IX-L'IDENTIFICATION
Séminaire du 30 mai 1962
SÉMINAIRE DE MONSIEUR LE PROFESSEUR
LACAN
(->p460) (XXII/1)
L'enseignement où je vous conduis est commandé par les chemins de notre expérience. I1 peut paraître excessif, sinon fâcheux que ces chemins suscitent dans mon enseignement une forme de détours disons inusités, qui, à ce titre, peuvent paraître à proprement parler exorbitante. Je vous les épargne autant que je peux. Je veux dire que, par des exemples noués, aussi serrés que possible près de notre expérience, je dessine une sorte de réduction, si l'on peut dire de ces chemins nécessaires.
Vous ne devez pourtant pas vous étonner
que soient impliqué dans notre explication des champs, des domaines tel que celui par
exemple cette année, de la topologie, si en
fait, les chemins que nous avons à parcourir sont ceux qui, mettant en cause un
ordre aussi fondamental que la constitution la plus radicale du sujet comme tel, intéressant
de ce fait tout ce qu'on pourrait appeler une sorte de révision de la science. Par exemple cette supposition radicale qui est 1a
nôtre, qui
met le sujet dans sa constitution dans la dépendance, dans une position seconde par rapport au signifiant, qui fait du sujet comme tel
un effet du
signifiant, ceci ne peut pas manquer de rejaillir de notre expérience si
incarnée soit-elle dans les domaines en apparence les plus abstraits de
la pensée. Et je crois ne rien forcer en disant que ce que nous élaborons ici
pourrait intéresser au plus haut point le mathématicien. Par exemple, comme on
le constatait récemment, à y regarder je crois d'assez près dans une théorie
qui, pour le mathématicien, au moins un temps, a fait grandement problème, une
théorie comme celle du transfini dont assurément les impasses antécédent
grandement notre mise en valeur de la fonction du trait unaire, pour autant que
cette théorie du transfini, ce qui la fonde c'est un retour, c'est une saisie
de l'origine du comptage d'avant le nombre, je veux dire de ce qui antécède à
tout le comptage et le comprend et le supporte, à savoir la correspondance bi
Bien sûr ces détours-là,
ce peut
être pour moi une façon de confirmer l'ampleur, l'infini et la fécondité de
ce qu'il nous est absolument nécessaire de construire, quant à nous, à partir
de notre expérience. Je vous les épargne.
S'il est vrai que les choses sont ainsi,
que l'expérience analytique est celle qui nous conduit à travers les effets incarnés de ce qui est, bien sûr, depuis toujours
- mais dont le fait
que nous nous en apercevions seulement est la chose nouvelle - les effets
incarnés de ce fait de la primauté du signifiant sur le sujet, il ne se peut
pas que toute espèce de tentative de réduction des dimensions de notre expérience
au point de vue déjà constitué de ce qu'on appelle la science psychologique,
en ce sens que personne ne peut nier, ne peut pas ne pas reconnaître qu'elle
s'est constituée sur des prémices qui négligeaient, et pour cause parce
qu'elle était éludée, cette articulation fondamentale sur quoi nous mettons
l'accent, cette année seulement d'une façon plus encore explicite, plus serrée,
plus nouée, il ne se peut pas, dis-je, que toute réduction au point de
vue de la science psychologique telle qu'elle s'est déjà constituée en
conservant comme hypothèse un certain nombre de points d'opacité, de points
éludés, de points d'irréalité majeure, aboutisse forcément à des
formulations objectivement menteuses - je ne dis pas trompeuses, je dis
menteuses - faussées qui déterminent quelque chose qui se manifeste
toujours dans la communication de ce qu'on peut appeler un mensonge incarné.
Le signifiant détermine le sujet, vous
dis-je, pour autant que nécessairement c'est cela que veut dire l'expérience
psychanalytique. Mais suivons les conséquences de ces prémices nécessaires
. Ce signifiant détermine le sujet. Le sujet en prend une structure ; c'est
celle que j'ai déjà essayé de vous démontrer cette année à propos de
l'identification, c'est-à-dire de ce quelque chose qui focalise sur
la structure même du sujet notre expérience. J'essaie de vous faire suivre
plus intimement ce lien du signifiant à la structure subjective.
Ce à quoi je vous amène sous ces
formules topologiques dont vous avez déjà senti qu'elles ne sont pas
purement et simplement cette référence intuitive à laquelle vous a habitué
la pratique de la géométrie, c'est à considérer que ces surfaces sont
structures et j'ai dû vous dire qu'elles sont toutes structurellement présentes
en chacun de leurs points, si tant est que nous devions employer ce mot point
sans réserver
Je vous ai amenés, par mes énonciations
précédentes, à ceci qu'il s'agit maintenant de dresser dans son unité, que le signifiant est coupure et ce sujet et sa structure il s'agit de l'en faire
dépendre - cela est possible en ce que je vous demande d'admettre et de me suivre
au moins un temps - que le sujet a la structure de la surface au moins
topologiquement définie. Il s'agit donc de saisir - et ce n'est
pas difficile - comment la coupure engendre la surface. C'est cela que
j'ai commencé à exemplifier pour vous le jour où vous envoyant comme autant
de petits volants à je ne sais quel jeu mes surfaces de Moebius, je vous ai
aussi montré que ces surfaces, si vous les coupez d'une certaine façon,
deviennent aussi d'autres surfaces, je veux dire topologiquement définies et
matériellement saisissables comme changées puisque ce ne sont plus des surfaces de
Moebius du seul fait de cette coupure médiane que vous avez pratiquée,
mais une bande un peu tordue sur elle-même, mais bel et bien une bande, ce
qu'on appelle une bande, telle cette ceinture que j'ai là autour des reins.
Ceci pour vous donner l'idée de la possibilité de la conception de cet
engendrement en quelque sorte inversé par rapport à une première évidence.
C'est la surface, penserez-vous, qui permet la coupure, et je vous dis :
c'est la coupure que nous pouvons concevoir, a prendre la perspective
topologique, comme engendrant la surface. Et c'est très important. Car en fin de
compte c'est là peut-être que nous allons pouvoir saisir le point d'entrée,
d'insertion du signifiant dans le réel, constater dans la praxis humaine que
c'est parce que le réel nous présente, si je puis dire, des surfaces
naturelles que le signifiant peut y entrer.
Bien
sûr, on peut s'amuser à faire
cette genèse avec des actions concrètes comme on les appelle, afin de rappeler
que l'homme coupe et que Dieu sait que notre expérience est bien celle où
l'on a mis en valeur l'importance de cette possibilité de couper avec avec une paire de ciseaux. Une des images fondamentales des premières métaphores
analytique - les deux petits pouces qui sautent sous le claquement des
ciseaux est, bien sûr, pour nous inciter à ne pas négliger ce qu'il y a de
concret, de pratique : le fait que l'homme est un animal qui se prolonge avec des instruments, et la paire de ciseaux au premier plan.
On pourrait s'amuser à refaire une histoire naturelle : qu'en résulte-t-il pour les
quelques animaux qui ont la paire de ciseaux à l'état naturel ? Ce n'est
pas à cela que je nous amène, et pour cause..
(->p463) (XXII/4) Ce à quoi nous amène la formule,
"l'homme coupe", c'est bien plutôt à ses échos sémantiques qu'il
se coupe, comme on dit, qu'il essaie d'y couper. Tout cela est autrement à
rassembler autour de la formule fondamentale . "on t'la coupe" !
Effet de signifiant,
la coupure a
d'abord été, pour nous, dans l'analyse phonématique du langage, cette ligne
temporelle, plus précisément successive des signifiants que je vous ai habitués
à appeler jusqu'à présent la chaîne signifiante. Mais que
va-t-il arriver si maintenant je vous incite à considérer la ligne
elle-même comme coupure originelle ? Ces interruptions, ces
individualisations, ces segments de la ligne qui s'appelaient, si vous voulez,
à l'occasion phonèmes, qui supposaient donc être séparés de celui qui précède
et de celui qui suit, faire une chaîne au moins ponctuellement interrompue,
cette "géométrie du monde sensible" à laquelle, la dernière fois,
je vous ai incités à vous référer avec la lecture de Jean Nicaud et l'ouvrage
ainsi intitulé, vous verrez en un chapitre central l'importance qu'a cette
analyse de la ligne en tant qu'elle peut-être, je puis dire, définie par
ses propriétés intrinsèques et quelle aisance lui aurait donnée la mise au
premier plan radicale de la fonction de la coupure pour l'élaboration théorique
qu'il doit échafauder avec la plus grande difficulté et avec des
contradictions qui ne sont autres que 1a négligence de cette fonction radicale.
Si la ligne elle-même est coupure, chacun de ses éléments sera donc
section de coupure, et c'est cela en somme qui introduit cet élément vif, si
je puis dire, du signifiant que j'ai appelé le huit intérieur, à savoir précisément
la boucle. La ligne se recoupe : quel est l'intérêt de cette remarque ?
La coupure portée sur le réel y
manifeste, dans le réel, ce qui est sa caractéristique et sa fonction, et ce
qu'il introduit dans notre dialectique, contrairement à l'usage qui est en fait
que le réel est le divers : le réel, depuis toujours, je m'en suis servi de
cette fonction originelle pour vous dire que le réel c'est lui qui introduit le
même, ou plus exactement le réel est ce qui revient toujours à la même
place. Qu'est-ce à dire, sinon que la section de coupure, autrement dit le
signifiant étant ce que nous avons dit : toujours radicalement différent de
lui-même - A A : A n'est pas identique à A - nul moyen de
faire apparaître le même, sinon du coté du réel. Autrement dit la coupure, si
je puis m'exprimer ainsi, au niveau d'un pur sujet de coupure, la coupure ne
peut savoir qu'elle s'est fermée, qu'elle ne repasse par elle-même, que
parce que le réel, en tant que distinct du signifiant, (->p464)
(XXII/5) est le même. En d'autres termes, seul le
réel la forme. Une courbe fermée,
Nous trouvons là le noeud qui nous
donne un recours à l'endroit de ce qui constituait l'incertitude, le flottement
de toute la construction identificatoire. Vous le saisirez très bien dans
l'articulation de Jean Nicaud ; il consiste en ceci : faut-il attendre le
même pour que le signifiant consiste, comme on l'a toujours cru sans s'arrêter
suffisamment au fait fondamental que le signifiant, pour engendrer la différence
de ce qu'il signifie originellement à savoir à la fois cette fois-là,
que je vous assure, ne saurait se répéter, mais qui toujours oblige le sujet
à la retrouver, cette fois-là exige donc , pour achever sa forme
signifiante, qu'au moins une fois le signifiant se répète et cette répétition
n'est rien d'autre que la forme la plus radicale de l'expérience de la demande.
Ce qu'est incarné le signifiant, ce
sont toutes les fois que la demande se répète. Et si justement ce n'était
pas en vain que la demande se répète, il n'y aurait pas de signifiant, parce
que pas de demande. Si ce que la demande enserre dans la boucle vous l'aviez,
pas besoin de demande. Nul besoin de demande si le besoin est satisfait.
Un humoriste s'écriait un jour :
"Vive la Pologne, Messieurs, parce que s'il n'y avait pas de Pologne, il
n'y aurait pas de Polonais." La demande, c'est la Pologne du signifiant. C'est
pourquoi je serai assez porté aujourd'hui parodiant cet accident de la théorie
des espaces abstraits qui fait qu'un de ces espaces - et il y en a
maintenant de plus en plus nombreux auxquels je ne me crois pas forcé de vous
intéresser - s'appelle l'espace polonais. Appelons aujourd'hui le
signifiant un signifiant polonais cela vous évitera de l'appeler le
lac, ce qui
me semblerait un dangereux encouragement à l'usage qu'un de mes fervents, a cru
devoir faire du terme de lacanisme ! J'espère qu'au moins aussi longtemps
que je vivrai ce terme , manifestement appétent, après ma seconde
mort me sera épargné !
Donc ce que mon
signifiant polonais est destiné à illustrer c'est le rapport (->p465)
(XXII/6) du signifiant à soi-même,
c'est-à-dire à nous conduire au rapport du signifiant au sujet, si
tant est que le sujet puisse être conçu comme son effet.
J'ai déjà remarqué qu'apparemment il
n'y a que signifiant, toute surface où s'inscrit lui étant supposée. Mais ce
fait est en quelque sorte imagé par tout le système des Beaux-Arts qui
éclaire quelque chose qui vous introduit à interroger l'architecture, par
exemple sur ce billet qui vous fait apparaître ce pour quoi elle est si réductiblement
trompe-l'œil, perspective. Et ce n'est pas pour rien que j'ai mis aussi
l'accent, en une année dont les préoccupations me semblent bien éloignées de
préoccupations proprement esthétiques, sur l'anamorphose, c'est-à-dire
pour ceux qui n'étaient pas là auparavant- l'usage de la fuite d'une
surface pour faire apparaître une image qui assurément déployée est méconnaissable,
mais qui, à un certain point de vue se ressemble et s'impose.
Cette singulière ambiguïté d'un art
sur ce qui apparaît de sa nature de pouvoir se rattacher aux pleins et aux
volumes, à je ne sais quelle complétude qui, en fait, se révèle toujours
essentiellement soumise au jeu des plans et des surfaces, est quelque chose
d'aussi important, intéressant, que de voir aussi ce qui en est absent. A
savoir toutes sortes de choses que 1'usage concret de 1'étendue nous offre par
exemple les noeuds, tout à fait concrètement imaginables à réaliser
dans une architecture de souterrains comme peut-être l'évolution de
temps nous en fera connaître. Mais il est clair que jamais aucune architecture
n'a songé à se composer autour d'une ordonnance des éléments, des pièces et
communications, voir des couloirs, comme quelque chose qui, à l'intérieur de
soi-même, ferait des noeuds. Et pourquoi pas pourtant ? C'est bien
pourquoi notre remarque qu'il n'y a de signifiant qu'une surface lui étant
supposée, se renverse dans notre synthèse qui va chercher son noeud le plus
radical de ceci que la coupure, en fait, commande, engendre la surface, que
c'est elle qui lui donne avec ses variétés, sa raison constituante.
C'est bien ainsi que nous pouvons saisir,
homologuer ce premier rapport de la demande à la constitution du sujet en tant
que ces répétitions, ces retours dans la forme du tore ces boucles qui se renouvellent
en faisant ce qui, pour nous, dans l'espace imaginé du tore, se présente
comme son contour, ce retour à son origine nous permet de structurer,
d'exemplifier d'une façon majeur un certain type de rapports
du signifiant au sujet qui nous permet
de situer dans son opposition la fonction D de la demande et celle, a de l'objet
a, l'objet du désir ; D , la scansion de la demande.
|
Vous avez pu remarquer que, dans le
graphe, vous avez les symboles
L'application du signifiant
- que
nous appelons aujourd'hui pour nous amuser le "signifiant polonais" -
à la surface du tore, vous la
(->p467) (XXII/8) C'est la forme la plus simple de ce qui
peut se produire d'une façon infiniment enrichie par une suite de contours
embobinés, la bobine à proprement parler, celle de la dynamo, pour autant
qu'au cours de cette répétition le tour est fait autour du trou centra!.
Mais
sous la forme ou vous la voyez ici dessinée, la plus simple, ce tour est fait
également, je le souligne - cette coupure est la coupure simple - de telle sorte que cela ne se recoupe pas. Pour imager les choses : dans
l'espace réel, celui que vous pouvez visualiser, vous la voyez jusqu'ici, à
cette surface à vous présentée, cette face vers vous du tore, elle disparais
ensuite sur l'autre face - c'est pour cela qu'elle est en pointillés- pour
revenir de ce côté-ci.
Une telle coupure ne saisit, si je puis
dire, absolument rien. Pratiquez-la sur une chambre à air, vous verrez à
la fin 1a chambre ouverte d une certaine façon, transformée en une surface
deux fois tordue sur elle-même, mais point coupée en deux. Elle rend, si
je puis dire, saisissable une façon signifiante et préconceptuelle, mais qui
n'est point sans caractériser une sorte de saisie à sa façon de ceci de radical
de la fuite, si l'on peut dire 1'absence d'aucun accès de saisie à l'endroit de
son objet au niveau de la demande. Car si nous avons défini la demande en ceci
qu'elle se répète et qu'elle ne se répète qu'en fonction du vide intérieur
qu'elle cerne, ce vide qui la soutient et la constitue, ce vide qui ne comporte
- je vous le signale en passant - aucun jeu en quelque sorte éthique
ni plaisamment pessimiste -comme s'il v avait un pire dépassant
l'ordinaire du sujet, c'est simplement une nécessité de logique abécédaire
si je puis dire - toute satisfaction saisissable, qu'on la situe sur le
versant du sujet ou sur le versant de l'objet, fait défaut à la demande.
Simplement pour que la demande soit demande, à savoir qu'elle se répète comme
signifiant, il faut qu'elle soit déçue ; si elle ne l'était pas il n'y aurait
pas de support à la demande.
Mais ce vide est différent de ce dont
il s'agit concernant a , l'objet de désir. L'avènement constitué
par la répétition, l'avènement métonymique, ce qui glisse, est évoqué par le glissement même
de la répétition de la demande ; a l'objet du désir, ne saurait aucunement
être évoqué dans ce vide cerné ici par la boucle de la demande. Il est ,
à
situer dans ce trou que nous appellerons le rien fondamental pour le distinguer
du vide de la demande, le rien ou est appelé à l'avènement l'objet du désir.
Ce qui s'agit pour vous de formaliser avec les éléments que je vous apporte,
Si ce n'était que cela que vous pouvez
en tirer, ce serait bien des efforts pour un résultat court. Mais, comme vous
allez le voir, il y a bien d'autres choses à en tirer. En effet pour aller vite
et sans bien sûr vous faire franchir les différentes marches de la déduction
topologique qui vous montrent la nécessité interne que le tore permet quelque
chose qu'assurément vous pourrez voir que la cross-cap, lui ne permet
pas.
Je pense que les personnes les moins
portées à l'imagination voient, à travers les enroulements topologiques, de
quoi il s'agit. Au moins métaphoriquement, le terme de chaîne qui implique
concaténation est déjà entré suffisamment dans le langage pour que nous nous
y arrêtions pas. Le tore, de par sa structure topologique, implique ce que
nous pourrons appeler un complémentaire un autre tore qui peut venir se concaténer
avec lui. Supposons-les comme
tout à fait conformes avec ce que je vous prie de conceptualiser dans l'usage de ces
surfaces, à savoir qu'elles ne sont pas métriques, qu'elles ne sont pas
rigides, disons qu'elles sont en capsule. Si vous prenez un de ces anneaux
avec lesquels on joue au jeu de ce nom, vous pourrez constater que si vous
l'empoignez d'une façon ferme et fixe, par son pourtour et que vous fassiez
tourner sur lui-même le corps de ce qui est resté libre, vous obtiendrez
très facilement et de la même façon que si vous vous serviez d'un jonc incurvé,
en le tordant ainsi qui lui-même, vous le ferez revenir |
(->p469) (XXII/10) pouvez imaginer que par une torsion qui
serait donc celle-ci, l'un de ces tores sur l'autre, nous procédions à
ce qu'on peut appeler un décalque de quoi que ce soit qui serait inscrit déjà
sur le premier que nous appellerons le 1, et mettons que ce dont il s'agit soit
ce que je vous prie de référer simplement au premier tore : cette courbe, en
tant que non seulement elle englobe 1'épaisseur du tore et que, non seulement
elle englobe l'espace du trou, mais qu'elle le traverse, ce qui est la
condition qui peut lui permettre d'englober à la fois les deux vides, les riens
mais ce qui est ici dans l'épaisseur du tore et ce qui est ici au centre
du noeud.
On démontre
- mais je vous
dispense de la démonstration qui serait longue et vous demanderait effort - qu'à
procéder ainsi ce qui viendra sur le second tore sera une courbe superposable à la première si l'on superpose les deux tores.
Qu'est-ce
que cela veut dire ? D'abord qu'elles pourraient n'être pas superposables.
Voici deux courbes
Elles ont
l'air d'être faites de la même
façon : elles sont pourtant irréductiblement non superposables. Cela implique
que le tore, malgré son apparence symétrique, comporte des possibilités
do mettre en évidence, par la coupure, un de ces effets de torsion qui permette ce que
j'appellerai la dissymétrie radicale, celle dont vous savez que la
présence dans la nature est un problème pour toute formalisation, celle qui
fait que les escargots ont un principe un sens de rotation qui fait de ceux qui
Je vous demande pardon de vous faire
suivre un chemin qui peut vous paraître aride, il est indispensable que je vous
en fasse sentir les pas pour vous montrer ce que nous pouvons en tirer.
Quelle est la raison de cela ? Elle se
voit très bien au niveau des polygones dits fondamentaux. Ce polygone étant
ainsi décrit, vous supposez en face son décalque qui s'inscrit ainsi. La ligne
dont il s'agit sur le polygone se projette ici, comme une oblique, et se
prolongera de l'autre côté, sur le décalque, inversée. Mais vous devez vous
apercevoir qu'en faisant basculer de 90° ce polygone fondamental vous
reproduirez exactement, y compris la direction des flèches, la figure de
celui-ci et que la ligne oblique sera dans le même sens, cette bascule
représentant exactement la composition complémentaire de l'un des tores avec
l'autre.
Faites maintenant sur le tore, non plus
cette ligne simple, mais la courbe répétée dont je vous ai tout à l'heure appris la fonction. En
est il de même ? Je vous dispense d'hésitations. Après
décalque et bascule, ce que vous aurez ici se
|
(->p471) (XXII/12) symbolise comme ceci !
Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela
veut dire, dans notre transposition signifiée, dans notre expérience, que la
demande du sujet en tant qu'ici deux fois elle se répète, inverse ses rapports
: D et a, demande et objet au niveau de l'Autre, que la demande du sujet
correspond à l'objet a de l'Autre, que l'objet a du sujet
devient la demande de
l'Autre.
Ce rapport
d'inversion est
essentiellement la forme la plus radicale que nous puissions donner à ce qui se
passe chez le névrosé : ce que le névrosé vise comme objet, c'est la demande
de l'Autre ; ce que le névrosé demande, quand il demande à saisir a,
l'insaisissable objet de son désir, c'est a, l'objet de l'Autre.
L'accent est mis différemment selon les
deux versants de la névrose. Pour l'obsessionnel, l'accent est mis sur la
demande l'Autre, pris comme objet de son désir ; pour l'hystérique l'accent
est mis sur l'objet de l'Autre, pris comme support de sa demande.
Ce que ceci implique, nous aurons à y
entrer dans le détail pour autant que ce dont il s'agit pour nous n'est rien
autre ici que l'accès à la nature de ce a. La nature de a, nous ne la
saisirons que lorsque nous aurons élucidé structuralement par la même voie le
rapport de S à a, c'est-à-dire le support topologique que nous
pouvons donner au fantasme. Disons, pour commencer d'éclairer ce chemin, que a,
l'objet du fantasme, a, l'objet du désir n'a pas d'image et que l'impasse du
fantasme du névrosé c'est que dans sa quête de a, l'objet du désir, il
rencontre i de a. Telle est l'origine d'où part toute la dialectique à
laquelle, depuis le début de mon enseignement, je vous introduis, à voir que
l'image spéculaire, la compréhension de l'image spéculaire tient en ceci dont
je suis étonné que personne n'ait songé à gloser la fonction que je lui
donne l'image spéculaire est une erreur, elle n'est pas simplement une illusion,
un leurre de la Gestalt captivante dont l'agressivité ait marqué 1'accent ;
elle est foncièrement une erreur en tant que le sujet s'y méconnaît si vous me permettez
l'expres-
Cette fonction de l'image spéculaire en
tant qu'elle se réfère à la méconnaissance de ce que j'ai appelé tout à le
heure la dissymétrie la plus radicale, c'est celle-là même qui
explique la fonction du moi chez le névrosé. Ce n'est pas parce qu'il a un moi
plus ou moins tordu que le névrosé est subjectivement dans la position critique
qui est la sienne, il est dans cette position critique en raison d'une
possibilité structurante radicale d'identifier sa demande avec l'objet de désir
de l'Autre ou d'identifier son objet avec la demande de l'Autre ; forme, elle,
proprement leurrante de l'effet du signifiant sur le sujet, encore que la sortie
en soit possible précisément lorsque, la prochaine fois, je vous montrerai comment dans une autre référence de la coupure,
1e sujet en tant que structuré
par le signifiant peut devenir la coupure (a) elle-même. Mais c'est justement ce
à quoi le fantasme du névrosé n'accède pas parce qu'il en cherche les voies
et les chemins par un passage erroné. Non point que le névrosé ne sache pas
fort bien distinguer, comme tout objet digne de ce nom, i(a) de a, parce qu'ils
n'ont pas du tout la même valeur, mais ce que le névrosé cherche, et non pas
sans fondements,
J'ai dit d'abord "en détruisant" , parce que c'est le plus exemplaire.
(->p473)
(XXII/14) C'est le plus exemplaire ; c'est le
fantasme de l'obsessionnel en tant qu'il prend la forme du fantasme sadique et
qu'il ne l'est pas. Le fantasme sadique comme les commentateurs phénoménologistes
ne manquent pas un instant de l'appuyer avec tout l'excès des débordements qui
leur permet de se fixer à jamais dans le ridicule, le fantasme sadique c'est
soi-disant la destruction de l'Autre. Et comme les phénoménologistes ne
sont - disons "Bien fait pour eux !" - pas d'authentiques
sadiques mais simplement ont l'accès 1e plus commun aux perspectives de la névrose,
ils trouvent en effet toutes les apparences à soutenir une telle explication.
I1 suffit de prendre un texte sadiste, ou sadien pour que ceci soit réfuté :
non seulement l'objet du fantasme sadique n'est pas détruit, mais il est littéralement
résistant à toute épreuve comme je l'ai maintes fois souligné.
Ce qu'il en est du sens du fantasme
proprement sadien, entendez bien que je n'entends même pas ici encore y entrer,
comme probablement je pourrai le faire 1a prochaine fois. Ce que je veux ici
ponctuer c'est ce que l'on pourrait appeler l'impuissance du fantasme sadique
chez le névrosé repose tout entière sur ceci : c'est qu'en effet il y a bien
visée destructive dans le fantasme de l'obsessionnel, mais cette visée
destructive, comme je viens de l'analyser, a le sens non pas de la destruction
de l'Autre, objet du désir mais la destruction de l'image de l'Autre au sens ou
ici je vous la situe , à savoir que justement, elle n'est pas l'image de l'autre
parce que l'autre, a, objet du désir, comme je vous le montrerai la prochaine
fois, n'a pas d'image spéculaire. C'est bien là une proposition, j'en
conviens, qui abuse un peu..
Je la crois non seulement entièrement démontrable
mais essentielle à comprendre ce qu'il se passe dans ce que j'appellerai le
fourvoiement chez le névrosé de la fonction du fantasme. Car, qu'il la détruise
ou pas d'une façon symbolique ou imaginaire, cette image : i(a), le névrosé,
ce n'est pas cela pour autant qui lui fera jamais authentifier d'aucune coupure
subjective l'objet de son désir pour la bonne raison que ce qu'il vise soit à
détruire, soit à supporter - i(a) n'a pas de rapport pour la seule raison
de la dissymétrie fondamentale d'i, le support, avec a, qui ne la tolère pas.
Ce à quoi le névrosé d'ailleurs aboutit effectivement, c'est à la
destruction du désir de l'autre. Et c'est bien pourquoi il est irrémédiablement
fourvoyé dans la réalisation du sien.
Mais ce qui l'explique, c'est ceci, à
savoir que ce qui fait au névrosé si l'on peut dire symboliser quelque chose
dans cette voie qui est la sienne, viser dans le fantasme l'image spéculaire,
est expliqué (->p474) (XXII/15)
C'est de cette confusion par où deux
dissymétries différentes se trouvent, pour le sujet, servir de support à ce
qui est la visée essentielle du sujet dans son être, à savoir la coupure de
a, le véritable objet du désir où se réalise le sujet lui-même, c'est
dans cette visée fourvoyée, captée par un élément structural qui tient à
l'effet du signifiant lui-même sur le sujet que réside non seulement le
secret des effets de la névrose, à savoir que le rapport dit du narcissisme, le
rapport inscrit dans la fonction du moi n'est pas le véritable support de la névrose
; mais , pour que le sujet en réalise la fausse analogie, l'important - encore que déjà le
serrage, la découverte de ce noeud interne soit capitale
pour nous orienter dans les effets névrotiques c'est que c'est aussi la seule
référence qui nous permette de différencier radicalement la structure du névrosé
des structures voisines, nommément de celles qu'on appelle perverses et de
celles qu'on appelle psychotiques.
note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire,
ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par
avance de m'adresser un émail.
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