séminaire XIX -...Ou pire - 1971-1972
version rue CB note
21 juin 1972
texte de 11 pages
(p139->)
Qu’on
dise comme fait reste oublié derrière ce qui est dit, dans ce qui s’entend.
Cet
énoncé assertif par sa forme appartient au modal pour ce qu’il émet
d’existence.
Aujourd’hui,
je prends congé de vous, de ceux qui sont venus et puis de ceux qui ne sont pas
venus et qui viennent pour ce congé. Il n’y a pas de quoi pavoiser !
Qu’est-ce que je peux faire ? Que je me résume, comme on dit, c’est
absolument exclu. Que je marque quelque chose, un point, un point de
suspension. Bien sûr, je pourrais dire que j’ai continué de serrer cet
impossible dans lequel se rassemble ce qui est pour nous – pour nous, dans le
discours analytique – fondable comme réel.
Au
dernier moment, ma foi, en raison d’une chance, j’ai eu le témoignage que
ce que je dis s’entend. Je l’ai eu en raison de celui qui a bien voulu –
et c’est un grand mérite – parler dans le dernier moment de cette année,
qui a bien voulu me prouver qu’en effet, pour certains, pour plus d’un, pour
des veines dont je ne peux pas du tout prévoir dans quel biais elles se
produisent, ils trouvaient en somme, intérêt dans ce que j’essaie d’énoncer.
Je remercie donc la personne qui a donné, pas seulement à moi, qui a donné
à tous, une espèce de... j’espère qu’il y en a assez pour qui ça a fait
écho, qui se sont aperçus que ça peut rendre, il est toujours difficile naturellement
de savoir jusqu’où ça s’étend.
En
Italie – j’y fais encore allusion parce qu’après tout ça ne me paraît
pas superflu – j’ai fait la rencontre de quelqu’un que je trouve très
gentil, qui est dans 1'histoire de l’art, l’idée de l’œuvre. On ne sait
pas pourquoi, mais on peut arriver à le comprendre, ce qui s’énonce sous le
titre de la structure, et nommément ce que j’ai pu moi-même en produire,
l’intéresse. Ca l’intéresse en raison de
problèmes personnels. Cette idée de l’œuvre, cette histoire de l’art,
cette veine, ça rend esclave, c’est certain. Ça se voit bien, quand on
voit ce que quelqu’un qui n’est ni un
critique, ni un historien, mais qui était un créateur a formé comme image de
cette veine : l’esclave, le prisonnier. Il y a
un nommé Michel-Ange qui nous a montré ça. Alors
en marge, il y a l’historien et critique qui prie pour l’esclave... En
somme, c’est une mômerie comme une autre. C’est une espèce de service
divin qui peut se pratiquer. Ca cherche à faire
oublier qui commande, parce que l’œuvre, ça vient toujours à la commande, même
pour Michel-Ange.
Celui
qui commande – c’est ça que j’ai
d’abord essayé de vous produire, cette année, sous le titre " y a d’ l’UN
" – ce qui commande, c’est l’UN. L’UN
fait l’Être. Je vous ait priés d’aller chercher ça dans
le Parménide ; vous avez peut-être pour certains obtempéré. L’UN fait
l’Être
comme l’hystérique fait l’homme. Évidemment cet Être que fait l’UN –
il n’est pas l’Être, il fait l’Être – évidemment c’est ça qui
insupporte une certaine infatuation créativiste et, dans le cas de la personne
dont
Ce
qu’on voudrait, c’est que l’escamotage, l’escamotage qui a lieu, qui est
ça : l’œuvre d’art, c’est que
l’escamotage n’ait pas besoin de gobelet. Vous n’avez qu’à regarder ça, il y
a un tableau de Breughel qui était un artiste qui était
très au-dessus de ça, il ne dissimule pas comment ça se fait, la captivation
des badauds. Alors ici, évidemment ce n’est pas à ça que
nous nous occupons. Nous nous occupons du discours analytique et, du discours
analytique, j’ai pensé quand même que ce ne serait pas mal de ponctuer
quelque chose avant de vous quitter qui vous donne l’idée justement que, non
seulement ce n’est pas ontologique, ce n’est
pas philosophique, mais c’est seulement nécessité
par une certaine position, une certaine position que je rappelle, qui est
celle où j’ai cru pouvoir condenser l’articulation d’un discours et vous
montrer quand même quel rapport ça a avec ce fait que les analystes ont quand
même
rapport – et vous auriez tort de croire que je le méconnais – avec quelque
chose qu’on appelle l’être humain, oui, bien sûr, mais, moi, je ne
l’appelle pas comme ça, je ne l’appelle pas
comme ça pour ne pas que vous vous montiez la
tête, pour que vous restiez bien là où il faut, pour autant, bien sûr, que
vous êtes capables de percevoir que11es sont les diffcultés qui s’offrent à
l’analyste. Ne parlons pas, bien sûr, de connaissance, parce que le rapport
de l’homme à un monde sien, il est évident que nous avons démarré de là
depuis longtemps, que d’ailleurs de toujours ça n’a jamais été qu’une
simagrée au service du discours du Maître. Il n’y a de monde comme
sien que le monde que le maître fait marcher au doigt et à l’oei1. Et quant
à la fameuse connaissance de soi-même, ,
supposée
faire l’homme, partons de ceci qui est tout de même simple et touchable, que,
oui, si on veut, elle a lieu, elle a lieu du corps : la
connaissance de soi-même,
c’est l’hygiène. Partons bien de là. Alors pendant des sièc1es, il
restait la maladie, bien sûr, parce que chacun sait que ça ne se règle pas
par l’hygiène. La maladie – et ça, c’est
bien que1que chose d’accroché au corps – et la maladie – ça a duré
pendant des siècles – c’est le médecin qui était supposé la connaître.
Connaître, j’entends connaissance. Et je pense
avoir assez souligné rapidement, lors d’un de nos derniers entre-(p141->)tiens
– je ne sais même plus où – l’échec de ces deux biais. Tout ça
est patent dans l’histoire, ça s’y étale en toutes sortes d’aberrations.
Alors
tout de même, la question que je voudrais vous faire
sentir aujourd’hui, c’est ça : c’est l’ana1yste qui est là et qui a
l’air de prendre un relais. On parle de maladie, en même temps on dit qu’il
n’y en a pas, qu’il n’y a pas de maladie mentale par exemple,
à juste titre, au sens où c’est une entité nosologique, comme on disait autrefois.
Ce n’est pas du tout
" entitaire ",
la maladie mentale. C’est plutôt la mentalité qui a des failles. Enfin
exprimons-nous comme ça rapidement. Alors tâchons de voir ce que suppose par
exemple ça, qui est écrit là – au tableau
– et qui est supposé énoncer où se place une certaine
chaîne qui est très certainement et sans aucune espèce d’ambiguïté la
structure. On y voit se succéder deux signifiants et le sujet n’est là que
pour autant qu’un signifiant le représente pour l’autre signifiant. Et puis
ça a quelque chose qui en résulte et que nous avons largement au cours des
années développé assez de raisons pour motiver que nous le notions de
l’objet a . Évidemment, si c’est là dans cette forme, dans
cette forme de tétrade, ce n’est
pas une topologie qui soit sans aucune espèce de sens. C’est ça la nouveauté
qui est apportée par Freud. La nouveauté qui est apportée par Freud,
ce n’est pas rien. Il y avait quelqu’un qui avait fait
quelque chose de très
bien, en situant, en cristallisant le discours
du maître en raison d’un éclairage historique qu’il avait pu attraper,
c’est Marx. C’est quand même un pas qu’il n’y a pas lieu du tout de
réduire
au premier. Il n’y a pas non plus lieu de taire entre les deux un mixage. On
se demande au nom de quoi il faudrait absolument qu’ils s’accordent. Ils ne
s’accordent pas. Ils sont parfaitement compatibles, ils s’emboîtent. Et
puis il y en a certainement un qui a été à sa place avec toutes ses aises,
c’est celui de Freud.
Qu’est-ce
qu’il a apporté en somme d’essentiel ? Il a apporté la dimension de la surdétermination.
La surdétermination, c’est exactement ça que j’image avec ma façon de
formaliser, de la façon la plus radicale, l’essence du discours, en tant
qu’il est en position tournante par rapport à ce que je viens d’appeler un
support. C’est quand même du discours que Freud a fait surgir ceci que
ce qui se produisait au niveau du support avait à faire avec ce qui
s’articulait du discours. Le support, c’est le corps. C’est le corps et
encore il faut faire attention quand on dit que c’est le corps. Ce n’est
pas forcément un corps, parce qu’à partir du moment où on part de
la jouissance, ça veut très exactement dire que le corps n’est pas tout seul,
qu’il y en a un autre. Ce n’est pas pour ça que la jouissance est
sexuelle,
puisque ce que je viens de vous expliquer, cette année, c’est que le moins
qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas rapportée, cette
jouissance : c’est la jouissance de corps à corps. Le propre de la jouissance,
c’est que quand il y a deux corps – et encore bien plus quand il y en a plus
– naturellement on ne sait pas, on ne peut pas dire lequel jouit. C’est ce
qui fait qu’il peut y avoir dans cette affaire pris plusieurs corps, et
même des séries de corps.
Alors
la surdétermination, elle consiste en ceci : c’est que les choses qui
ne sont pas le sens, où le sens ça serait supporté par un signifiant,
justement le propre du signifiant – je ne sais pas, je me suis mis, de fil en
aiguille, et Dieu sait pourquoi ! et puis de plus peu importe ! –
Tout
ce que j’ai dit, à ce moment-là, du signifiant, à un
moment où vraiment on
ne peut pas dire que ce fût à la mode, en 1956, ça
reste frappé d’un métal où je n’ai rien à retoucher. Ce que j’en dis
très précisément, c’est qu’il se distingue en ceci qu’il
n’a aucune
signification. Je le dis d’une façon
tranchante parce qu’à ce moment-là il faut que je me fasse entendre,
vous vous rendez compte, en plus c’étaient des médecins qui m’écoutaient
! Qu’est-ce que ça pouvait leur foutre ! Simplement ils entendaient du Lacan,
du Lacan, c’est-à-dire cet espèce de clown qui
faisait merveilleusement son trapèze, bien entendu ! Pendant ce temps-là, ils
lorgnaient déjà la façon dont ils pourraient retourner à 1eur digestion.
Parce qu’on ne peut pas dire qu’ils rêvent, ce serait très beau : ils ne rêvent
pas, ils digèrent ! C’est une occupation après tout, comme une autre !
Ce
qu’il faut tout de même bien essayer de voir, c’est que ce que Freud
introduit, c’est ce quelque chose qui – ils imaginent
que je le méconnais parce que je parle du signifiant – c’est le retour à
ce fondement qui est dans le corps et qui fait que, tout à fait indépendamment
des signifiants dont on les articule, ces quatre pôles qui se déterminent de
l’émergence comme telle de la jouissance justement comme insaisissable, eh
bien, c’est ça qui fait surgir les trois
autres et, en réponse, le premier qui est la vérité.
La
vérité, ça implique déjà le discours. Ca ne veut pas dire que ça puisse
se dire. Je me tue a dire que
ça
ne peut pas se dire ou que ça ne peut que se mi-dire. Mais enfin, pour que la
jouissance, ça existe, il faut qu’on puisse en
parler, moyennant quoi il y a quelque chose qui n’est autre et qui s’appelle
le dire. Je vous ai, en somme, expliqué pendant une année – j’ai mis assez
de temps pour l’articuler parce que, pour l’articuler, c’est en ça
qu’il faut que vous voyiez que la nécessité qui est la mienne, la façon dont
je procède, justement je ne peux jamais l’articuler comme une vérité.
Il faut, selon ce qui est votre destin à tous, il faut en faire le tour ou plus
exactement voir comment ça tourne, comment ça bascule, comment ça
bascule dès qu’on le touche et comment même, jusqu’à un certain point,
c’est assez instable pour prêter à toutes sortes d’erreurs. Quoi qu’il
en soit, si j’ai émis, ce qui est tout de même
d’un
Et
c’est de ce départ qu’on peut arriver à concevoir ce quelque chose que
nous ne pouvons qu’attraper là, mais d’une façon
déjà tellement assurée, tellement assurée par quelqu’un dont il faut
saluer la mémoire – la mémoire telle que je l’écris, en donnant au «
mé » le même sens que le " mé " de méconnaissance – celui
qu’on a si bien « mé-morisé » que c’est faire risée de ses mots
dont il s’agit plutôt, à savoir Platon.
Quand même s’il y a quelqu’un qui a attrapé ce qu’il en est du plus-de-jouir,
quelque chose qui fait penser que Platon, ce n’est pas seulement les
idées et la forme, et tout ce qu’on a avec une certaine grille, une grille
qui, j’en conviens, est vraisemblable, traduit ses énoncés, Platon c’est
celui qui quand même a avancé la fonction de la dyade comme étant ce point de
chute, là où tout passe, là où tout fuit. Pas de plus grand sans plus petit,
de plus vieux sans plus jeune. Et le fait que la dyade soit le lieu de notre
perte, le lieu de la fuite, le lieu grâce à quoi il est forcé de forger cet UN
de l’idée, de la forme, cet UN qui
d’ailleurs aussitôt se démultiplie, s’insaisit, c’est bien parce qu’il
est là, comme nous tous, plongé dans ce seul supplément – je parle de tout
ça dans le 11 avril 1956 – le supplément, la différence qu’il y a entre
le supplément et le complément. Enfin j’avais dit très très bien ça. Depuis l’année
1956, ça
aurait pu servir,
semble-t-il, à cristalliser quelque chose du coté de cette fonction qui est à
remplir, celle de l’analyste, et dont il semble qu’elle soit si impossible,
plus que d’autres, qu’on ne songe qu’à la camoufler.
Alors
c’est là-dessus que ça tourne et qu’il faut
bien voir certaines choses : c’est qu’entre ce support, ce qui arrive au
niveau du corps et d’où surgit tout sens, mais inconstitué, parce qu’après
ce que je viens d’énoncer de la jouissance, de la vérité, du semblant et du
plus-de-jouir comme faisant là le fond, le « ground », comme
s’exprimait l’autre jour la personne qui
a bien voulu ici venir nous parler de Peirce, pour autant que c’est dans la
note de Peirce qu’il avait entendu ce que je disais – inutile de vous dire
que c’est à peu près vers la même époque que j’ai sorti les quadrants de
Peirce ; ça n’a, bien sûr, du tout servi à
rien, parce que ce que vous pouvez bien penser que mes remarques sur l’ambiguïté
totale de l’Universel, qu’il soit affirmatif ou négatif, et du
Particulier de même, qu’est-ce que ça pouvait
bien faire à ceux qui ne songeaient dans tout ça qu’à retrouver leur
ritournelle ! – le « ground » donc est là : il s’agit en
effet du corps.
Il
s’agit en effet du corps avec ses sens radicaux sur lesquels il n’y a aucune
prise, parce que ce n’est pas avec la vérité et le semblant, la jouissance
et le plus-de-jouir qu’on fait de la philosophie. On fait de la philosophie à
partir du moment où il y a quelque chose qui bourre
ce support qui n’est articulable qu’à partir du discours. Qui le bourre de
quoi ? II faut bien le dire que ce dont vous êtes tous faits – enfin tous
faits, d’autant mieux que vous êtes un peu philosophes, ça
arrive quelquefois, mais c’est rare, vous êtes surtout « astudés » comme
je l’ai dit
S’il
reste qu’au niveau où le discours fonctionne qui n’est pas le discours
analytique, la question se pose de " comment ça a réussi, ce discours à
attraper des corps ", au niveau du discours du maître, c’est clair :
au niveau du discours du maître, dont vous êtes, comme corps, pétris – ne
vous le dissimulez pas, quelles que soient vos gambades – c’est ce que
j’appellerai les sentiments, et très précisément les bons sentiments.
Entre le corps et le discours, il y a ce dont les analystes se gargarisent en
appelant ça prétentieusement les « affects ». C’est bien évident
que vous êtes affectés dans une analyse. Si c’est ça qui
fait une analyse – c’est ce qu’ils prétendent, évidemment il faut bien qu’ils
tiennent la corde quelque part pour être surs de ne pas
glisser – les bons sentiments, avec quoi ça se fait ? On est bien forcé
d’en venir là. Au niveau du discours du maître, c’est clair : ça se fait
avec de la jurisprudence. Il est quand même bon de ne pas
l’oublier au moment où je parle, où je suis l’hôte de la faculté de
Droit, de ne pas méconnaître que les bons sentiments, c’est la
jurisprudence, et rien d’autre, qui les fonde. Et quand quelque chose comme
ça vient tout d’un coup vous tournez le cœur parce que vous ne savez pas
très bien si vous n’êtes pas un peu responsable de la façon dont une analyse
a mal tourné, écoutez, soyons clairs quand même : s’il n’y avait pas de déontologie,
s’il n’y avait pas de jurisprudence, où serait ce " mal au cœur
", cet affect, comme on dit ?
Il
faudrait tout de même essayer de temps en temps de dire un peu la vérité.
« Un peu », ça veut dire que ça n'est pas exhaustif, ce que je
viens de dire. Je pourrais aussi dire autre chose d’incompatible avec ce que
je viens de dire, ce serait aussi la vérité.
Et c’est bien ce qui se passe. C’est bien ce qui se passe simplement quand
simplement par l’effet, non pas d’un quart de tour, mais d’une moitié de
tour complet, de deux quarts de tour, deux glissements de ces éléments
fonction de discours, enfin il se trouve... il se trouve parce qu’il y a
quand même, dans cette tétrade, des vecteurs, des vecteurs dont on peut très
bien établir la nécessité, ils ne tiennent pas à la tétrade, ni à la vérité,
ni au semblant ni à quoi que ce soit de cet espèce, ils tiennent au fait que
la tétrade, c’est quatre : à cette seule
condition d’exiger qu’il y ait des vecteurs dans les deux sens,
Alors
la question est celle-ci : si les sentiments – ne vous agitez pas pour les
personnes qui s’en vont, elles ont à faire à cette heure, elles ont à aller
aux obsèques de quelqu’un ( Pierre Fizlewicz . ) dont
je salue ici la mémoire, et qui était
quelqu’un de notre École, que je chérissais vraiment. Je suis au regret, vu
mes engagements, de ne pouvoir m’y joindre moi-même...
Qu’est-ce
qu’il y a dans le discours analytique entre les fonctions de discours et ce
support qui n’est pas la signification du discours, qui ne tient à rien de ce
qui est dit. Tout ce qui est dit est semblant, tout ce qui est dit est
vrai par-dessus le marché, tout ce qui est dit fait jouir : ce qui est
dit. Et comme je le répète, comme je l’ai récrit au tableau aujourd’hui
: " qu’on dise comme fait – le dire – reste oublié derrière ce qui est dit
". Ce qui est dit n’est pas
ailleurs que dans ce qui s’entend. Et c’est ça, la parole.
Seulement
le dire, c’est un autre plan, c’est le discours. C’est ce qui, de relations,
de relations et qui vous tiennent tous et chacun ensemble avec des personnes qui
ne sont pas forcément celles qui sont là, ce qu’on appelle la relation, la
religion, l’accrochage social, ça se passe au niveau d’un certain nombre de
prises qui ne se font pas au hasard, qui nécessitent, à très peu
d’errance près, ce certain ordre dans l’articulation signifiante. Et,
pour que quelque chose y soit dit, il y faut autre chose que ce que vous
imaginez, ce que vous imaginez sous le nom de réalité, parce que la réalité
découle très précisément du dire.
Le
dire a ses effets dans ce qui constitue ce qu’on appelle le fantasme, c’est-à-dire
ce rapport entre l’objet a qui est ce qui se concentre
de l’effet du discours pour causer le désir et ce quelque chose qui,
autour et comme une fente, se condense, et qui s’appelle le sujet. C’est une
fente parce que l’objet a, lui, il est toujours entre chacun des
signifiants et celui qui suit. Et c’est pour ça que le sujet, lui,
a été
toujours, non pas entre, mais au contraire béant.
Pour
revenir à Rome, j’ai pu saisir, toucher du doigt l’effet assez saisissant,
l’effet où je me reconnaissais très bien, des plaques de cuivre qu’un nommé
Fontana, défunt parait-il, et qui, après avoir montré
Alors
de quoi s’agit-il, dans l’analyse ? Parce que si on m’en
croit, on doit penser que c’est bien, comme je l’énonce, que c’est au
titre de ce qu’encore, avec toute l’ambiguïté
de ce terme qui est motivée, c’est parce que l’analyste en corps installe
l’objet a la place du semblant, qu’il y a
quelque chose qui existe et qui s’appelle le discours analytique. Qu’est-ce que ça veut
dire ? Au point où nous en sommes,
c’est-à-dire à avoir commencé de voir
prendre forme ce discours, nous voyons que, comme discours et pas dans ce qui
est dit, dans son dire, il nous permet d’appréhender ce qu’il en est du
semblant. C’est là qu’il est frappant de voir qu’au terme d’une
tradition, comme on nous l’a bien fait sentir la dernière fois, cosmologique
– comment est-ce que l’univers a pu naître ? est-ce que ça ne vous semble pas
un peu dater ? mais dater du fond des âges, ça
n’en reste pas moins daté – ce qui est frappant, c’est que ça amène
Peirce à une articulation purement logique, voire logicienne. C’est un point
de détachement du fruit sur l’arbre d’une certaine articulation
illusoire, je l’appellerai, qui, du fond des âges, avait abouti à cette
cosmologie jointe à une psychologie, à une théologie, à tout ce qui
s’ensuit. Nous voila là touchant du doigt, tel
qu’on vous l’a énoncé la dernière fois,
qu’il n’y a de discours sur l’origine qu’à traiter de l’origine
d’un discours, qu’il n’y a pas d’autre origine attrapable que l’origine
d’un discours et que c’est ça qui nous importe quand il s’agit de l’émergence
d’un autre discours, d’un discours qui, par rapport au discours du maître,
dont je peux vite retracer les termes et leur disposition, comporte la double
inversion précisément des vecteurs obliques, et ceci a toute son importance.
Ce
que Peirce ose nous articuler est là au joint d’une antique cosmologie :
c’est la plénitude de ce dont il s’agit dans le semblant du corps, c’est
le discours dans son rapport, dit-il, au rien. Ça
veut dire ce autour de quoi nécessairement tourne tout discours.
Par
cette voie, ce qu’à promouvoir cette année la Théorie des Ensembles,
j’essaie à ceux qui tiennent la fonction de l’analyste de suggérer,
c’est que ce soit dans cette veine, celle qu’exploite ces énoncés qui
se formalisent de la logique, c’est que ce soit à cette veine qu’ils se
rompent pour se former. Se former à quoi ? A ce qui doit distinguer ce que
j’ai appelé tout à l’heure la bourre, l’intervalle, le tamponnement, la
béance, qu’il y a entre le niveau du corps, de la jouissance et du sem-(p147->)blant,
et le discours pour s’apercevoir que c’est là qu’ils se posent la
question de ce qui est à mettre, et qui n’est pas les bons sentiments, ni la
jurisprudence, qui a à faire à autre chose qui a un nom : qui s’appelle
l’interprétation.
Ce
qui, l’autre jour, vous a été mis au tableau sous la forme du triangle dit
« sémiotique », sous la forme du « representamen », de l’interprétant et
ici de l’objet, pour montrer que la relation est toujours ternaire, à savoir
que c’est le couple représentant/objet qui est toujours à réinterpréter,
c’est cela dont il s’agit dans l’analyse.
L’interprétant,
c’est l’analysant. Ca ne veut pas dire que
l’analyste ne soit pas là pour l’aider, pour le pousser un peu dans le sens
de l’interprété. Il faut bien le dire, ça ne peut pas se faire au niveau
d’un seul analyste, pour la simple raison que, si ce que je dis est
vrai, à savoir que ce n’est que de la veine de la logique, de l’extraction
des articulations de ce qui est dit, et pas du dire, que si, pour tout
dire, l’analyste dans sa fonction ne sait pas, je veux dire en corps, en
recueillir assez de ce qu’il entend de l’interprétant, de celui à qui,
sous le nom d’analysant, il donne la parole, eh bien, le discours analytique
en reste à ce qui en effet a été dit par Freud sans bouger d’une ligne.
Mais à partir du moment où ça fait partie du discours commun,
ce qui est le cas maintenant, ça rentre dans l’armature
des bons sentiments.
Pour
que l’interprétation progresse, soit possible selon le schéma de Peirce qui
vous a été avancé la dernière fois, c’est en tant que cette
relation Interprétation et l’objet, –
remarquez, de quoi s’agit-il ? Quel est cet objet dans Peirce ? – c’est
de là que la nouvelle interprétation, il n’y a pas de fin à ce à quoi elle
peut venir, sauf à ce qu’il y ait une limite,
précisément, qui est bien ce à quoi le discours analytique doit advenir, à
condition qu’il ne croupisse pas dans son piétinement actuel.
Qu’est-ce qu’il faut, au schéma de Peirce, substituer pour que ça colle avec mon articulation du discours analytique ? C’est simple comme bonjour : à l’effet de ce dont il s’agit dans la cure analytique, il n’y a pas d’autre representamen que l’objet a, l’objet a dont l’analyste se fait le representamen, justement lui-même à la place du semblant.
(p148->)
L’objet
dont il s’agit, ce n’est rien d’autre que ce que j’ai interrogé ici de
mes deux formules, ce n’est rien d’autre que ceci : comme oublié, le fait
du dire. C’est ça qui est l’objet de ce qui
pour chacun est la question ; où suis-je dans le dire ? Parce que s’il est
bien clair que la névrose s’étale, c’est très précisément en ceci qui
nous explique le flottement de ce que Freud a avancé concernant le désir, et
spécialement le désir dans le rêve. C’est bien vrai qu’il y a des rêves de
désir. Mais quand Freud analyse un de ses rêves, on voit bien de quel désir
il s’agit : c’est du désir de poser l’équation du désir avec « égale
zéro ».
A
une époque qui n’était pas beaucoup postérieure à celle du 11 avril 1956,
en 1957 précisément, j’ai analysé le " rêve de l’injection d’Irma
". Ca a été transcrit, comme vous pouvez
l’imaginer d’un universitaire, dans une thèse où ça se ballade
actuellement. La façon dont cela a été je ne dirai pas entendu – car la
personne n’était pas là, elle a travaillé sur des notes et a cru
possible d’en rajouter de son cru. Mais il est tout de même clair que s’il
y a une chose que le rêve de cette injection d’Irma, sublime, divin, permet
de montrer, c’est ce qui est évident, qui depuis le temps que j’ai annoncé
cette chose devrait avoir été exploité par n’importe qui dans l’analyse,
j’ai laissé ça traîner parce qu’après tout, comme vous allez le voir, la
chose n’a pas tellement de conséquences, si comme je le rappelais récemment,
l’essence du sommeil, c’est justement la suspension du rapport du corps à
la jouissance, il est bien évident que le désir qui, lui, se suspend au
plus-de-jouir, ne va pas pour autant être là mis entre parenthèses. Ce que le
rêve travaille, ce sur quoi il tricote, et on voit bien comment et avec quoi
: avec les éléments de la veille. comme dit Freud, c’est-à-dire avec ce qui
est encore là tout à fait à la surface de la mémoire, pas dans la profondeur,
la seule chose qui relie le désir du rêve à l’inconscient, c’est la façon dont
il faut travailler pour résoudre le problème d’une
formule avec « égale zéro », pour trouver la racine grâce à quoi la
façon dont
ça fonctionne, ça
s’annule ; si ça ne s’annule pas, comme on dit il y a le réveil, moyennant
quoi bien sûr le sujet continuera à rêver
dans sa vie.
Si
le désir a de l’intérêt dans le rêve, Freud le souligne, c’est pour
autant qu’il y a des cas où le fantasme, on ne peut pas le résoudre, c’est-à-dire de s’apercevoir que le désir – permettez-moi de m’exprimer, puisque
je suis à la fin, ainsi – n’a pas de raison d’être, c’est que quelque
chose s’est produit qui est la rencontre, la rencontre d’où procède la névrose,
la bête de Méduse, la fente de tout à l’heure directement vue en tant
qu’elle n’a pas de solution. C’est bien pour ça que, dans les rêves de la
plupart, il s’agit en effet de la question du désir, la question du désir
pour autant qu’elle se reporte à bien plus loin, à la structure grâce à
quoi c’est le a qui est la cause de la Spaltung du sujet.
Alors
qu’est-ce qui nous lie à celui avec qui nous nous embarquons, franchie la
première appréhension du corps ? Est-ce que l’analyste est là pour lui
faire grief de ne pas être assez sexué, de jouir assez bien ? Et quoi (en
corps) encore ? Qu’est-ce qui nous lie à celui qui avec nous s’embarque
dans la position qu’on appelle celle du patient ? Est-ce
qu’il ne vous semble pas que, si on le conjoint à ce lieu, le terme " frère
" qui est sur tous les murs
– " Liberté, Égalité, Fraternité " –
je vous le demande, au point de culture où nous en sommes, de qui sommes-nous
De là bien sûr, nous interprétons. Mais qui peut le faire si ce n’est
celui-là même qui s’engage dans le dire et qui, du, frère certes que
nous
sommes, va nous donner l’exaltation, je veux
dire que ce qui naît d’une analyse, ce qui naît au niveau du sujet, de sujet
qui parle, de l’analysant, c’est quelque chose qui avec, au moyen –
l’homme pense, disait Aristote, avec son âme – l’analysant analyse
avec cette merde que lui propose en la figure de son analyste l’objet
a. C’est avec cela que quelque chose, cette chose fendue, doit naître
qui n’est rien d’autre en fin de compte, pour reprendre quelque chose qui vous
a
été avancé l’autre jour à propos de
Peirce, que le fléau dont une balance peut s’établir
et qui s’appelle justice. Notre frère transfiguré, c’est cela qui naît de
la conjuration analytique et c’est ce qui nous lie à celui qu’improprement
on appelle notre patient.
Ce discours " paradoxal ", il faut bien dire
qu’il peut avoir ses retours de bâton. Je ne voudrais pas vous laisser uniquement
sur du susucre. La notion de frère,
si solidement tamponnée grâce à toutes sortes de jurisprudences pendant
des ages, de revenir à ce niveau, au niveau d’un discours, elle aura ce que
j’appelais à l’instant ses retours au niveau du support. Je ne vous ai pas
du tout parlé dans tout ça du père parce que j’ai considéré qu’on vous
en a déjà assez dit, assez expliqué, à vous montrer que c’est autour de
celui qui " unie ", celui qui dit non, que peut
se fonder, que doit se fonder, que ne peut que se fonder tout ce qu’il y a
d’universel. Mais quand nous revenons à la racine du corps, si nous
revalorisons le mot de " frère ", il va rentrer à pleines voiles au
niveau des bons sentiments.
Puisqu’il
faut bien quand même ne pas vous peindre uniquement l’avenir en rose, sachez
que celui qui monte, qu’on n’a pas encore vu jusqu’à
ses dernières conséquences et qui, lui, s’enracine
dans le corps, dans la fraternité du corps,
c’est le racisme, dont vous n’avez fini d’entendre parler !
note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un émail. Haut
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relu ce 20 juillet 2005