J.LACAN                     gaogoa

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XIV- La logique du fantasme. 1966-1967

                        version rue CB

26 Avril 1967                        note  

 

(p231->)

Ce dessin est imparfait. 

Ces deux segments sont qualifiables de l'un et de l'Autre. (Le lieu de l'Autre. ou A )
Le lieu où s'articule la chaîne signifiante et ce qu'elle supporte de vérité. Ce sont là les termes de la dyade essentielle où a à se forger le drame de la subjectivation du sexe. C'est-à-dire ce dont nous sommes en train de parler depuis un mois et demi. Essentielle pour ceux qui ont l'oreille formée aux termes Heideggeriens qui, comme vous le verrez ne sont pas ma référence privilégiée, pour eux je veux dire, non pas dyade essentielle au sens de ce qui est, mais au sens de ce qui Vest, comme s'exprime Heidegger d'ailleurs d'une façon déjà forcée au regard de la langue allemande disons ce qui opère en tant que connotation.

    Il s'agit là de rien d'autre que de l'économie de l'inconscient, voire de ce qu'on appelle communément : le processus primaire. N'oublions pas que pour ces termes, ceux que je viens d'avancer comme ceux de la dyade dont nous partons, de l'un et de l'autre, l'un tel que je l'ai précisément articulé la dernière fois, l'Autre dans l'usage que j'en fais depuis toujours. N'oublions pas, dis-je, que nous avons, à partir de leur effet, leur effet a ceci de dérisoire qu'il prête à la grossière métaphore que ce soit lui l'enfant

    La subjectivation du sexe n'enfante rien, si ce n'est le malheur. Mais ce qu'elle a produit déjà, ce qui nous est donné de façon univoque dans l'expérience psychanalytique, c'est là ce déchet dont nous partons comme du point d'appui nécessaire pour reconstruire toute la logique de cette dyade. Ceci en nous laissant guider par ce dont cet objet est la cause, vous le savez, à proprement parler est la cause, à savoir : le fantasme. La logique s'il est vrai, que je puis poser comme ça thèse initiale, ce que je fais, qu'il n'y a pas de métalangage, c'est ceci, la logique qu'on peut extraire du langage nommément les lieux et les points ou si l'on peut (p232->) dire, le langage, parle de lui-même, et c'est bien ainsi qu'elle s'épanouit de nos jours, quand je dis s'épanouit de nos jours c'est parce que c'est évident, vous n'avez qu'à ouvrir un livre de logique pour vous apercevoir que ça n'a pas la prétention d'être autre chose, rien d'ontique, à peine d'ontologique. Reportez-vous puisque je vais vous laisser quinze jours de battement, à la lecture du sophiste, j'entends du dialogue de Platon, pour savoir combien cette formule, je dis concernant la logique, est exacte et que son départ ne date donc pas d'aujourd'hui, ni d'hier : Vous comprendrez que c'est en fait de ce dialogue de sophiste que par Martin Heidegger, pour sa restauration de la question de l'Être, et après tout, ce ne sera pas une discipline moins salubre pour vous que de lire, puisque mon manque d'information, a fait que ne l'ayant reçu que récemment par un service de presse, ce n'est qu'aujourd'hui que je peux vous conseiller de lire l'introduction à la métaphysique dans l'excellente traduction qu'en a donné Gilber Kahn.

    Je dis excellente car il n'a pas cherché l'impossible et que pour tous les mots dont il est impossible de donner un équivalent sinon un équivoque, il a tranquillement forgé, ou reforgé des mots français comme il a pu, quitte à ce qu'un lexique à la fin donne son exacte référence allemande. Mais tout ceci n'est que parenthèse.

    Cette lecture facile, ce qui peut-être contesté des autres textes de Heidegger, mais celle-là extraordinairement facile, d'une note très nettement tranchante de facilité. Il est impossible de rendre plus transparente la façon dont il entend que se repose à notre détour historique, la question de l'Être. Ce n'est point, certes, que je pense qu'il s'agisse là d'autre chose que d'une lecture d'exercice et comme je le disais à l'instant de salubrité. Cela nettoie bien des choses, mais cela ne s'en fourvoie pas moins de donner la seule consigne d'un retour à Parménide et à Héraclite si génialement qu'il les situe au niveau de ce méta discours dont je parle, comme immanent langage ce n'est pas un méta langage. Le méta discours immanent au langage et que j'appelle la logique, voilà bien sûr qui mérite d'être rafraîchi à une telle lecture.

Certes je ne fais usage, vous pouvez le remarquer, d'aucune façon, du procédé étymologisant dont Heidegger fait revivre admirablement les formules dites présocratiques, c'est qu'aussi bien la direction que j'entends indiquer diffère, diffère de la sienne, précisément ce pépin qui est irréversible et qu'indique le sophiste, lecture elle aussi extraordinairement facile et qui ne manque pas de faire sa référence aussi à Parménide, précisément pour marquer combien il a été loin et vif contre cette défense que le Parménide exprime en ces deux vers : "non jamais tu ne plieras de force les non-être á être, de cette route de recherche écarte plutôt ta pensée".

    C'est précisément la route ouverte dès le sophiste, qui s'impose à nous à proprement parler, à nous les analystes, pour seulement que nous sachions à quoi nous avons à faire. Si j'avais réussi à faire un psychanalyste lettré, j'aurais (p233->) gagné la partie, c'est-à-dire qu'à partir de ce moment la personne qui ne serait  pas psychanalyste, deviendrait de par la même, une illettrée.

    Que les nombreux lettrés qui peuplent cette salle se rassurent, ils ont encore leur petit reste. Il faut que le psychanalyste arrive à concevoir la nature. de ce qu'il manie, comme cette scolie de 1'être, cette pierre rejetée qui devient la pierre d'angle et qui est proprement ce que je désigne par l'objet « a» et que c'est un produit, je dis produit de l'opération du langage au sens où le terme produit est nécessité dans notre discours par la levée depuis Aristote de la dimension de l'ergone. du travail.

    Il s'agit de repenser la logique à partir de ce « a», puisque ce " a " si je l'ai dénommé, je ne l'ai pas inventé, que c'est proprement ce qui est tombé dans la main des analystes à partir de l'expérience qu'ils ont franchie dans ce qui est de la chose sexuelle.

    Tous savent ce que je veux dire, et en plus qu'ils ne parlent que de ça, ce " a " depuis l'analyse, c'est vous-mêmes, chacun d'entre vous, dans votre noyau essentiel, ça vous remet sur vos pieds comme on dit, ça vous remet du délire de la sp(h)ére céleste du sujet de la connaissance.

    Ceci étant dit, ça explique, c'est la seule explication valable, pourquoi, chacun peut le voir, on part dans l'analyse de l'enfant, c'est pour des raisons métaphoriques, parce que le «a» est l'enfant métaphorique de l'un et de l'autre, pour autant qu'il est né comme déchet de la répétition inaugurale laquelle, pour être répétition exige ce rapport de l'un à l'autre, répétition d'où naît le sujet. La vraie raison de la référence à l'enfant dans la psychanalyse, n'est donc en aucun cas la graine de G'I. La fleure promise à devenir l'heureux salaud qui paraît à M. Ericsson le suffisant motif de ses cogitations et de ses peines. Mais seulement, cette essence problématique, l'objet «a» dont les exercices nous stupéfient bien sûr pas n'importe où, dans le fantasme et très suffisamment mis à exécution de l'enfant, que ce soit à leur niveau qu'on en voit les jeux et les voies les mieux frayés, il faut pour ça recueillir des confidences qui ne sont pas à la portée des psychologues de l'enfant. Bref, c'est ce qui fait que le mot âme a dans le moindre des ébats sexuels de l'enfant, dans sa perversion comme on dit, la seule, l'unique, la seule digne présence qu'il faille accorder à ce mot : âme.

    Alors, je l'ai dit la dernière fois, l'Un c'est simplement dans cette logique, l'entrée en jeu de l'opération de la mesure de la valeur à donner à «a ». Dans cette opération de langage qui va être en somme (quoi d'autre se propose à nous ? ) tentative de réintégrer ce «a » dans quoi ? dans cet univers de langage, j'ai déjà posé au départ de cette année, qu'il n'existe pas. Pourquoi ? A cause de son existence à lui, l'objet «a », comme effet. Donc, opération contradictoire et désespérée dont heureusement la seule existence de l'arithmétique, fut-elle élémentaire, nous assure que l'entreprise est féconde, car même au niveau de l'arithmétique, (p234->) on s'est aperçu, récemment il faut le dire, que l'univers du discours n'existe pas. Alors, comment les choses se présentent-elles au départ de cette tentative ?

    Que veut dire écrire qu'il nous faut ce Un. Nous nous en contenterons pour la mesure de l'objet a.

vous soupçonnez bien que dès que commencera ma théorie à être l'objet d'une interrogation sérieuse de la part des logiciens, il y aura beaucoup à dire sur l'introduction ici des trois signes qui se figurent comme + = et aussi bien entre la barre et le « a ».

    Ce sont là épreuves auxquelles il faut bien provisoirement, pour que mon cours ne s'étire pas indéfiniment, que vous vous fiez à ce que je les ai faites pour mon compte, n'en laissant apparaître ici que les pointes au niveau où elles peuvent vous être utiles, il faut remarquer cependant que si parce que ça vient tout seul, et parce que c'est plus commode, nous avons encore assez de chemin à parcourir, j'inscris ici tout simplement la formule qui se trouve recouvrir ce que j'ai appelé le plus grand incommensurable, ou encore le nombre d'or, qui désigne à très proprement parler ceci : que de deux grandeurs, le rapport de la plus grande à la plus petite, du un au a , en l'occasion n , est le même que celui de leur somme à la plus grande, que si j'opère ainsi, ce n'est certes pas pour faire passer trop vite des hypothèses dont il serait fâcheux que vous les preniez pour décisives, je veux dire que vous y croyiez trop à ce paradigme qui simplement entend faire fonctionner un temps pour vous l'objet a comme incommensurable à ce dont il s'agit : sa référence au sexe. C'est à ce titre que le Un, ce sexe et son énigme est chargé de le recouvrir, mais rien n'indique au reste, dans la formule , que nous puissions tout de suite faire entrer la notion mathématique de proportion tant que nous ne l'avons pas écrit expressément ce qu'implique cette écriture telle qu'elle est là, pour quelqu'un qui la lit au niveau de son usuel mathématique, à savoir que ce

tant que ce Un n'est pas inscrit, la formule peut être considérée comme moins serrée, elle n'indique rien d'autre que c'est du rapprochement du 1 au a que nous entendons voir surgir quelque chose. Pourquoi pas à l'occasion que le 1 représente le a , je n'emploie guère mes symbolisations au hasard, et ceux qui ici, peuvent se souvenir, de celles que j'ai données à la métaphore, se rappelleront que quand j'écris la suite des signifiants avec l'indication que dans ses dessous, cette chaîne comporte un signifiant substitué et que c'est de cette substitution que résout le nouveau signifiant substitué au S' de ce qu'il recèle le signifiant auquel il se substitue prend valeur de ce quelque chose que j'ai déjà connoté, prend valeur de l'origine d'une nouvelle dimension signifiée qui n'appartenait ni à l'un ni à l'autre des deux signifiants en cause. Ce qui n'apparaît pas, que quelque chose d'analogue qui ne serait proprement ici que le surgissement de la dimension de la mesure ou de la (p235->) proportion signification originelle et implique dans ce moment d'intervalle qui après avoir écrit la complète de l'un qui en était absent, quoique immanent a et qui, du fait, d'être distingué dans ce second temps prend figure de la fonction ici du signifiant sexe en tant que refoulé. C'est dans la mesure où le rapport au Un énigmatique, pris dans sa pure conjonction, 1 + a peut dans notre symbolisme impliquer une fonction du 1 comme représentant l'énigme du sexe en tant que refoulé, que cette énigme du sexe va se présenter à nous comme pouvant réaliser la substitution, la métaphore recouvrant de sa proportion de «a » lui-même. Qu'est-ce à dire, le Un, allez-vous m'opposer, n'est point refoulé comme ici, où me tenant à une formule approximative, je fais une chaîne de signifiants dont il conviendrait qu'aucun ne reproduise le signifiant refoulé c'est pourquoi il faut que le refoulé se distingue, le 1 de la première ligne va-t-il contre l'articulation que j'essaie de vous en donner ? Sûrement point en ceci : ayant marqué le «a » du rapport au 1 ayant marqué sa différence et opéré sa soustraction d'avec le 1, on peut remarquer comme je l'ai dit : 1-a =A2 auquel succède ce A2 amené dans la première opération, auquel succède un A3.

    Toutes les puissances paires s'ampliant d'un côté à la rencontre des puissances impaires, leur tout réalisant cette somme, ce chiffre du 1.

Ce que nous avons en haut de cette proportion n'est rien d'autre que A3 + A4 et ainsi de suite, ce qui commence de A à l'infini étant égal au 1. Il en résulte que vous avez une figure assez bonne de ce que j'ai appelé dans la chaîne signifiante, l'effet métonymique et que j'ai depuis longtemps d'ores et déjà illustré du glissement dans cette chaîne de la figure «a ».

    Si la mesure qui est ainsi donnée dans ce jeu d'écriture car il ne s'agit de rien d'autre, il est exact qu'il en découle très immédiatement, qu'il nous suffit de faire passer ce bloc total du 1 + a à la fonction du 1 auquel il s'impose comme substitution pour obtenir

    Je peux m'offrir le luxe, histoire de vous amuser, je veux dire, le dernier Un, de ne pas l'écrire, reproduisant à son niveau la manœuvre de tout à l'heure, d'écrire à la suite lequel, si vous continuez à procéder dans la même voie, se poursuit de la 

formule (lequel -a est = à a2 n'est rien d'autre que a) identification finale qui en (237->) quelque sorte sanctionne qu'à travers ces détours qui ne sont pas rien, puisque c'est là que nous pouvons apprendre à faire jouer exactement les rapports de " a " au sexe nous ramène purement et simplement à cette identité du a.

    Ceux à qui ceci reste encore un peu difficile n'omettez pas que ce " a " c'est quelque chose de tout à fait existant, je ne l'ai pas fait jusqu'à présent, mais je peux vous écrire la valeur :   si vous voulez l'écrire en chiffres c'est  quelque chose comme ça : 2,236067 .....

    C'est un souvenir du temps, de mon temps, on apprenait comme ça les mathématiques, il est certain que ce ne serait pas une méthode comme critère pour les psychanalystes, il faudrait tous ceux qui sont en usage à présent. Nous reprendrons donc dans cette formule, ces temps pour désigner à proprement parler dans le 1 + a le point de ses formulations qui désignent le mieux ce que nous pouvons appeler le sujet sexuel. Si le 1 désigne en son temps premier d'énigme la fonction signifiante du sexe, c'est à partir du moment où le 1 - a au niveau dénominateur de l'égalité telle que nous la voyons ici se développer toujours la même, que surgit, comme vous pouvez le voir quoique je ne l'ai pas écrit imprudemment au niveau supérieur ce fameux 2 de la dyade qu'on ne saurait écrire sous la forme d'un 2 sans avoir averti que cela nécessite quelques remarques supplémentaires concernant dans cette occasion l'associativité de l'addition, autrement dit que je détache le second 1 en tant qu'il est dans une parenthèse pour le grouper dans l'autre parenthèse avec le 1 qui le précède mais qui a une fonction différente.

    Il n'est pas difficile de remarquer dans ces trois termes 1 - 1 - a les intervalles ici en cause qui mettent le «a» en problème au regard des deux autres 1.

    Qu'est-ce que ceci peut vouloir dire ?

    Pour confronter le «a » avec l'unité ce qui est seulcment instituer la fonction de la mesure, eh bien cette unité il faut commencer par l'écrire. C'est cette fonction que depuis longtemps j'ai introduite sous le terme du trait unaire. Unaire, ai-je dit, alors, où l'écrit-on ce trait unaire essentiel à opérer pour la mesure de l'objet " a " au regard du sexe. Sûrement pas sur le dos de l'objet, puisqu'aucun objet " a " n'a de dos. C'est à ceci, que sert je pense que vous le savez depuis toujours, ce que j'ai appelé le lieu de l'autre en tant qu'il est ici représenté comme appelé par toute cette démarche logique. C'est-à-dire le lieu de l'Autre d'abord en tant que comme tel, il introduit le redoublement du champ de l'un, c'est-à-dire encore, que nous avons là rien d'autre à proprement parler que la figuration de ce que j'ai articulé comme la répétition originelle, comme ce qui fait que l'Un premier, ce 1 cher aux philosophes, qui pourtant à leur manipulation oppose quelque difficulté, que ce 1 ne surgit en quelque sorte que rétro-actif à partir du moment où s'introduit comme signifiant, une répétition. Ce trait unaire, si je me souviens des cris désespérés d'un de mes auditeurs, quand j'ai simplement ramassé dans un (p237->) texte de Freud l'ein zi ger zug, qui avait passé inaperçu pour ce charmant interlocuteur qui aurait bien aimé en faire la trouvaille lui-même. Ne croyez pas pourtant qu'il n'existe que là, Freud n'a pas découvert le trait unaire, je vais parler tout à l'heure des grecs, mais pour rester dans l'actualité je vais ouvrir le dernier numéro de la revue : «Art asiatique» vous verrez une peinture de She Tao qui, dans ce trait unaire; en fait grand état, il ne parle que de ça pendant un petit nombre de pages. ça s'appelle en chinois i qui veut dire 1 ou qui veut dire : trait. C'est le trait unaire, il a beaucoup fonctionné avant que je vous en rebatte les oreilles. L'important dans ceci est de reconnaître ici dans ces fonctions essentielles qui nécessitent comme s'opposant comme en miroir, le champ de l'Autre à ce champ de l'Un énigmatique à proprement parler ce qui est figuré depuis longtemps dans mon graphe par la connotation signifiante de . Ce qui permet aussi, dans cet article que j'ai intitulé remarque et qui donne la formule de ce qu'on appelle dans la psychanalyse et dans les textes freudiens l'une des formes de l'identification, l'identification à l'idéal du moi dont j'ai passé précisément le trait dans 1'Autre comme indiquant au niveau de l'autre cette référence en miroir d'où part précisément pour le sujet, la veine de tout ce qui est identification, c'est-à-dire ce qui est spécialement dans le champ dont nous , parlons aujourd'hui, de la dyade, à distinguer comme se situant et se situant comme distinct des deux autres fonctions qui sont respectivement celles de la répétition, l'identification en la mettant au milieu et enfin la relation, je vous ai dit la dernière fois ce qu'il fallait en penser concernant quoique ce soit qui puisse s'autoriser de la dyade sexuelle.

    Je l'ai qualifiée de bouffonne cette relation dont on parle, comme de quelque chose qui aurait la moindre consistance quand il s'agit du sexe. je voudrais ici faire une remarque : au temps même après celui du sophiste où Aristote intervient, où il fonde d'une façon dont il est juste de dire quelle que soit la dissolution que nous avons su dans la suite, opérer, des opérations de la logique dont il est juste de dire que ces catégories gardent un caractère inébranlable. je vous ai déjà vivement incités à reprendre ce petit trait, il est purement admirable pour tout ce qui concerne les exercices qui peuvent permettre de donner un sens au terme de sujet. L'énumération des catégories n'est pas à refaire, celle de lieu, de temps de quantité, de comment, de pourquoi, etc. , n'est-il pas frappant qu'après une énumération qui reste si exhaustive, on remarque que précisément Aristote n'a pas introduit dans les catégories cette sorte de relation qu'on pourrait écrire, mais essayez un peu, vous m'en direz des nouvelles, la relation sexuelle. Tous les logiciens ont pu exemplifier les différents types de relation qu'ils distinguent comme transitives, intransitives, irréfléchies etc, à les illustrer par exemple des termes de parenté. Untel père de A, le père de B, le fils de A, etc... il est assez curieux que l'absence dans les catégories aristotéliciennes de la relation sexuelle, que personne ne s'est choqué à dire que si A est 1'homme de B et la femme de A. Cette relation, pourtant, bien sûr, fait partie de l'autre question concernant ce dont il s'agit, à savoir la question du statut qui fonde ces termes qui sont à proprement parler ceux que je viens d'avancer sous la forme d'homme et de femme. Pour ce faire, il est tout à fait vain de projeter, pour employer un terme dont le psychanalyste use à tort et (p238->) à travers, de projeter dans ce qui vient marquer le champ de l'autre dans ce que je vais appeler maintenant X pour bien marquer que cet Un n'était rien d'autre jusqu'à présent qu'une dénomination. Qu'il faille dénommer de l'un du trait unaire ce qui entre le «a » et le grand Autre c'est ce que l'on ne peut que par abus considérer comme ce champ X l'unifiant, le faisant unitif, bien plus.

    Bien sûr, ce n'est pas d'hier que ce glissement s'est opéré, ce n'est pas le privilège des psychanalystes, la confusion d'un Être, quel Être suprême, avec Un comme tel, c'est ce qui s'incarne d'une façon éminente par exemple sous la plume d'un Plotin, chacun sait ça. Prévalence de cette fonction médiane qui n'est pas rien puisqu'elle opère ; je l'ai , appelée celle fondamentale de l'idéal du moi en tant qu'en dépend tout une cascade d'identification secondaire, nommément celle du moi idéal lequel est noyau moi, tout ceci a été exposé et inscrit à sa place et en son temps, à soi seul fait surgir la question de quel motif la multiplicité de ces identifications est nécessitée, il est clair de se reporter au petit schéma optique que j'en ai donné, qui n'est qu'une métaphore, alors que ceci n'a rien de métaphorique puisque ce sont les métaphores qui sont opérantes dans la structure. Que le lien de l'un à l'autre, par identification et surtout s'il prend cette forme réversible qui fait de l'Un l'Etre suprême est à proprement parler typique de l'erreur philosophique. Si je vous ai dit de lire le sophiste de Platon c'est qu'on est loin d'y tomber et que Platon est ici la meilleure référence pour en faire les preuves.

    Je ne voudrais y opposer que les mystiques pour autant que ce sont eux que nous pouvons définir, comme s'étant avancés à leurs dépens de «a » vers cet Etre qui, lui, n'a rien fait que de s'annoncer comme imprononçable quant à son nom par rien d'autre que par ces lettres énigmatiques qui reproduisent la forme générale du «je suis» non pas celui qui «suis» ni celui qui est, mais ce que je suis. C'est-à-dire, cherchez toujours. Ne voyez là rien qui spécifie encore qu'il mérite d'être spécifié à un autre niveau pour la référence qu'on en fait au père, le Dieu des juifs, car le Tao s'énonce comme vous le savez de notre temps où le Zen court les rues, vous avez bien dû récolter dans un coin que le Tao qui peut se nommer n'est pas le vrai Tao.

    Nous ne sommes pas là pour nous gargariser avec ces vieilles plaisanteries. Quand je parle des mystiques, je parle simplement des trous qu'ils rencontrent, je parle de la nuit obscure par exemple, de ce qu'il peut y avoir d'unitif dans les rapports de la créature à quoi que ce soit, il peut toujours même avec les méthodes les plus subtiles et les plus rigoureuses s'y rencontrer un os. Les mystiques pour tout dire, c'est, je dois dire aussi, le seul point par où ils m'intéressent, je ne fais pas de l'acte sexuel une théorie «mystique» . Je ne parle des mystiques que pour signaler qu'ils sont moins bêtes que les philosophes, de même que les malades sont moins bêtes que les psychanalystes, ceci tient uniquement à ceci : c'est que c'est une alternative renouvelée de ce que j'ai plusieurs fois donné comme formule de l'aliénation : la bourse ou la vie, la liberté ou la mort, la bêtise ou la canaillerie par exemple, il n'y a pas de choix quand la question de la bêtise ou de la canaillerie se (p239->) pose, au niveau des philosophes ou des psychanalystes, c'est toujours la bêtise qui l'emporte jamais 1a canaillerie !

    Pour prendre ce champ qui est entre le «a » et le A , vous voyez que j'ai dessiné deux lignes, l'une faite simplement pour marquer que le a s'égale dans sa première partie à ce qu'est le a externe, et qu'il y a ce reste du a - b , j'ai fait une seconde ligne qui pourrait être la seule pour nous marquer que ce point, ce champ est à considérer, je dis pour nous analystes, comme étant dans son ensemble quelque chose d'au moins suspect de participer de la fonction du trou. Je ne peux faire ne serait-ce que par reconnaissance pour la contribution que M. Green a bien voulu apporter à mon travail, qu'introduire ici, pourquoi pas, la référence qu'il a bien voulu y adjoindre, c'est celle qu'il a introduite, je dois dire, ne vous laissez pas emporter, très remarquablement, sous la forme de ce chaudron de l'Es qui a été extrait du côté de la 31 ou 32 ème conférence de Freud. Le chaudron dans une certaine image qu'on peut en faire, ça s'exprime comme ceci : ça bout là-dedans, à la vérité, dans le texte de Freud c'est bien de ça qu'il s'agit. Avec quelle ironie Freud pouvait laisser passer de telles images, c'est quelque chose qu'il faudrait bien sûr étudier, ce n'est pas à notre portée tout de suite, il faudrait auparavant se livrer à une solide opération de décrassage de ce qui recouvre le texte, la marée noire, n'en disons pas trop là-dessus, c'est qu'une des choses essentielles à distinguer, c'est la différence qu'il y a entre la pourriture et ,la merde, faute d'en faire une distinction exacte on ne s'aperçoit pas par exemple que ce que Freud désigne, c'est ce quelque chose qu'il y a de pourri dans la jouissance, ce n'est pas moi qui invente ce terme qui se promène déjà dans littérature courtoise, ce sont les termes poétiques dont usent les romans de la Table Ronde et nous les voyons repris, trouvons notre bien où il est, repris sous la plume de ce vieux réactionnaire de T. S. Eliott sous le titre de West-land, il sait très bien de quoi il parle, lisez-le, c'est encore une très bonne lecture et je dois dire fort amusante, moins claire que celle de Heidegger, il ne s'agit de rien d'autre, d'un bout à l'autre, que de la relation sexuelle. Il s'agirait évidemment de décanter ce champ de la pourriture du coaltère merdeux, vu la fonction privilégiée que joue dans cette opération l'objet analys dont la théorie psychanalytique le recouvre. A la place de ce que j'avais défini comme le Es de la grammaire, vous verrez de quelle grammaire il s'agit, M. Green a rappelé qu'il ne fallait pas que j'oublie l'existence du chaudron en tant qu'il fait boulouboulou... question essentielle et je lui rends cet hommage qu'il a pris une voie très mienne pour faire fonctionner ce qu'il appelait  référence  pour nous rappeler l'autre usage que Freud fait du Chaudron à savoir qu'à propos de ce fameux chaudron qu'on nous reproche d'avoir rendu percé, le sujet exemplaire répond communément que

    1) Il ne l'a pas emprunté, 
    2) que percé, il l'était déjà, 
    3) qu'il l'a rendu intact.

Formule qui a toute sa valeur d'ironie, mais qui est ici exemplaire quand il s'agit de (p240->) la fonction des analystes parce que l'usage que font les analystes de cette place dont j'accorde volontiers qu'il faut la représenter par quelque chose comme un chaudron à condition de savoir que c'est un chaudron troué, qu'il est par conséquent vain de l'emprunter pour faire des confitures et qu'aussi bien nous ne l'empruntons pas, toute la technique analytique, on a tort de ne pas le remarquer, consiste précisément à laisser vide cette place du chaudron, que je sache on ne fait pas l'amour dans le cabinet analytique, c'est parce que de cette place et ce qu'on a à y mesurer, on y opère du a et du A nous pouvons peut-être en dire quelque chose.

    Je dirai que ces trois amusantes références à l'embarras du débiteur du chaudron ne font que recouvrir de la part des analystes un triple refus de reconnaître ce qui est justement en jeu

    1) que ce chaudron ils ne l'ont pas emprunté, ils nient ce «ne pas» et s'imaginent qu'effectivement ils l'on emprunté.

    2) qu'il semble qu'ils veulent oublier, tant qu'ils peuvent le faire, et comme ils le savent fort bien pourtant que le chaudron est percé, et que de promettre de le rendre intact est aventureux.

C'est seulement à partir de là qu'on pourra se rendre compte de ce phénomène de vérité que j'ai tenté d'épingler dans la formule : «moi, la vérité, je parle ». Ceci est vrai, quoique les psychanalystes en pensent, et même s'ils veulent penser quelque chose qui ne les force pas à se boucher les oreilles aux paroles de la vérité, ici que nous apprend l'élément même de la théorie analytique, sinon qu'accéder à 1'acte sexuel c'est accéder à une jouissance coupable, même et surtout si elle est innocente la jouissance pleine, celle du roi de Thèbes et du sauveur du peuple, celui qui relève le sceptre tombé on ne sait comment et sans descendance, pourquoi on l'a oublié ; bref, cette jouissance qui recouvre quoi ? la pourriture, celle qui explose enfin dans la peste, le Roi Oedipe lui, a réalisé l'acte sexuel, le roi a régné, rassurez-vous d'ailleurs, c'est un mythe, comme les autres mythes de la mythologie grecque, il y a d'autres façons de réaliser l'acte sexuel, elles trouvent en général leur sanction aux enfers, celle d'Oedipe est la plus humaine, comme nous disons aujourd'hui, dont il n'y a pas tout à fait l'équivalent en grec où pourtant se trouve l'armoire à linge de l'humanisme.

    Quel océan de jouissance féminine, je vous le demande, n'a-t-il pas fallu pour que le navire d'oedipe flotte sans couler jusqu'à ce que la peste lui montre enfin de quoi était faite la mer de son bonheur. Cette dernière phrase peut vous paraître énigmatique, c'est qu'il y a en effet ici à respecter le caractère d'énigme que doit garder un certain savoir qui est celui qui concerne l'empen que j'ai marqué ici par le trou. Aussi bien n'y a-t-il pas d'entrée possible dans ce champ sans le franchissement de l'énigme, c'est vous le savez ce que désigne le mythe d'Oedipe, sans la notion que ce savoir, que l'énigme soit ou non résolue, que ce savoir dis-je est intolérable, à la Sphynge, c'est ce qui présente chaque fois que la vérité est en (p241->) cause, la vérité se jette dans l'abîme quand Oedipe tranche l'énigme. Ce qui veut dire qu'il montre la supériorité du , que la vérité ne peut pas supporter, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire : la jouissance en tant qu'elle est au principe de la vérité, ça veut dire ce qui s'articule au lieu de l'Autre pour que la jouissance dont il s'agit de savoir, là où elle est, elle se pose, cautionnant la vérité. Il faut bien qu'elle soit en ce lieu pour questionner le lieu de l'Autre. On ne questionne pas d'ailleurs. Ceci vous indique que ce lieu que j'ai introduit comme le lieu où s'inscrit le discours de la vérité, n'est certes pas, quoique ait pu entendre tel ou tel, cette sorte de lieu que les stoïciens appelaient incorporel, j'aurais à dire ce qu'il en est, à savoir précisément qu'il est le corps, ce n'est pas là que je vais m'avancer aujourd'hui.

    Quoiqu'il en soit, Oedipe en savait un bout sur ce qui lui était posé comme question, mais dont la forme devrait bien retenir notre perspicacité.

    Le savoir est nécessaire à l'institution de l'acte sexuel, c'est ce que dit le mythe de l'oedipe, jugez de ce qu'il a fallu que déploie comme dissimulation Jocaste, puisque sur les chemins de la rencontre le tukey on ne le rencontre qu'une fois dans la vie. Oedipe n'a pas su devoir mieux l'abriter, enfin, toutes ces années que durera ce bonheur, il fasse l'amour le soir au lit ou pendant le jour, jamais Oedipe n'a-t-il eu à évoquer cette bizarre échauffourée qui se produisit au carrefour avec ce vieillard qui a succombé, en plus le serviteur qui a survécu quand il a vu Oedipe monter sur le trône est foutu le camp. Cette impossibilité de les rencontrer n'est-elle pas pour nous évoquer quelque chose ? Si Sophocle nous met toute l'histoire du serviteur pour nous éviter au fait que Jocaste au moins n'a pas pu ne pas savoir. Elle le sait, c'est pour ça qu'elle se tue pour avoir causé la perte de son fils.

    Qu'est Jocaste ? Pourquoi pas le mensonge incarné dans ce qui est de l'acte sexuel même si personne n'a su le voir, ni le dire, c'est un lieu où l'on accède qu'à avoir écarté la vérité de la jouissance. La vérité ne peut s'y faire entendre car si elle s'y fait entendre tout se dérobe et le désert se fait. C'est un lieu peuplé pourtant d'habitude le désert, à savoir ce champ X, il y a normalement un monde fou : les masochistes, les diables, les fantômes, mais en plus, les larves. II suffit simplement qu'on commence à y prêcher nommément le préchi-précha psychanalytique pour que tout ce monde foute le camp, c'est de ça qu'il s'agit, d'où en parler. La jouissance vous ai je dit n'est pas là et a la valeur de jouissance.

    Ceci est dit par Freud dans le mythe où il révèle le sens dernier du mythe de l'oedipe, jouissance coupable, jouissance pourrie sans doute, mais encore ce n'est rien dire si l'on introduit la fonction de la valeur de jouissance, c'est-à-dire de ce qui la transforme en quelque chose d'un autre ordre, le maître du mythe que lui, Freud, forge, quelle est sa jouissance ? Il jouit dit-on de toutes les femmes. Qu'est-ce à dire ? n'y a t-il pas là quelque énigme ? et ces deux versants du sens du mot jouir que je vous ai dit la dernière fois : versant subjectif et objectif, est-il (p242->) celui qui jouit par essence, mais alors tous les objets sont là en quelque sorte fuyant hors du champ ou sans ce dont il jouit, peu importe, est-il la jouissance de l'objet, à savoir de la femme. Ceci n'est pas dit, se dérobe, pour la simple raison que c'est le mythe qu'il s'agit de désigner en ce point en ce champ où la fonction originelle d'une jouissance absolue qui, le mythe le dit assez, ne fonctionne que lorsqu'elle est jouissance tuée, ou si vous voulez : jouissance aseptique, ou encore, pour reprendre à mon compte un mot que j'ai appris que les canadiens emploient : le mot cane, jerricane, ils emploient le mot : cané, voilà du bon franglais. Une jouissance canée.

    Voilà ce que Freud nous désigne du mythe du père et de son meurtre nous désigne comme étant la fonction originelle sans laquelle nous ne pouvons nous avancer sans concevoir ce qui va être notre problème à savoir ce qui joue dans les opérations grâce à quoi s'échangent, s'économisent et se reversent les fonctions de la jouissance telle que nous avons à nous y affronter dans l'expérience psychanalytique c'est ce à quoi nous nous avancerons à partir du 10 mai.

 

note : bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un émail. Haut de Page 
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