HaL- L'Homme aux Loups- (suite n° III ) 1952-1953
version
rue CB
note
(->p16) Nos explications ont montré que
l’observation de l’ "Homme aux loups"
permettait de poser des questions et d’apporter des lumières sur la question
du transfert. Dans ce cas, comme nous l’avons vu dans l’étude de
l’historicité, nous pouvons ouvrir le problème
d’une façon qui dépasse de beaucoup l’observation.
Dans l’observation de Ruth Mac Brunswick une chose est claire : ce qui
reste est plus qu’un résidu morbide, ce qui est au centre de la cure avec R.M.
Brunswick c’est le transfert.
Pendant
toute la période de cure avec R.M. Brunswick il ne s’agit plus du
malade, on ne parle que de Freud. Par le don de la parole quelque chose
est changé dans la position réciproque de ceux qui se sont parlé. Ce que
Freud a été pour le patient est donc tout le temps là au premier plan.
Il n’est
donc pas douteux qu’on voit se poser dans la seconde partie de l’histoire de
l’ "homme aux loups" le transfert comme intermédiaire entre l’analysé et
l’analyste. R. Mac Brunswick se pose la question de savoir ce qui a été la
cause de la seconde poussée morbide, c’est-à-dire la détermination de la
seconde maladie. Et c’est le transfert. Elle pense que c’est une sorte de
tendance qui est tout à fait fondamentale dans les relations affectives du
sujet : elle l’exprime en termes d’affectivité.
Quand le patient
est revenu voir Freud pour la seconde foi, Freud dit avoir analysé le
transfert. R.M. Brunswick dit qu’il s’agit de la passivité primordiale du
sujet et porte la lumière sur le fait que Freud l’a coincé sur une date, une
échéance. Les patients retiennent jusqu’à la dernière limite quelque
chose. Dans ce cas, on peut penser que si le sujet a été ainsi
-forcé- , il a dû garder une position. Là est le ressort
du transfert non liquidé. Mme Mac Brunswick dit aussi qu’il y a
quelque chose de curieux. Il n’y a pas d’exemples que, au cours d’une
analyse (->p17) profonde, toutes les attitudes
possibles d’un sujet ne se révèlent. La psychanalyse de l’ "Homme aux loups" fut totale
et épuise le matériel et pourtant jamais une attitude paranoïaque ne se
manifeste (Ainsi donc l’explication par " un moyen resté pas atteint "
n’est pas une explication valable) .
Il faut s’attacher à voir les différentes relations paternelles de ce
sujet, toutes celles dont il est capable. Dans la dernière phase de la maladie
on voit s’incarner les différents types de relations paternelles. Les
dentistes et les dermatologues forment deux séries de personnages très différents.
La recherche de la punition, de la castration paternelle par le sujet est
différentes de l’identification elle-même. Donc il y a deux séries :
D’une part : les pères castrateurs, représentés par les
dentistes : ils arrachent les dents bonnes où mauvaises et le malade ne
leur en veut pas. Ceci montre ce que recherche le sujet : plus il lui en
feront, mieux cela vaudra pour lui.
Avec eux,
son mode de relation est spécial : c’est de la méfiance, méfiance qui
ne l’empêchera pas de leur faire confiance : plus il se méfie et plus
il se confie …
D’autre part, un autre type paternel : les Pères mortifères :
sur le plan de la relation imaginaire la plus primitive, contre laquelle le moi
du sujet fuit et se dérobe avec une sorte de panique. Ce type est lié à
l’image de la scène primitive : il identifie le sujet (à ?)
cette attitude passive cause de suprême angoisse, car elle équivaut au
morcelage primitif. D’où la rénovation de ce malaise et désordre
primordial. Le danger vient alors de l’intérieur et il faut choisir :
refouler ou tout remettre en question : c’est une menace mortelle :
le contre-coup ambivalent d’une agressivité radicale.
Pour l’ "Homme aux loups" , le nez représente un symbole senti,
imaginaire : le trou que tous les autres pourraient voir.
(->p18)A mesure que se développe
l’analyse de R. Mac Brunswick, on voit entre le personnage castrateur et
l’autre (le professeur I, son plus mortel ennemi) se passer des phases
successives.
Pour l’ "Homme aux loups", il était le fils favori de Freud. La réaction
type, celle qui correspond à la méfiance, c’est l’hypocondrie : signe
émergent. Il cacha à Freud (qui lui a versé une rente) qu’il avait pu récupérer
quelques bijoux et quelques ressources alors que, jusque là, il était considéré
à juste titre comme un honnête homme. Est-ce qu’il voit dans la rente un gage
d’amour qui lui est dû ? Où est-ce plus lié à la réalité ?
Freud l’ayant empêché de retourner en Russie récupérer ses biens quand
cela était encore possible, ceci est-il un sourd grief compensé par le fait
qu’il croit que Freud lui a donné ce mauvais conseil par amour, pour le
garder ? Quoi qu’il en soit, il considère que cela lui est dû, ce don
d’argent.
Le destin sert Madame Mac Brunswick et lui permet de pénétrer dans les
positions du malade. Au moment de la mort du professeur X, elle marque en effet
un premier pas en avant dans les défenses du patient qui sur l’heure, derrière
le symptôme hypocondriaque, révèle : "Il est mort, je ne pourrai donc
plus le tuer". C’est là le fantasme qui sort d’abord et qui est suivi du
contenu persécutif longtemps mijoté : délire de persécution. La
disparition même de l’objet supprime la saturation dans une relation qui peut
rester sous forme de tension. C’est alors que Madame Mac Brunswick interprète :
"Le professeur X, c’est Freud" … Le sujet nie car, la relation à laquelle il
se tient, en ce qui concerne Freud, est celle de
fils favori. Autre face du délire qui apparaît alors, celle du délire
de grandeur. C’est la même chose sous une forme différente (ex : Le
professeur X apparaît dans un rêve
comme l’analyste). Que va être le pas suivant ? R. Mac Brunswick le
pousse assez dans ses retranchements pour démanteler sa position de fils
favori. Et alors, les choses sont abordées
Un autre tournant est marqué par le rêve de la destruction des icônes :
celle-ci représentant le ressort, la signification fondamentale par rapport au
dogme chrétien : le Dieu incarné dans un homme : repousser les
images saintes c’est nier l’incarnation. Au moment de sa névrose infantile,
la religion a failli socialiser ces difficultés (ébauche de guérison).
Mais cela à achoppé dans le dogme de l’incarnation. Les rapports
entre Dieu Père et Fils sont sentis comme masochiques et le renvoyaient à son
angoisse fondamentale devant la passivation absolue de la scène primitive. Tout
son moi n’est rien d’autre que la négation de sa passivité fondamentale.
Son type d’identification est fondé sur (->p20)
le rapport symbolique humain et culturel qui définit le Père, non seulement
comme le géniteur, mais aussi comme maître à pouvoir souverain : rapport
de maître à esclave. Toute l’histoire du sujet est scandée par la recherche
d’un Père symbolique et punisseur, mais sans succès. Ce que Freud a vu de
plus clair dans le transfert paternel, c’est la crainte d’être mangé.
On
doit rappeler la conception dialectique de l’expérience analytique. Dans le
rapport de la parole elle même, tous les modes de rapports possibles entre les
êtres humains se manifestent. Il y a une différence entre un sujet qui dit
" je suis comme ça " et un sujet qui dit " je vous demande de
me dire qui je suis " . Il y a une fonction de la parole que ce soit
une fonction de méconnaissance ou de mensonge délibéré, il existe néanmoins
un certain rapport avec ce qu’elle est chargée de faire reconnaître en le
niant. Autour de ce don de la parole s’établit une certaine relation de
transfert. Donc, ce qui se passe entre le sujet et son analyste est un don :
celui de la parole. Le sujet ne se fait reconnaître qu’à la fin. Le don va
du sujet à l’analyste. Et plus, le sujet donne de l’argent. Pourquoi ?
Il y a là un paradoxe apparent. Le don d’argent n’est pas une pure et
simple rétribution (le mot d’honoraires en témoigne du reste). Pour
comprendre ce don d’argent, on doit le comparer aux prestations des primitifs
qui sacralisaient les choses. Le don d’argent à l’analyste à la même
signification que le don que fait le disciple au maître mais cela constitue le
maître comme garant de cette parole et assure qu’il ne l’échange pas,
qu’il continuera à en prendre soin.
Quelle a donc été la fonction de l’argent dans l’ensemble de
l’histoire du sujet ? C’est un sujet qui a une structure mentale de
"riche". Le mode de relation dialectique entre le Fils et le Père dans l’Oedipe
entraîne une identification à un père qui soit un vrai père : un maître
ayant des risques et des res-(->p21)ponsabilité.
Il y a quelque chose de tout différent
entre cela et la structure bourgeoise qui gagne actuellement. Ce qui se
transmet c’est alors le patrimoine. Il en résulte que chez ce sujet le caractère
aliénant de ce pouvoir incarné par la richesse est évident. Cela a recouvert
cette relation qui ne put jamais être autre que narcissique avec son Père. Et
la mort de la soeur a ce sens : " je suis le seul à hériter ".
Si un malade comme celui là vient trouver Freud
Toute la question d'argent est sur le même plan. Freud fait
payer "l'homme aux loups" comme un malade très riche et pour un tel
malade très riche cela n'avait pas de signification ( à la fin seulement, cela
représentait une sorte de castration). Là se retrouve la dialectique du double
don et il en est ainsi tout (->p22) au long de
l'observation. Quand la sujet revoit Freud pour un symptôme hystérique
(constipation) Freud lève ce symptôme assez facilement , mais sur l'autre plan
il se passe une jolie catastrophe : Freud se laisse impliquer dans une sorte de
culpabilité à l'envers : il lui fait une rente : le sujet est passé
maintenant au rang de momie psychanalytique alors que déjà il n'arrivait pas
à l'assomption de sa personne. Le paranoïaque se croit l'objet de l'intérêt
universel et le sujet construit son délire narcissique. La réalisation
narcissique est aidée et soutenue par l'action de Freud qui a renversé le don
d'argent.
Si le génie de R. Mac Brunswick fût grand, elle ne le
formule pas toujours bien. Si elle a pu faire quelque chose c'est dans la mesure
où, par position, elle coïncidait avec le personnage de la soeur. Elle était
objectivement entre Freud et le malade, subjectivement Freud vint toujours entre
le malade et elle. Elle réussit là où la soeur avait échoué. Le père
était trop près du malade, la soeur aussi (elle avait fait son identification
au père et elle est active dans leur relation et d'une façon traumatique, trop
proche, qui entraînait la même panique de la passivation devant le
père. Elle est identifiée au père par le malade). Au lieu de ça, R. Mac
Brunswick sut à la fois participer d'une certaine dureté propre au personnage
paternel, d'un autre côté, elle se soumet à la réalité du sujet : il y a
une sorte de retour à l'école du sujet par ce que les chinois appellent
"la douceur malléable de la femme". Elle sait lui montrer qu'elle
n'est pas adhérente à Freud, donc pas identifiée au père et "pas trop
forte". Le sujet est ré-enfanté par elle et , cette fois, de la bonne
façon.
La gratuité du traitement n'a pas joué le même rôle que
dans les rapports avec Freud
(et par là elle se distingue de la soeur) et ce qui se passe entre eux n'est
pas du même ordre que ce qui se passe dans une analyse : c'est plus une
psycho-pédagogie où l'on discute de la réalité qu'une analyse
proprement dite.
Dans la mesure où le sujet s'est décollé de l'image du
Père tout puissant et qu'il voit que ce père ne l'aime pas tant que çà,
l'issue fût favorable. Le sujet accepte de na pas être un maître et il n'est
plus entre deux chaises.
Disons enfin que son analyse fut influencée par la
recherche de Freud à propos de la réalité ou de la non-réalité des
scènes primitives et on voit, là aussi, les rapports étroits du transfert et
du contre-transfert.
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note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un email. Haut de Page