J.LACAN                      gaogoa

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XIV- La logique du fantasme. 1966-1967

                        version rue CB

12 Avril 1967                        note  

    

        (p203->) "Non liget omnibus adire Corinthum " J'ai prononcé à la latine le premier mot pour vous suggérer cette traduction que ce n'est pas l'omnibus pour aller à Corinthe. L'adage qui nous a été transmis en latin d'une formule grecque, signifie plus je pense, que la remarque qu'à Corinthe les prostituées étaient chères. Elles étaient chères parce qu'elles vous initiaient à quelque chose. Ainsi dirai-je qu'il ne suffit pas de payer le prix, c'est plutôt ce que voulait dire la formule grecque. Il n'est pas ouvert à tous, non plus, de « devenir psychanalyste ». Ainsi en est-il depuis des siècles pour ce qui est d'être géomètre. Que seul entre ici, vous savez la suite : celui qui est géomètre, cette exigence était inscrite au fronton de l'école philosophique la plus célèbre de l'antiquité, et elle indique bien ce dont il s'agit : l'introduction à un certain mode de pensée que nous pouvons préciser d'un pas de plus, à savoir : qu'il s'agit de catégories . Catégorie, veut dire comme vous le savez, en grec l'équivalent du mot prédicamen en latin, ce qui est le plus radicalement prédicable pour définir un champ.

    Voilà ce qui emporte avec soi un registre spécifié de démonstration. C'est pour cela qu'on a entendu dans la suite de l'exigence platonicienne se manifester de façon réitérée la prétention de démontrer : more geomitrico , ce qui témoigne combien le dit mode de démonstration représentait un idéal. On sait, on souhaite que vous sachiez, je vous l'indique autant que je peux, c'est-à-dire dans les limites d'un champ qui m'est à moi réservé, que la méta-mathématique vient maintenant sur l'éventail des réfections catégorielles qui ont scandé historiquement les conquêtes du géométrique. Que cette méta-mathématique, dis-je, vient à radicaliser plus encore le statut du démontrable.

    Comme vous le savez, de plus en plus la géométrie s'éloigne des intuitions qui la fondent : spatiale par exemple, pour s'attacher à n'être plus qu'une forme spécifiable et d'ailleurs diversement étagée de démonstration. Au point qu'au terme la méta-mathématique ne s'occupe plus que de l'ordre de cet étagement, dans l'espoir d'en arriver pour la démonstration aux exigences les plus radicales. Supposons une science qui ne peut commencer que par ce qui est dans les réfections ainsi évoquées, d'un certain champ, leur point terminal. Inutile pour une telle science d'y balbutier un arpentage d'abord où s'ordonnerait une première familiarité au mesurable, voire la transmission des formules les plus grosses d'avenir émergeant singulièrement sous l'aspect du secret de calcul. Je veux dire, inutile pour (p204->) elle, à tout le moins trompeur et vain de s'arrêter à l'étape babylonienne de la géométrie. Ceci parce que tout étalon de mesure rencontré au départ emporte la souillure d'un mirage impossible à dissiper. C'est ce que nous avons pointé d'abord dans notre enseignement en dénonçant sans le nommer encore de ce terme tel que nous l'avons épinglé comme l'imaginaire, les tromperies du narcissisme, quand nous avons établi la fonction du stade du miroir.

    De rencontrer un tel obstacle ce fut le lot de beaucoup de sciences en effet, c'est même là que se situe le privilège de la géométrie. Ici bien sûr, s'offre à nous presque d'emblée la pureté de la notion de grandeur. Qu'elle ne soit pas ce qu'un vain peuple pense n'a pas ici à nous retenir. Pour la science que nous supposons c'est une tout autre tablature, ce n'est pas seulement que l'étalon de mesure y soit inopérant, c'est que la conception même de l'unité y boite, tant qu'on n'a pas réalisé la sorte d'égalité où s'institue son élément, c'est-à-dire : l'hétérogénéité qui s'y cache, qu'on se rappelle l'équation de la valeur au premier pas du Capital ... de Marx... pour ceux qui l'ignoreraient ! on ne sait jamais, il y a peut-être des distraits ! Dans son écrit patent, à cette équation, c'est la proportion qui résulte des prix de deux marchandises : tant de tant = tant de tant, rapport inverse, prix à la quantité obtenue de marchandise.

    Or il ne s'agit point du patent, mais de ce qu'elle recèle, de ce que l'équation retient en elle qui est la différence de nature des valeurs ainsi conjointes la nécessité de cette différence. Ce ne peut être en effet, la proportion, le degré d'urgence par exemple, de deux valeurs d'usage qui fondent le prix non plus que celles de deux valeurs d'échange. Dans l'équation des valeurs l'une intervient comme valeur d'usage et l'autre comme valeur d'échange. On sait qu'on voit se reproduire un piège semblable quand il s'agit de la valeur du travail. L'important c'est qu'il soit démontré dans cette critique comme elle s'intitule elle-même que constitue le Capital qu'à méconnaître ces pièges toute démonstration reste stérile ou se dévoie. La contribution du marxisme à la science, ce n'est certes pas moi qui ai fait ce travail, c'est de révéler ce latent comme nécessaire au départ, au départ même, j'entends, de l'économie politique. C'est la même chose pour la psychanalyse et cette sorte de latent c'est ce que j'appelle, quant à moi, la structure. Mes réserves étant prises du côté de tout effort de noyer cette notion acérée des départs nécessaires dans un certain champ qui ne peut se définir autrement que comme le champ de noyer ceci dans quelque chose que j'identifie mal sous le nom vague de structuralisme. Il ne faut pas croire que ce latent manque dans la géométrie bien sûr. Mais l'histoire prouve que c'est à sa fin maintenant qu'on peut se contenter de s'en apercevoir, parce que les préjugés sur les notions de la grandeur qui proviennent de son maniement dans le réel n'ont pas fait tort par hasard à son progrès logique. Encore n'est-ce que maintenant qu'on peut le savoir en constatant que la géométrie qui s'est faite n'a plus aucun besoin de la mesure, de la maîtrise, ni même de l'espace d'irréel. Il n'en va pas ainsi je vous l'ai dit pour d'autres sciences et la question pourquoi en est-il qui ne saurait démarrer sans avoir élaboré ces faits qu'on peut dire derniers comme étant de structure, peut-être en pouvons-nous poser dès maintenant la question comme pertinente si nous savons la rendre homologue à ces faits.

    (p205->) A la vérité nous y sommes prêts puisque cette structure, nous l'avons noté autant que pratiqué, à la rencontrer dans notre expérience psychanalytique et que nos remarques si nous les introduisons de quelques vues d'ailleurs triviales, j'enfonce là des portes ouvertes, sur l'ordre des sciences nos remarques ne sont pas sans viser à de tels résultats qu'il faille bien enfin que cet ordre, je dis l'ordre des sciences, s'en accommode. La structure, enseignai-je, depuis que j'enseigne, non depuis que j'écris, depuis que j'enseigne, la structure c'est que le sujet soit un fait de langage, soit un fait du langage, le sujet ainsi désigné est ce à quoi est généralement attribuée la fonction de la parole, il se distingue d'introduire un mode d'être qui est son énergie propre, j'entends au sens aristotélicien du terme énergie, ce mode est l'acte où il se tait -tacere n'est pas silere - et pourtant ce recours à une frontière obscure, écrire comme on l'a fait qu'il est vain de chercher dans mes Écrits quelque allusion au silence est une sottise. Quand j'ai inscrit la formule de la pulsion au haut et à droite du graphe comme S D c'est quand la demande se tait que la pulsion commence. Mais si je n'ai point parlé du silence c'est justement que sileo n'est pas taceo . L'acte de se taire ne libère pas le sujet du langage, même si l'essence du Sujet dans cet acte culmine, s'il agit l'ombre de sa liberté se taire reste lourd d'une énigme qui a fait lourd si longtemps la présence du monde animal. Nous n'en avons plus trace que dans la phobie, mais souvenons-nous que longtemps on y put loger des dieux.

    Le silence éternel de quoi que ce soit, de tout ce que vous savez, ne nous effraie plus qu'à moitié en raison de l'apparence que donne la science à la conscience commune de se poser comme un savoir qui refuse de dépendre du langage sans que pour autant cette prétendue conscience soit frappée de cette corrélation qu'elle refuse du même coup de dépendre du Sujet. Ce qui a lieu en vérité, ce n'est pas que la science se passe du sujet, c'est qu'elle le vide du langage, j'entends l'expulse. C'est qu'elle se crée ces formules d'un langage vidé du sujet. Elle part d'une interdiction sur l'effet de sujet du langage. Ceci n'a qu'un résultat c'est de démontrer que le sujet n'est qu'un effet du langage mais c'est un effet de vide. Dès lors le vide le cerne, c'est-à-dire le fait apparaître comme pure structure de langage, c'est là le sens de la découverte de l'inconscient.

    L'inconscient c'est un moment où parle à la place du sujet du pur langage, une phrase qui est toujours la question de savoir qui l'a dite, l'inconscient, son statut qu'on peut bien dire scientifique puisqu'il s'origine du fait de la science, c'est que le sujet que c'est le sujet qui, rejeté du symbolique, reparaît dans le réel y présentifiant ce qui est maintenant fait dans l'histoire de la science j'entends dire accompli, y présentifiant son seul support, le langage lui-même. C'est le sens de l'apparition dans la science de la nouvelle linguistique.

    De quoi parle le langage lui-même quand il est ainsi désarrimé du Sujet, mais par cela le représentant dans son vide structural radicalisé ? Nous le savons en gros. Il parle du sexe, d'une parole dans ce que je vais aborder, l'acte sexuel pour l'interroger, dans l'acte sexuel représente le silence, c'est-à-dire combien (p206->) nécessairement d'une parole tenace, obstinée ce silence, si pour cause, à le forcer. Je prendrai le temps quand même de dissiper ici dune façon que je ne crois pas inutile le premier préjugé à se présenter, il n'est pas neuf bien sûr, mais l'éclairer d'un jour nouveau a toujours sa portée : le premier préjugé à se présenter dans le contexte psychologisant, la différence à la constituer par référence à l'énonciation que nous venons d'en faire, la seule vraie de l'inconscient pourrait se formuler de la chute dans notre énoncé d'un indice essentielle à la structure, non du sexe, comme je l'ai dit, parlerait-il cet inconscient. Ici, la tête frivole, et dieu sait qu'elle abonde, avale ce dû : l'inconscient parle sexe, il brame, il râle, il roucoule, il miaule, il est de l'ordre de tous les bruits vocaux de la parole, c'est une aspiration sexuelle. Tel est le sens que suppose au meilleur cas l'usage qui est fait du terme d'instinct de vie dans la rumination psychanalytique. Tout usage erroné du discours sur le sujet a pour effet de le ravaler ce discours même au niveau de ce qu'il fantasme à la place du sujet.

    Ce discours psychanalytique dont je parle est lui-même râle, il râle à appeler la figure d'un éros qui serait puissance unitive, et encore, dans un impact universel, tenir pour de la même essence ce qui retient ensemble les cellules d'un organisme et j'entends de la même essence la force supposée pousser l'individu ainsi composé à copuler avec un autre est proprement du domaine du délire, en un temps où lequel la méiose je pense se distingue suffisamment de la mitose, au moins au microscope ! Je veux dire pour tout ce que suppose les phases anatomiques du métabolisme qu'il représente.

    L'idée de l'éros comme d'une âme aux fins contraires de celle de Thanatos et agissant par le sexe c'est un discours de midinette au printemps, comme s'exprimait autrefois le regretté Julien Benda, bien oublié de nos jours, enfin, il a représenté un temps cette sorte de bretteur qui résulte d'une intelligentzia devenue inutile.

    S'il fallait quelque chose pour replacer les égarés dans l'axe de l'inconscient structuré comme un langage, ne suffit-il pas de l'évidence fournie par ces objets qu'on avait jamais encore appréciés comme nous pouvons le faire, le phallus, les différents objets partiels.

    Nous reviendrons sur ce qui résulte de leur immixtion dans notre pensée sur le tour qu'ont prises les fumées de telle vague philosophie contemporaine plus ou moins qualifiée d'existentialiste, pour nous ces objets témoignent que l'inconscient ne parle pas la sexualité, non pas qu'il la chante, mais qu'à produire ces objets il se trouve, justement ce que j'ai dit, en parler, puisque c'est d'être à la sexualité dans un rapport de métaphore et de métonymie que ces objets se constituent.

    Si fortes, si simples que soient ces vérités, il faut croire qu'elles rencontrent une bien grande aversion puisque c'est à éviter qu'elles restent au (p207->) centre, qu'elles ne puissent être désormais plus que le pivot de toute articulation du sujet, que s'engendre cette sorte de liberté phallique à laquelle j'ai déjà fait allusion plus d'une fois dans ces dernières phrases et que caractérise le manque de sérieux.

     Que dire de ce que dit de l'acte sexuel, l'inconscient ? Je pourrais dire, si je voulais faire ici du Barbey d'Aurévilly, qu'un jour imagina-t-il de faire dire à un de ces prêtres démoniaques qu'il excellait à feindre : «quel est le secret de l'Église ? » Le secret de l'Église vous le savez, bien fait pour effrayer de vieilles dames provinciales, c'est qu'il n'y a pas de purgatoire. Ainsi m'amuserai-je à vous dire ce que peut-être, vous ferait quand même un certain effet, après tout, ce n'est par pour rien que je dis ce que je vais dire dire de cet état : le secret de la psychanalyse, le grand secret de la psychanalyse c'est qu'il n'y a pas d'acte sexuel. Ceci serait soutenable et illustrable. A vous rappeler ce que j'ai appelé l'acte, à savoir le redoublement d'un effet moteur aussi simple que : « je marche » qui fait simplement qu'à subir seulement d'un certain accent il se trouve répété et ce redoublement prend la fonction signifiante qui le fait pouvoir s'insérer dans une certaine chaîne, le sujet. Y a-t-il dans l'acte sexuel, ce quelque chose où selon la même forme le sujet s'inscrirait comme sexué instaurant du même acte sa conjonction au sujet du sexe qu'on appelle opposé. Il est bien clair que tout dans l'expérience psychanalytique parle là contre, que rien n'est de cet acte qui témoigne que ne saurait s'en instituer qu'un discours où compte ce tiers que j'ai d'ailleurs tout à l'heure suffisamment annoncé par la présence du phallus et des objets partiels et dont il nous faut maintenant articuler la fonction d'une façon telle qu'elle nous démontre quel rôle elle joue cette fonction dans cet acte, fonction toujours glissante, fonction de substitution qui équivaut presque à une sorte de jonglage et qui, en aucun cas, ne nous permet de poser dans l'acte, j'entends dans l'acte sexuel, l'homme et la femme opposés en quelque essence éternelle. Et pourtant, j'effacerai ce que j'ai dit du grand secret comme  étant qu'il «n'y a pas d'acte sexuel " en ceci, justement, que ce n'est pas un grand secret, que c'est patent, que l'inconscient ne cesse de le crier à tue-tête et que c'est bien pour cela que les psychanalystes disent : fermons lui-la bouche ; quand il dit ça, parce que si nous le répétons avec lui on ne viendra plus nous trouver ! Ah quoi bon, s'il n'y a pas d'acte sexuel ? - Alors on met l'accent sur le fait qu'il y a de la sexualité, en effet, c'est bien parce qu'il y a de la sexualité qu'il n'y a pas d'acte sexuel. Mais l'inconscient veut peut-être dire qu'on le manque, en tous cas ça a bien l'air. Seulement pour que ceci prenne sa portée il faut bien accentuer d'abord que l'inconscient le dit. Vous vous rappelez l'anecdote du Curé qui prêche sur le péché : «Qu'est-ce qu'il a dit ? » - «Il était contre ? ».

    L'inconscient qui prêche lui aussi à sa façon sur le sujet de l'acte sexuel il est pas pour, c'est de là pour concevoir ce dont il s'agit quand il s'agit de l'inconscient qu'il convient de partir. La différence de l'inconscient avec le curé mérite quand même d'être relevée à ce niveau. C'est que le Curé dit que le péché est le péché, au lieu que peut-être l'inconscient c'est lui qui fait de la sexualité un péché. Il y a une petite différence !

    (p208->) la question va être de savoir comment se propose à nous ceci que le sujet a à se mesurer avec la difficulté d'être un sujet sexué. C'est ce pourquoi j'ai introduit dans mes derniers propos logistiques cette référence dont je pense j'ai suffisamment souligné ce qu'elle vise : d'établir le statut de l'objet " a ", celle qui s'appelle le nombre d'or en tant qu'il donne proprement sous une forme aisément maniable son statut à ce qui est en question, à savoir : l'incommensurable.

    Nous partons de l'idée pour l'introduire que dans l'acte sexuel, il n'est aucunement question que ce " a " où nous indiquons ce quelque chose qui est en quelque sorte la substance du sujet. Si vous entendez cette substance au sens où Aristote la désigne dans Lucia à savoir : ce qu'on oublie ; c'est que ce qui la spécifie est justement ceci : qu'elle ne saurait d'aucune façon être attribuée à aucun sujet, le sujet étant entendu comme hypokaimenon. Cet objet « a » en tant qu'il nous sert de module pour interroger celui qui en est supporté n'a pas à chercher son complément à la diade, ce qui lui manque pour faire deux ce qui serait bien désirable, c'est que la solution de ce rapport grâce à quoi peut s'établir le deux, tient tout entière dans ce qui va se passer de la référence de « a » le nombre d'or au Un en tant qu'il engendre ce manque qui s'inscrit d'un simple trait de report, la différence sous une forme : 1 - a  - fort simple calcul que j'ai déjà inscrit au tableau.

    Je ne le rappelle que pour le mettre à l'orée de ce que je vais dire sur ce qui est essentiel à articuler pour vous comme je l'ai dit tout à l'heure. d'abord au départ de notre science, savoir : ce qui introduit nécessairement quoique paradoxalement à ce noeud sexuel où se dérobe et nous fuit l'acte qui fait pour l'instant notre interrogation le lien de ce « a » en tant qu'ici vous le voyez, il représente, il supporte et représentifie d'abord le sujet lui-même, que c'est là le même qui va apparaître dans l'échange dont nous allons maintenant montrer la formule comme pouvant servir de cet objet que nous touchons dans la dialectique de la cure sous le nom  d'objet partiel, le rapport de ces deux faces de la fonction « a » avec cet indice, cette forme de l'objet qui est au principe de la castration. Je ne clôrerai pas ce cycle aujourd'hui c'est pourquoi je veux l'introduire par deux formules répondant à une sorte de problème que nous posons à priori, quelle valeur faudrait-il donner à cet objet « a » s'il est bien là comme devant représenter dans la diade, sexuelle la différence, pour qu'il produise les résultats entre lesquels est suspendue aujourd'hui notre question. Question qui ne saurait être abordée que par la voie où je vous mène en tant qu'elle est la voie logique. J'entends la voie de la logique, la diade et ses suspens, c'est ce que depuis l'origine si l'on sait en suivre la trace et l'abord, la logique elle-même. Je ne suis pas fait pour vous retracer ici l'histoire de la logique, mais qu'il me suffise d'évoquer à l'aurore de l'organum aristotélicien est bien autre chose qu'un simple formalisme si vous savez le sonder. Au premier plan de la logique du prédicat s'édifie l'opposition entre les contraires et les contradictoires. Nous avons fait, vous le savez, bien des progrès depuis, mais ce n'est pas une raison pour ne pas nous intéresser à ce qui fait l'intérêt et le statut de leur entrée dans l'histoire. Ça n'est d'ailleurs pas, je le dis entre parenthèses, pour nous interdire quand nous reprenons à la trace ce qu'a énoncé Aristote, en même temps, même (p209->) pas en marge, d'introduire ce dont par exemple Lukacevicz l'a complété depuis, je dis cela parce que dans le livre excellent de KNEALE j'ai été frappé d'une protestation qui s'élevait au tournant d'une page, parce que pour dire ce que dit Aristote, M. Lukaceviz par exemple vient à distinguer ce qui tient au principe de contradiction, du principe d'identité et du principe de bivalence. Le principe d'identité c'est que A est A, vous savez que ce n'est pas clair que A est A, heureusement que Aristote ne le dit pas, mais qu'on le fasse remarquer a quand même un intérêt. Qu'une chose puisse être à la fois A et non A, c'est encore tout autre chose. Quant au principe de bivalence quant à savoir qu'une chose doit être vraie ou fausse, c'est encore une troisième chose.

    Aristote n'a certainement jamais pensé à toutes ces gentillesses, n'a rien à faire avec la question. C'est ce qui permet de donner son intérêt à ce dont je repars maintenant à cette grossière affaire, des contraires d'abord, en tant que pour nous je veux dire ce qui est indiqué dans mon enseignement passé, nous le désignerons par le pas sans. Ça nous servira plus tard.

    Les contraires, c'est ça qui soulève toute la question logique de savoir si la proposition particulière implique l'existence, ça a toujours énormément choqué dans Aristote elle l'implique, c'est même là-dessus que tient sa logique.

    Curieux que la proposition universelle ne l'implique pas.

    Je peux dire : tout centaure a six membres - c'est vrai, sinon il n'y a pas de centaure, c'est universel. Si je dis, dans Aristote, il y a des centaures qui en ont perdu un, ça implique qu'il y en ait. On essaie de reconstruire une logique qui soit un peu moins boiteuse vis-à-vis du centaure. Mais ceci ne nous intéresse pas. Simplement, il n'y a pas de mâle sans femelle. Ceci est de l'ordre du réel. Ça n'a rien à faire avec la logique, tout au moins de nos jours. Et puis il y a le contradictoire qui veut dire ceci

    Si mâle alors non mâle

    Si quelque chose est mâle alors ça n'est pas non mâle

    Il s'agit de trouver notre chemin dans ces deux formules distinctes ; la seconde est de l'ordre symbolique, elle est une convention symbolique, qui a un nom justement : le tiers exclu. Ceci doit suffisamment nous faire sentir que ce n'est pas de ce côté que nous allons pouvoir nous arranger puisqu'au départ nous avons suffisamment accentué la fonction d'une différence comme étant essentielle au statut de la diade sexuelle, si elle peut être fondée, j'entends subjectivement, nous aurons besoin de ce tiers.

    Essayons, n'essayons pas, ne faisons pas la vaine grimace de prétendre tenter ce que nous avons introduit déjà, à savoir : le statut logique du contraire en (p210->) tant qu'ici l'un et l'autre s'opposent à l'un ou l'autre. L'un et l'autre c'est l'intersection logique mâle et femelle si nous voulons inscrire comme il convient ce l'un et l'autre sous la forme de l'intersection de l'algèbre de Boole. Cette petite lunule de recouvrement spatial dont je suis consterné de devoir vous présenter une fois de plus la figure, car vous voyez bien qu'elle ne vous satisfait pas.

    Ce que vous voudriez ce que de temps en temps l'un soit mâle et l'autre femelle et que de temps en temps ils se marchent sur les pieds. C'est pas de ça qu'il s'agit, il s'agit d'une multiplication logique. L'importance de vous rappeler cette figure Booléenne c'est de vous rappeler qu'à la différence d'ici qui est ce lieu important du jeu de pile ou face, à quoi j'ai essayé de former ceux qui me suivaient les premières années au moins pendant un trimestre, histoire de leur faire entendre ce que c'était que le signifiant, à l'opposé du jeu pile ou face qui s'inscrit tout uniment en une succession de plus ou de moins, le rapport de l'un et de l'autre s'inscrit sous la forme d'une multiplication. J'entends d'une multiplication logique, d'une multiplication booléenne.

    Quelle valeur pouvons-nous supposer à l'élément de différence pour que le résultat soit tout net : la diade ? C'est à la portée de tout le monde de le savoir, vous avez gardé au moins ceci de teinture de mathématique qu'on vous a enseigné si stupidement pour peu que vous ayiez plus de 30 ans, qui, si vous avez 20 ans vous avez des chances d'en avoir entendu parler.

    Vous êtes tous sur le même pied concernant la formule A + B x A -B

voilà la différence, il y en a un qui l'a en plus l'autre en moins, si vous les multipliez ça fait : 1  - B2

    Qu'est-ce qu'il faut pour que A2 - B2 soit tout de même égal à 2, à la dyade, il suffit d'égaler B à , c'est-à-dire à une fonction numérique qu'on appelle nombre imaginaire et qui intervient maintenant dans tous les calculs de la façon la plus courante pour fonder ce qu'on appelle le nombre complexe.

    A , s'il s'agit de le spécifier de 2 façons opposées avec + quelque chose et - quelque chose, et qu'il en résulte 2, il suffit de l'égaler a i, c'est ainsi que d'habitude on écrit d'une façon abrégée et d'ailleurs beaucoup plus commode cette fonction dite imaginaire de .

    (a + b) (a - b) = a2 - b2 

pour que =2 

    il faut que : B = = i

    J'ai introduit ceci parce que ça nous servira dans la suite.

    Que ceci éclaire d'un rapprochement ce qui s'offre à nous comme une autre possibilité, à savoir si nous demandons à l'avance ce qu'il convient (p211->) d'obtenir, ce qui a peut-être aussi pour nous, son intérêt. Il est intéressant aussi de savoir pourquoi dans l'inconscient concernant l'acte sexuel, justement, ce qui sert, ce qui marque la différence au premier rang de quoi est le sujet lui-même, non seulement nous sommes bien forcés de dire que ça reste à la fin, mais il est exigé pour que ce soit l'acte sexuel que ça reste à la fin, autrement dit :

    ( a + b ) ( a - b ) = a 
pour que ceci égal a
   
( 1 + i ) ( 1 - i ) = 2
   
( 1 + a ) ( 1a ) = a 
attention que ce a soit = à ce nombre d'or dont je me sers pour introduire , pour vous la fonction de l'objet « a » - Quand a est égal au nombre d'or, le ( 1 + a ) ( 1 - a ) = a . C'est ici que je suspens pour un temps ce dont j'ai voulu pour vous, proposer la grille logique.

    Venons-en maintenant à considérer ce dont il s'agit concernant l'acte sexuel. Ce qui va nous servir à nous en occuper et ce qui justifie le fait que j'ai introduit le fait que j'ai introduit la formule de Marx.

    Marx nous dit quelque part dans les manifestes philosophiques que l'objet de l'homme n'est rien d'autre que son essence prise comme objet. Un objet auquel un sujet se rapporte par essence est nécessairement rien d'autre que l'essence propre de ce sujet non objectivé.

    Des gens parmi lesquels quelques personnes qui m'écoutent m'ont bien montré le côté primaire de cette approximation marxiste. Il serait curieux que nous soyions très en avance sur cette formulation. Cet objet dont il s'agit, cette essence propre du sujet n'est objective, est-ce que ce n'est pas nous qui pouvons lui donner sa véritable substance.

    Partons de ceci où nous avons longtemps pris appui, qu'il y a un rapport entre ce qu'énonce la psychanalyse sur le sujet de la loi fondamentale du sexe, interdiction de 1'inceste pour autant que pour nous elle est un autre reflet déjà suffisant de la présence de l'élément tiers dans tout acte sexuel en tant qu'il exige présence et fondation du sujet. Aucun acte sexuel, c'est là l'entrée dans le monde de la psychanalyse qui porte la trace de ce qu'on appelle la scène traumatique, autrement dit d'un rapport référentiel fondamental au couple des parents. Comment se présentent les choses à l'autre bout, vous le savez. Lévy Strauss - " Structure élémentaires de la parenté " - l'ordre d'échange sur lequel s'institue l'ordre de la parenté, c'est la femme qui en fait les frais, ce sont les femmes qu'on échange, quelle qu'elle soit : patriarcale, matriarcale, ce que la logique de l'inscription impose à l'ethnologue c'est de voir comment voyage les femmes entre les lignées.

    (p212->) II semble que de l'un à l'autre, il y ait là quelque béance, eh bien c'est ce que nous allons essayer aujourd'hui d'indiquer comment cette béance pour nous, s'articule autrement dit, comment dans notre champ elle se comble.

    Nous avons tout à l'heure marqué que l'origine du démarquage de la démystification économique est à voir dans la conjonction de deux valeurs de nature différente. C'est bien ici ce à quoi nous avons à faire et toute la question est celle-ci pour le psychanalyste : de s'apercevoir que ce qui de l'acte sexuel fait problème n'est pas social puisque c'est là que se constitue le principe du social, à savoir : dans la loi d'un échange. L'échange des femmes ou non, ceci ne nous regarde pas encore, car si nous nous apercevons que le problème est de l'ordre de la valeur, je dirai que déjà tout commence à s'éclairer suffisamment de lui donner son nom au principe de ce qui redouble de ce qui dédouble en sa structure la valeur au niveau de l'inconscient, il y a ce quelque chose qui tient la place de la valeur d'échange en tant que de sa fausse identification à la valeur d'usage résulte la fondation de l'objet marchandise et même on peut dire plus qu'il faut le capitalisme pour que cette chose qui l'antécède de beaucoup soit révélée. De même il faut le statut du sujet tel que le forge la science, de ce sujet réduit à sa fonction d'intervalle pour que nous nous apercevions que ce dont il s'agit de l'égalisation de deux valeurs différentes se tient ici entre valeur d'usage et pourquoi pas, nous verrons ça tout à l'heure, est valeur de jouissance.

    Je souligne, valeur de jouissance joue là le rôle de la valeur d'échange. Vous devez bien sentir tout de suite que ça a vraiment quelque chose qui concerne le coeur même de l'enseignement analytique, cette fonction de valeur de jouissance, et que peut-être c'est là ce qui va nous permettre de formuler de façon complètement différente ce qu'il en est de la castration, car enfin si quelque chose est accentué, dans la notion même, si confuse soit-elle encore, dans la théorie de maturation pulsionnelle, c'est bien quand même ceci : qu'il n'y a d'acte sexuel, au sens où je viens de l'articuler, qui ne comporte chose étrange, la castration. Qu'appelle-t-on la castration ? Ce n'est tout de même pas comme dans les formules si agréablement avancées par le petit Hans qu'on dévisse le petit robinet, car il faut bien qu'il reste à sa place ? Ce qui est en cause c'est qu'il ne saurait prendre sa jouissance en lui-même. Je suis, à la fin de ma leçon d'aujourd'hui, de telle sorte que j'abrège, j'y reviendrai la prochaine fois.

    C'est pour accentuer ceci d'où je voudrais partir. C'est à savoir : ce que cette équation de deux valeurs dites d'usage et d'échange a d'essentiel en notre matière, supposez l'homme réduit à ce qu'il faut bien dire, qu'on ne l'a jamais encore réduit institutionnellement à la fonction d'un étalon dans les animaux domestiques. Autrement dit, servons-nous de l'anglais, où comme vous le savez on dit : Une she goat pour dire une chèvre, ce qui veut dire un elle-bouc, appelons comme il convient : un He-man, c'est concevable instrumentalement, s'il y a quelque chose qui donne une idée claire de la valeur d'usage, c'est de ce qu'on fait quand on fait venir un taureau pour un certain nombre de saillies. Il est singulier que personne (p213->) n'ait imaginé d'inscrire les structures élémentaires de la parenté dans cette circulation du tout-puissant phallus. Chose curieuse ! c'est nous qui découvrons que cette, valeur phallique, c'est la femme qui la représente, si la jouissance, j'entends la jouissance féminine porte la marque dite de la castration, il semble que ce soit pour que d'une façon que nous appellerons avec Bentam .... ce soit la femme qui devienne ce dont on jouit.

    Prétention singulière qui nous ouvre toutes les ambiguïtés propres au mot de jouissance pour autant que dans le développement juridique qu'il comporte à partir de ce moment, qu'il implique possession. Autrement dit, que voici quelque chose de retourné, ce n'est plus le sexe de notre taureau, valeur d'usage, qui va servir à cette sorte de circulation qui s'instaure dans l'ordre sexuel, c'est la femme en tant qu'elle est devenue à cette occasion elle-même le lieu de transfert de cette valeur soustraite au niveau de la valeur d'usage sous la forme de l'objet de jouissance.

    C'est curieux, parce que ça nous entraîne, si j'ai introduit pour vous ce he-man ; me voilà d'une façon conforme au génie de la langue anglaise qui appelle la femme woman, Dieu sait si la littérature a fait des gorges chaudes sur ce wo qui n'indique rien de bon, je l'appellerai : sheman, ou encore, en langue française ce mot qui va prêter à quelques gorges chaudes et je suppose à des malentendus l'hommelle. J'introduis ici l'hommelle, je la présente, je la tiens par le petit doigt, elle nous servira beaucoup.

    Toute la littérature analytique est là pour montrer que ce qui s'est articulé de la femme dans l'acte sexuel, n'est que pour autant que la femme joue la fonction d'homelle. Que les femmes ici présentes ne sourcillent pas, car à la vérité, c'est précisément pour réserver où elle est, la place de cette Femme, que je fais cette remarque. Peut-être que tout ce qui nous est indiqué concernant la sexualité féminine où joue (conformément à l'expérience éternelle) un rôle si éminent la mascarade, à savoir, la façon dont elle use d'un équivalent de l'objet phallique ce qui la fait depuis toujours la porteuse de bijoux. Les bijoux indiscrets dit Diderot quelque part, nous allons peut-être savoir enfin les faire parler.

    Il est singulier que de la soustraction quelque part d'une jouissance qui n'est jouissance que pour son caractère bien maniable, si j'ose désigner ainsi la puissance pénienne, nous voyons s'introduire ici, avec ce que Marx et nous-mêmes appelons le fétiche, à savoir cette valeur d'usage extraite, figée, un trou quelque part. Le seul coin d'insertion nécessaire à toute l'idéologie sexuelle.

    Cette soustraction de jouissance quelque part voilà le pivot. Mais ne croyez pas que la femme - là où elle est l'aliénation de la théorie analytique et celle de Freud lui-même, qui, de cette théorie est le père assez grand pour s'en être aperçu de cette aliénation dans la question qu'il répétait : que veut la femme ? ne croyez pas que la femme sur ce sujet, s'en porte plus mal. Je veux dire que sa jouissance à elle elle reste d'en disposer d'une façon qui échappe totalement à cette (p214->) prise idéologique. Pour faire l'hommelle elle ne manque jamais de ressources, c'est en ceci que la revendication féministe ne comporte rien d'original, c'est toujours la même mascarade qui continue au goût du jour. Là où elle reste inexpugnable comme femme c'est en dehors de ce ... dit de l'acte sexuel.

    C'est à partir de là que nous devons jauger la difficulté de ce dont il s'agit quant au statut respectif des sexes, l'homme et la femme, dans ce qu'institue l'acte sexuel pour autant que c'est un sujet qui pourrait s'y fonder, les voici au maximum de leur disjonction.

    Ça ne l'empêche pas de circuler l'homme, comme valeur pénienne, ça circule très bien, mais c'est clandestin quelle que soit la valeur essentielle que ça joue dans 1'insertion sociale, par la main gauche généralement.

    Si l'homme-il n'est pas reconnu dans le statut de l'acte sexuel au sens de la société dont il est fondateur, il existe une société protectrice de l'homme-il c'est ce qu'on appelle : l'homosexuel.

 

note : bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un émail.
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 (relu le 14-11-2004)
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