IX-L'IDENTIFICATION
Séminaire du 1O janvier 1962
(->p126) (VII/1) Réévoquons ce que j'ai dit la dernière fois : je
vous ai parlé du nom propre,
pour autant que nous l'avons rencontré
sur notre chemin de l'identification du sujet, second type
de l'identification
régressive, au trait unaire de l'Autre. A propos de ce nom propre, nous avons
rencontré l'attention qu'il a déjà sollicitée de quelque linguiste et
mathématicien
en fonction de philosopher.
Qu'est-ce que le nom propre ?
Il semble que la chose ne se livre pas au premier
abord, mais, essayant de résoudre cette question, nous avons eu la surprise de retrouver
la fonction du signifiant sans doute à l'état
pur ; c'était bien
dans cette voie que le linguiste lui même nous dirigeait quand il nous
disait
: un nom
propre, c'est quelque chose qui vaut par la fonction distinctive de son ma
I1 est certain que nous ne pouvions pas
nous contenter de cette définition comme telle, mais que nous étions pour
autant mis sur la voie de quelque chose, et ce quelque chose, nous avons pu au
moins l'approcher, le cerner en désignant ceci que c'est, si l'on peut dire,
sous une forme latente au langage lui-même, la fonction de l'écriture,
la fonction du signe en tant que lui-même il se lit comme un objet ; il
est un fait que les lettres ont des noms ; nous avons trop tendance à les confondre pour les noms simplifiés qu'ils ont dans notre alphabet qui ont l'air
de se confondre avec l'émission phonématique à laquelle la lettre a été réduite
: un a a l'air de vouloir dire l'émission a, un b n'est pas à proprement
parler un b, il n'est un b que pour autant que pour la consonne b se fasse
entendre il faut qu'elle s'appuie sur une émission vocalique. Regardons les
choses de plus prés, nous verrons par exemple, en grec, alpha, béta, gamma et
la suite sont bel et bien des noms et, chose plus surprenante, des noms qui
n'ont aucun sens dans la langue grecque où ils se formulent ; pour les comprendre, il faut s'apercevoir qu'ils reproduisent les noms correspondants aux
lettres de l'alphabet phénicien, d'un alphabet protosémitique, alphabet tel que nous pouvons
le reconstituer d'un certain nombre d'étages, de strates ; des
inscriptions nous en retrouvons les formes signifiantes : ces noms ont un sens
dans la langue, soit phénicienne textuelle, soit telle que nous pouvons la
reconstruire, cette langue proto-sémitïque d'où serait dérivé un
certain nombre - je n'insiste pas sur leur détail - des langages à
l'évolution desquels est étroitement liée la première apparition de l'écriture.
On va donc entrer dans une série de
discussions dans ce que peut bien présenter ce nom guimel (ici, développement
sur la tertiarité consonnantique des langues sémitiques et sur la
permanence de cette forme à 1a base de toute forme verbale dans l'hébreu) .
C'est une des traces par où nous pouvons voir
lesquels se trouvent par la plus extraordinaire mimicry de l'histoire sous une
forme identique dans des marques sur des poteries prédynastiques de l'antique Égypte
;
Vous savez que, plus haut encore, j'ai fait allusion à ces fameux cailloux du
Mas d'Azil qui ne sont pas pour peu dans les trouvailles faites à cet endroit,
au point qu' à la fin du paléolithique un stade est désigné du terme
d'azilien du fait qu'il se rapporte à ce que nous pouvons définir le point d'évolution
technique à la fin de ce paléolithique dans la période, non pas à proprement
parler transitionnelle, mais prétransitionnelle du paléo au néolithique.
C'est donc en tant que le sujet, à
propos de quelque chose qui est marque, qui est signe, lit déjà avant qu' il
s'agisse des signes de l'écriture, qu'il s'aperçoit que des signes peuvent
porter à l'occasion des morceaux diversement réduits, découpés de sa
modulation parlante et que, renversant
Aussi bien ce que vous voyez, ce que j'essaie de vous désigner (->p132) (VII/7) et qu'il est important de désigner au passage pour dissiper des confusions pour ceux qui n'ont pas le temps d'aller regarder les choses de plus près, c'est que par exemple, la figure d'un grand duc, d'un hibou pour prendre une forme d'
oiseau de nuit particulièrement bien dessinée, repérable dans les inscriptions classiques sur pierre, nous la verrons revenir extrêmement souvent, et pourquoi ? |
Ce n'est certes pas qu'il s'agisse jamais de cet animal ;
c'est que le nom commun de cet animal dans le langage égyptien antique peut être
l'occasion d'un support à l'émission labiale m et que chaque fois que vous
voyez cette figure animale, il s'agit d'un m, de rien d'autre, lequel m
d'ailleurs loin d'être représenté sous sa valeur seulement littérale, chaque
fois que vous rencontrez cette figure du dit grand duc, est susceptible de
quelque chose qui se fait à peu prés comme cela (voir fig. ci-dessus).
Le m signifiera plus d'une chose, et en particulier ce que nous ne pouvons, pas plus dans cette lettre que dans langue hébraïque quand nous n'avons pas l'adjonction des points voyelles, que nous ne sommes pas très fixés sur les supports vocaliques, nous ne saurons pas comment exactement se complète ce m, mais nous en savons en tout cas largement assez d'après ce que nous pouvons reconstruire de la syntaxe pour savoir que ce m peut aussi bien représenter une certaine fonction, qui est à peu près une fonction introductrice du type : "voyez", une fonction de fixation attentionnelle, si on peut dire, un voici :
(->p133)
(VII/8) ou encore dans d'autres cas où très probablement il
devait se distinguer par son appui vocalique, représenter une des forces,
non pas de la négation,
mais de quelque chose qu'il faut préciser avec plus d'accent du verbe
négatif, de quelque chose qui isole la négation sous une forme verbale, sous
une forme conjugable, sous une forme non pas simplement ne, mais de quelque chose
comme il est dit que non. Bref, que c'est un temps particulier d'un verbe que
nous connaissons qui est certes négatif, ou même plus
exactement une forme particulière dans deux verbes négatifs : le verbe immi
d'une part, qui semble vouloir dire ne pas être, et le verbe gehom d'autre part
qui indiquerait plus spécialement la non existence effective.
C'est vous dire à ce propos, et
introduisant à ce propos d'une façon anticipante la fonction que ce n'est
pas par hasard que ce devant quoi nous nous trouvons en nous avançant dans cette
voie, c'est le rapport qui ici s'incarne, se manifeste tout de suite
de la
coalescence la plus primitive du signifiant, avec quelque chose qui tout de
suite, pose la question, de ce que c'est que la négation, de quoi elle est la
plus près. Est-ce que la négation est simplement une connotation qui donc
pourtant se propose comme de la question du moment ou par rapport à l'existence, à
l'exercice, à la constitution d'une chaîne signifiante y introduit une sorte
d'indice, de sigle surajouté de mots virtuels comme on s'exprime, qui donc être
toujours conçue comme une sorte d'invention seconde tenue par les nécessités de
l'utilisation de quelque chose qui se situe à divers niveaux ; au niveau de la réponse,
ce qui est mis en question par l'interrogation signifiante, cela n'y est pas ;
est-ce que c'est au niveau de la réponse que ce
(->p134) (VII/8) "n'est-ce" semble bien se
manifester
dans le langage comme la possibilité de l'émission pure de la négation
non, est-ce que c'est d'autre part dans la marque des rapports que la négation
s'impose, est suggérée par la nécessité de la disjonction : telle chose n'est
pas, si telle autre est, on ne saurait être avec telle autre ? Bref,
l'instrument de la négation - nous le savons certes, pas moins que d'autres - mais si pour
ce qui est donc de la genèse du langage, on en
est réduit à faire du signifiant quelque chose qui doit peu à peu s'élaborer
à partir du signe émotionnel :
le problème de la négation est quelque chose qui
se pose comme celui à proprement d'un saut, voire d'une impasse.
Si, faisant du signifiant, quelque chose de tout
autre, quelque chose dont la genèse est problématique, nous porte au niveau
d'une interrogation sur un certain rapport existentiel, celle qui comme telle
déjà se situe dans une référence de négativité, le mode sous lequel la négation
apparaît, sous lequel le signifiant d'une négativité effective est vécu,
peut surgir, est quelque chose qui prend un intérêt tout autre, et qui n'est
pas dès lors par hasard, sans être de nature à nous éclairer quand nous
voyons que dès les premières problématiques la structuration du langage
s'identifie, si l'on peut dire, au repérage de la première conjugaison d'une émission
vocale avec un signe comme tel, c'est-à-dire
avec quelque chose qui déjà, se réfère à une première manipulation
de l'objet ; nous l' avions appelée simplificatrice quand il s'est agi de définir
la genèse du trait qu'est-ce qu'il y a de plus détruit, de plus effacé
qu'un objet. Si c'est de l'objet que le trait surgit, (->p135)
(VII/10) c'est quelque chose de l'objet que le trait retient : justement son
unicité. L'effacement,
Mais il apparaît à ce niveau, que
justement le nom propre en tant qu'il spécifie comme tel l'enracinement du
je m'appelle Lacan dans toutes les langues, et vous aussi de
même, chacun par votre nom. Ce n'est pas là un fait contingent, (->p136)
(VII/11) un fait de limitation, d'impuissance, un
fait de non-sens, puisqu'au contraire, c'est ici que gît, que réside la
propriété
toute particulière du nom propre dans la signification.
Est-ce que ceci n'est pas fait
pour nous faire nous interroger sur ce qu'il en est en ce point radical, archaïque
qu'il nous faut de toute nécessité supposer à l'origine de l' inconscient,
c'est-à-dire de ce quelque chose par quoi en tant que le sujet parle, il ne peut faire que de s'avancer toujours plus avant dans la chaîne,
dans le déroulement des énoncés, mais que, se dirigeant vers les énoncés, de
ce fait même dans l'énonciation, il élide quelque chose qui est à
proprement parler ce qu'il ne peut pas savoir, à savoir le nom de ce qu'il est
en tant que sujet de l'énonciation.
Dans l'acte de l'énonciation, il y a
cette nomination latente qui est concevable comme étant le premier noyau comme
signifiant de ce qui ensuite va s'organiser comme chaîne tournante, telle que
je vous l'ai représentée depuis toujours de ce centre, ce coeur parlant du
sujet que nous appelons "l'inconscient".
Ici, avant que nous nous avancions plus
loin, je crois devoir indiquer quelque chose qui n'est que la convergence, la
pointe d'une thématique que nous avons abordée déjà à plusieurs reprises
dans ce séminaire, à plusieurs reprises en le reprenant aux divers niveaux
auxquels Freud a été amené à l'aborder, à le représenter, à représenter
le système, premier système psychique tel qu'il lui a fallu le représenter de
quelque façon pour faire sentir ce dont il s'agit : système
Maintes fois, j'ai eu à décrire sur ce tableau, sous des formes diversement élaborées, les paradoxe auquels les formulations de Freud, au niveau de l'Entwurf, par exemple, nous confondent.
Aujourd'hui, je m'en tiendrai à une topologisation aussi simple que celle qu'il donne
à la fin de la Traumdeutung, à savoir, celle de couches à travers lesquelles
peuvent se passer
des franchissements, des seuils, des irruptions d'un niveau dans un autre, tel
ce qui nous intéresse au plus haut chef :
le passage de l'inconscient dans le préconscient par exemple, qui est en effet
un problème, qui est un problème d'ailleurs -je le note avec satisfaction en
passant, ça n'est certes pas le moindre effet que je puisse attendre de l'effort de
rigueur où je vous entraîne, que je m'impose moi-même pour vous ici, c'est ce que
ceux qui m'écoutent, qui m'entendent, eux-mêmes à un degré susceptible
même à l'occasion d'aller plus avant - eh bien, dans leur très remarquable
texte publié dans les Temps
Modernes sur le sujet de l'inconscient, Laplanche et Leclaire - je ne distingue pas pour l'instant
leur part à chacun dans ce travail - s'interrogent sur quelle ambiguïté reste dans l'énonciation
freudienne concernant ce qui se passe quand nous pouvons parler du passage de quelque
chose qui était dans l'inconscient et qui va dans le préconscient .
Est-ce dire qu'il
ne s'agit que d'un changement d'investissement, comme ils posent très
justement la question, ou bien (->p138)
(VII/13) est-ce qu'il y a double
inscription ?
Les auteurs ne dissimulent pas leur préférence pour la double
inscription, ils nous l'indiquent dans leur texte.
C'est là pourtant un problème que le
texte laisse ouvert, et dont somme toute ce à quoi nous avons affaire, nous
permettra cette année, d'y apporter peut-être quelques réponses ou à
tout le moins quelques précisions.
Je voudrais, de façon introductive,
vous suggérer ceci : c'est que si nous devons considérer que l'inconscient,
c'est ce lieu du sujet où ça parle, nous en venons maintenant à approcher ce
point où nous pouvons dire que quelque chose, à l'insu du sujet, est profondément
remanié par les effets de rétroaction du signifiant impliqués dans la parole.
C'est pour autant et pour la moindre de ses paroles, que le sujet parle, qu'il
ne peut faire que de toujours, une fois de plus, se nommer sans le savoir, sans
savoir de quel nom. Est-ce que nous ne pouvons pas voir que, pour situer
dans leurs rapports, l'inconscient et le préconscient, la limite pour nous n'est
pas à situer d'abord quelque part à l'intérieur, comme on dit, d'un sujet qui
ne serait simplement que l'équivalent de ce qu'on appelle au sens large, le
psychique ?
Le sujet dont il s'agit pour nous, et
surtout si nous essayons de l'articuler comme le sujet inconscient, comporte une
autre constitution de la frontière : ce qu'il en est du préconscient, pour
autant que ce qui nous intéresse dams le préconscient, c'est le langage, le
langage ici qu'effectivement, non seulement nous le voyons, l'entendons parler,
mais tel (->p139)
(VII/14) qu'il scande, qu'il articule nos pensées. Chacun sait que les
Nous savons bien que ce qui est parlé, le discours effectif,
Cette limite, comment faut-il la
voir ? C'est le problème que, pour l'instant,
je vais laisser ouvert, mais ce que nous pouvons, à cette occasion, indiquer,
c'est qu'à passer de l'inconscient dans le préconscient, ce qui s'est cons
Dans l'expérience philosophique, si l'homme s'aperçoit ou croit s'apercevoir qu'il n'a jamais que des idées des choses, c'est-à-dire , que des choses, il ne connaît enfin que les idées, c'est justement parce que déjà dans le monde des choses, cet empaquetage dans un univers du discours, est quelque chose qui n'est absolument pas dépétrable. Le préconscient pour tout dire, est d'ores et déjà dans le réel, et le statut de l' inconscient, lui, s'il pose un problème, c'est pour autant qu'il s'est constitué à un tout autre niveau, à un niveau plus radical de l'émergence de l'acte d'énonciation. I1 n'y a pas, en principe, d'objections au passage de quelque chose de l'inconscient dans le préconscient, ce qui tend à se manifester, dont Laplanche et Leclaire notent si bien le caractère contradictoire. L'inconscient a comme tel son statut comme quelque chose qui de position et de structure ne saurait pénétrer au niveau où il est susceptible d'une réorganisation pré-consciente, et pourtant, nous dit-on, cet inconscient, à tout instant, fait effort, pousse dans le sens de se faire reconnaître ; assurément et pour cause, c'est qu'il est chez lui si on peut dire, dans un univers structuré par le discours. Ici, le passage de l'inconscient vers le pré-conscient n'est, on peut dire, qu'une sorte d'effet d'irradiation normale de ce qui (->p141) (VII/16) tourne dans la constitution de l'inconscient, de ce qui dans l'inconscient, maintient présent le fonctionnement premier et radical de l'articulation du sujet en tant que sujet parlant.
Ce qu'il faut voir,
c'est que l'ordre qui serait celui de l'inconscient, préconscient,
puis arriverait à la conscience, n'est pas à accepter sans être révisé, et
l'on peut dire que d'une certaine façon, pour autant que nous devons admettre ce
qui est préconscient comme défini, comme étant dans la circulation du
monde, dans la circulation réelle, nous devons concevoir que ce qui se passe
au niveau du préconscient est quelque chose que nous avons à lire de la même façon
sous la même structure, qui est celle que j'essayais de vous faire sentir à ce
point de racine où quelque chose vient apporter au langage ce qu'on pourrait appeler sa
dernière sanction ; cette lecture du signe, au niveau actuel de la vie du sujet constitué,
d'un sujet élaboré par une longue histoire de culture, ce qui se passe, c'est
pour le
sujet une lecture au dehors de ce qui est ambiant du fait de la présence du langage
dans le réel, et au niveau de la conscience, ce niveau qui, pour Freud, a
toujours semblé faire problème il n'a jamais cessé d'indiquer qu'il
était certainement l'objet futur
à précision, à articulation plus précise quant à sa fonction économique, au niveau où il nous le décrit
au début, au moment où se dégage sa pensée, souvenons-nous comment il
nous décrit
cette couche protectrice qu'il désigne du terme
, c'est avant tout quelque
chose qui, pour lui, est à comparer avec la pellicule de surface des organes sensoriels,
c'est-à-dire essentiellement avec quelque chose qui filtre, qui (->p142)
(VII/17) ferme, qui ne retient que cet indice de
qualité dont nous pouvons montrer que la fonction est homologue avec cet indice
de réalité qui nous permet juste de goûter l'état où nous sommes, assez
pour être sûr que nous ne rêvons pas, s'il s'agit de quelque chose
d'analogue, c'est vraiment du visible que nous voyons. De même, la conscience,
par rapport à ce qui constitue le préconscient et nous fait ce monde étroitement
tissé par nos pensées, la conscience est la surface par où ce quelque chose
qui est coeur du sujet, reçoit, si l'on peut dire du dehors ses propres pensées,
son propre discours.
La conscience est là pour que
l'inconscient, si l'on peut dire, bien plutôt refuse ce qui lui vient du préconscient
ou y choisisse de la façon la plus étroite ce dont il a besoin pour ses
offices ; et qu'est-ce que c'est ? |
C'est bien là que nous rencontrons ce
paradoxe qui est ce que j'ai appelé l'entrecroisement des fonctions systémiques
à ce premier niveau si essentiel à reconnaître de l'articulation freudienne :
l'inconscient vous est représenté par lui comme un flux, comme un monde, comme
une chaîne de pensées. Sans doute la conscience aussi est faite de la cohérence
des perceptions. Le test de réalité, c'est l'articulation des perceptions
entre elles dans un monde
Inversement, ce que nous trouvons dans
l'inconscient, c'est cette répétition significative qui nous mène de quelque
chose qu'on appelle des pensées, Gedänken, fort bien formées,
Or, qu'est-ce que Freud lui-même va nous dire ? Que ce que cherche le sujet
au niveau de l'un et l'autre des
systèmes, qu'au niveau du préconscient, ce que nous cherchons ce soit à proprement parler,
l'identité des pensées, c'est ce qui a été élaboré par tout ce chapitre de la
philosophie ; l'effort de
notre organisation du monde, l'effort logique, c'est à proprement parler réduire le divers
à l'identique, c'est identifier pensée à pensée, proposition à proposition
dans des relations
diversement articulées qui forment la trame même de que l'on appelle la
logique formelle, ce qui pose pour celui qui considère d'une façon extrêmement
idéale l'édifice de la science comme pouvant ou devant même virtuellement être
déjà achevée, ce qui pose le problème de savoir si effectivement, toute
science du savoir, toute saisie du monde d'une façon ordonnée et articulée ne
doit pas aboutir à une tautologie.
Ce n'est pas pour rien que vous m'avez entendu
à plusieurs reprises évoquer le problème de la tautologie et nous ne
saurions d'aucune façon terminer cette année notre discours sans y apporter un
jugement définitif
Le monde donc, ce monde dont la fonction de réalité est liée à la fonction perceptive est tout de même ce autour de quoi nous ne progressons dans notre savoir que par la voie de l'identité des pensées. Ceci n'est point pour nous un paradoxe, mais ce qui est paradoxal, c'est de lire dans le texte de Freud que ce que cherche l'inconscient, ce qu'il veut, si l'on peut dire, que ce qui est à la racine de son fonctionnement, de sa (->p144) (VII/19) mise en jeu, c'est l'identité des perceptions, c'est-à-dire que ceci n'aurait littéralement aucun sens si ce dont il s'agit, ce n'était pas que ceci : que le rapport de l'inconscient à ce qu' il cherche dans son mode propre de retour, c'est justement ce qui dans l'une fois perçu est l'identiquement identique, si l' on peut dire, c'est le perçu de cette fois là, c'est cette bague qu'il s'est passée au doigt avec le poinçon de cette fois là, et c'est justement cela qui manquera toujours : c'est qu'à toute espèce d'autre réapparition de ce qui répond au signifiant originel, au point où est la marque que le sujet a reçue de ce quoi que ce soit qui est à l'origine de l'Urverdrängt, il manquera toujours à quoi que ce soit qui vienne le représenter, cette marque qui est la marque unique du surgissement originel d'un signifiant originel qui s'est présenté une fois au moment où le point, le quelque chose de l'Urverdrängt en question est passé à l'existence inconsciente, à l'insistance dans cet ordre interne qu'est l'inconscient, entre, d'une part ce qu'il reçoit du monde extérieur et où il a des choses à lier : du fait que les lier sous une forme signifiante, il ne peut les recevoir que dans leur différence, et c'est bien pour ça qu'il ne peut d'aucune façon être satisfait par cette recherche comme telle de l'identité perceptive si c'est ça même qui le spécifie comme inconscient.
Ceci nous donne la triade : conscient, inconscient, préconscient, dans un ordre légèrement modifié et d'une certaine façon, qui justifie la formule que j'ai déjà une fois essayé de vous donner de l'inconscient, en vous disant qu'il était entre perception et conscience, comme on dit entre cuir et chair.
(->p145)
(VII/20) C'est bien
là quelque chose qui, une fois que nous l'avons posé nous indique de nous reporter à ce
point dont je suis parti en formulant les choses à partir de l'expérience
philosophique de la recherche du sujet, telle qu'elle existe dans Descartes
(->p146)
(VII/21) Remarquez que ceci continue. Et ainsi de
suite.
Si "je pense que je pense que je suis" - je ne suis plus à ironiser : si "
je pense que je ne peux faire qu'être un pense à être ou
un être pensant- le "je pense qui est ici au dénominateur voit très
facilement se reproduire la même duplicité, à savoir que je ne peux faire que
de m'apercevoir que pensant que je pense, ce "je pense" qui est au
bout de ma pensée, sur ma pensée, est lui-même un "je pense"
qui reproduit le "je pense, donc je suis". Est-ce ad infinitum ?
Sûrement pas : c'est aussi un des modes
les plus courants des exercices philosophiques quand on a commencé d'établir
une telle formule que d'appliquer que ce qu'on a pu y retenir d'expérience
effective est en quelque sorte indéfiniment multipliable comme dans un jeu du
miroir.
I1 y a un petit exercice qui est celui
auquel je me suis livré dans un temps - mon petit sophisme personnel - celui de
l'assertion de certitude anticipée à propos du jeu des disques où
c'est du repérage de ce que font les deux autres qu' un sujet doit déduire la
marque pair ou impair dont lui-même est affecté dans son propre dos,
c'est-à-dire quelque chose de fort voisin de ce dont il s'agit ici.
(->p147)
(VII/22) Il est facile de voir dans l'articulation de
ce jeu que loin que l'hésitation qui est, en effet, tout à fait possible à
voir se produire, car si je vois les autres décider trop vite de la même décision
que je veux prendre, à savoir que je suis comme eux marqués d'un disque
de la même couleur, si je les vois tirer trop vite leurs conclusions, j'en
tirerai justement la conclusion, je peux à l'occasion voir surgir pour moi
quelque hésitation, à savoir que s'ils ont vu si vite qui il étaient, c'est
que moi-même je suis assez distinct d'eux pour me repérer, car en toute bonne
logique, ils doivent se faire la même réflexion : nous les verrons aussi
osciller et se dire : regardons-y à deux fois ; c'est à dire que les
trois sujets dont il s'agit auront la même hésitation ensemble, et on démontre
facilement que c'est effectivement au bout de trois oscillations hésitantes que
seulement ils pourront vraiment avoir et auront certainement et en quelque sorte
en plein, figuré par la scansion de leur hésitation, les limitations de toutes
les possibilités contradictoires.
I1 y a quelque chose d'analogue ici : ce n'est pas indéfiniment qu'on peut
inclure tous les "je pense", donc je suis" dans un "je
pense" ; où est la limite ? C'est ce que nous ne pouvons pas tout de suite
ici si facilement dire et savoir. Mais la question que je pose, ou plus
exactement celle que je vais vous demander de suivre, parce que, bien sûr, vous
allez peut-être être surpris, mais c'est de la suite que vous verrez venir ici
s'adjoindre ce qui peut modifier, je veux dire rendre opérant ultérieurement,
ce qui m'a semblé au premier abord qu'une sorte de jeu, voire comme on dit de
récréation
chose qui ne peut pas
aller plus loin, que ce qui est inscrit ici, et il faut bien qu'il fasse
intervenir quelque chose qui vient, non pas de la pure élaboration, "sur
quoi je puis me fonder ?". Qu'est-ce qui est viable ?, il va bien être
amené comme tout 1e monde à essayer de se débrouiller avec ce qui se vit mais
dans l'identification qui est celle qui se fait au trait unaire, est-ce
qu'il n'y en a pas assez pour supporter ce point impensable et impossible du
"je pense" au moins sous sa forme de différence radicale ?
Si c'est par un que nous le figurons, ce
"je pense" je vous le répète en tant qu'il ne nous intéresse que
pour autant qu'il a rapport avec ce qui se passe à l'origine de la nomination
en tant que c'est ce qui intéresse la naissance du sujet, le sujet est ce qui
se nomme. Si nommer c'est d'abord quelque chose qui a affaire avec une lecture
du trait un désignant la différence absolue, nous pouvons nous demander
comment je chiffrerai la sorte de "je suis" qui ici se constitue en
sorte rétroactivement simplement de la reprojection de ce qui se constitue
comme signifié du "je pense", à savoir la même chose, l'inconnu de
ce qui est à l'origine sous la forme du sujet. Si le 1 qu'ici j'indique sous la
forme définitive que je vais lui laisser est quelque chose qui, ici, se suppose
dans une problématique totale, à savoir qu'il est aussi bien vrai qu'il n'est
pas puisqu'ici il n'est qu'à penser à penser, est pourtant
corrélatif, indispensable, et c'est bien ce qui fait
pensée dès lors qu'elle
s'enchaîne -cette voie lui est ouverte vers un |
Je vous en saute pour aujourd'hui les intermédiaires parce que vous verrez dans la suite, d'où ils viennent, et qu' après tout, au point où j'en suis, il a bien fallu que j'en passe par là. I1 y a quelque chose dont je dirai que c'est à la fois paradoxal - pourquoi ne pas dire amusant - mais je vous le répète : si cela a un intérêt, c'est pour ce que cela peut avoir d'opérant : une telle formule en mathématique, c'est ce qu'on appelle une série (voir schéma) :
L'important, c'est que ceci veut dire
que si vous
etc....
(->p150)
(VII/25) vous avez donc les valeurs qui, si vous
les reportez, prendront à peu près cette forme là jusqu'à venir à
converger sur une valeur parfaitement constante qu'on appelle une limite :
Trouver une formule convergente dans la formule Parce que pour être la racine carrée d'un nombre négatif,
cela ( ->p151) (VII/26)
Si
vous définissez comme nombre complexe tout nombre composé d'un nombre réel a auquel est adjoint un nombre imaginaire, c'est-à-dire un nombre qui
ne peut aucunement s'additionner à lui, puisqu'il n'est pas un nombre réel,
fait du
succès, toutes les opérations que vous pouvez faire
avec des nombres réels, et quand vous vous serez lancés dans cette voie, vous
n'aurez pas eu seulement la satisfaction de vous apercevoir que ça marche, mais
que ça vous permettra de faire des découvertes, c'est-à-dire de
vous apercevoir que les nombres ainsi constitués ont une valeur qui vous permet
notamment d'opérer de façon purement numérique avec ce qu'on appelle des
vecteurs, c'est-à-dire avec des grandeurs qui, elles, seront non
seulement pourvues d'une valeur diversement représentable par une longueur mais
en plus, que grâce aux nombres complexes vous pourrez impliquer dans votre
connotation, non seulement ladite grandeur, mais sa direction, et surtout
l'angle qu'elle fait avec telle autre grandeur, de sorte que qui n'est pas un
nombre réel, s'avère du point de vue opératoire avoir une puissance singulièrement
plus époustouflante, si je puis dire, que tout ce dont vous avez disposé
jusque là en vous limitant à la série des nombres réels.
Ceci pour vous introduire ce que c'est
que ce petit i. Et alors si l'on suppose que ce que nous cherchons ici à
connoter d'une façon numérique, cette valeur conventionnelle
Vous
savez quand même assez d'arithmétique élémentaire pour
Pourquoi ?
C'est pourquoi racine de
moins 1 n'est rien qu'un algorithme, mais il sert .
produit de racine de moins
un avec b, si vous définissez ceci nombre complexe, vous
pourrez faire avec ce nombre
complexe, et avec le même
cela veut dire quoi ?
(->p152) (VII/27) que de
même que nous nous sommes
appliqués à élaborer la fonction de l'unité comme fonction de la différence
radicale dans la détermination de ce centre idéal du sujet qui s'appelle idéal
du moi, de même dans la suite - et pour une bonne raison, c'est que nous
l'identifierons à ce que nous avons jusqu'ici introduit dans notre connotation
à nous personnelle comme c'est-à-dire la fonction imaginaire du
phallus - nous allons nous employer à extraire de cette connotation,
tout ce en quoi il peut nous servir d'une façon opératoire ;
mais, en
attendant, l'utilité de son introduction à ce niveau s'illustre en ceci :
c'est que si vous recherchez ce qu'elle fait, cette fonction racine de moins un
plus un sur racine de moins un plus, etc... en d'autres termes, c'est
qui est là partout où vous avez vu petit i,
vous voyez apparaître une fonction qui n'est
point une fonction convergente,
qui est une fonction périodique :
qui est facilement calculable ; c'est une valeur qui se renouvelle si l'on peut dire, tous les trois temps dans la série.
La série se définie ainsi : i + 1 premier terme de la série second terme de la série et troisième terme.
Vous retrouverez périodiquement, c'est-à-dire toutes les trois fois dans la série, cette même valeur, ces mêmes trois valeurs que je vais donner :
(->p153)
(VII/28) La première, c' est i + 1 , c'est-à-dire
le point d'énigme où nous sommes pour nous demander quelle valeur nous
pourrons bien donner à i pour connoter le sujet en tant que le sujet d'avant
toute nomination, problème qui nous intéresse.
La deuxième valeur que vous trouverez, à savoir
c'est que le rapport essentiel de ce quelque chose que nous cherchons comme étant
le sujet avant qu'il se nomme, à l'usage qu'il peut faire de son nom tout
simplement pour être le signifiant de ce qu'il y a à signifier, c'est-à-dire
de la question du signifié justement de cette addition de lui-même à son
propre nom, c'est immédiatement le diviser en deux, de faire
note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire,
ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par
avance de m'adresser un émail.
Haut de
Page
commentaire
relu et corrigé en août 2002