XXI-Les non-dupes errent 1973-1974
version rue CB
23 Avril 1974 note
(p139->) BON, JE
VAIS D'ABORD, en
commençant trois minutes avant
Je
commence, ou plutôt je recommence.
C'est bien ce qui m'étonne le plus. Je veux dire que j'ai l'occasion à chaque
fois de m'apercevoir que si j'ai parlé de l'espoir dans certains termes, à
propos d'une question qui m'était posée, kantienne : " que je
puisse . . . " . . . " que puis-je espérer ? " et j'avais dit
que l'espoir, j'avais rétorqué que l'espoir c'était une chose propre à chacun.
Il n'y a pas d'espoir commun. C'est tout à fait inutile d'espérer un
commun espoir. Alors moi, je vais vous avouer le mien, c'est celui qui me possède
toute la semaine jusqu'au matin où je me réveille à votre intention - c'est-à-dire
par exemple ce matin même
- jusqu'à ce moment, je, j'ai toujours l'espoir que ce sera la dernière fois,
que je pourrai vous dire n, i, ni : fini. Le fait que je sois là, parce que le
jour où je le
dirai, ça sera avant, ce sera avant de commencer, le fait que je sois là vous
prouve que, tout particulier que me soit cet espoir, il est déçu.
Bon,
alors, moyennant quoi, en me réveillant, j'ai
naturellement pensé à, à tout autre chose que, que ce que j'avais fomenté
pour vous le dire, il m'est surgi comme ça, enfin, que s'il y a - je
l'ai déjà dit, enfin , mais il faut bien que je le répète - que
s'il y a, que s'il y a quelque chose dont l'analyse a découvert la vérité,
c'est l'amour
du savoir. Puisque tout au moins si ce que je vous (p140->)
Alors, comment, comment rejoindre ça,
si je puis dire ? Ben justement, ça ne se rejoint pas. C'est le Mariage du
Ciel
et de l'Enfer . Il y a un nommé William Blake, vous savez, qui a, dans son
temps, à son époque, avec ses, avec son petit matériel à lui qui n'était pas
mince - a remué ça ; il lui a même donné exactement ce titre. Voilà.
Alors peut-être que ce que je suis en train de vous dire, c'est que,
c'est que le mariage en question n'est pas tout à fait ce qu'on croit. Ce qu'on
croit , à lire William Blake, précisément. Ouais. Ceci ne fait que, que réaccentuer
quelque chose que je vous ai dit ailleurs, quelque chose qu'implique en tout cas
notre expérience, et l'expérience analytique que je ne suis ici que pour, que
pour situer.
Qu'est-ce
qu'une vérité, sinon,
sinon une plainte ? Au moins est-ce là ce qui répond à ce que, à ce
que nous nous chargeons, analystes, si tant est qu'il y en ait du, du
psychanalyste, ce que nous nous chargeons de recueillir. Nous ne la recueillons
pas tout de même sans remarquer que la division la marque. Marque
la vérité.
Qu'elle ne peut pas-toute être dite. Voilà. C'est notre voie, la voie,
il y a longtemps que de ça, on parle, hein. Et si on la met en premier dans un
énoncé que, qui je l'espère enfin est en train de vous corner aux oreilles,
si on la met en premier - c'est bien que c'est de ça qu'il s'agit en
premier quoique les solutions qui s'en sont avancées diffèrent entre elles, et
de beaucoup. Il s'agirait de, d'avoir une petite idée de la nôtre. Et puis
tout de suite après, quand on énonce ce terme, la voie, tout de suite après on
parle de la vérité qui, si elle est ce que je viens de dire, est quelque chose
comme une planche pourrie, et puis en tiers, on ose enfin quelqu'un, en
tout cas, a, a osé, comme ça : un dénommé saint Jean, il a parlé de
la vie . Ce sont d'imprudentes émission . Émissions de quoi ? de voix. De voix à
écrire tout autrement : v, o,i ,x, celles-là. Ce sont d'imprudentes
émissions de voix qui énoncent ces couplages. Vous pouvez remarquer que ce .
. . que le couplage, dans l'occasion, ça va par trois. Et qu'est-ce que
c'est que la vie, dans l'occasion ? C'est bien quelque
chose qui, qui
dans ce trois, alors, fait, fait, fait, fait un trou,
hein. Je sais pas si vous savez ce que c'est que la vie, hein, mais c'est tout
de même curieux que, que ça
fasse
problème. Lavie que pour l'occasion j'écrirais bien comme j'ai
fait, comme j'ai fait de Lalangue en un seul mot. Ce ne serait que pour
suggérer que, que nous n'en savons pas beaucoup de choses sinon qu'elle
s'lave.
C'est à peu près la seul marque sensible de ce qui rentre dans 1a vie.
(p141->)
Enfin, ces couplages, qu'est-ce que je suggère ici, à partir de l'expérience
qui se définit d'analytique, qu'est-ce que je suggère ici. Est-ce que ces couplages,
de les penser ? Ouais. Si c'était ça, ça serait, enfin, cette espèce de, de
bascule, qui serait chute dans le discours universitaire. C'est là qu'on pense.
C'est-à-dire qu'on baise. Bon, je vous fais remarquer que, que dans
ce discours, je ne suis comme ça, c'est un petit test, simplement, c'est pas
du tout que, que je m'en targue, je ne suis pas reçu, je suis plutôt, plutôt
supporté, oui, toléré - tout ça nous ramène au statut, au statut
de , de ce que j'énonçais la dernière fois, enfin, lié à notre rapport,
de vous, de moi, et que je mettais en suspens entre la voix et l'acte de dire.
J'ose espérer
que l'acte de dire y a plus de poids, quoique c'est de cela que je puisse
douter, puisque ce doute c'est ce que la dernière fois j'ai émis comme tel.
Si c'est l'acte de dire, c'est celui-là que je reçois d'une expérience
codifiée. J'ai aussi énoncé - vous voyez, j'insiste à me répéter - j'ai
aussi énoncé ceci : que faut-il, au sens de : qu'est-ce
qui manque, pour que cette expérience codifiée, elle ne soit pas elle ne soit
pas à la portée de tout le monde ? C'est pas une question de division
du travail, à savoir que tout le monde ne puisse pas s'employer à, à analyser
le reste. C'est pas à la portée de tout le monde, d'un fait de . . . de structure
dont j'ai essayé de rappeler la dernière fois, ou tout au moins d'indiquer à quoi
j'entends l'emmancher. Il ne peut pas être à la portée de tout le monde de
remplir cet office, que j'ai défini à l'instant de recueillir la vérité comme
plainte.
Quel
est le statut de ce mariage que j'ai évoqué
tout à la suite,
Ce
pas-tout, en quoi consiste-t-il ? I1 est évident qu'il ne peut se rapporter à, à ce
qui ferait tout, à . . . à un monde harmonieux. Alors le pas-tout
faut-il le saisir quelque part dans un élément ? Un élément qui pèche justement
de n'y pas être harmonisé ? Est-ce que ça suffit à ce que,
à ce que tout y soit acquis - permettez moi là, de l'avancer - à
la bifurcation, à l'arbre. Ouais. Je vous fais remarquer que là, mine de rien,
à vous poser une question comme ça, cette bifurcation, c'est, c'est aussi
bien ce que je viens de faire, un signe, un y , de
quelque chose qui, qui est
sensible, enfin, avec quoi nous frayons : y a l'arbre, y a le végétal, il fait
branche, c'est son mode de présence. Et je vois pas pourquoi j'irais pas à
patauger là, dans, dans quelque chose qui quand même se
Je suis pas contre puisque c'est plein de sens. C'est bien justement, ce dont il faudrait le nettoyer. Peut-être que si . . . on grattait tout le sens, hein on aurait une chance d'accéder au Réel. C'est même ça que je suis en train de vous enseigner. C'est que c'est pas le sens de la plainte, qui nous importe, c'est ce qu'on pourrait trouver au-delà, de définissable comme du Réel, ouais. Seulement pour nettoyer le sens, il faudrait pas en oublier, parce que sans ça c'est ça qui fait rejet, hein, et dans tout ça y a quelque chose qu'on oublie. Et c'est justement l'arbre. Ce qui est énorme, c'est qu'on en s'aperçoive pas que c'était ça qui était interdit. C'est pas le serpent, c'est pas la pomme, c'est pas la connasse, c'est pas le connard : c'était l'arbre, , dont il fallait pas approcher ? Et à lui personne ne pense plus, c'est admirable ? Mais lui, l'arbre, qu'est-ce qu'il en pense ? Là je fais un saut, hein, parce que qu'est-ce que ça veut dire : " qu'est-ce qu'il en pense ? " ça ne veut rien dire que ceci, qui est en suspens, et qui est très précisément ce qui me fait suspendre tout ce qui peut se dire au titre de la vie, de la vie qui se lave. Parce que malgré que l'arbre ne se lave pas - ça, ça se voit ! - est-ce que malgré cela, l'arbre jouit ? C'est une question que j'appellerai essentielle. Non pas qu'il y ait d'essence en dehors de la question : la question c'est l'essence, il n'y a pas d'autre essence que de question. Comme y a pas de question sans réponse, je vous le serine depuis longtemps, ça veut dire que l'essence aussi en dépend, de la réponse. Seulement là, elle manque. Impossible de savoir si l'arbre jouit, quoiqu'il ne soit pas moins certain que l'arbre c'est la vie. Ouais.
Je vous fais mes excuses, d'avoir comme ça imaginé
ça, imaginé de vous présenter ça, comme ça, à l'aide de la Bible. Moi, la
Bible, ça ne me fout pas la trouille. Et je dirai même plus, j'ai pour ça une
raison. C'est que y a des gens comme ça qui, qui en ont été formés, hein,
les Juifs qu'on les appelle généralement. On peut pas dire qu'ils ! aient pas
cogité sur le machin, la Bible. Je dirai même plus : tout prouve, tout prouve
dans leur histoire ( à Madame Gloria Gonzalès Donnez moi un cigare . . . )
tout prouve dans leur histoire qu'il ne se sont pas occupés de la nature, qu'ils
ont talmudisé, comme on dit, c'te Bible. Eh bien je dois
reconnaître que ça leur a réussi.
Et à
(p143->)
Alors,
c'est ce qui m'autorise, je dirai, je dirai , à faire comme eux, à ne pas
considérer comme un champ
interdit ce que j'appellerai la mousse religieuse, à laquelle je recourais tout
à l'heure. Ce que j'appelle " la mousse ", là, c'est le sens,
tout
simplement ! Le sens à propos de quoi je, je j'essayais
justement de faire, de faire le nettoyage,
en posant la question, la question de l'arbre : qu'est-ce
qu'il est, l'arbre ? Et qu'est-ce qu'il est sur un point très précis que
j'ai désigné, parce que je reste pas en l'air : est-ce qu'il jouit ? La
mousse religieuse peut donc, enfin, être aussi bien du matériel de laboratoire
! Et pourquoi pas, et pourquoi pas nous en servir puisque, puisqu'elle nous
vient avec ce que j'appelle, ce que j'appelle en la faisant basculer tout entière
d'un côté, ce que j'appelle la vérité, parce que bien sûr, c'est pas la vérité
vidée, hein, c'est la vérité comme ça foisonnante. Voilà . .
(p144->) Voilà.
Je peux quand même bien vous
indiquer que, que c'est pas pour rien, enfin, qu'il y a , qu'il y a des Juifs
biologistes, hein. Moi, je viens de lire un truc dont aussi bien je vous
donnerai le titre . . . je vous donnerai le titre, enfin, c'est, c'est, c'est
le bouquin, là, sur la sexualité et les bactéries. I1 y a une chose qui m'a
frappé, enfin, à la lecture de ce livre que j'ai lu avec passion de bout en
bout, parce que c'était dans mon, dans mon fil, comme ça, c'est que si , c'est
que si l'amibe, hum . . . cette petite saloperie, là, que vous regardez au
microscope, là, hein, et puis qui manifestement, frétille, hein, elle vous
bouffe des trucs . . . elle . . . bon. Ça c'est sûr qu'elle jouit ! Eh
ben pour la bactérie, je m'interroge ! Est-ce que la bactérie jouit ? Ben c'est
marrant, hein, la seule chose qui puisse, enfin, nous en suggérer l'idée,
c'est - je peux quand même pas dire que c'est dans Jacob que je l'ai découvert,
faut pas exagérer, j'avais eu comme ça , une rumeur . . . mais dans ce Jacob,
qui d'ailleurs est dans l'occasion associé à un nom nommé Wollman , ce qui m'a
véritablement
fasciné, hein, c'est ce qui est la caractéristique de ladite bactérie,
c'est qu'il y a rien de tel au monde qu'une bactérie pour pouvoir être
infectée. C'est pour tout dire que la bactérie ne nous apporterait absolument
rien s'il n'y avait pas le bactériophage. Et le lien que fait
- que fait : il fait pas, ça se dégage - mais enfin c'est certain que, le
fait que, comme son nom l'indique Jacob soit juif, c'est certainement
pas pour rien que son rapport, rapport d'expériences accumulées, minutieuses,
foisonnantes enfin, que son rapport sur ce qu'il se passe entre la bactérie et
le bactériophage, ce soit là que nous puissions prendre le
" sentiment ", disons que de l'infection, de son infection par le bactériophage,
la bactérie jouisse, éventuellement.
Et
si on y regarde de bien près
- enfin, reportez-vous au texte, moi je vous l'indique, ça va en faire un
second qu'il va vous falloir vous fourrer dans les poches, seulement
celui-là il est très difficile à trouver, il est archi-épuisé
ce machin-là, il est paru en Amérique . . . C'est emmerdant ? Ce serait tout
de même pas mal que vous vous en fassiez tirer des photocopies. Il y en a aussi
peut-être un en français qui circule, mais je peux pas vous dire,
moi, je ne m'y suis pas précipité, puisque j'ai lu la chose en anglais,
enfin, il y en a aussi un en français, dont je sais même pas encore s'il se
trouve : vous voyez quelle est ma bienfaisance, je vous l'indique au moment où
vous allez donc me faire la plus effroyable concurrence si je veux me le
procurer. Enfin tant pis, il y a toujours la photocopie . . .
C'est
en fin de compte de là que se
touche le joint, un joint qui est très particulier. Si Jacob par là manifeste
qu'il y a sexe au niveau de la bactérie, il ne le manifeste que de
ceci, lisez bien le livre : qu'entre deux mutations de bactéries de la même
lignée, soit de ce fameux escherichia coli qui a servi de matériel de
laboratoire à ce niveau-1à, qu'entre deux mutations de bactéries de la
même provenance, ce qui constitue le sexe, c'est qu'entre elles, ces mutations,
il n'y ait pas de rapport possible. Ceci veut dire qu'une lignée de (p145->)
bactéries dont la mutation consiste en
une possibilité de foisonnement plus grande que dans l'autre, alors que c'est
au niveau de cette possibilité de foisonnement que l'autre se distingue :
foisonnement-plus, fertility qu'ils appellent ça en anglais,
foisonnement-moins. Les foisonnantes-plus, quand elles se rencontrent avec
les foisonnantes-moins, les font muter du côté du foisonnement. Alors que les
foisonnantes-moins, quand elles vont aux foisonnantes-plus,
elles, ne les font pas muter du côté du foisonnant-moins. C'est donc
essentiellement du non - rap p o r t entre deux rameaux - nous le retrouvons
notre petit arbre ! - c'est donc du non-rapport entre deux rameaux
d'un même arbre, que pour la première fois se suggère, au niveau de la
bactérie, l'idée qu'il y a une spécification sexuelle.
Alors
vous voyez dans quelle note ça,
ça, ça peut me toucher, parce que, de retrouver ce non-rapport à un
tout autre niveau de la prétendue évolution de la vie, qui est celui dont je
spécifie
l'être parlant, c'est quand même quelque chose qui, enfin, qui est bien fait
pour me retenir, et pour du même coup essayer aussi de vous mettre un peu au
parfum . . . Parce qu'en somme, ce que ça veut dire, c'est que dans sa première
apparition - qui n'a d'ailleurs, strictement rien à faire avec sa seconde
apparition qui est une pure homologie la sexualité, ce n'est pas du tout la même
chose, mais que ça puisse être à l'occasion à un niveau de l'arbre, une chose
liée à l'infection et à rien d'autre, c'est quand même, c'est quand même
digne de nous retenir. Bien sûr, ça ne veut pas dire non plus nous précipiter,
hein, faut pas se précipiter, surtout, parce que c'est, c'est la meilleure façon
de se foutre le doigt dans l'oeil ! Mais enfin, c'est sensible. Et que, que la
question de la jouissance se suggère dès l'infection, sexualité à
portée limitée, c'est aussi digne de nous retenir. Bon. Quand je dis : ne
pas se précipiter, hein, ça veut dire aussi : ne pas se laisser mener par le
bout du nez.
Y a-t-il - je fais rupture ici, je prends les choses par un autre bout - y a-t-il du savoir dans le Réel ? Il est essentiel qu'ici je rompe, puisque sinon moi du moins vous, vous êtes jusqu'ici laissés mener par le bout du nez, c'est-à-dire que vous vous arrêtez là où je m'arrête moi-même, pour ne pas me laisser mener du même bout. Poser la seconde question, celle que j'avance maintenant, après m'être laissé mener dans la mousse religieuse, en quoi cela a-t-il de l'intérêt, que maintenant je reparte ? C'est quand même - c'est pas difficile à, à sentir, n'est-ce pas, la jouissance, elle fait éruption (sic) dans le Réel. Et qu'il y aura un moment - qui sera plus tard, parce qu'il faut quand même bien sérier les choses, hein, où la question se retourne. Le Réel, qu'a-t-il à répondre, si la jouissance l'interroge ? Et c'est en quoi je commence - là vous voyez le lien - en quoi je commence à poser la question : le savoir, c'est pas pareil que la jouissance. Je dirai même plus, s'il y a un point où, où je vous ai menés, enfin, en partant de ce savoir qui s'inscrit de l'inconscient, c'est bien que le savoir, c'est pas forcé qu'il jouisse, de lui-même.
(p146->)
Y
en a. Et il n'y a pas besoin de l'inconscient de Freud pour qu'il y en
ait. Y en a selon toute apparence, sans quoi le Réel ne marcherait pas.
Voilà d'où je pars qui vous le voyez est d'une
tout autre allure. D'une allure grecque, celle-là, justement. Le Réel,
c'est comme le discours du maître: c'est le discours grec. Le Réel il
faut que
ça marche. Et on ne voit pas comment ça marcherai sans qu'il y ait dans le Réel
du savoir. Alors là aussi, hein, ne pas se précipiter. Là c'est plus de se
laisser mener par le bout du nez qu'il s'agit, là, c'est de s'engluer, avec ce
pas. Il faut bien en trancher le cadre. Si j'ai fait ce pas dans le Réel, il
faut que je découpe le . . . toute la glu tout autour, pour pas y rester collé,
hein. Et
ça dans le Réel, c'est, si j'ose dire ce qui ne veut rien dire hors d'un sens.
Dans le Réel, ça veut dire : ce qui ne
dépend pas de l'idée que j'en ai. Un pas de plus avec la même colle aux pieds
: ce à quoi, que j'y pense, n'importe pas. Que je pense à lui, comme ça, le Réel,
c'est ce qui s'en fout. Et c'est bien pourquoi que la première fois que j'ai
essayé de faire vibrer cette catégorie, enfin, aux oreilles de mes auditeurs,
ceux de Sainte-Anne, je peux pas dire que j'ai pas été gentil, hein , je
leur ai dit : le Réel c'est, c'est ce qui revient toujours à la même
place.
Ce qui est justement le mettre en place. La notion de place, elle surgit de là.
Alors,
en disant ça, je
mets le Réel - je le situe, justement, je le mets à sa place, d'un sens, ne l'oublions
pas, d'un sens en tant que su : le sens se sait. C'en est même
au point qu'on est étonné, hein, vu le génie de lalangue qu'on n'en ait pas fait
un seul mot, hein, qu'on ait, qu'on ait pataugé : le sensé, le sensible tout
ce qu'on veut, mais que ça n'ait pas fini par se cristalliser : le sensu.
Faut croire que ça avait des échos qui nous plaisaient guère.
Ce que je suis en train de dire par là,
en tout cas de vous avancer concernant le Réel, c'est ça d'abord, c'est que le
savoir dont il s'agit dans la question : y-a-t-il savoir dans le Réel,
est tout à fait à séparer de l'usage du su dans le sensu. C'est du sens à
partir de là que je détache le réel, mais ça n'est pas du même
Et je vais tout de
suite l'illustrer. L'illustrer, l'illustrer d'Aristote. Il est tout à fait
frappant que dans sa Physique , Aristote ait depuis un bon bout de temps,
enfin, fait le saut, le saut par quoi, par quoi se démontre que sa Physique n'a
strictement rien à faire avec la dont Heidegger essaie de nous faire
ressurgir le fantôme. C'est que ce à quoi il s'en prend, il s'en prend pour répondre
à la question qui est celle que je pose maintenant : y a-t-il
du savoir dans le Réel ? - il s'en prend au savoir de l'artisan. C'est que
les Grecs n'avaient pas le même rapport à l'écriture. La fleur de ce qu'ils
ont produit, c'est des dessins, c'est de tirer des plans. C'est leur idée de
l'intelligence. I1 ne suffit pas d'avoir une idée de I'intelligence pour être
intelligent. Ça vous est spécialement adressé, cette recommandation. Et il est
surprenant que ce soit Aristote qui nous le prouve.
Cet
artisan, Dieu
sait ce qu'il lui impute, c'est le cas de le dire. Il lui impute, d'abord, de
savoir ce qu'il veut : ce qui quand même est raide ! Où est-ce qu'on a vu
que quelqu'un qui se dépêtre, en artisan, sache ce qu'il veut ? C'est Aristote
qui lui, qui lui flanque ça sur le dos. Grâce à Aristote, l'artisan
" cause final ". Et puis aussi, pendant qu'il y est, je ne vois vraiment
pas ce qui l'arrête, n'est-ce pas, il " cause formel ", aussi, il a
de I'idée, comme on dit. Et puis après ça, il, il, il cause " cause ",
il cause même " moyen ", il cause " efficient " pour tout
dire, et c'est encore heureux si Aristote laisse un bout de rôle à la matière.
Là
c'est elle : elle " cause matériel "" ! Ça cause, ça cause, ça
cause même à tort et à travers.
Parce que, pour
prendre les choses, comme ça, au niveau d'où ça sort, c'est-à-dire
le pot - c'est comme ça que c'est sorti, non pas bien sûr qu'ils savaient
faire que ça, les Grecs, ils savaient faire des machins beaucoup plus compliqués,
mais tout ça , ça sort du pot. Quand je pose la question : s'il y a du savoir
dans le Réel, c'est précisément pour exclure de ce Réel ce qu'il en est du
savoir de l'artisan. Non seulement le savoir de l'artisan ne cause pas, mais c'est
exactement de cet ordre de savoir auquel l'artisan sert parce qu'un autre artisan
lui a appris à faire comme ça.
Et loin que le pot
ait une fin, une forme, une efficacité et même une matière quelconque, le
pot, c'est un mode de jouir. On lui a appris à jouir à faire des pots
! Et si on lui achète pas son pot et ça c'est le client qui l'a à sa jugeote
- si on lui achète pas son pot, ben il en est pour sa jouissance, c'est-à-dire
qu'il reste avec, et que ça ne va pas très loin. C'est un mode qu'il est
essentiel de détacher de ce dont il s'agit quand je pose la question : s'il y
a du savoir dans le Réel.
Il faudrait quand même
seulement qu'il y en ait ici quelques-uns qui ont été, qui ont été, je
sais pas, à l'Exposition des Fouilles chinoises archéologiques, qu'on appelait
ça, des fouilles chinoises
Est-ce
que vous croyez que ce surgissement-là, c'est quelque . . . c'est quelque
chose qui ait quoi que ce soit à faire avec la décomposition aristotélicienne
? Ces pots, il suffit de les regarder pour voir qu'en somme ils peuvent
servir à
rien. Mais il y a une chose certaine, c'est que ça a poussé, n'est-ce
pas, ça a poussé, enfin comme une fleur. Qu'Aristote, enfin, les, les, les décompose,
enfin, n'est-ce pas, les con-cause de quatre causes, au moins, différentes,
c'est quelque chose qui à soi seul, enfin, démontre que les pots sont d'ailleurs.
Mais
pourquoi est-ce
que je vous en parle puisque justement je les mets ailleurs ? Je vous en parle
parce que si c'est le client qui, qui finalement a à juger du pot, faute de
quoi le
potier, enfin il peut se mettre la ceinture, ça nous démontre quelque chose,
c'est que c'est le client qui non seulement achète le pot, mais qui,
l'artisan , le " potière ", si je puis m'exprimer ainsi. Et il suffit
de voir la suite de cette liaison qu'il y a entre le fait que le pot, enfin,
soit si bien fait qu'on imagine que Dieu est un potier, exactement comme l'artisan.
Le Dieu dont il s'agit, c'est, c'est . . . autrefois, enfin, mon vieil ami André Breton
avait cru prononcer un blasphème en disant que, en disant que
Dieu est un porc. C'est pas pour rien que la dernière fois je vous ai dit que
j'ai jamais encouragé les surréalistes. Non pas du tout que moi j'abrègerais
et je dirais que Dieu est un pot; Dieu est un empoté ! Dieu est le potier,
c'est vrai, mais le potier aussi est un empoté. C'est le sujet, enfin du ,
du savoir supposé à son art.
Mais
c'est pas de
ça qu'il s'agit quand je vous pose la question : y a-t-il
du savoir dans le Réel ? Parce que ça, c'est ce qu'on a rencontré le
jour où du
Réel on a réussi à arracher un brin, c'est-à-dire au moment de Newton,
où
quand même, c'est arrivé, et que là, pour que le Réel fonctionne, le
Réel au
moins de la gravitation, c'est-à-dire pas rien, quand même,
parce que nous y sommes tous vissés à cette gravitation et rien de moins
que par notre corps, jusqu'à nouvel ordre, non pas que c'en soit une propriété.
comme l'a bien démontré la suite - mais on y est vissés à ce
Réel. Et là, qu'est-ce que c'est , enfin qui a tracassé les gens au moment de
(p149->) Newton
? Ça n'est
rien moins que ceci, que cette question dont je dirai, enfin, qu'elle
concernait ce dont il s' agissait, c'est-à-dire " les masses " - c'est
le cas de le dire. Les masses. Comment ces masses pouvaient-elles savoir à quelle
distance elles étaient des autres masses
pour qu'elles observent la loi de Newton ? Il est absolument clair que, que,
qu'il faut Dieu, là. On peut pas , tout de même, prétendre que, que, que les
masses, les masses comme telles, c'est-à-dire définies par leur
seule inertie, pour où leur viendrait la notion de la distance à laquelle elles
sont des autres masses ? Et qui plus est, de ce qu'il en est de ces masses
elles-mêmes pour se conduire correctement ? Au temps frais où cette élucubration
newtonienne est sortie, ça n'a échappé à personne ! C'était la seule notion
enfin, que - la seule notion qu'on pouvait lui opposer, c'était, c'était les
tourbillons de Descartes, malheureusement, les tourbilllons de Descartes,
ils existaient pas et tout le monde pouvait très bien s'en apercevoir . . . Alors,
il fallait Dieu pour, pour informer, enfin n'est-ce pas, à tout instant,
enfin c'est même au point que non seulement il fallait qu'il soit là pour
informer à tout instant les masses de ce qu'il en était des autres, mais . .
. on supposait même qu'il n'avait peut-être pas d'autre moyen que de les
pousser du doigt, les masses, lui-même . . . Ce qui, bien sûr était exagéré,
enfin, était exagéré parce qu'il est clair que du moment
qu'il y a l'accélération
inscrite déjà dans la formule, le temps aussi y était, donc il n'y avait
pas besoin du doigt de Dieu ! Mais pour l'information quand même, c'était
difficile de, difficile de l'exclure. Et ce dont je vous parle, moi, ici,
c'est du savoir dans le Réel.
Faut
pas vous imaginer que, que parce qu'Einstein est venu
après et en a remis un bout, hein,
faut pas vous imaginer que ça va mieux , hein , parce qu'il y a quand même
une drôle d'histoire, n'est-ce pas, c'est que cette relativité de
l'espace, désormais désabsolutisé, car enfin il y a un bout de temps,
enfin qu'on avait pu le dire que, enfin, que, après tout Dieu c'était l'espace
absolu - enfin ça c'est, c'est des badinages, bon. Mais la relativation
de cet espace par rapport à, à la lumière, ça vous a une drôle de touche de
fiat lux , et ça , ça a tout l'air de recommencer à , à se foutre le cul
dans la mousse religieuse. Alors, n'exagérons rien. C'est peut-être là,
vous comprenez, que - c'est comme ça en tout cas que pour aujourd'hui je
me limiterai, enfin à ce que fait surgir l'analyste. Vous avez bien senti,
sentu, hein, que tout ça provient de ce fait enfin c'est que nous n'avons
parlé jusqu'ici que de ce qui vient du Ciel. Tout ce que
nous avons de Réel un
tant soit peu sûr, y compris nos montres, hein, c'est, c'est, c'est,
c'est uniquement, uniquement descendu du ciel. Si ce n'est pas
de là qu'on était
parti pour ce qui revient toujours à la même place, définition que je donne du
Réel, nous n'aurions aujourd'hui ni montre ni télévision ni toutes ces choses
charmantes grâce à quoi vous êtes non seulement minutés, mais si j'ose dire,
" secondés ". Vous êtes tellement bien secondés que vous n'avez même
plus la place de vivre.
Heureusement
qu'il y a de l'analyste, hein. L'analyste - je vais (p150->)
terminer sur une métaphore : 1'analyste
c'est le feu-follet. C'est une métaphore qui elle, ne fait
pas
fiat lux . C'est tout ce que j'ai à dire pour l'excuser. Je
veux dire qu'elle s'oppose aux étoiles d'où , d'où tout est
descendu de ce qui vous encombre et vous range ici si bien, enfin, pour écouter mon discours,
n'est-ce pas. C'est-à-dire que ça n'a absolument rien à faire avec ce dans quoi
vous viendrez vous plaindre chez moi dans un instant.
Le
seul avantage que je trouve à ce feu-follet, c'est que ça ne fait pas fiat
lux . Le
, le, le feu follet n'éclaire rien, il sort même ordinairement de
quelque pestilence. C'est sa force. C'est ce qu'on peut dire, à partir du
feu-follet, dont j'essaierai de reprendre le fil, le fil follet, la prochaine
fois.
note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un émail. Haut
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