IX-L'IDENTIFICATION
Séminaire du 7 mars 1962
(->p246)
(XII/1) En regroupant les pensées difficiles auxquelles
nous sommes amenés, sur lesquelles je vous ai laissés la dernière fois, en
commençant d'aborder par la privation ce qui concerne le point le plus central
de la structure de l'identification du sujet, en regroupant ces pensées je me
prenais à repartir de quelques remarques introductives.
Il n'est pas de ma coutume de reprendre absolument
ex abrupto sur le fil interrompu ; ces remarques faisaient écho à
quelques-uns de ces étranges personnages dont je vous parlais la dernière
fois, que l'on appelait les philosophes, grands ou petits, cette remarque était
à peu près celle-ci , en ce qui nous concerne, que le sujet se trompe,
c'est assurément là pour nous, analystes autant que philosophes, l'expérience
inaugurale.
Mais qu'elle nous intéresse, nous c'est
manifestement et je dirai exclusivement en ceci qu'il peut se dire, et ce dire
se démontre infiniment fécond et plus spécialement fécond dans l'analyse
qu'ailleurs, du moins on aime à le supposer.
Or, n'oublions pas que la remarque a été faite
par d'éminents penseurs que si ce dont il s'agit en l'affaire celle du réel,
la voie dite de la rectification des moyens du
Je ne parle pas de ces savants qui eux, bien loin de ce que l'on croit , ne
doutent guère.
C'est dans cette mesure que nous sommes les plus sûr de ce qu'ils approchent au moins le réel.
Dans la perspective philosophique de la critique de la science, nous devons, nous, faire
quelques remarques ; et nommément le terme dont nous devons le plus nous méfier
pour nous avancer dans cette critique, c'est du terme d'apparence, car l'apparence est
bien loin d'être notre ennemie, je parle quand il s'agit du réel. Ce n'est pas
moi qui ai fait incarner ce que je vous dis dans cette simple petite image
:
C'est
bien dans l'apparence de cette figure que m'est donnée la réalité du cube,
qu'elle me saute aux yeux comme réalité.
A réduire cette image à la fonction d'illusion
d'optique, je me détourne tout simplement du cube, c'est
(->p248) (XII/3) Il en est de même pour la relation à
une femme, par exemple. Tout approfondissement scientifique de cette relation
ira en fin de compte à celle des formules, comme celle célèbre que vous
connaissez sûrement du colonel Bramble, qui réduit l'objet dont il s'agit, la
femme en question, à ce qu'il en est juste du point de vue scientifique : un
agglomérat d' albuminoïdes, ce qui évidemment n'est pas très accordé au monde
de sentiments qui sont attachés au dit point.
I1 est tout de même tout à fait clair
que ce que j'appellerai, si vous le permettez, le vertige d'objet dans le
désir,
cette espèce d'idole, d'adoration qui peut nous prosterner ou au moins nous
infléchir devant une main comme telle. Disons même, pour mieux nous faire
entendre sur le sujet que l'expérience nous livre, que ce n'est pas parce que
c'est sa main puisqu'en un lieu moins terminal, un peu plus haut, quelque duvet
sur l'avant-bras peut prendre pour nous soudain ce goût unique qui nous
fait en quelque sorte trembler devant cette appréhension pure de son existence.
I1 est bien évident que ceci a plus de rapport avec la réalité de la femme que n'importe quelle élucidation de ce que l'on appelle l'attrait sexuel, pour autant bien sûr que d' élucider l'attrait sexuel pose en principe qu'il s'agit de mettre en question son leurre, or que ce leurre c'est sa réalité même.
Donc, si le sujet se trompe, il peut avoir bien raison du point de vue de
l'absolu. Il reste quand même, et (->p249)
(XII/4) même pour nous qui nous occupons du désir, que le mot d'erreur garde
son sens.
Ici permettez-moi de donner ce en quoi je conclus quant à moi, à savoir de vous donner comme achevé le fruit là-dessus d'une réflexion dont la suite est précisément ce que je vais avancer aujourd'hui . Je vais tenter de vous en montrer le bien fondé, c'est qu'il n'est possible de donner un sens à ce terme d'erreur, en tout domaine et pas seulement dans le nôtre - c'est une affirmation osée, mais cela suppose que je considère que, pour employer une expression sur laquelle j'aurai à revenir dans le cours de ma leçon d'aujourd'hui, j'ai bien fait le tour de cette question - il ne peut s'agir, si ce mot d'erreur a un sens pour le sujet, que d'une erreur dans son compte.
Autrement dit, pour tout sujet qui ne
compte pas, il ne saurait y avoir d'erreur. Ce n'est pas une évidence. Il
faut
avoir tâté dans un certain nombre de directions pour
Ceci bien sûr veut dire que cette activité de compter, pour le sujet, cela commence tôt. J'ai fait une ample relecture de quelqu'un dont chacun sait que je n'ai pas pour lui des penchants affinés malgré la grande estime et le respect que mérite son oeuvre et en plus le charme incontestable que répand sa personne, j'ai nommé M. Piaget ; ce n'est pas pour déconseil-(->p250) (XII/5)ler à quiconque de le lire !
J'ai donc fait la relecture de "La
genèse du nombre chez l'enfant". C'est confondant qu'on puisse croire
pouvoir détecter le moment où apparaît chez un sujet la fonction du nombre en
lui posant des questions qui en quelque sorte impliquent leurs réponses, même
si ces questions sont posées par l'intermédiaire d'un matériel dont on
s'imagine peut-être qu' il exclut le caractère orienté de la question.
On peut dire une seule chose : qu'en fin de compte c'est bien plutôt d'un
leurre qu'il s'agit dans cette façon de procéder. Ce que l'enfant paraît méconnaître,
il n'est pas du tout sûr que cela ne tienne pas du tout aux conditions même de
l'expérience ; mais la force de ce terrain est telle qu'on ne peut dire qu'il
n'y ait pas beaucoup à instruire, non pas tellement dans le peu qui est enfin
recueilli des prétendus stades de l'acquisition du nombre chez l'enfant, que
des réflexions foncières que M. Piaget qui est certainement bien meilleur
logicien que psychologue, concernant les rapports de la psychologie et de la
logique ; et nommément c'est ce qui rend un ouvrage malheureusement
introuvable, paru chez Vrin en 1942, qui s'appelle : "Classe, relation et
nombres", un ouvrage très instructif parce que là on y met en valeur les
relations structurales, logiques entre classe, relation et nombres, à savoir
tout ce qu'on prétend par la suite ou auparavant retrouver chez l'enfant qui
manifestement est déjà construit a priori ; et à très juste titre, l'expérience
nous montre là que ce que l'on a organisé pour trouver tout d'
(->p251) (XII/6) C'est une parenthèse confirmant ceci : c'est que le sujet compte bien avant que d'appliquer ses talents à une collection quelconque, encore que bien entendu ce soit une de ses premières activités concrètes, psychologiques que de constituer des collections. Mais il est impliqué comme sujet dans la relation dite de compute, de façon bien plus radicalement constituante qu'on ne veut l'imaginer, à partir du fonctionnement de son sensorium et de sa motricité.
Une fois de plus ici le génie de Freud dépasse la surdité, si je puis dire, de ceux à
qui il s'adresse de toute l'ampleur exactement des avertissements qu'il leur donne,
qui entrent par une oreille et sortent par l'autre, ceci justifiant sans doute
l'appel à la troisième oreille mystique de M. Théodore REI qui
n'a pas été ce jour-là le mieux inspiré, à quoi bon une troisième oreille
si on n'entend rien avec les deux qu'on a déjà !
Le sensorium en question, pour ce que
Freud nous apprend, à quoi sert-il ? Est-ce que cela ne veut pas
nous dire qu'il ne sert qu'à cela, qu'à nous montrer que ce qui est déjà
là dans le calcul du sujet est bien réel, existe bien ; en tout cas c'est ce
que Freud dit : c'est avec lui que commence le jugement d'existence, cela sert à
vérifier les comptes, ce qui est tout de même une drôle de position pour
quelqu'un qu'
(->p252) (XII/7) Alors, reprenons les choses où nous les
laissions, puisqu'il s'agit de calcul, et de la base et du fondement du calcul
pour le sujet : car bien sûr si le trait unaire commence si tôt la fonction du
compte, n'allons pas trop vite quant à ce que le sujet peut savoir d'un nombre
plus élevé. Il parait peu pensable que deux et trois ne viennent assez vite.
Mais quand on nous dit que certaines tribus dites, primitives du côté de l'
embouchure de l'Amazone n'ont pu découvrir que récemment la vertu du nombre
quatre et lui ont dressé des autels, ce n'est pas le côté pittoresque de
cette histoire de sauvages qui me frappe : ça me parait même aller de soi, car
si le trait unaire est-ce que je vous dis, à savoir la différence et
la différence, non seulement qui supporte, mais qui suppose la subsistance à côté
de lui de un plus un et encore un, le plus n'étant fait là que pour
bien marquer la subsistance radicale de cette différence, là où commence le problème
c'est justement qu'on puisse les additionner, autrement
dit que deux, que trois aient un sens. Pris par ce bout cela donne beaucoup de
mal ; mais il ne faut pas s'en étonner. Si vous prenez les choses en sens
contraire, à savoir que vous partiez de trois, comme le fait John Stuart Mill,
vous n'arriverez plus jamais à retrouver un, la difficulté est la même.
Pour nous ici - je vous le signale
en passant avec notre façon d'interroger les faits du langage en termes
d'effets de signifiant, en tant que cet effet de signifiant nous sommes habitués
à le reconnaître au niveau de la métonymie, il nous sera plus simple qu'à un
mathématicien de prier notre élève de reconnaître dans toute signification de
nombre
Notre trait unaire, nous n'avons pas besoin, quant à nous, de lui en demander tant ;
car nous savons qu'au niveau de la succession freudienne, si vous me permettez
cette formule, le trait unaire désigne, quelque chose qui est radical
pour cette expérience
originaire : c'est l'unicité comme telle du tour dans la répétition.
Je pense avoir suffisamment marqué pour vous que la notion de la fonction de la répétition dans l'inconscient se distingue absolument de tout cycle naturel, en ce sens que ce qui est accentué ça n'est pas son retour, c'est que ce qui recherché par le sujet, c'est son unicité signifiante et en tant qu'un des tours de la répétition, si l'on peut dire a marqué 1e sujet qui se met à répéter ce qu'il ne saurait bien sûr que répéter puisque cela ne sera jamais qu'une répétition, mais dans le but, mais au dessein de faire ressurgir l'unaire primitif d'un de ses tours.
Avec ce que je viens de
vous dire, je n'ai pas besoin de mettre l'accent sur ceci :
c'est que déjà cela joue (->p254)
(XII/9) avant que le sujet sache bien compter.
En tout cas, rien n'implique qu'il ait besoin de compter très loin les tours de
ce qu'il répète puisqu'il répète sans le savoir. I1 n'est pas moins vrai que
le fait de la répétition est enraciné sur cet unaire originel, que comme tel
cet unaire est étroitement accolé et coextensif à la structure même du sujet
en tant qu' il est pensé comme répétant au sens freudien.
Ce que je vais vous montrer aujourd'hui,
par un exemple, et avec un modèle que je vais introduire, ce que je vais vous
montrer aujourd'hui, c'est ceci : c'est qu'il n'y a aucun besoin qu'il sache
compter pour qu'on puisse dire et démontrer avec quelle nécessité
constituante de sa fonction de sujet il va faire une erreur de compte. Aucun
besoin qu'il sache ni même qu'il cherche à compter pour que cette erreur de
compte soit constituante de lui, sujet : en tant que telle elle est l'erreur.
Si les choses sont comme je vous le dis, vous devez vous dire que cette erreur peut durer longtemps sur de telles bases, et c'est bien vrai. C'est tellement vrai que ce n'est pas seulement chez l'individu que cela porte en son effet. Cela porte ses effets dans les caractères les plus radicaux de ce qu'on appelle la Pensée.
Prenons pour un instant, le thème de la
Pensée, sur lequel il y a lieu tout de même d'user de quelque prudence ; vous
savez que là-dessus je n'en manque pas, c'est pas tellement sûr qu'on
puisse valablement s'y référer d'une façon qui soit
Il est bien clair que ce n'est pas pour rien que plus d'une fois je me suis avancé, d'une façon
inévitable, à mettre en cause ici, depuis le début de mon discours de cette année,
la fonction de la classe et son rapport avec l'universel, au point même que
c'est en quelque sorte l'envers et l'opposé de tout ce discours
que j'essaie de mener à bien devant vous.
A cet endroit, rappelez-vous seulement ce que j'essayais de vous montrer à propos du
petit cadran exemplaire sur lequel j'ai essayé de réarticuler devant vous le
rapport de l'universel au particulier et des
propositions respectivement affirmatives et négatives. Unité et totalité
apparaissent ici dans la tradition comme solidaires, et ce n'est pas par hasard
que j'y reviens toujours pour en faire éclater la catégorie fondamentale :
unité et totalité à la fois solidaires, liées à l'autre dans ce rapport que
l'on peut appeler rapport d'inclusion, la totalité étant totalité par rapport
aux unités, mais l'unité étant ce qui fonde la totalité comme telle en tirant
l'unité vers cet autre sens, opposé à celui que j'en distingue d'être
l'unité d'un tout. C'est autour de cela que se poursuit ce malentendu dans la
logique dite des classes, ce malentendu séculaire de l'extension et de la compréhension
dont il semble que la tradition effectivement fasse toujours plus état, s'il
est vrai, à prendre les choses dans la perspective par exemple milieu du XIXème
siècle, sous la plume d'un Hamilton , s'il est vrai qu'on ne l'a bien franchement
articulé qu'à partir de
(->p256) (XII/11) Descartes
et que la logique de
Port-Royal, vous le savez est calquée sur l'enseignement de Descartes.
En
plus cela n'est pas vrai ; car elle est là depuis bien longtemps, et depuis
Aristote lui-même, cette opposition de l'extension et de la compréhension.
Ce que l'on peut dire, c'est qu'elle nous fait, concernant le maniement des
classes, des difficultés toujours plus irrésolues, d'où tous les efforts qu'
a fait la logique pour aller porter le nerf du problème ailleurs : dans la
quantification propositionnelle par exemple.
Mais pourquoi ne pas voir que, dans la
structure de la classe elle-même comme telle, un nouveau départ nous
est offert si, au rapport d'inclusion, nous substituons un rapport d'exclusion
comme le rapport radical ? Autrement dit, si nous considérons comme
logiquement originel quant au sujet ceci que je ne découvre pas, qui est à la
portée d'un logicien de classe moyenne, c'est que le vrai fondement de la
classe n'est ni son extension, ni sa compréhension que la classe suppose
toujours le classement. Autrement dit : les mammifères, par exemple pour éclairer
tout de suite ma lanterne, c'est ce qu'on exclut des vertébrés par le trait
unaire "mamme".
Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le fait primitif est que le trait unaire peut manquer, qu'il y d'abord absence de mamme et qu'on dit : il ne peut se faire que la mamme manque, voilà ce qui constitue la classe mammifère.
Regardez bien les choses au pied du mur, c'est-à-dire rouvrez les traité pour en faire le tour de ces mille petites apories que vous offre la logique formelle (->p257) (XII/12) pour vous apercevoir que c'est la seule définition possible d'une classe, si vous voulez lui assurer vraiment son statut universel en tant qu'il constitue à la fois d'un côté la possibilité de son inexistence possible avec cette classe. Car vous pouvez tout aussi valablement, manquant à l'universel, définir la classe qui ne comporte nul individu, cela n'en sera pas moins une classe constituée universellement avec la conciliation, dis-je , de cette possibilité extrême avec la valeur normative de tout jugement universel en tant qu'il ne peut que transcender toute inférence inductive à savoir issue de l'expérience.
C'est là le sens du petit cadran que je vous avais représenté à propos de la classe à constituer entre les autres, à savoir le trait vertical.
Le sujet d'abord constitue l'absence de
tel trait, comme tel il est lui-même le quart en haut à droite. Le zoologiste, si vous me permettez d'aller aussi loin, ne taille
pas la classe des mammifères dans la totalité assumée de la mamme maternelle ; c'est parce
qu'il détache la mamme qu'il peut identifier l'absence de mamme.
Le sujet comme tel
est moins un.
(->p258) (XII/13) C'est à partir de là, du trait unaire
en tant qu'exclu qu'il décrète qu'il y a une classe où universellement il ne
peut y avoir absence de mamme : moins moins un : - (-1).
Et c'est à
partir de cela que tout s'ordonne nommément dans les cas particuliers : dans le
tout venant, il y en a ou il n'y en a pas (2-3). Une opposition
contradictoire s'établit en diagonale, et c'est la seule vraie contradiction
qui subsiste au niveau de l'établissement de la dialectique universelle -particulière,
négative - affirmative, par le trait unaire.
Tout s'ordonne donc dans le tout venant
au niveau inférieur, il y en a ou il n'y en a pas, et ceci ne peut exister que
pour autant qu'est constitué, par l'exclusion du trait l'étage du tout venant
ou du valant comme tout à l'étage supérieur.
C'est donc le sujet, comme il fallait
s'y attendre, qui introduit la privation et par l'acte d'énonciation qui se
formule essentiellement ainsi :" se pourrait-il qu'il n'y ait mamme
?" ne qui n'est pas négatif, ne qui est strictement de la même
nature
que ce que l'on appelle explétif dans la grammaire française - "se
pourrait-il qu'il n'y ait mamme ? Pas possible, rien peut-être".
C'est là le commencement de toute énonciation du sujet concernant le réel.
Dans le premier blanc du rond il s'agit
de préserver les droits du rien, en haut, parce que c'est lui qui crée, en bas
le peut-être, c'est-à-dire la possibilité. Loin qu'on
Ce que le sujet cherche, c'est ce réel
en tant que justement pas possible ; c'est
l'exception et ce réel existe
Ceci pour tout dire déjà rassuré, éclairé,
dans mon
Pour le faire, il faut que je dévoile
la batterie annoncée - ce qui n'est pas toujours sans tremblement, imaginez-le bien
-et que je vous sorte un de mes tours sans doute
longuement préparé. Je veux dire que si vous recherchez dans le rapport de
Rome (p46 ou Écrits p320 -note du claviste) vous en trouverez déjà la place pointée quelque part. Je parle de la
structure du sujet comme de celle d'un anneau. Plus tard, je veux dire l'année
dernière et à propos
La sphère, cet objet obtus, si je puis
dire : il n'y a qu'à la regarder pour le voir. C'est peut-être une bonne
forme, mais ce qu'elle est bête ! Elle est cosmologique, c'est entendu. La
nature est censée nous en montrer beaucoup, pas tellement que cela quand on y
regarde de près ; et celles qu' elle nous montre, nous y tenons. Exemple : la
lune qui pourtant serait d'un usage bien meilleur, si nous la prenions comme
exemple d'un objet unaire. Mais laissons cela de côté.
Cette nostalgie de la sphère qui nous fait avec un
Est-ce qu'il est tout à fait
satisfaisant de penser que dans l'organisme pour le définir nous ayons à nous
satisfaire de la correspondance, de la coaptation de cet innen et de un ?
Sans doute il y a là une vue profonde ; car c'est bien là en effet le problème,
et déjà seulement au niveau où nous sommes qui n'est pas
celui du biologiste, mais de l'analyste
Qu'est-ce que fait le Welt là-dedans
? C'est ce
Ce
n'est pas cela qui m'intéresse maintenant et
Car c'est du tore que je vais vous
parler aujourd'hui. A partir d'aujourd'hui, vous voyez, j'ouvre délibérément l'ère des pressentiments. Dans un certain temps je voudrais envisager les choses
sous le double aspect de l'à tort et à raison, et bien d'autres encore qui
vous sont offertes.
Essayons maintenant d'éclairer ce que
je vais
Un tore - je pense que vous savez ce que c'est - (->p262)
(XII/17) je vais en faire une figure grossière ; c'est quelque chose avec quoi on joue quand
c'est en caoutchouc, c'est
commode, ça se déforme un tore, c'est rond, c'est plein, pour le géomètre c'est une figure de révolutions
engendrée par la révolu
Ce que je
voudrais souligner c'est qu'ici le tore, j'en parle au sens géométrique strict
du terme, c'est-à-dire , que selon la définition géométrique c'est
une surface de révolution, c'est la surface de révolution de ce cercle autour
d'
Ceci est important parce que cela rejoint quelque chose que je vous ai annoncé dans une
conférence hors série
Dans notre temps, il est de mode d'envisager des tas d'espaces à des foultitudes de dimensions. Je dois vous dire que, du point de vue de la réflexion mathématique, ceci demande qu'on n'y croit pas sans réserves.
(->p263) (XII/18) Les
philosophes, les bons, ceux qui traînent après eux une bonne odeur de craie comme M. Alain, vous diront que déjà
la troisième dimension, eh bien, il est tout à fait clair que du point de vue
que j'avançais tout à l'heure du réel, c'est tout à fait suspect. En tout
cas pour le sujet deux suffisent, croyez-moi.
Ceci vous explique mes réserves sur le
terme "psychologie des profondeurs" et ne nous empêchera pas de
donner un sens à ce terme.
En tout cas pour le sujet tel que je
vais vous le définir, dites vous que cet être infiniment plat qui faisait, je
pense, 1a joie de vos classes de mathématiques quand vous étiez en philosophie
: "Le sujet infiniment plat ..." disait le professeur, comme la classe
était chahuteuse et que je l'étais moi-même, on n'entendait pas tout ;
c'est ici, eh bien, c'est ici que nous allons nous avancer dans le sujet
infiniment plat tel que nous pouvons le concevoir, si nous voulons donner sa
valeur véritable au fait de l'identification tel que Freud nous le promeut. Et
cela aura encore beaucoup d'avantages, vous allez le voir.
Car enfin, si c'est expressément à la surface que je vous prie de vous référer, c'est pour les propriétés topologiques qu'elle va être en mesure de vous démontrer.
C'est une bonne surface, vous le voyez, puisqu'elle préserve, je dirai
nécessairement, elle ne pourrait pas
De ces propriétés topologiques, vous
allez avoir le nerf, le piquant, et le sel. Elles consistent essentiellement
dans un mot support que je me suis permis d'introduire sous forme de devinette à
la conférence dont je parlais tout à l'heure ; et ce mot qui ne pouvait vous
apparaître à ce moment-là dans son véritable sens, c'est le lacs
Vous voyez qu'à mesure qu'on avance je
règne sur mes mots pendant un certain temps. Je vous ai tympanisé avec la
Le tore a cet avantage considérable sur
une surface, pourtant bien bonne à déguster qui s'appelle la sphère ou tout
simplement le plan, de n'être pas du tout Umwelt - quant aux lacs quels
qu'ils soient - lacs, c'est lacis - que vous pouvez tracer à sa
surface.
Autrement dit, vous pouvez sur un tore
comme sur n'importe quelle autre surface faire un petit rond ; et puis comme on
dit, par ratatinements progressifs vous le réduisez à rien, à un point.
Observez que quel que soit le lacs que vous situez ainsi dans un plan ou à la
surface d'une sphère ce sera toujours possible de le réduire à un point ; et
si tant est, comme nous le dit Kant qu'il y a une esthétique transcendantale,
j'y crois : simplement je crois que la sienne n'est pas la bonne parce que
justement c'est une esthétique transcendantale d'un espace qui n'en est pas un
d'abord, et secundo où tout repose sur la possibilité de la réduction de quoi
que ce soit qui soit tracé à la surface qui caractérise cette esthétique de
façon à pouvoir se réduire à un point, de façon que la totalité de
l'inclusion que définit un cercle puisse se réduire à l'unité évanouissante
d'un point quelconque autour duquel il se ramasse, d'un monde dont l'esthétique
est telle que, tout pouvant se replier sur tout, on croit toujours
qu'on peut avoir le tout dans le creux de la main ; autrement dit que quoi
que ce soit qu'on y dessine, on est en mesure d'y produire cette
C'est que, comme vous le voyez, rien qu'à
le regarder, il y a sur ce tore un certain nombre de cercles traçables ;
celui-là, en tant qu'il se bouclerait je l'appellerai, simplement
question de dénomination, cercle plein. Aucune hypothèse sur ce qui est de son
intérieur, c'est une simple étiquette que je crois, mon Dieu, pas plus
mauvaise qu'une autre, tout étant bien considéré. J'ai longuement balancé en
en parlant avec mon fils pourquoi ne pas le nommer. On pourrait appeler cela le
cercle engendrant, mais Dieu sait où cela nous mènerait !
Mais supposons donc que toute énonciation
des méthodes que l'on appelle synthétiques - parce qu'on s'étonne spécialement
de ceci : quoi qu'on puisse les énoncer à priori, elles ont l'air, on ne sait
pas où, on ne sait pas quoi, de contenir
Je ne vais pas me limiter à ce simple
petit badinage, pace que j'aurais pu me contenter de prendre un cylindre infini,
puis parce que si cela s'en tenait là cela n'irait pas très loin. Métaphore
intuitive, géométrique mettons. Chacun sait l'importance qu'a toute la
bataille entre mathématiciens, elle ne fait rage qu'autour d'éléments de
cette espèce. Poincaré et d'autres maintiennent qu'il y a un élément
intuitif irréductible et toute l'école des axiomaticiens prétend que nous
pouvons entièrement formaliser à partir d'axiomes de définitions et d'éléments
tout le développement des mathématiques, c'est-à-dire l'arracher
à toute intuition topologique. Heureusement que M. Poincaré s'aperçoit très
bien que la topologie c'est bien là qu'on en trouve le suc, de l'élément
intuitif, et qu'on ne peut pas le résoudre et que je dirai même plus : en
dehors de l'intuition on ne peut pas faire cette science qui s'appelle
topologie, on ne peut pas commencer à l'articuler parce que c'est une grande
science.
Il y a de grosses vérités premières
qui sont attachées autour de cette construction du tore et je vais vous faire
toucher du doigt quelque chose : sur une sphère ou sur
Si vous trouvez une très
bonne démonstration
de cette vérité vraiment première, vous pourrez l'apporter à qui de droit
parce qu'on vous décernera un prix, la démonstration n'étant pas encore à ce
jour trouvée.
Sur le
tore, ce n'est pas expérimentalement
que vous le verrez, mais cela se démontre : pour résoudre le même problème,
il faut sept couleurs, autrement dit sur le tore vous pouvez avec la pointe d'un
crayon définir jusqu'à, mais pas un de plus, sept domaines, ces domaines étant
définis chacun comme ayant une frontière commune avec les autres. C'est vous
dire que si vous avez un peu d'imagination, pour les voir tout à fait
clairement, vous dessinerez ces domaines hexagonaux.
Il est très facile de montrer que vous
pouvez sur le tore dessiner sept hexagones et pas un de plus, chacun ayant avec
tous les autres une frontière commune. Ceci, je m'en excuse, pour donner un peu
de consistance à mon objet. Ce n'est pas une bulle, ce n'est pas un souffle, ce
tore ; vous voyez comme on peut en parler, encore qu'entièrement, comme on dit
dans la philosophie classique, comme construction de l'esprit il a toute la résistance
d'un réel. Sept domaines ? Pour la plupart d'entre vous : pas possible. Tant
que je ne vous l'aurai pas montré, vous êtes en droit de m'opposer ce
pas possible ; (->p269) (XII/24) pourquoi pas six, pourquoi pas huit ?
Maintenant continuons. I1 n'y a pas que cette boucle-là qui nous intéresse comme irréductible ! il y en a d'autres que vous pouvez dessiner à la surface du tore et dont le plus petit est ce qui est ce que nous pouvons appeler le plus interne de ces cercles, que nous appellerons les cercles vides.
Ils font le tour de ce trou. On peut en
faire beaucoup de choses. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il est essentiel
apparemment ; maintenant qu'il est là vous pouvez le dégonfler, votre tore,
comme une baudruche et le mettre dans votre poche, car il ne tient pas à la
nature de ce tore qu'il soit toujours bien rond, bien égal ; ce qui est
important c'est cette structure trouée. Vous pourrez le regonfler chaque fois
que vous en aurez besoin, mais il peut comme la petite girafe du petit Hans qui
faisait un noeud de son cou .....
I1 y a quelque chose que je veux vous
montrer tout de suite. S'il est vrai que 1'énonciation synthétique en tant
qu'elle se maintient dans l'un des tours, dans la répétition de cet un, est-ce
qu'il ne vous semble pas que cela va être facile à figurer. Je n'ai qu'à
continuer ce que je vous avais d'abord dessiné en plein, puis en pointillés,
cela va faire bobine
(->p270) (XII/25)
en faisant un dessin au tableau. Je peux
tracer un cercle qui soit de telle sorte prêt à faire le tour du plein du
tore. I1 va se promener à l'extérieur du trou central puis revient de l'autre
côté.
Une façon meilleure de vous le faire
sentir : vous
Ce que je viens de vous
dessiner sur le
tore déplié se projette ainsi
Voilà comment quelque chose qui
n'est
rien qu'un seuls lacs va se présenter sur le tore convenablement coupé par ces
deux coups de ciseaux ; et ce trait oblique définit ce que
-je dis : sur la surface totale -, si ce n'est plus possible au
niveau de la surface centrale, fragmentée , divisée par le signifiant de la
double boucle, c'est que très précisément quelque chose de cela est
conservé au niveau du point.
(->p272)
(XII/27) A ceci près que justement pour que ce point
fonctionne comme ce point, il a ce privilège d'être justement infranchissable,
sauf à faire s'évanouir, si l'on peut dire, toute la structure de la surface.
Vous le voyez, je n'ai même pas pu encore donner
son plein développement à ce que je viens de dire de ce point. Si vous y réfléchissez,
vous pourrez, d'ici la prochaine fois le trouver vous-même.
L'heure est avancée, et c'est bien là que je
suis forcé de vous laisser. Je m'excuse de l'aridité de ce que j'ai été amené
aujourd'hui à produire devant vous, du fait de la complexité même, encore que
ce ne soit qu'une complexité extra
Je reviens donc sur ce que j'ai dit à l'entrée : le fait que je n'aie pu arriver que jusqu'à ce point de mon exposé fera que le
Séminaire de mercredi prochain - dites le à ceux qui ont reçu la
prochaine annonce - sera maintenu dans le dessein de ne pas laisser trop
d'espace, trop d'intervalle entre ces deux séminaires, car cet espace pourrait
être nuisible à la suite de notre explication.
note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire,
ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par
avance de m'adresser un émail.
Haut de
Page
commentaire
relu et corrigé en août 2002