J.LACAN                          gaogoa

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XXI-Les non-dupes errent   1973-1974

                                           version rue CB

19 Mars 1974                        note

 

    (p116->) QUOI QUE JE DISE - je dis " je " parce que je m'y suppose, à ce dire, dont pourtant il y a de fait qu'il soit de ma voix quoi que je dise, ça va faire, faire surgir deux versants : un bien et un mal. C'est justement de ce qu'on m'a attribué de vouloir que l'Imaginaire ce soit caca, bobo, un mal, et que ce qui serait bien et que ce qui serait bien serait le Symbolique. Me revoilà donc à formuler une éthique. C'est de ça que je veux dissiper le malentendu par ce que cette année je vous avance de cette structure de noeud, où je mets l'accent sur ceci : que c'est du trois que s'y introduit le Réel.

    Tout ceci n'empêche pas que ce noeud lui-même, il est singulier si ce que j'ai la dernière fois avancé est vrai ( enseignez-vous auprès des mathématiciens - c'est à savoir que ce noeud si simple, ce noeud à trois, 1'algorithme, à savoir ce qui permettrait d'y apporter ce à quoi le Symbolique aboutit, à savoir la démonstration, l'articulation en termes de vérité, si cet algorithme, nous en sommes réduits à y constater notre échec, notre échec à l'établir, à le manier, d'où il résulte qu'au moins jusqu'à nouvel ordre, ces noeuds, - ces noeuds dont je puis faire l'écriture, je vous l'ai faite la dernière fois, sous plus d'une forme - vous en êtes réduits, sur la base de cette écriture, à l'imaginer dans l'espace.  C'en est même au point que si ce que je peux faire sous sa forme la plus simple, ces noeuds

projetés comme je vais vous le montrer, ils tiennent de ce que, ici ce que je vous dessine, c'est quelque chose que vous pouvez imaginer, à savoir en quoi cette troisième boucle, de s'instaurer d'un trajet qu'est ces deux noeuds indépendants qui fait ce noeud triple, que j'appelle le noeud borroméen, ceci qui ainsi représenté vous est imaginable dans l'espace, vous pouvez le voir, tout aussi bien que n'importe quelle autre façon que j'aurais eue d`écrire ce noeud - vous pouvez constater que c'est aussi une écriture : à savoir qu'en en effaçant un, je pourrais cal-

 culer que les deux autres sont libres. je veux dire, un quelconque. Qu'est ce qui fait imaginaire, dans la façon dont ici vous pouvez sentir que dans l'espace ils sont tenus, que ceci même est écriture. car il suffit que vous en effaciez un pour pouvoir repérer que les deux autres sont libres, à ce seul titre qu'ils se recoupent d'une certaine (p117->) façon qui elle, est nommable de ceci : c'est à savoir que le dessus et le dessous forment deux couples, deux couples appariés de ce que les deux dessus se suivent, et que les deux dessous ne sont pas sur la même ligne. Je veux dire qu'ils se succèdent par rapport aux deux dessus, qu'il y a un tour qui veut que, pour démontrer que deux de ces cercles sont libres, il suffit qu'il y ait deux dessus qui se suivent, puis deux dessous qui viennent après - j'ai dit : sur la même ligne - j'ai probablement tout à l'heure fait une erreur en disant qu'elles ne sont pas sur la même ligne, c'est un lapsus.

    L'énigme de l'écriture, de l'écriture en tant que mise à plat, est là : c'est qu'aussi bien, à tracer ce qui est essentiellement de l'ordre de l'imaginable, à savoir cette projection dans l'espace, c'est encore une écriture que je fais, à savoir ce qui est énonçable, énonçable de cet algorithme, ici le plus simple, à savoir une succession.

    Ce coinçage, à savoir qu'à l'imaginer, vous retrouvez l'idée de la norme, que la norme est imaginable dès qu'il y a support d'image, et que là nous sommes toujours amenés à en privilégier une, une imagination de ce qui fait bonne forme ; curieuse rechute, pourquoi la forme est-elle dite " bonne " ? Car, après tout, pourquoi ne l'aurait-on pas appelée, simplement, pour ce qu'elle est, à savoir " belle " ? Nous reglissons, avec l'antique dans cette ambiguïté, qui elle, s'avoue à cette date, à la date où c'était ainsi que les Grecs s'exprimaient, et qu'en fin de compte, ce qu'on retrouve toujours, c'est le titre de noblesse, l'ancienneté de la famille, ce qui, comme vous le savez, est pour le généalogiste, toujours trouvable, pour n'importe quel imbécile et donc pour n'importe quelle imbécillité.

    Je ne vois pas pourquoi je m'empêcherais d'imaginer quoique ce soit, si cette imagination est la bonne, et ce que j'avance, c'est que la bonne, elle ne se certifie que de pouvoir se démontrer, se démontrer un Symbolique, ce qui veut dire à l'intituler Symbolique, à une certaine démantibulation de la langue, en tant qu'elle fait accéder à quoi? A l'inconscient.

    L'imaginaire n'en reste pas moins ce qu'il est, à savoir d'or, et ceci est à entendre qu'il dort. I1 dort, si je puis dire, au naturel. Ceci dans la mesure où je ne le réveille pas spécialement, sur le point des éthiques précédentes. Trop soucieux que je suis, de celle - de cette éthique, nommément, avec quoi je voudrais rompre, celle du Bien, précisément.

    Mais comment faire si réveiller, c'est, dans l'occasion, rendormir, si dans l'Imaginaire, il y a quelque chose qui nécessite le sujet à dormir ?

    Rêver , n'a pas seulement dans lalangue, lalangue dont je me sers, cette étonnante propriété de structurer le réveil. Il structure aussi la rêve-olution, et la révolution, si nous l'entendons bien, ça va plus fort que le rêve. Quelquefois, c'est le rendormissement - (p118->) mais cataleptique. Il faudrait arriver à ce que je promeuve, que je fasse entrer pour vous dans vos cogitations ceci, ceci que l'Imaginaire, est la prévalence donnée à un besoin du corps, qui est de dormir. Ce n'est pas que le corps, le corps de l'être parlant, ait plus besoin de sommeil que les autres animaux, sans que nous sachions d'ailleurs toujours en donner le signe, que les autres animaux qui, eux, fonctionnent avec le sommeil. La fonction de sommeil, d'hypnose, chez l'être parlant, ne prend cette prévalence dont j'ai parlé pour l'identifier à l'Imaginaire même, ne prend cette prévalence que de l'effet de cette nodalité, de cette nodalité qui ne noue, ne noue le Symbolique à l'Imaginaire - mais aussi bien vous pourriez-là mettre n'importe quel autre couple des trois - ne les noue que de l'instance, l'instance du trois en tant que je la fais celle du Réel.

    Si donc je vous réveille, à l'endroit de ce dont tout de même notre antique nous permet de dater la formule dans le Souverain Bien d'Aristote, quand j'ai fait l'Ethique de la psychanalyse c'est à l'Ethique à Nicomaque que je me suis référé, référé comme départ, mais je me suis gardé là-dessus de réveiller, car si je réveille à l'imaginaire manifeste de ce Souverain Bien, que ne vont-ils pas rêver ? Non pas qu'il n'y a pas de Bien, ce qui les entraînerait un tout petit peu trop loin pour leur bien-être, mais qu'il n'y a pas de souverain, moyennant quoi, le souverain effectif, celui qui sait user du noeud, trouve son affaire parce que c'est par là, parce que c'est par là que le sommeil se fait désirer à ceux, assez à ceux , pour qu'il rencontre chez eux la complicité du rêve, à savoir le désir que ça continue à bien dormir. I1 convient donc que tout énoncé se garde justement en ce qu'il rêve-olutionne de maintenir le règne de ce à quoi il réveille.

    Petite parenthèse, puisqu'aussi bien cela n'est pas aisé à comprendre, comme motif de ce discours dans lequel je me trouve pris, du fait d'en être le sujet de par mon expérience, l'expérience dite analytique .

    Bien sûr, y a-t-il ceux qui, pour ce que cette expérience, ils ne la mettent pas au pied du mur, ils ne s'y exposent pas comme telle, ont tout de même soupçon de quelque chose qui les démange. Les simplement démangés n'ont pas beaucoup d'imagination. Quand ils flairent quelque chose des suites de mon discours, ils dégottent quelque trait biographique, par exemple ceci : que j'ai fréquenté les surréalistes, et que mon discours en porte la trace. I1 est tout de même curieux qu'avec les dits surréalistes, je n'ai jamais collaboré. Si j'avais dit ce que je pensais, à savoir qu'avec le langage, je veux dire en s'en servant, ce qu'ils démolissaient , c'était l'Imaginaire, qu'est ce que je n'aurais pas produit '. Je les aurais peut-être réveillés. Réveillés simplement en sursaut à ceci, que je me serais trouvé bel et bien dire, , c'est que de l'un à 1'autre de l'Imaginaire au Symbolique dont justement ils ne soupçonnaient pas l'existence, ils rétablissaient l'ordre.

    (p119->) Est-ce que je peux vous faire entendre que le sort de l'être parlant, c'est qu'il ne peut dire, qu'il ne peut même pas dire " J'ai bien dormi ", c'est-à-dire du sommeil profond, " j'ai bien dormi de telle heure à telle heure ", pour la simple raison qu'il n'en sait rien, ses rêves encadrant ce sommeil profond ayant consisté dans le désir de dormir. C'est seulement à l'extérieur, à savoir lui soumis à l'observation d'un électro-encéphalogramme, par exemple, que peut se dire, qu'effectivement de telle heure à telle heure, le sommeil était profond, c'est-à-dire pas habité de rêves, ces rêves dont je dis qu'ils sont le tissu de l'Imaginaire, qu'ils sont le tissu de l'Imaginaire en tant que c'est d'être pris dans le noeud, ce Réel, que son besoin, son besoin principal devient cette fonction élue : la fonction de dormir.

    Ce passage de l'Imaginaire au crible du Symbolique, suffit-il à donner à l'énoncer le premier, celui de l'Imaginaire, le tampon " bon ", " bon pour le service ". Le service de quoi ? Je ne crois pas forcer la note en posant cette question, puisqu'il faut bien le dire, personne n'a jamais approché cette question sans soulever par quelque bout une idée de souveraineté, c'est-à-dire de subordination. C'est vrai que le Bien ne peut être dit que souverain. Est-ce que vous ne sentez pas que c'est là que se dénonce quelque chose comme une infirmité - je fais appel à ceux qui, justement, ont l'Imaginaire éveillé - à condition que ça ne supporte chez eux aucun espoir, car il est tout à fait entendu que je ne dis, moi, rien de tel, mais que je ne dis pas le contraire non plus : à savoir que le Bien est souverain. De sorte que le dit Imaginaire, mon dire de nos jours y opère, certes, mais que ce n'est pas par là qu'il l'attaque, il dit seulement que l'Imaginaire, c'est ce par quoi le corps cesse de rien dire qui vaille de s'écrire autrement que : " J'ai dormi de telle heure à telle heure ".

    Tout ça ne change rien au fait que ça démange. La vérité démange, même ceux que, sans trop y croire, j'appelle les canailles, parce que, en fin de compte, il suffit que la vérité démange pour que ça touche au vrai par quelque biais. Dites n'importe quoi, ça touchera toujours au vrai. Si ça ne touche pas au vôtre, pourquoi ça ne toucherait-il pas au mien ? Voilà le principe du discours analytique, et c'est en cela que j'ai dit quelque part - et à quelqu'un qui a fait, ma foi, un fort joli petit livre sur le transfert, c'est le nommé Michel Neyraut - en quoi je lui ai dit que, commencer comme il le fait par ce qu'il appelle le " contre-transfert ", si par là il veut dire : en quoi la vérité touche l'analyste lui-même, il est sûrement dans la bonne voie, puisqu'après tout, c'est là que le vrai prend son importance primaire, et que, comme je l'ai fait remarquer depuis longtemps, il n'y a qu'un transfert, c'est celui de l'analyste, puisqu' après tout c'est lui qui est le sujet supposé au savoir. I1 devrait bien savoir à quoi s'en tenir là-dessus : sur son rapport au savoir, jusqu'où il est régi par la structure inconsciente qui l'en sépare, de ce savoir, qui l'en sépare bien qu'en sachant un bout, et je le souligne, autant par l'épreuve qu'il en a faite dans sa propre analyse que par ce que mon dire peut lui en porter.

    (p120->) Est-ce à dire, est-ce à dire que le transfert, ce soit l'entrée de la vérité ? C'est l'entrée de quelque chose qui est la vérité, mais la vérité dont justement le transfert est la découverte, la vérité de l'amour.

    La chose est notable, le savoir de l'inconscient, le savoir de l'inconscient s'est révélé, s'est construit, c'est bien le prix de ce petit livre, c'est son seul prix d'ailleurs, mais ça vaut qu'on l'achète, la vérité de l'inconscient - c'est-à-dire la révélation de l'inconscient comme savoir, cette révélation de l'inconscient s'est faite de façon telle que la vérité de l'amour, à savoir le transfert, n'y a fait qu'irruption. Elle est venue en second. Et on n'a jamais bien su y faire rentrer, si ce n'est sous la forme du malentendu, de la chose imprévue, de la chose dont on ne sait que faire, si ce n'est de dire qu'il faille la réduire, voire même la liquider. Cette remarque à elle toute seule justifie qu'un petit livre sache le faire valoir, car aussi bien faut-il se pénétrer de ceci, que de l'expérience ; de l'expérience analytique, le transfert, c'est ce qu'elle expulse, c'est ce qu'elle ne peut supporter qu'à en avoir de forts maux d'estomac.

    L'amour, s'il passe ici par cet étroit défilé de ce qui le cause, et de ce fait révèle ce qu'il en est de sa véritable nature, voilà, voilà-t-il pas qui vaille qu'on en répète la question ? Car il est difficile de ne pas avouer que l'amour ça tient une place, même si jusqu'ici on en a été réduit à, comme on dit, lui rendre ses devoirs Avec l'amour, on s'acquitte, on lui verse une obole, enfin, on tente, de tous les moyens , de lui permettre de s'éloigner, de se tenir pour satisfait.

    Comment donc l'aborder ? J'ai promis à Rome, pour je ne sais plus quel jour, de faire une conférence sur l'amour et la logique. C'est bien en la préparant que je me suis aperçu de l'énormité, en somme, de ce que supporte mon discours, car il n'y a à peu près rien qui m'ait paru dans le passé en rendre compte si peu que ce soit. C'est là que je m'aperçois qu'en fin de compte, ce n'est pas pour rien  que Freud, dans ce que je citais la dernière fois, à savoir l'intitulé de la Psychologie dite justement des masses et l'analyse  du Moi, en signalant que l'identification, là, il la confronte à l'amour , et ce  sans le moindre succès, pour essayer de rendre passable que l'amour participe en quoi que ce soit de l'identification.

    Simplement, là, s'indique que l'amour a affaire à ce que j'ai isolé du titre du Nom du père. C'est bien étrange. Le nom du père auquel j'ai fait tout à l'heure l'allusion ironique qu'on sait, à savoir qu'il aurait rapport à l'ancienneté de la famille, qu'est-ce que ça peut être ? Qu'est-ce que là-dessus l'Oedipe, ledit Oedipe, nous apprend ?

    Eh bien, je ne pense pas que ça puisse s'aborder de front. C'est pourquoi, dans ce que j'ai projeté aujourd'hui de vous dire, ceci sans doute au titre d'expérience qui m'avait moi-même fatigué, je voudrais vous montrer comme se monnaie ce nom , ce nom qu'en , (p121->) qu'en peu de cas, nous ne voyons pas au moins refoulé. I1 ne suffit pas, pour porter ce nom, que celle de qui s'incarne l'Autre, l'Autre comme tel, l'Autre avec un grand A, celle dis-je, de qui l'Autre s'incarne, ne fait que s'incarner, d'ailleurs, incarne la voix, à savoir la mère, la mère parle, la mère par laquelle la parole se transmet, la mère, il faut bien le dire, en est réduite, ce nom, à le traduire par un non, justement, le non que dit le père, ce qui nous introduit au fondement de la négation - est-ce que c'est la même négation qui fait cercle dans un monde, qui à définir quelque essence, essence de nature universelle, soit ce qui se supporte du tout - justement rejette, rejette quoi ? hors du tout, mené de ce fait à la fiction d'un complément au tout, et fait à tout homme répondre : de ce fait (. . . ) ce qui est non-homme est-ce qu'on ne sent pas qu'il y a une béance de ce non logique au dire-non ? Au dire-non propositionnel, dirais-je, pour le supporter. A savoir ce que je fais fonctionner, dans mes schèmes de l'identification sexuelle, c'est à savoir que tout homme ne peut s'avouer dans sa jouissance, c'est-à-dire dans son essence, phallique pour l'appeler par son nom, que tout homme ne parvient qu'à se fonder sur cette exception de quelque chose, le père, en tant que propositionnellement, il dit non à cette essence. Le défilé, le défilé du signifiant par quoi passe à l'exercice ce quelque chose qui est l'amour, c'est très précisément ce nom du père, ce nom du père qui n'est non ( n, o, n, ) qu'au niveau du dire, et qui se monnaye par la voix de la mère dans le dire-non d'un certain nombre d'interdictions, ceci dans le cas, dans le cas heureux, celui où la mère veut bien, de sa petite tête, enfin proférer quelques nutations.

    I1 y a quelque chose dont je voudrais désigner l'incidence. Parce que c'est le biais d'un moment qui est celui que nous vivons dans l'histoire. I1 y a une histoire, quoique ce ne soit pas forcément celle qu'on croit, ce que nous vivons est très précisément ceci : que curieusement , la perte, la perte de ce qui se supporterait de la dimension de l'amour, si c'est bien celle non pas que je dis, je ne peux la dire, je ne peux pas la dire , à ce nom du père se substitue une fonction qui n'est autre que celle du nommer-à. Être nommé à quelque chose, voilà ce qui point dans un ordre qui se trouve effectivement se substituer au nom du père. A ceci près qu'ici, la mère suffit généralement à elle tout seule à en désigner le projet, à en faire la trace, à en indiquer le chemin.

    Si le désir de l'homme, je l'ai défini pour être le désir de l'Autre, c'est bien là que ça se désigne dans l'expérience. Et même dans les cas où, comme ça, par hasard, enfin, il se trouve que par un accident elle n'est plus là, c'est quand même elle, elle , son désir, qui désigne à son moutard ce projet qui s'exprime par le nommer-à. Être nommé-à quelque chose, voilà ce qui, pour nous, à ce point de l'histoire où nous sommes, se trouve préférer je veux dire effectivement préférer, passer avant - ce qu'il en est du nom du père.

    (p122->) I1 est tout à fait étrange que là, le social prenne une prévalence de noeud, et qui littéralement fait la trame de tant d'existences, c'est, qu'il détient ce pouvoir du nommer-à au point qu'après tout, s'en restitue un ordre, un ordre qui est de fer. Qu'est-ce que cette trace, cette trace désigne comme retour du nom du père dans le Réel, en tant précisément que le nom du père est verworfen, forclos, rejeté, et qu'à ce titre il désigne si cette forclusion dont j'ai dit qu'elle est le principe de la folie même, est-ce que ce nommer n'est pas, est-ce que ce nommer-à n'est pas le signe d'une dégénérescence catastrophique ?

    Pour l'expliquer, il faut, il faut que je donne plein sens à ce que j'ai désigné du terme tel que de l'écris de l'ek-sistence. Si quelque chose ek-siste à quelque chose, c'est très précisément de n'y être pas couplé, d'en être troisé, si vous me permettez ce néologisme. La forme du noeud, puisqu'aussi bien le noeud n'est rien de plus que cette forme, c'est-à-dire imaginable, est-ce que ce n'est pas là que l'imaginable se désigne de ne pouvoir être pensé ? Pensé, c'est-à-dire mis en ordre, enraciné non pas seulement dans l'impossible, mais dans l'impossible en tant que démontre comme tel, rien n'est démontré par ce noeud, mais seulement montré. Montrer ce que veut dire l'ek-sistence, d'un rond de ficelle pour me faire comprendre un rond de ficelle en tant que ce n'est que sur lui que repose le noeud, de ce qui autrement reste fou. L'explication ne mordant pas sur l'inexplicable.

    Est-ce que ce n'est pas là que nous devons chercher dans ce qui nous possède, nous possède comme sujet, qui n'est rien d'autre qu'un désir, et qui plus est désir de l'Autre, désir par quoi nous sommes d'origine aliénés, est-ce que ce n'est pas là que doit porter - à savoir dans ce phénomène, cette apparition à notre expérience, que comme sujets, ce n'est pas seulement de n'avoir nulle essence, sinon d'être coincés, squeezés dans un certain noeud, mais aussi bien comme sujet, sujet supposé de ce que squeeze ce noeud comme sujet ce n'est pas seulement l'essence qui nous manque, à savoir l'être, c'est aussi bien que nous ek-siste tout ce qui fait noeud. Mais dire que cela nous ek-siste ne, veut pas dire que pour autant nous y existions d'aucune façon. C'est dans le noeud même que réside tout ce qui pour nous n'est en fin de compte que pathétique, ce que Kant a repoussé comme à l'avance de notre éthique, à savoir de ce que rien dont nous pâtissions ne puisse d'aucune façon nous diriger vers notre bien, c'est là quelque chose qu'il faut entendre on ne sait comment, comme un prodrome, comme un prodrome j'ose le dire, et c'est en cela que j'ai écrit une fois Kant avec Sade , comme un prodrome de ce qui fait effectivement notre passion, à savoir que nous n'avons plus aucune espèce , aucune espèce d'idée de ce qui pour nous tracerait la voie du Bien.

    A u moment où cette voie expire, au moment où Kant fait le geste de ce mince recours. de cette liaison infime  avec ce qu'Aristote a instauré comme l'ordre du monde, les arguments qu'il avance, (p123->) quels sont-ils ? Pour faire sentir la dimension de ce qui est le devoir, qu'avance-t-il ? Ce qu'il avance, c'est prétendument qu'un amoureux près d'obtenir le succès de sa jouissance y regardera à deux fois si, devant la porte de sa maîtresse, le gibet est déjà dressé auquel on l'attachera ; et d'opposer à cela que bien entendu personne ne se risquera jamais à pareil truc, alors qu'il est tout à fait au contraire évident que n'importe qui est capable de le faire, s'il en veut, simplement. Alors, qu'est-ce qu'on oppose à ça ? C'est que - comme si c'était là le signe d'une supériorité - c'est que sommé par le tyran de diffamer un autre sujet, quelqu'un y regardera à deux fois avant de porter un faux témoignage.

    A quoi dans mon texte, Kant avec Sade, car j'ai écrit des choses très bien, des choses auxquelles personne ne comprend rien, bien sûr, mais c'est simplement parce qu'ils sont sourds - à quoi j'ai opposé : mais si pour désigner à la main du tyran celui que le tyran désire atteindre il suffisait non pas d'un faux , mais d'un vrai témoignage ! Ce qui suffit bien sûr à foutre tous les systèmes par terre pour la raison que la vérité, la vérité est toujours pour le tyran. C'est toujours vrai que le tyran, on ne peut pas le supporter et par conséquent, celui que le tyran veut atteindre, il a déjà ses raisons pour ça, ce qu'il lui faut, c'est un semblant de vérité. Le biais, le biais par où ici Kant fait la fente, ce biais n'est pas bon, d'où il résulte la formule qui se dégage simplement de ces deux termes entre quoi Kant fait la rentrée de la raison pratique, c'est-à-dire du devoir moral, c'est que l'essence, l'essence de ce dont il s'agit dans le bien, c'est que le corps force sa jouissance, à savoir la réprime, et simplement, ceci au nom de la mort, de la mort de soi ou de la mort de quelqu'un d'autre, dans l'occasion, celui qu'il songera à épargner - mais cette formule une fois serrée, est-ce que cela ne réduit pas le Bien à sa juste portée, est-ce que hors ces termes, ces termes dont se font les trois, les trois du Réel, en tant que le Réel lui-même est trois,  à savoir la jouissance, le corps, la mort , en tant qu'ils sont noués, qu'ils sont noués seulement, bien entendu, par cette impasse invérifiable du sexe, c'est bien là que se véhicule la porte de ce discours nouveau venu dont ce n'est pas rien que quelque chose l'ait nécessité, le discours analytique dont vous me permettrez de prendre le relais le 9 mai, le 9 mai deuxième mardi, et non pas ensuite le troisième, mais le quatrième, le quatrième, qui ne sera pas donc celui d'après Pâques, le 16 avril, mais celui du 23 . . .

Le 9 avril, pas mai, avril !

 

note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un émail. Haut de Page 
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relu ce 9 août 2005