - après tout être rejeté comme nous l'avons déjà d'ailleurs suffisamment montré dans le fantasme, c'est autre chose, je parle ici de la réalité, il vaut mieux de temps en temps être  rejeté   qu'être accepté trop vite, telle personne qui ne demande qu'à vous adopter, ce n'est pas toujours la meilleure solution, on ne peut pas toujours y échapper. Pourquoi cette partialité qui, en quelque sorte, implique qu'il serait dans la nature des choses dans leur bonne pente de faire toujours tout ce qu'il faut pour être admis, ceci supposant qu'être admis, c'est toujours bienfaisant. Ceci n'est pas sans être de nature inquiétante, pour ne pas nous paraître à l'occasion, à pointer pour remarquer que telle chose qui peut se passer dans le monde, comme dans certain petit district de l'Asie du Sud-Ouest, de quoi s'agit-il ? Il s'agit de convaincre certaines gens, qu'ils ont bien tort de ne pas vouloir être admis aux bienfaits du capitalisme, ils préfèrent être rejetés. C'est à partir de ce moment, semble-t-il, qu'on devrait se poser des questions qui ont une certaine signification.

     Celle-ci par exemple, qui nous montrerait, mais ce n'est pas aujourd'hui que je ferai ce pas, si Freud a écrit quelque part que l'anatomie c'est le destin, il y a peut-être un moment où quand on sera revenu à une saine perception de ce que Freud nous a découvert, on dira, je ne dis pas la politique c'est l'inconscient, mais simplement l'inconscient, c'est la politique. Je veux dire, que ce qui lie les hommes entre eux et ce qui les oppose est précisément un côté de ce dont nous essayons d'articuler pour l'instant, la logique. C'est faute de cette articulation logique que ces glissements peuvent se produire, qui font qu'avant de s'apercevoir que pour être rejeté soit essentiel comme dimension pour le névrotique, il faut en tous cas ceci : qu'il s'offre. Comme je l'ai écrit quelque part, aussi bien le névrotique que ce que nous faisons nous-mêmes, et pour cause, puisque ce sont ces chemins que nous suivons, ça consiste avec de l'offre à essayer de faire de la demande, une telle opération ni dans la névrose, ni dans la cure analytique ne réussit pas toujours, surtout si elle est conduite maladroitement. Ceci est aussi d'ailleurs, de nature, car nul discours analytique est sans présenter pour nous l'occasion de nous apercevoir, en l'interrogeant, de ce qu'il implique dans un certain discours innocent, où il ne sait jamais, ce discours analytique, jusqu'où il va dans ce qu'il articule; ceci nous permettrait de nous apercevoir en effet que si la clé de la position névrotique tient (p250->à ce rapport étroit à la demande de l'Autre en tant qu'il essaie de la faire surgir, c'est bien comme je le disais, c'est parce que lui s'offre et que nous voyons du même coup le caractère fantasmatique et donc caduque de ce mythe introduit par la précherie analytique et qui s'appelle l'oblativité. C'est un mythe de névrosé.

    Qu'est-ce qui motive ces besoins qui s'expriment dans ces biais paradoxaux et toujours si mal définis ? Si on les rapporte purement et simplement au bénéfice recueilli ou non à leur suite de la réalité, si on omet cette première étape essentielle et à la lumière seule de laquelle, je dis étape, ce qui ressort de ce résultat dans le réel, peut se juger, c'est l'articulation logique de la position névrotique, dans le cas présent, aussi bien que toute les autres. Sans une articulation logique qui ne fait pas intervenir aucun préjugé de ce qui est à souhaiter pour le sujet, qu'en savez-vous ? Qu'en savez-vous si le sujet a besoin de se marier avec tel ou tel ? S'il a loupé son mariage à tel détour, si ce n'est pas pour lui une veine ? De quoi vous mêlez-vous ? Autrement dit, alors que la seule chose à quoi vous ayez à faire c'est à la structure logique de ce dont il s'agit. De ce dont il s'agit nommément et quant à une position comme celle, pour la qualifier, du désir d'être rejeté, c'est à savoir ce que le sujet à ce niveau, poursuit, quel est pour le névrotique, la nécessité, le bienfait peut-être qu'il y a à être rejeté. Y épingler de surplus le terme de masochique est dans l'occasion y introduire une note péjorative, immédiatement suivie d'une attitude directive de l'analyste, qui peut aller, jusqu'à l'occasion, devenir persécutive.

                Voilà pourquoi il est tout à fait nécessaire de reprendre les choses comme j'entends le faire cette année, et puisque nous y sommes, rappeler que si je suis parti de l'acte sexuel dans sa structure d'acte, c'est en relation à ceci : que le Sujet ne vient au jour par rapport d'un signifiant à un autre signifiant et que ceci en exige, de ces signifiants, le matériel; faire un acte, c'est introduire un rapport de signifiant, par contre, la conjoncture est consacrée comme significative, c'est-à-dire comme une occasion de penser, met l'accent sur la maîtrise de la situation par ce qu'on imagine que c'est la volonté qui préside au fort-da du jeu de l'enfant, par exemple. Ce n'est pas le côté actif de la motricité qui est là la dimension essentielle, ce côté actif de la motricité ne se déploie que dans la dimension du jeu, c'est sa structure logique qui distingue cette apparition du fort-da pris pour exemplaire et est devenu maintenant un bateau. C'est parce que c'est la première thématisation au signifiant sous forme d'opposition phonématique de certaines situations qu'on peut qualifier d'actives, seulement au sens où désormais nous appellerons actif ce qui a, au sens où je l'ai définie, la structure de l'acte.

        La mise en question de l'acte dans cette relation, si distordue, cachée, exclue, mise à l'ombre, qu'est la relation entre deux êtres appartenant à deux classes qui sont définitives pour l'état civil, et pour le conseil de révision puisque précisément notre expérience nous a appris à voir pour n'être absolument plus évidente, pour la vie familiale par exemple qui est assez brouillée, ce qui définit l'homme et la femme, la théorie et l'expérience analytiques apportent ici la notion de satisfaction, (p251->je veux dire comme essentielle à cet acte. Satisfaction - dans le texte de Freud : Befriedigung - ce qui introduit la notion d'une paix survenant. Cette satisfaction est-elle la satisfaction de la décharge de la détumescence ? Satisfaction simple en apparence et tout à fait propre à être reçue. Néanmoins il est clair que tout ce que nous développons en termes plus ou moins propres ou impropres, implique que la satisfaction, puisque nous distinguons celle qui serait de l'ordre pré-génitale de celle qui est génitale, implique une autre dimension celle impliquée même par ces différences. D'abord, assurément, qu'un terme comme celui de relation d'objet se soit ici imposé va de soi, ce qui n'ôte rien au caractère bouffon de ce qui se passe quand on essaie d'inscrire ce terme, de le varier, de l'échelonner, selon le plus ou moins d'aise, où s'inscrit la relation, car il ne s'agit de rien d'autre quand on distingue la relation génitale quand on parle de la prétendue tendresse dont on pourrait aisément, je me targue de le faire, dire qu'elle n'est en aucun cas que la réversion d'un mépris, et d'autre part qu'on y accentue la présence de la prétendue rupture voire du deuil. Le progrès de la relation « sexuelle», en tant qu'elle deviendrait génitale serait, qu'on aurait d'autant plus d'aise à penser du partenaire : « tu peux crever».

        Reprenons les choses sur un autre plan, à quoi l'acte sexuel satisfait-il ? On peut répondre légitimement et simplement : au plaisir. Je ne connais qu'un seul registre où cette réponse soit pleinement tenable, c'est un plan ascétique qui est tenu dans l'histoire par Diogène qui fait le geste public de la masturbation, comme le signe cette affirmation théorique d'un Hédonisme en raison-même de ce mode de satisfaction cynique, qu'on peut considérer comme un traitement médical du désir. Il n'est pas sans se payer d'un certain prix, puisque j'ai introduit la dimension politique, chose curieuse, il est tout à fait sensible que ce type philosophique s'exclut lui-même, comme il se voit non pas seulement aux anecdotes mais à la position du personnage dans son tonneau, eut-il un visiteur comme Alexandre qui se paie d'une exclusion de la dimension de la Cité.

        II y a là quelque chose dont on aurait tort de sourire, c'est une face à proprement parler ascétique, un mode de vivre, il n'est pas si courant qu'il paraît, je n'en sais rien, je n'ai pas essayé.

    Il ne faudra pas oublier ce lieu du plaisir, de la moindre tension. Seulement, il est clair qu'il n'est pas suffisant ce lieu que bien d'autres modes, une très grande variété de modes apparaissent de satisfaction au niveau de la recherche impliquée par l'acte sexuel. Celle à laquelle donne corps notre cours de cette année est ceci : de l'impossibilité de saisir l'ensemble de ces modes en dehors d'une scrutation logique, seule capable de rassembler dans leurs variétés comme dans leur ampleur, les différents modes de cette satisfaction. L'ensemble dont il s'agit qui instaure ce que nous appellerons provisoirement et sous réserve un être masculin, et un être féminin dans cet acte fondateur, que nous avons évoqué au départ de notre discours de cette année, en l'appelant l'acte sexuel. Si j'ai dit qu'il n'y a pas d'acte sexuel c'est au sens où cet acte conjoindrait sous une forme de répartition simple dans la technique comme celle du serrurier constituant le pacte (p252->) si l'on peut dire, inaugural, par où la subjectivité s'engendrerait comme telle, mâle ou femelle.

    J'ai fait état en son temps, et en son lieu, du fameux « tu es ma femme». Il ne suffit pas que je le dise pour que je reste son homme. Mais enfin, cela suffirait-il, que ça ne résoudrait rien, je me fonde de ceci en quelque chose. C'est un vœu d'appartenance, d'un pacte de préférence, au minimum, ça ne situe absolument rien de l'homme ni de la femme. Tout au plus, peut-on dire que ce sont deux termes opposés, il est indispensable qu'il y en ait deux, mais ce qu'est chacun ou aucun est tout à fait exclu du fondement dans la parole quant à ce qui est de l'union matrimoniale si vous voulez de toute une certaine dimension, jusqu'à la dimension du sacrement, ne change absolument rien à ce dont il s'agit, c'est à savoir de l'Être de l'homme ou de la femme. Ça laisse en particulier, si complètement à côté, la catégorie de la féminité, puisque j'ai pris l'exemple de : tu es ma femme, qu'il n'est jamais mauvais de rapporter cet exemple, celui du maître même de la psychanalyse dont on peut dire que pour lui, ce pacte a été extraordinairement prévalent, la chose a frappé tous ceux qui font approché, uxorious, uxorieux, ainsi le qualifie Jones après tant d'autres, mais dont après tout, ce n'est pas un mystère non plus que sa pensée a buté jusqu'à la fin sur le thème : que veut une femme, ce qui revient à dire, qu'est-ce être une femme.

        Il faut ajouter que depuis 67 ans les forgeries psychanalytiques n'ont rien fait pour que nous en sachions plus sur la jouissance féminine, quoique de la femme, de la mère, on ne sait pas trop comment on s'exprime, nous parlions sans arrêt. C'est quelque chose qui vaut qu'on le relève. C'est pourquoi il est important de s'apercevoir, et ce schéma heuristique que je vous ai donné sous la forme du : a - du 1 qui suit - et de l'autre, je vous rappelle ceci qui est la monnaie de ce que nous articulons à cours de journées : que l'acte sexuel implique un, élément tiers à tous les niveaux, savoir, par exemple, que ce qu'on appelle la mère, dans l'œdipe, à laquelle est accroché tout le ravalement de la vie amoureuse, en tous cas l'interdit qui reste toujours présent dans le désir de ce fait, ou encore, le phallus en tant qu'il doit manquer à celui qui l'a, c'est-à-dire à l'homme en tant que le complexe de castration veut dire quelque chose qui n'est pas encore mis au jour, puisqu'il implique que nous inventions à son propos, la portée d'une négation spéciale, s'il ne l'a pas dans le registre et pour autant que l'acte sexuel peut exister, ça n'est pas dire pour autant qu'il le perde. Le sujet de cette négation pourra, j'espère, être abordé, avant la fin de cette année.

    Que ce phallus, d'autre part, devient l'être du partenaire qui ne l'a pas, c'est ici que nous trouvons sans doute la raison, pourquoi Aristote, si soumis à la grammaire projective qu'il fut, nous dit-on à développer, l'éventail, la liste, le catalogue des catégories, après avoir tout dit : la qualité, la quantité, etc, ce qui suit dans la baraque, n'a absolument pas soulevé, encore que la langue grecque soit, comme la nôtre, soumise à ce que Pichon appelle la sexui-semblance, à savoir qu'il y a le fauteuil et qu'il y a la photo. Amusez-vous à renverser l'orthographe ça vous (p253->) amusera sur une dimension tout à fait dissimulée de la relation analytique : le photeuil, et la fauto...

    Quoiqu'il en soit, Aristote n'a jamais songé à soutenir à propos d'aucun étant, de savoir s'il y avait une catégorie du sexe. Ou il n'était pas autant qu'on dit guidé par la grammaire, ou bien il y a une omission.

Quand j'ai parlé d'être masculin ou d'être féminin, qu'il y avait là un emploi fautif, à savoir que l'être, est-il, comme dit Pichon, insexuable, que la quiddité du sexe est peut-être manquante, qu'il n'y a peut-être que le phallus, ça expliquerait bien des choses, en particulier, cette lutte sauvage qui s'établit autour et qui est la raison visible, sinon dernière, de ce qu'on appelle la lutte des sexes. Je crois aussi, que là encore la lutte des sexes est quelque chose auquel d'ailleurs l'histoire démontre que ce sont les psychanalystes les plus superficiels qui s'y sont arrêtés, néanmoins il reste qu'une certaine Aleteia à prendre dans le sens avec l'accent que lui donne Heidegger, qui est peut-être à proprement parler à instaurer quant à ce dont il s'agit concernant l'acte sexuel. C'est ce qui justifie l'emploi par nous de ce schéma pour ne pas faire de confusion avec d'autres choses concernant la fonction de la coupure dont je vous ai dit parfois que telle que je la symbolise, je fais jouer le plan projectif, je prétends non pas faire une métaphore, mais parler du support réel de ce dont il s'agit. Ce a , ce un, cet Autre, cette trinicité autour de laquelle

peut et doit se développer un certain nombre de points que nous avons à mettre en relief à ce propos, concernant ce qu'il en est, ce qui se rapporte au sexe, ce qui est du symptôme et dont j'entends vous faire écouter, je ne saurais trop répéter les choses quand il s'agit d'une catégorie nouvelle, répéter ce qui va servir de base.

          Le Un pour commencer par le milieu, est le plus litigieux, concernant cette prétendue union sexuelle. C'est-à-dire le champ où il est mis en question de savoir s'il peut se produire l'acte de partition que nécessiterait la répartition des fonctions définies comme mâle et femelle, nous avons dit déjà avec la métaphore du chaudron que j'ai rappelée la dernière fois, qu'il y a ici, provisoirement, quelque chose que nous ne pouvons désigner que de la présence d'un trou.

    Il y a quelque chose qui ne colle pas, qui ne va pas de soi, et qui est ce que j'ai rappelé tout à l'heure : l'abîme qui sépare toute promotion, toute proclamation de la bipolarité mâle et femelle de tout ce que nous donne l'expérience concernant l'acte qui la fonde. C'est de là, de ce champ Un, de ce Un fictif, de ce Un auquel se cramponne tout une théorie analytique dont vous m'avez entendu à maintes reprises dénoncer les fallaces, il importe de poser que c'est de ce champ (p254->) désigné, numéroté, non assumé comme unifiant, au moins jusqu'à ce que nous en ayions fait la preuve, que c'est de là que parle toute vérité en tant que pour nous analystes et pour bien d'autres avant même que nous soyions apparus quoique pas bien longtemps pour une pensée qui date du tournant marxiste, la vérité n'a pas d'autre forme que le symptôme. Le symptôme, c'est-à-dire la signifiance des discordances entre le Réel et ce pourquoi il se donne, l'idéologie si vous voulez, mais à une condition c'est que pour ce terme, vous alliez jusqu'à y inclure la perception elle-même, la perception c'est le modèle de l'idéologie, c'est un crible par rapport à la réalité, pourquoi s'en étonner, puisque tout ce qui existe d'idéologie depuis que le monde est plein de philosophes, n'est jamais construite que sur une réflexion première qui portait sur la perception. J'y reviens, ce que Freud appelle, le fleuve de boue concernant le plus vaste champ de la connaissance, toute cette part de la connaissance inondante, dont nous émergeons à peine pour l'épingler du terme de connaissance mystique, à la base de tout ce qui s'est manifesté au monde de cet ordre, il n'y a que l'acte sexuel, envers de la formule : il n'y a pas d'acte sexuel. La position freudienne, il est tout à fait superflu de prétendre s'y rapporter en quoi que ce soit, si ce n'est pas prendre à la lettre ceci : qu'à la base de tout ce qu'a apporté jusqu'à présent de satisfaction, la connaissance, je dis la connaissance, je l'ai épinglée ici pour la distinguer de ce qui est né de nos jours sous la forme de la science, de tout ce qui est de la connaissance, il n'y a à son origine que la sexualité.

                    Lire dans Freud qu'il y a dans le psychisme des fonctions  desexualisées, ça veut dire qu'il faut chercher le sexe à leur origine, ça ne veut pas dire qu'il y a ce qu'on appelle en tel lieu, pour des besoins politiques, la fameuse sphère non conflictuelle, par exemple, un moi plus ou moins fort, plus ou moins autonome qui pourrait avoir une appréhension plus ou moins aseptique de la réalité.

            Dire qu'il y a des rapports à la vérité, je dis la vérité, que l'acte sexuel n'intéresse pas ceci, est proprement, ce qui n'est pas vrai, il n'y en a pas. Je m'excuse de ces formules à propos desquelles je suggère que leur tranchant peut-être un peu trop vivement senti, mais je me suis fait cette observation, d'abord que tout ça est impliqué dans tout ce que j'ai énoncé, pour autant que je sais ce que je dis, mais aussi cette remarque que le fait que je sache ce que je dis, ça ne suffit pas pour que vous l'y reconnaissiez, parce que dans le fond, la seule sanction de ce que je sais de ce que je dis, c'est ce que je ne dis pas, ce n'est pas mon sort propre, mais celui de tous ceux qui savent ce qu'ils disent. C'est cela qui rend la communication très difficile - c'est ce qu'on dit et on le dit - mais dans bien des cas, il faut considérer que c'est inutile parce que personne ne remarque que le nerf de ce que vous avez à faire entendre, c'est justement ce que vous ne dites jamais. C'est ce que les autres disent qui continue à faire son bruit, et plus encore, entraîne des effets, c'est ce qui nous force de temps en temps et même plus souvent qu'à notre tour, à nous employer au balayage, une fois qu'on s'est engagé dans cette voie, on a aucune raison de finir, il y a eu autrefois un nommé Hercule qui a, paraît-il, achevé son travail dans les écuries du nommé Augias, c'est le seul cas que je connaisse : le nettoyage dans les écuries.

    (p255->) Quand il s'agit d'un certain domaine, il n'y a qu'un seul domaine, semble-t-il, et je n'en suis pas sûr, qui n'ait pas de rapport avec l'acte sexuel en tant qu'il intéresse la vérité, c'est la mathématique au point où elle conflue avec la logique, mais je crois que c'est ce qui a permis à Russell de dire qu'on ne sait jamais, si ce qu'on y avance est vrai. Je ne dis pas vraiment vrai, c'est vrai en fait, à partir d'une position définitionnelle de la vérité. Si tel, tel, axiomes sont vrais, alors un système se développe, dont il y a à juger s'il est ou non consistant. Quel est le rapport de ceci avec ce que je viens de dire, à savoir, avec la vérité pour autant qu'elle nécessiterait la présence, la mise en question de l'acte sexuel comme tel. Je ne suis pas sûr - même après avoir dit ça - que ce merveilleux, ce sublime déploiement moderne de la mathématique logique, soit tout à fait sans rapport avec le suspens de s'il y a ou non, un acte sexuel. Il suffirait d'entendre le gémissement d'un Cantor, c'est sous la forme d'un gémissement, qu'à un moment donné de sa vie, il énonce qu'on ne sait pas que la grande difficulté, le grand risque de la mathématique, c'est d'être le lieu de la liberté. On sait que Cantor l'a payé très cher. De sorte que la formule, que le vrai concerne le réel en tant. que nous y sommes engagés par l'acte sexuel, par cet acte sexuel dont j'avance d'abord qu'on est pas sûr qu'il existe, quoiqu'il n'y ait que lui qui intéresse la vérité, me paraîtrait la formule la plus juste au point où nous en arrivons; donc le symptôme, tout symptôme, c'est en ce lieu de l'un troué qu'il se noue. C'est en cela qu'il comporte toujours - quelque étonnant que ça nous paraisse - sa face de satisfaction, je dis au symptôme. La vérité sexuelle, est exigeante, et il vaut mieux y satisfaire un peu plus que pas assez du point de vue de la satisfaction un symptôme à ce titre, nous pouvons concevoir qu'il soit plus satisfaisant que la lecture d'un roman policier. Il y plus de rapports entre un symptôme et l'acte sexuel, qu'entre la vérité et le « je ne pense pas» fondamental dont je vous ai rappelé au début de ces réflexions, que l'homme y aliène son « je ne suis pas» trop peu supportable. C'est par rapport à quoi notre alibi de l'être rejeté tout à l'heure, encore que pas tellement agréable, peut nous paraître plus supportable. Fini pour l'instant avec l'Un, il fallait qu'ici je l'indique.

        Passons à l'Autre comme le lieu où prend place le signifiant. Je ne vous ai pas dit jusqu'ici, qu'il était là le signifiant. Parce que le signifiant n'existe que comme répétition, parce que c'est lui qui fait venir la chose dont il s'agit comme vraie. A l'origine on ne sait pas d'où il sort. Il n'est rien, que ce trait qui est aussi coupure, à partir duquel la vérité peut naître.

    L'Autre, c'est le réservoir de matériel pour l'acte. Le matériel, s'accumule, très probablement du fait que l'acte est impossible. Quand je dis ça, je ne dis pas qu'il n'existe pas, ça ne suffit pas pour le dire, puisque l'impossible c'est le Réel, simplement. Le Réel pur. La définition du possible exigeant toujours une première symbolisation. Si vous excluez cette symbolisation, elle vous apparaîtra plus naturelle, cette formule : l'impossible c'est le Réel.

        Il est un fait qu'on n'a pas prouvé que l'acte sexuel, la possibilité, dans aucun système formel. Qu'est-ce que ça prouve qu'on ne puisse pas le prouver ?

(p256->)   maintenant que nous savons très bien que non-décidabilité n'implique pas du tout  irrationalité, qu'on définit, qu'on cerne, parfaitement, qu'on écrit des volumes entiers sur ce domaine du statut de la non-décidabilité, et qu'on peut parfaitement la définir logiquement. En ce point, alors, qu'est-ce que c'est, cet Autre ? Quelle est sa substance ? Je me suis laissé dire - car à la vérité, faut croire que je m'en laisse de moins en moins dire, puisque je ne l'entends plus - pendant un temps, que je camouflais dans ce lieu de l'Autre l'esprit. L'ennuyeux, c'est que c'est faux. L'Autre,  à la fin des fins, vous ne l'avez pas encore deviné, c'est le corps.

    Pourquoi appellerait-on quelque chose comme un volume, un objet, en tant que soumis aux lois du mouvement, en général, comme ça, un corps. Pourquoi parlerait-on de la chute des corps ? Quelle curieuse extension du mot corps ! Quel rapport entre une petite balle qui tombe de la tour de Pise et le corps ? Si ce n'est qu'à partir de ceci : que c'est d'abord le corps, notre présence de corps animal qui est le premier lieu où mettre des inscriptions. Le premier signifiant, comme tout est là pour nous le suggérer dans notre expérience - à ceci près que nous passionnons toujours les choses quand on parle de la blessure, on ajoute narcissique et on pense tout de suite que ça doit bien embêter le sujet qui est naturellement un idiot - il ne vient pas à l'idée que l'intérêt de la blessure c'est la cicatrice. La lecture de la Bible devrait être là pour nous rappeler avec les roseaux mis au fond du ruisseau où vont paître les troupeaux de Jacob, que les différents trucs pour imposer au corps, la marque, ne datent pas d'hier, que si on ne part pas de l'idée que le symptôme hystérique sous sa forme la plus simple, n'a pas à être considéré comme un mystère mais comme le principe même de toute possibilité signifiante qu'il n'y a pas à se casser la tête, que le corps est fait pour inscrire quelque chose qu'on appelle la marque. Le corps est fait pour être marqué. On l'a toujours fait, et le premier commencement du geste d'amour c'est toujours, un petit peu, d'ébaucher plus ou moins ce geste.

    Ceci dit, quel est le premier effet, l'effet le plus radical de cette irruption de l'Un en tant qu'il représente l'acte sexuel au niveau du corps, eh bien c'est ce qui fait quand même notre avantage sur un certain nombre de spéculations dialoguées, sur les rapports de l'Un et du Multiple, nous savons que ce n'est pas du tout si dialectique que ça. Quand cet Un fait irruption au champ de l'Autre, c'est-à-dire au niveau du corps, le corps tombe en morceaux, le corps morcelé, voilà ce que notre expérience nous démontre exister aux origines subjectives. L'enfant rêve de dépeçage, il rompt la belle unité de l'empire du corps maternel, ce qu'il ressent comme menace c'est d'être par elle déchiré. Il ne suffit pas de découvrir ces choses et de les expliquer par une petite mécanique, un petit jeu de balle, l'agression, se reflète, se réfléchit, revient, repart, qui a commencé ? Avant cela, il pourrait être utile de mettre en suspens sa fonction à ce corps morcelé, c'est-à-dire le seul biais par où il nous a intéressé en fait, à savoir : sa relation à ce qui peut en être de la vérité en tant qu'elle-même est suspendue, à l'Aleteïa et au caractère recelé de l'acte sexuel. A partir de là, bien sûr, la notion de l'Éros sous la forme que j'ai (p257->) récemment raillée d'être la force qui unirait d'un attrait irrésistible toutes les cellules et organes que rassemble notre sac de peau, conception pour le moins mystique, nous ne faisons pas la moindre résistance pour nous en distraire et le reste ne s'en porte pas plus mal, c'est une fantaisie compensatrice des terreurs liées à ce fantasme orphique que je viens de vous décrire. Ce n'est pas du tout explicatif d'ailleurs, il ne suffit pas que la terreur existe pour qu'elle explique quoi que ce soit.

    Il vaut mieux se diriger dans la voie de ce que j'appelle système consistant, logique. Car en effet, il faut que nous en arrivions maintenant à ceci pourquoi y a-t-il cet Autre ? Qu'est-ce que c'est que la position de cet étrange double que prend - remarquez-le - le sein, car l'Autre, lui n'est pas deux, cette position de double que prend le sein quand il s'agit d'expliquer ce curieux Un qui, lui, se noue dans la bête à deux dos, autrement dit dans l'étreinte de deux corps. C'est de cela qu'il s'agit. Ce n'est pas de ce drôle d'Un qu'il est lui l'Autre, encore plus drôle ! II n'y a entre eux, je veux dire ce champ de l'Un, ce champ de l'Autre, aucun lien, au contraire. C'est pour cela même, que l'Autre c'est aussi l'inconscient, c'est-à-dire, le symptôme sans son sens, privé de sa vérité, mais par contre chargé, toujours plus de c,e qu'il contient de savoir. Ce qui les coupe l'un de l'autre, c'est ce qui constitue le Sujet. Il n'y a pas de Sujet de la vérité, sinon de l'acte en général, de l'acte qui peut-être ne peut pas exister en tant qu'acte sexuel.

    Ceci est spécifiquement cartésien, le Sujet ne sait rien de lui, sinon qu'il doute, le doute, comme dit le jaloux qui vient de voir par le trou de la serrure, un arrière-train en position d'affrontement avec les jambes qu'il connait bien ! Il se demande si ce n'est pas Dieu et son âme ! Le fondement du sujet de Descartes, son incompatibilité avec l'étendue n'est pas raison suffisante à identifier à l'étendue le corps, mais son exclusion de sujet est par contre par là, fondée, et à le prendre par le biais que je vous présente, la question de son intime union avec le corps, je parle du Sujet, non pas de l'âme, n'en est plus une. Il suffit de réfléchir à ceci qu'il n'y a, quant au signifiant, c'est-à-dire à la structure, aucun autre support d'une surface par exemple que le trou qu'elle constitue par son bord, il n'y a que cela qui la définit. Élevez les choses d'un degré, prenez les choses au niveau d'un volume, il n'y a d'autre support du corps que le tranchant qui préside à son découpage.

    Ce sont là des vérités topologiques dont je ne trancherai pas ici si elles ont rapport ou non avec l'acte sexuel, mais toute élaboration possible de ce qu'on appelle l'algèbre de Boole exige ceci; qui nous donne l'image de ce qu'il en est du sujet à ce joint entre ce que nous avons défini comme l'Un et l'Autre. Le Sujet est toujours d'un degré structural au-dessous de ce qui fait son corps, c'est ce qui explique aussi que d'aucune façon sa passivité à savoir ce fait par quoi il dépend d'une marque du corps ne saurait être d'aucune façon compensé par aucune activité fut-elle son affirmation en acte.

    De quoi l'Autre est-il l'Autre ? - J'en suis chagrin, le temps d'une (p258->) démesure, peut-être aussi un certain usage paradoxal de la coupure dans ce cas, prenez-le pour intentionnel, fera que je vous  laisse aujourd'hui avec le terme de leurre. L'Autre n'est l'Autre que de ceci : qui est le premier temps des trois lignes à savoir ce  "a" , c'est de là que je suis parti lors de nos derniers entretiens, pour vous dire que sa nature est celle de l'incommensurable, plutôt, que c'est de son incommensurable que surgit toute question de mesure, c'est sur ce « a  », un objet ou non, que nous reprendrons notre entretien la prochaine fois.

 

note : bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un émail. Haut de Page 
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