XXI-Les non-dupes errent 1973-1974
11 Décembre 1973
http://perso.wanadoo.fr/espace.freud/topos/psycha/psysem/nondup/nondup3.htm version Espace Freud, .pdf,
En rapport avec les documents sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, le texte proposé sur cette page est une transcription écrite intégrale de la séance, relue à l'aide de la bande son, (nov. 2002).
transcription de la version sonore originale
    Voilà un petit machin que j'ai pris
    la peine de construire, pour vous le montrer. 
      C'est un noeud borroméen. 
      Je vous avertis que, aujourd'hui, je ne parlerai
  que de cela. Alors s'il y en a que ça emmerde, qu'ils sortent, ça
  me soulagera. 
      C'est un noeud borroméen. C'est-à-dire...
  alors enlevez-moi plutôt celui-là, le bleu, vous voyez, là,
  le bleu, on l'enlève, hein. Le résultat, c'est que les deux autres
  sont libres. Vous avez vu que je n'ai pas été forcé de
  les démonter pour qu'ils se libèrent. Voilà. Là-dessus
  Gloria peut vous le remettre, le truc. Mais enfin, je pense que c'est déjà suffisamment
  démonstratif, ça se fait avec des cubes, à l'occasion, ça
  se fait avec des cubes et on s'aperçoit que… faut qu'il y en
  ait trois en largeur, cinq en longueur pour le noeud borroméen minimal.
  Bon. 
      L'idée, c'est évidemment de faire quelque
  chose qui... qui réponde à trois plans. C'est-à-dire qui
  soit fabriqué comme les coordonnées cartésiennes. Quand
  vous voulez fabriquer ça, vous vous apercevez, eh bien, que vous avez
  quand même des... des difficultés. Vous avez des difficultés,
  non pas du tout réelles : vous avez des difficultés à vous
  bien rendre compte tout de suite à quoi ça va aboutir, combien
  il va falloir que vous en mettiez dans un sens et puis dans l'autre. Essayez
  vous-mêmes, n'est-ce pas. Essayez surtout - il y avait un autre truc
  que je ne vous ai pas apporté, il y avait un autre truc qui lui, qui
  lui répondait non pas au noeud borroméen, qui a pour caractéristique
  de... que chacun des deux ronds que ça constitue, c'est pas rond, c'est
  tout comme, des deux ronds que ça constitue se libèrent si vous
  voulez, si vous en tranchez un. Vous avez aussi le système bien connu
  que je ne vous reproduis pas au tableau parce que, enfin je l'ai là mais
  je suis fatigué, vous n'avez qu'à repenser à, aux trois
  cercles qui servent d'emblème aux Olympiques. Là vous pouvez
  constater que c'est fait différemment, à savoir que non seulement
  deux de ces ronds sont noués, mais que le troisième se boucle,
  non pas avec un seul des deux, ça ne fait pas trois qui fassent chaîne,
  mais avec les deux. Eh bien, essayez ! Essayez de faire un montage, un montage
  de cubes tel que ce soit ainsi, à savoir que la continuité du
  montage que vous aurez fait, comme ça, vous le ferez, le jaune, le rouge
  et le bleu, que ça se fasse, que ça soit possible que vous montiez
  dans trois plans - l'assurance qu'il s'agit bien de plans est faite par la
  forme cubique, justement, vous êtes forcés de, de les faire en
  trois plans - essayez ça. 
      Vous ne verrez sûrement pas tout de
  suite que dans ce cas-là, il faut que, que le côté, si
  je puis dire, le côté de ce qui va se monter, soit de quatre cubes
  au minimum. Mais que ces quatre cubes se retrouvent aussi dans l'autre dimension.
  C'est-à-dire au lieu d'avoir deux fois cinq plus deux, comme dans ce
  cas-là, ce qui fait douze, vous avez... deux fois quatre, plus deux
  fois deux, ce qui fait également douze, ce qui est curieux. Mais la
  difficulté que vous aurez même à faire cette petite construction
  vous sera une bonne expérience de ceci par quoi je commence, c'est que
  vous vous apercevrez là à quel point nous ne sentons pas le volume. 
      Parce que vous vasouillerez. Vous vasouillerez
  comme j'ai fait moi-même ! parce que... à partir par exemple,
  de trois séries simples de quatre, quand vous les avez agencés
  d'une façon telle que ça puisse faire ces fameux trois axes qui
  servent à la construction cartésienne, quand vous en, n'en voyez
  que quatre, vous avez aussi bien, pendant un instant, le sentiment que ça
  pourrait se boucler, que ça pourrait se boucler, par exemple, comme
  ici, comme s'il y en avait seulement quatre, et puis, trois seulement de largeur.
  Vous aurez ce sentiment.
C'est une façon de vous faire expérimenter ceci que nous n'avons pas le sens du volume, quel que soit ce que nous avons réussi à imaginer comme trois dimensions de l'espace. Le sens de... de la profondeur, de l'épaisseur, est quelque chose qui nous manque, beaucoup plus loin que nous ne le croyons. Ceci pour avancer, ce que je veux vous dire, au départ, c'est que nous sommes des êtres, vous comme moi, à deux dimensions, malgré l'apparence. Nous habitons le Flat land comme s'expriment des auteurs qui ont fait un petit volume sur ce sujet, qui semblent avoir beaucoup de mal, enfin, à s'imaginer des êtres à deux dimensions. Il n'y a pas besoin de les chercher loin. C'est nous tous.
    C'est tout au moins comme ça, vraiment,
    que ça se présente. Le mieux que nous puissions arriver à faire,
    c'est en fait à quoi nous nous limitons, ce serait tout de même étonnant
    que dans une assemblée, là qui est en train de... de scribouiller,
    je, je ne puisse pas me faire sentir : scribouiller, c'est ça, c'est
    le mieux que nous puissions faire. Et c'est ce qui a été fort
    bien articulé en ceci que, il s'est trouvé, enfin, des gens
    pour proclamer dans une autre aire, a, i, r, e, que la nôtre, c'est
    que "l'encre des savants est très supérieure au sang des martyrs".
    Il y a des gens qui ont osé dire ça ! Ils ont osé dire
    cette évidence. Il faut bien le dire, ce dernier, le sang des martyrs,
    hein, qu'est-ce que nous en avons ? Des sujets de tableaux. 
      Ceci avec la structure obsessionnelle que
  Freud a su reconnaître dans ce qui ne fait qu'un : la religion et l'art. 
      Je m'excuse auprès des artistes, il
  y en a peut-être quelques-uns, là, égarés dans l'assistance,
  quoique je n'y croie guère, je m'excuse auprès des artistes,
  si la chose leur parvient : ils ne valent pas mieux que la religion. C'est...
  c'est pas beaucoup dire. 
      La connerie, dont ce n'est pas la première
  fois qu'ici je l'évoque, de sorte que, je l'espère, vous n'allez
  pas vous sentir visés, la connerie est notre essence, dont fait partie
  ceci que vot'demande, je me suis longtemps cassé la tête pour
  savoir pourquoi vous étiez si démesurément nombreux...
  enfin à force de me la casser, enfin, un éclair en est sorti.
  Justement, votre demande, celle qui vous attroupe là, c'est de comment,
  la connerie, avoir une chance d'en sortir. C'est même pour ça
  que vous comptez sur moi. A ceci près que, cette demande, de la connerie,
  en fait partie. 
      Donc cette demande à quoi je cède
  un jour de plus, sachez que ce n'est pas parce que votre nombre est grand que
  justement je vais essayer de faire semblant.
      Ce que répond le discours analytique,
  c'est ça, ce que vous faites, tout ce que vous faites est sa nature,
  si l'on peut dire, de sa structure, plus exactement, contrairement à tout
  ce qui s'est pensé jusqu'à présent, parmi les spécialistes, philosophes qu'ils
  s'appellent, non pas ignorance, l'ignorance naturelle comme s'exprime Pascal...  que
  je remercie quelqu'un qui, pendant que je travaillais dimanche dernier, enfin,
  a pris soin de m'appeler, d'ailleurs parce que je l'en avais expressément
  chargé... mais, c'était comme ça, je vous le redirai tout à l'heure,
  sous la forme d'une petite suggestion qui m'était venue de lui concernant
  Pascal, eh bien, je l'avais chargé de regarder dans Pascal tout cet échelonnement
  qui va de l'ignorance naturelle à la vraie science, avec entre eux ce
  qu'il désigne, comme ça, dans son scribouillage, des semi-habiles.
  C'est la personne qui m'a rendu ce service, enfin, qui... qui a un peu torchonné Pascal,
  comme ça, pour m'éviter d'avoir à le faire, parce que
  j'étais claqué, les semi-habiles il a cru pouvoir les identifier
  aux non-dupes. J'espère que j'arriverai, enfin, dans cet effort, à vous
  faire sentir que c'est pas du tout, du tout, du tout ce que je veux dire. Non
  pas que les semi-habiles ne soient peut-être pas en effet des non-dupes,
  moi je crois qu'ils sont aussi dupes que les autres, mais contrairement à ce
  que vous pouvez imaginer, il ne suffit pas d'être dupe pour ne pas errer
  ! 
      J'ai dit : les non-dupes errent, encore faut-il
  n'être pas dupe de n'importe quoi. 
      Et même faut-il être dupe spécialement
  de quelque chose que je vais essayer, essayer, que je veux essayer aujourd'hui
  de vous faire parvenir. 
      Donc, ce que répond le discours analytique,
  c'est ceci : ce que vous faites, bien loin d'être le fait de l'ignorance,
  c'est toujours déterminé, déterminé déjà par
  quelque chose qui est savoir et que nous appelons l'inconscient. 
      Ce que vous faites, sait - sait : s, a, i,
  t  - sait ce que vous êtes, sait vous. 
      Ce que... vous... ne sentez pas assez, enfin
  je ne peux pas le croire d'une assemblée aussi nombreuse, c'est à quel
  point cet énoncé, c'est du nouveau. Jamais personne des... des
  grands guignols qui se sont occupés de la question du savoir, et Dieu
  sait que ce n'est pas sans malaise que j'y range Pascal aussi qui est le plus
  grand de tous les grands guignols ! Jamais personne n'avait osé ce verdict,
  dont je vous fais remarquer ceci : la réponse de l'inconscient, c'est
  qu'elle implique, c'est qu'elle implique le sanspardon, et même sans
  circonstances atténuantes. Ce que vous faites est savoir, parfaitement
  déterminé. 
      En quoi, en quoi le fait que ce soit déterminé d'une
  articulation supportée par la génération d'avant ne vous
  excuse en rien, puisque ce n'est, le dire, le dire de ce savoir, que le faire
  savoir plus endurci, si je puis dire. Savoir de toujours, à la limite.
  J'ai dégagé de Freud ce sens, parce qu'il le dit. Il le dit de
  toute son oeuvre. Quand je vous prie de ne pas me comprendre, vous voyez qu'il
  y a de quoi ! 
      Mais moi je ne puis faire que de l'entendre
  dans le dire de Freud, parce qu'il n'y a rien, rien à faire qu'à en
  laisser aller les suites. Une fois que c'est énoncé, ça
  fonde un nouveau discours, c'est-à-dire une articulation de structure
  qui se confirme être tout ce qui existe de lien entre les êtres
  parlants. Pas d'autres liens entre eux que le lien de discours. Ça ne
  veut pas dire, naturellement, qu'on n'imagine pas autre chose. 
      Je vous ai dit tout à l'heure que...
  si nous n'avons pas le volume, nous sommes quand même à deux dimensions,
  hein. Alors, il y a, il y a le profil, la projection, la silhouette, enfin
  tout ce qu'on adore, dans un être aimé. On n'adore jamais rien
  de plus. 
      Et comme je suis parti de là, hein, à propos
  de cette fameuse histoire du miroir, on s'imagine que j'ai déprécié ça.
  Je ne l'ai pas du tout déprécié, hein, parce que, comme
  tout le monde, je m'en contente ! Du volume, de l'épaisseur, le seul
  maniement de ce que je vous ai conseillé tout à l'heure, vous
  informera à quel point nous sommes absents. 
      Mais il y a tout de même quelque chose
  d'autre hein, que nous prenons pour le volume. 
      Et justement, c'est le noeud. Hein ? On en fait des...
  des métaphores, non infondées : les noeuds de l'amitié,
  les noeuds de l'amour... Eh bien, ça tient à ceci, enfin, c'est
  notre seule façon d'aborder le volume. Quand nous serrons, comme ça,
  quelqu'un contre nous, ça m'arrive à moi aussi, ouais, mais...
  est-ce que ces noeuds, nous en sommes si assurés ? 
      Nous en restons pour l'adoration, n'est-ce pas ! 
      Et ce que j'ai appelé tout à l'heure
  les deux dimensions, les deux dimensions, joli joli... il y a un auteur récent,
  comme ça, je 
      Comme il m'a fait l'hommage de son livre,
  je pense que c'est peut-être quand même parce qu'il a quelques échos
  de ce que je raconte, et peut-être même, qui sait, qu'il m'a lu,
  et qu'il... et que pour en parler ainsi, enfin du singe d'or, il faut bien
  qu'il ait quelque écho de ce que je viens de pousser en avant, de ce
  qui nous attache à l'image, à l'image à deux dimensions.
  Je suis loin de l'avoir déprécié. Non seulement je suis
  loin de l'avoir déprécié, mais ce serait tout à fait
  absurde de le dire, parce que les signifiants eux-mêmes, nous sommes
  forcés d'en passer par la même image, l'image du fIat land,
  l'image à deux dimensions, hein, pour démontrer qu'ils s'articulent. 
      Le noeud borroméen, je vous l'ai d'abord
  montré mis à plat. 
      Naturellement grâce à des artifices,
  il y a des endroits où vous voyez apparaître la cassure, ce qui
  ne peut se représenter que comme cassure, quoique ce soit un noeud,
  un noeud justement que j'ai essayé de mettre pour vous en volume, de
  façon à ce que vous voyiez bien que c'est pas seulement à plat
  qu'on peut l'aborder, outre que quand vous aurez vous-mêmes manié ce
  volume, vous vous apercevrez que... le volume, là, réalisé en
  volume, ça n'permet pas du tout de... de le distinguer, si je puis dire,
  ce noeud de son image spéculaire. Il n'est pas plus lévogyre
  que dextrogyre, il est non seulement parfaitement symétrique mais il
  l'est sur trois axes, ce qui rend strictement impossible que son image spéculaire
  en diffère.
    L'écriture, elle, ne se fait pas dans
    un espace moins spéculaire que les autres. 
      C'est même le principe de ce très
  joli exercice qui s'appelle le palindrome. Il n'en reste pas moins que ce méli-mélo
  là, que je viens de faire entre l'Imaginaire et le Symbolique, ne noie
  rien... 
      Et ne noie pas notamment la différence
  qu'il y a entre l'Imaginaire et le Symbolique, c'est bel et bien la même
  chose, une fois imaginé, c'est notre notion commune de l'espace que… dont
  nous imaginons qu'il n'a pas de fin. Il faut lire là-dessus les jus
  de Leibnitz discutant avec Newton : la prétendue supposition, enfin,
  d'une limite de l'espace, qu'elle deviendrait impensable, qu'il dit, Leibnitz,
  parce que s'il avait une limite, alors, en dehors de cette limite, alors on
  pourrait... on pourrait avec un clou faire un petit trou dans sa limite...
  C'est absolument énorme ce qu'on peut lire, ce qu'on peut lire de l'imagination.
  Et notamment de ce fait que pour imaginer l'espace, car ce n'aurait pas été moins
  une imagination, mais peut-être une imagination qui aurait ouvert tout
  autre chose, on n'est pas parti de ceci que dans l'espace il y a des noeuds. 
      Il y aurait sûrement avantage à ce qu'on...
  voie, si je puis dire, qu'Imaginaire et Symbolique ne sont que des modes d'abord. 
      Je les prends sous l'angle de l'espace. Pourquoi ces
  deux modes ne suffisent pas encore ? Mais enfin, je souligne au passage que
  le mot mode est à prendre au sens que ce terme a dans le couple
  de mots logique modale, c'est-à-dire qu'il n'a de sens que dans
  le Symbolique, autrement dit dans son articulation grammaticale. 
      Quand vous approchez certaines langues, j'ai
  le sentiment que ce n'est pas faux de le dire de la langue chinoise, vous vous
  apercevez que, moins imaginaires que les nôtres les langues indo-européennes,
  c'est sur le noeud qu'elle joue. 
      C'est pas un terrain où je vais m'aventurer
  aujourd'hui parce que j'en ai assez à dire comme ça, mais peut-être...
  peut-être que je demanderai, je suggérerai à un Chinois
  de prendre les choses sous cet angle, et de venir vous dire ce que… ce
  qu'il en pense, si par hasard ce que je lui dis lui ouvre là-dessus
  la comprenoire, parce qu'il ne suffit pas d'être même habitant
  d'une langue pour avoir une idée de sa structure, surtout si comme c'est
  le cas forcément, puisque le Chinois supposé en question, je
  ne pourrai m'adresser à lui que si je lui parle dans ma langue, c'est-à-dire
  que s'il me comprend, c'est que déjà au regard de la sienne,
  il est foutu. 
      Ce qu'il y a de terrible, c'est que quand
  nous distinguons un ordre, nous en faisons un être. Le mot mode dans
  l'occasion. Ça devrait s'éclairer si l'on donnait sa véritable
  portée à l'expression mode d'être. Or, il n'y a
  d'autre être que de mode, justement. Et le mode imaginaire a fait ses
  preuves, pour ce qui est de l'être du Symbolique. Il a fait si bien ses
  preuves qu'on pourrait bien se risquer à... à tenter de voir
  si le mode symbolique n'éclairerait pas de... l'être de l'Imaginaire.
  C'est bien ce que j'ai essayé de faire, que vous le sentiez ou pas. 
      Je voudrais dire en cette troisième
  session de l'année de ce séminaire, en quoi consiste sa place à ce
  séminaire, et son programme. Et c'est pourquoi je l'ai énoncé en
  vous parlant tout de suite, d'abord, du noeud borroméen. 
      Le noeud borroméen que comme ça
  j'ai vu surgir, enfin, je veux dire qu'il m'a en quelque sorte envahi, le noeud
  borroméen n'a aucune espèce d'être. Il n'a pas du tout
  la consistance de l'espace géométrique dont on sait qu'il n'y
  a pas de limite à son coupage en tranches, n'est-ce pas, à sa
  projection, à tout ce que vous voulez... et même que ça
  va plus loin. Que... ça envahit. Et c'est bien en ça que c'est
  instructif : ça envahit l'autre ordre. Nous sommes tellement capturés
  par ce mode imaginaire, que, quand nous essayons de, de manipuler l'ordre symbolique,
  nous en arrivons enfin à... souvenez-vous de la façon dont s'abordent
  les ensembles, on nous parle de bijection, de surjection, d'injection... tout ça
  ne va pas sans images, en tout cas c'est avec des images que vous les supportez,
  ces modes pourtant faits pour… pour vous libérer de l'Imaginaire.
  C'est avec des petits points que vous vous apercevrez qu'entre un domaine et
  un co-domaine il y a injection, ou bijection ou surjection.
    Mais en le supportant de points, vous ne
    faites rien d'autre qu'une élucubration imaginaire. 
      Pourquoi la mise à plat du noeud borroméen
  n'a-t-elle pas réussi ou n'est-elle pas venue d'abord pour nous évoquer
  un autre départ concernant le point... concernant ce point, ici incarné,
  si je puis dire, du fait qu'au coeur de cette petite construction vous avez,
  quoi que vous fassiez, une cellule vide. Ce qui n'est pas moins vrai que l'autre
  noeud, pas borroméen, le noeud que j'ai appelé tout à l'heure
  olympique. A ceci près qu'il a des... des conséquences plus compliquées.
  Mais laissons.
    Pourquoi ce noeud borroméen n'a-t-il
    pas évoqué un autre départ concernant le point ? 
      Le point... le point que nous sommes, hein,
  parce que même dans le meilleur cas, c'est ce que nous sommes. Jusqu'à présent
  je ne vous parle que de l'Imaginaire et du Symbolique, mais justement, mon
  discours tend à vous montrer que, qu'il faut que ces deux dimensions
  se complètent de celle du Réel. En d'autres termes, il faut qu'il
  y en ait trois. Trois pour qu'il y ait ce point, qui aurait tout de même
  pu, peut-être, enfin si... si l'on n'était pas ce qu'on appelle
  absurdement géomètre, parce que, réfléchissez,
  qu'est-ce que ça a bien à faire notre géométrie
  avec la terre, enfin ? Est-ce que la terre, c'est pas quelque chose qui est
  - pas du tout - plat ? Si nous n'avions pas une vocation pour le mapping,
  pour le cadastre, en quoi est-ce que la terre nous suggérerait du plat
  ? Pourquoi est-ce que ce point, nous ne serions pas partis, à condition
  de partir du noeud, de l'idée qu'un point ça part. Ça
  part au départ, dans sa définition, du point de tiraillement,
  par exemple. Ça vous dit rien, ça ? Entre votre Symbolique, votre
  Imaginaire et votre Réel, depuis le temps que je vous les ressasse,
  vous sentez pas que votre temps, votre temps se passe à être tiraillé ?
  En plus ça a un avantage, hein, ça suggère que... que
  l'espace implique le temps, et que le temps c'est peut-être rien d'autre,
  justement, que une succession des instants de tiraillement. Ça exprimerait
  en tout cas assez bien le rapport du temps avec cette escroquerie... qui se
  désigne du nom d'éternité. 
      Le temps c'est, c'est peut-être que ça,
  l'étrinité de l'espace... ce qui sort là d'un coincement
  sans remède. Ouais. 
      Le noeud borroméen, décidément,
  n'est pas du tout un truc négligeable. Si vous le mettez à plat,
  là, vous vous apercevrez de tout ce qu'on peut en tirer. Par exemple,
  là je m'en vais vous en donner un comme ça, comme ça histoire
  de vous le manipuler. Il est comme ça. Voyez un peu ce qu'on peut cogiter à ceci
  qu'en somme pour le transformer, quand c'est à plat, d'un dextrogyre
  en lévogyre, il suffit dans la première position que vous avez
  vue là , de faire faire ça à un quelconque d'entre eux. 
      Si vous faites ça ensuite à l'autre,
  hein, c'est comme ça qu'il faut faire, et si vous faites ensuite ça
  au troisième, c'est comme ça qu'il faut faire, à chaque
  fois vous renversez, c'est-à-dire que de lévogyre d'abord vous
  le faites dextrogyre, et que quand vous avez basculé le troisième,
  il est de nouveau lévogyre.
    C'est… c'est pas dépourvu d'intérêt. Ça éclaire
    la question de cette fameuse histoire, comme ça, que l'univers serait
    ambidextre, ça permet en tout cas d'en avoir une petite lumière. Ça
    vaut la peine qu'on s'y arrête... Ça donne une autre idée
    de la spatialisation. C'est en tout cas une structure qui... qui change tout à fait
    la portée du mot d'espace au sens où il est employé dans l'Esthétique
    transcendantale. C'est à savoir que nous ne pouvons percevoir
    les choses que sous l'angle d'un espace, qui dans Kant est simplement imaginaire.
    S'il y a trois dimensions de l'espace et si ces trois dimensions, nous commençons
    par les énumérer du Symbolique et de l'Imaginaire, l'épreuve
    est à faire de ce que ça donne pour la troisième, à savoir
    pour le Réel. Il n'y a qu'une chose à en dire pour l'instant. 
      Là, je ne peux pas dire que c'est la date de
  son baptême, à ce Réel : "Je te baptise Réel, hein,
  toi, en tant que troisième dimension...", j'ai fait ça, il y
  a très longtemps. 
      C'est même par là que j'ai commencé mon
  enseignement. 
      A ceci près que j'ai ajouté dans
  mon for intérieur : "Je te baptise Réel parce que si tu n'existais
  pas, il faudrait t'inventer !" C'est bien pourquoi je l'ai inventé.
  Non pas bien sûr qu'il n'ait pas été, depuis bien longtemps,
  dénommé, car c'est ce qu'il y a de remarquable dans la langue,
  hein, c'est que le naming, heureusement qu'on a l'anglais, hein, pour
  distinguer naming de nomination, naming ça veut
  dire to name, ça veut dire donner le nom propre, oui, c'est pas
  pour rien, naturellement, que j'ai dit "Je te baptise". Je n'ai pas peur des
  mots qui sentent le fagot de la religion, je ne sens pas de tabou à aucune
  odeur de ratichon, ni même à tout ce qu'elle propage. 
      Le naming en tant que nom propre précède,
  c'est un fait, la nécessité par quoi il ne va plus cesser de
  s'écrire. Tant que vous ne prendrez pas, c'est ça le sens de
  ce que j'ai avancé sous un mode apparemment de sous-estime pour l'Imaginaire,
  tant que vous ne prendrez pas le Symbolique au corps à corps, vous n'en
  viendrez pas à bout. Ni du même coup de ce que, mon Dieu, j'appelle
  sur mon papier l'Eglise, mais... mais qui est le christianisme. Parce que c'est
  là que le christianisme, il vous baise. 
      Il est la vraie religion. C'est ce qui devrait
  vous y faire regarder à deux fois. Il est le vrai dans la religion. Ça
  vaut quand même la peine de s'y intéresser, peut-être rien
  que pour voir ce que ça donne. Mais rien de ce que je dis n'y fera.
  Je dis, je vous en rebats les oreilles : la vérité ne peut que
  se mi-dire. Ça veut dire confirmer qu'il n'y a de vérité que
  mathématisée, c'est-à-dire écrite, c'est-à-dire
  qu'elle n'est suspensible, comme vérité, qu'à des axiomes.
  C'est-à-dire qu'il n'y a de vérité que de ce qui n'a aucun
  sens. C'est-à-dire de ce dont il n'y a à tirer d'autres conséquences
  que dans son registre, le registre de la déduction mathématique
  dans ce cas et comment après cela la psychanalyse peut-elle s'imaginer
  qu'elle procède de la vérité ? 
      Ce n'est là qu'un effet, effet nécessaire,
  sans doute, quoique bien sûr cette nécessité ne se manifeste
  nulle part en dehors de mon office, l'office que je suis en train de servir,
  n'est-ce pas, ce n'est là qu'un effet, cette espèce de ... d'odeur
  de vérité dans l'analyse : qu'un effet de ceci qu'elle n'emploie
  pas d'autre moyen que la parole. Strictement pas. Qu'on ne vienne pas me raconter,
  hein, qu'elle emploie le transfert. Parce que le transfert, lui, n'est pas
  un moyen. C'est un résultat, qui tient à ce que la parole, par
  son moyen, moyen de parole, révèle quelque chose qui n'a rien à faire
  avec elle, et très précisément le savoir, qui existe dans
  le langage. Là encore, je n'ai jamais dit que c'est le langage qui est
  savoir. Le langage, si vous voulez bien vous souvenir de quelques-uns des trucs
  que j'ai crayonnés au tableau dans le temps où j'en avais la
  force, le langage est un effet de ceci qu'il y a du signifiant un.
    Mais le savoir, c'est pas la même chose. 
        Le savoir est la conséquence de ce qu'il y
    en a un autre. Avec quoi ça fait deux, en apparence ! 
        Car ce deuxième tient son statut
    justement de ceci : qu'il n'a nul rapport avec le premier, qu'ils ne font
    pas chaîne, même si j'ai dit quelque part, dans mes scribouillages,
    les tout premiers, hein, Fonction et champ, c'était pas tellement
    con. Dans Fonction et champ, j'ai peut-être lâché que ça
    faisait chaîne. C'est une erreur. Car pour déchiffrer, il a
    bien fallu que je fasse quelques tentatives, d'où cette connerie. 
      C'est le propre même du déchiffrage.
  Quand on déchiffre, on embrouille. Et c'est même comme ça
  que je suis bien arrivé à, tout de même au bout du compte, à savoir
  ce que je faisais. C'est-à-dire ce que c'était que de déchiffrer.
  C'est de substituer le signifiant un à l'autre signifiant,
  celui qui ne fait deux que parce que vous y ajoutez le déchiffrage.
  Ce qui permet tout de suite de compter trois. 
      Ça n'empêche pas d'écrire,
  ce que j'ai fait, S indice 2, car c'est comme ça qu'il faut que ça
  se lise, la formule du lien de S1 à S2. 
      C'est pur forçage, mais ce n'est pas
  forçage d'une notion. C'est ce qui nous met sous le joug du savoir. 
      Puisque je suis en train de vous parler de la psychanalyse,
  j'ajoute le joug du savoir, à la place même de la vérité.
  A la place aussi bien de la religion dont je viens de vous dire qu'elle est
  vraie, elle. 
      Voilà un des piliers du discours psychanalytique. 
      Même ce discours, comme tous les autres, je
  l'ai qualifié de quadripode. 
      Peut-être que je l'ai qualifié comme
  je viens de vous dire, hein, je l'ai qualifié, justement, je considère
  que c'est une qualification, quadripode, et pas une quantification, hein, parce
  que plus je vais, plus je suis convaincu que nous ne comptons que jusqu'à trois. 
      Et même si ce n'est que parce que nous
  comptons trois que nous pouvons arriver à compter deux. Encore
  la vraie religion, hein ! puisque c'est bien le christianisme dont je parle,
  y a-t-elle regardé à deux fois. L'orthodoxe, notamment, qui ne
  veut pas du filioque. 
      C'est pas par hasard, hein, il ne veut pas
  qu'il soit deux à ce qu'en procède le troisième.
  Parce que c'est au contraire du troisième que le deux surgit.
  De sorte que c'est pas pour rien qu'elle s'appelle elle-même l'orthodoxe,
  hein, elle a raison. Ça ne veut pas dire du tout que ça lui réussisse.
  Réussir, comme je vous le signale à perte de vue : c'est le signe
  de rien. 
      Mais que justement ça rate... je peux
  bien dire que pour nous analystes c'est plutôt en sa faveur, hein, ce
  qui ne l'empêche pas de devoir s'éliminer, hein. L'oecuménisme
  n'est pas là pour des prunes. Bon ! enfin je m'étends, et je
  bavarde, j'en ai assez de mes bateaux, parce qu'ils ne font que vous amuser,
  mais encore, c'est des bateaux quand même qui flottent, hein ! Ouais... 
      Tout ça vise, vise ceci que... qu'on
  me fait un peu suer à ne me répondre toujours que d'un deux éternel.
  Alors que je ne l'ai jamais produit que comme indice, c'est-à-dire comme
  symptôme. Le mot d'ailleurs même l'avoue. Ce qui choit ensemble,
  c'est ce que ça dit. Ça ne veut pas le dire expressément,
  mais ça le dit quand même. Le deux ne peut être rien d'autre
  que ce qui choit ensemble du trois. Et c'est pour ça que cette année,
  je prends comme sujet, c'est ce que ça veut dire, ça veut le
  dire en tout cas aujourd'hui où 
      Il est évident que c'est un effort
  pédagogique. C'est en raison quand même de quelque chose de l'ordre
  de cette débilité qui s'appelle l'amour, où l'on ne peut
  guère faire mieux que... que de se débrouiller, c'est en raison
  de ceci que... que, mon Dieu, que le texte de Kant sur la pédagogie
  me...  que j'ai rouvert pour l'avoir acquis en édition originale,
  faut bien que j'aie mes petits plaisirs, hein, mais vous pouvez le trouver,
  il a été édité, réédité par,
  je crois, les Presses Universitaires, enfin quelqu'un d'ici m'en a fait cadeau,
  et c'est.. c'est passionnant, c'est passionnant... sur le sujet de, de ce qu'il
  en est des débiles, on n'a rien écrit de mieux, même pas
  ce qu'a écrit Maud Mannoni. Oui. 
      L'enfant est fait pour apprendre quelque chose.
  Voilà ce que nous énonce Freud, ce que nous énonce Kant,
  (rires) c'est quand même, tout de même, quelque chose, enfin, quelque
  chose d'extraordinaire ! C'est quelque chose d'extraordinaire qu'il en ait
  eu en somme le pressentiment. Car comment pouvait-il le justifier ? 
      Il est fait pour apprendre quelque chose, c'est-à-dire
  pour que le noeud se fasse bien. Car, il n'y a rien de plus facile que de ce
  qui rate, surtout si vous le mettez sous cette forme à savoir la même
  que celle-là. Regardez voilà le cercle vert et voilà le
  cercle rouge, enfin, le rond. 
      Supposez que pour le troisième, pour
  le construire, je parte de l'intérieur de celui-là, le rouge,
  qui est à l'extérieur. Pour le construire, il faut que je le
  tresse, et qu'il passe quelque part, soit en dessous soit en dessus du vert.
    Mais si je suis parti d'en dessous du rouge,
    voyez le rouge est là, plus grand que le vert, si je suis parti d'en
    dessous du rouge, que je le fasse passer sur ou sous le vert, le résultat
    sera le même, à savoir qu'il n'y aura pas de noeud. 
     En d'autres termes, si je ne pars pas du dessus
  du rouge, avec devoir de passer sous le vert, il n'y aura pas de noeud borroméen. 
     Kant ne peut pas savoir, parce que ce n'est pas
  de ça qu'il part, en somme pourquoi l'enfant doit apprendre quelque
  chose. Il doit apprendre quelque chose pour que le noeud se fasse bien. 
     Pour qu'il ne soit pas, si je puis dire, non-dupe,
  c'est-à-dire dupe du possible, hein... 
     Dupe, dupe, c'est un peu trop. Les non-dupes sont
  les deux fois dupes. Ils sont justement dupes d'être deux. Et c'est en
  somme la seule objection que... dont j'ai cru partir, comme ça, parce
  que j'avais affaire à des oreilles, qui n'étaient pas précisément,
  enfin éveillées, c'est l'objection, la seule, la seule objection
  que j'ai à faire à la moi-ïté. 
      C'est une expression, comme ça que m'a attribuée, à tort
  ou à raison car je l'ai peut-être dit en l'occasion, un de mes
  analysants, récemment et qui est depuis longtemps de mon assistance
  séminariste. La moiïté comme il s'exprime, c'est évidemment
  tout de suite choir dans le deux : puisque la moiïté est forcément
  faite de deux moitiés. Et si j'ai dit que la religion c'est, c'est ce
  qu'on peut faire de plus vrai, dans la religion, je vous ferai remarquer ceci
  sur lequel j'ai jaspiné un bon bout de temps, hein, que tu aimeras ton
  prochain comme toi-même, est-ce que ça veut dire que vous serez
  trois, oui ou non ? 
      Ouais... 
      Le noeud borroméen ne peut être
  fait que de trois. L'Imaginaire, le Symbolique, ça ne suffit pas, il
  y faut l'élément tiers, et je le désigne du Réel. 
      Il faut qu'il y ait cette solidarité déterminante
  dont il y a sujet, sujet parlé, en tout cas, la perte d'une quelconque
  de ces trois dimensions, la condition pour que le noeud tienne, c'est que la
  perte d'une quelconque de ces trois dimensions doit rendre folle, c'est-à-dire
  libre l'une de l'autre les deux autres. 
      Ces trois dimensions, je vous les représente
  de quoi ? De ronds de ficelle, comme on a bien voulu, et à très
  juste titre, de façon pertinente, intituler mon avant-dernier séminaire
  de l'année dernière. 
      Qu'est-ce que c'est, comme dimension, qu'un
  rond de ficelle, hein ? Je vous fais remarquer que ce n'est même pas
  un noeud, un rond de ficelle, hein, parce qu'un noeud, ça se voit, hein, ça
  se fait, ça peut s'écrire au tableau... à condition de
  faire les petites interruptions nécessaires et Dieu sait ce qu'il en
  faut mettre, tellement on a peu d'imagination, hein.
  
      Et c'est là-dessus que je voudrais
    finir pour vous en montrer l'intérêt. 
      Supposez le cas de l'autre noeud, du noeud
  que j'ai appelé tout à l'heure olympique. Si un de vos ronds
  de ficelle vous claque, vous claque, si je puis dire, du fait de quelque chose
  qui ne vous concerne pas, vous n'en devenez pas fou pour autant. Ceci parce
  que, que vous le sachiez ou pas, les deux autres noeuds tiennent ensemble et
  c'est ça qui veut dire que vous êtes névrosé. 
      C'est bien en quoi, toujours, j'ai affirmé ceci,
  qu'on ne sait pas assez que les névrosés sont 
      Les seuls gens que j'ai vus se comporter d'une
  façon admirable pendant... pendant la dernière guerre, pour l'évoquer,
  Dieu sait que ça ne me fait pas spécialement plaisir, ce sont
  mes névrosés, ceux que je n'avais pas encore guéris. Ceux-là étaient
  absolument sublimes. Rien ne leur fait. Que ce soit le Réel, l'Imaginaire
  ou le Symbolique qui leur manque, ils tiennent le coup.
    Et je ne sais pas si certains de vous, enfin,
    s'en souviennent, j'ai fait quelque chose un temps, sur, sur la phobie du
    petit Hans. C'est très curieux. Je n'ai jamais vu personne mettre
    en valeur ceci 1. , ceci que j'ai non seulement écrit mais répété,
    mais ressassé, n'est-ce pas, je n'ai rien vu d'autre n'est-ce pas,
    non mais en cherchant enfin qu'est-ce que c'était que cette sa- [coupure
    son] 
  ceci que j'ai non seulement écrit mais répété,
  mais ressassé, n'est-ce pas, je n'ai rien vu d'autre n'est-ce pas, non
  mais en cherchant enfin qu'est-ce que c'était que cette sacrée
  histoire de cheval, parce que bien entendu je me posais la question comme tout
  le monde : pourquoi le cheval ? Pourquoi que c'est ça qui lui fait si
  peur ? 
      L'explication que j'ai trouvée, parce
  que je l'ai, je l'ai, je l'ai donnée, je l'ai travaillée, je
  l'ai insisté, n'est-ce pas, c'est que le cheval n'était que le
  représentant, je peux même le dire, de trois circuits. 
      J'ai pas souligné la vérité qu'ils étaient
  trois, ces circuits. 
      Mais le cheval représentait un certain
  nombre de circuits, que j'ai même été chercher une carte
  de Vienne pour bien les marquer, parce que d'abord c'est dans le texte de Freud,
  comment les aurais-je trouvés sans ça ? 
      C'est dans la mesure où la phobie,
  la phobie du petit Hans, c'est très précisément en ce
  noeud triple dont les trois ronds tiennent ensemble : c'est en ceci qu'il est
  névrosé, c'est que, coupez-en un, les deux autres tiennent toujours. 
      Ce n'est pas, certes, que nous nous penchions
  sur ceci en quoi justement il y a d'autres couples dans la névrose qui
  sont plus simples que celui-là de la phobie, nous y viendrons. 
      L'important, l'important n'est même
  pas en ça, qui fait si joliment image, hein, vous avez pu dire en somme
  que j'ai défini la normale en ce sens que c'est fait de telle façon
  que ça ne peut que rendre fou, quand il y en a un des trois ronds qui
  claque. Mais l'important, c'est pas ça du tout.
    L'important, c'est que, bien qu'il soient
    colorés de couleurs diverses l'un par rapport à l'autre de
    ces trois ronds, de ces ronds de ficelle, ils sont strictement équivalents. 
      Je veux dire que l'important, c'est que aussi
  bien le Réel que l'Imaginaire ou que le Symbolique peuvent jouer exactement
  la même fonction par rapport aux deux autres. 
      Ça ne va pas de soi. 
      Si je vous présente le noeud comme ça à savoir
  le rouge au-dessus du vert et le coinçant, et le noir, j'appelle celui-là le
  noir provisoirement puisqu'il a des points noirs, et le noir en bonne position, ça
  ne va pas de soi que je peux très facilement mettre les deux autres
  dans une position différente, c'est-à-dire faire que le vert
  soit au-dessus du rouge, le noeud borroméen étant tout aussi
  correct. A savoir n'ayant à aucun moment été tranché.
  On peut croire qu'il y a un obstacle à ce que je mette le vert à la
  place du rouge à partir d'une position fixe du noir, c'est pourtant
  le cas. C'est pourtant le cas et c'est aussi ce qu'il faut dire concernant
  les trois dimensions de notre Réel. 
      Ce Réel sur lequel on s'interroge à la
  fin de la Science des Rêves, et ce qu'il faut dire, ce qu'il faut
  dire, c'est ceci, c'est que si je vous ai barbés la dernière
  fois avec cette histoire de l'occulte, c'est justement en ceci, en ceci qui
  pour Freud est en quelque sorte l'aveu 
      Eh bien, je vais vous le dire aujourd'hui
  : c'est justement l'occulte. Et ça l'est précisément en
  ceci qu'il le considère comme l'impossible. Car cette histoire d'occultisme
  et de télépathie, il nous prévient, il y insiste, qu'il
  n'y croit en rien. Comment est-ce que quelqu'un comme Freud a pu poursuivre
  enfin, avec cette obstination, cette ombre de cet occulte qu'il considérait
  comme à proprement parler d'une cogitation d'imbéciles ? Lisez-le
  bien et vous le verrez. 
      Eh bien ! l'intérêt de ce que
  j'ai voulu vous avancer la dernière fois, et que je ne vous ai pas dit,
  sinon par la phrase de la fin, qu'il n'y a pas d'initiation, dont ceux qui
  ont des oreilles ont très bien su repérer que c'était
  la seule phrase intéressante, mais bon, c'est justement que pour Freud,
  et c'est bien là quelque chose qui mérite que nous y regardions à deux
  fois, il était dupe du Réel. 
      Il était dupe du Réel même
  s'il n'y croyait pas. 
      Et c'est bien ça ce dont il s'agit. 
      La bonne dupe, celle qui n'erre pas, il faut
  qu'il y ait quelque part un Réel dont elle soit dupe.