XXI-Les non-dupes errent 1973-1974
source ELM note + Sommaire du Séminaire XXI.
13 Novembre 1973
http://perso.wanadoo.fr/espace.freud/topos/psycha/psysem/nondup/nondup1.htm version espace freud, .pdf,
En rapport avec les documents sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, le texte proposé sur cette page est une transcription écrite intégrale de la séance énoncée le 13 nov 73, relue à l'aide de la bande son, (nov. 2002).
Je recommence donc, je recommence puisque j'avais cru pouvoir finir. Qu'est-ce qu'il y a ? Je recommence même parce que j'avais cru pouvoir finir.transcription de la version sonore originale
Ça sonne drôlement, hein
? C'est un petit air de ma façon.
Ou pour dire mieux les choses, une petite "erre",
e, deux r, e. Vous savez peut-être ce que ça veut dire,
une erre ? C'est quelque chose comme la lancée. La lancée de
quelque chose quand s'arrête ce qui la propulse. Elle continue de courir
encore. Il n'en reste pas moins que ça sonne strictement de la même
façon que les noms du père. A savoir ce dont j'ai
promis de ne parler plus jamais. Voilà. Ceci en fonction de certaines
gens que je n'ai pas plus à qualifier, qui, au nom de Freud, m'ont justement
fait suspendre ce que je me projetais d'énoncer des noms du père.
Ouais. Evidemment, c'est pour ne leur donner en aucun cas le réconfort
de ce que j'aurais pu leur apporter, en fait : certains de ces noms qu'ils
ignorent parce qu'ils les refoulent. Ça aurait pu leur servir. C'est à quoi
je ne tenais pas précisément. De toute façon, je sais
qu'ils ne les trouveront pas tout seuls, qu'ils ne les trouveront pas tels
qu'ils sont partis, sur l'erre, - e, deux r, e, - sur l'erre de
Freud. C'est-à-dire sur la façon dont sont constituées
les sociétés psychanalytiques. Voilà.
Alors, les non-dupes errent et les noms du père qui
consonnent, qui consonnent si bien, qui consonnent d'autant mieux que contrairement,
comme ça, à un penchant qu'ont les personnes qui se croient lettrées à faire
les liaisons même quand il s'agit d'un "s", on ne dit pas "les non-dupes
z'errent", on ne dit pas non plus "les cerises z'ont bon goût", on dit
: "les cerises ont bon goût" et "les non-dupes errent". Ça consonne. Ça,
c'est les richesses de la langue. Et j'irai même plus loin, c'est une richesse
que n'ont pas toutes les langues, mais c'est bien pour ça qu'elles sont
variées.
Mais ce que j'avance, de ces rencontres
qu'on qualifie du mot d'esprit, peut-être que j'arriverai avant la fin
de cette année à vous faire sentir, à vous faire sentir
un peu mieux ce que c'est que le mot d'esprit. Et je vais même tout de
suite en avancer quelque chose.
Dans ces deux... termes, comme ça,
mis en mots, des noms du père et des non-dupes qui errent,
c'est le même savoir. Dans les deux. C'est le même savoir au sens
où l'inconscient c'est un savoir dont le sujet peut se déchiffrer.
C'est la définition du sujet, qu'ici je donne. Du sujet tel que le constitue
l'inconscient. Il le déchiffre, celui qui d'être parlant est en
position de procéder à cette opération, qui est même
jusqu'à un certain point forcé, jusqu'à ce qu'il atteigne
un sens. Et c'est là qu'il s'arrête, parce que… parce qu'il
faut bien s'arrêter. On ne demande que ça, même ! On ne demande
que ça parce qu'on n'a pas le temps. Alors il s'arrête à un
sens, mais le sens auquel on doit s'arrêter, dans les deux cas, quoique
ce soit le même savoir, ce n'est pas le même sens.
Ce qui est curieux.
Et ce qui nous fait toucher du doigt
tout de suite que ce n'est pas le même sens, seulement pour des raisons
d'orthographe. Ce qui nous laisse soupçonner quelque chose. Quelque
chose dont vous pouvez voir, en fait, l'indication dans ce que j'ai, dans quelques-uns
de mes Séminaires précédents, marqué des rapports
de l'écrit au langage.
Ne vous étonnez pas trop, enfin,
qu'ici je laisse la chose à l'état d'énigme, puisque l'énigme,
c'est le comble du sens. Et ne croyez pas même que, à l'occasion,
il ne reste pas là, à propos de ce rapprochement, de cette identité phonématique,
des noms du père et des non-dupes errent, ne croyez pas qu'il n'y ait
pas d'énigme pour moi-même, et c'est bien de ça qu'il s'agit.
C'est bien de ça qu'il s'agit,
et de ceci qu'il n'y a aucun inconvénient à ce que j'imagine
comprendre. Ça éclaire le sujet au sens où je l'ai dit
tout à l'heure et ça vous donne du travail. Il faut bien le dire,
pour moi, il n'y a rien de tuant comme de vous donner du travail... enfin,
c'est mon rôle ! Le travail, tout le monde sait d'où ça
vient, dans la langue, dans la langue où je vous jaspine. Vous avez
peut-être entendu parler de ça, ça vient de tripalium, qui
est un instrument de torture. Et qui était fait de trois pieux. Au Concile
d'Auxerre, on a dit qu'il ne convenait pas aux prêtres ni aux diacres
d'être à côté de cet instrument au moyen de quoi torquentur
reus sont tourmentés les coupables. Ça ne convient pas que
le prêtre, ni que le diacre, soient là, ça les ferait peut-être
bander, comme on dit.
Il est en effet bien clair que le travail, tel que nous le connaissons par l'inconscient, c'est ce qui fait des rapports, des rapports à ce savoir dont nous sommes tourmentés, c'est ce qui fait de ces rapports la jouissance.
Donc j'ai dit : pas d'objection à ce que j'imagine. Je n'ai pas dit "je m'imagine". C'est vous qui vous imaginez comprendre. C'est-à-dire que dans ce "vous-vous", vous imaginez que c'est vous qui comprenez, moi je n'ai pas dit que c'était moi, j'ai dit "j'imagine". Quant à ce que vous vous imaginiez, j'essaye de tempérer la chose. Je fais tout ce que je peux, en tout cas, pour vous en empêcher. Parce qu'il ne faut pas comprendre trop vite, comme je l'ai souvent souligné.
Ce que j'ai avancé, pourtant, avec ce "j'imagine", à propos
du sens, c'est une remarque qui sera celle que j'avance cette année.
C'est que l'imaginaire, quoi que vous en ayez entendu, parce que vous vous
imaginez comprendre, c'est que l'imaginaire, c'est une "dit-mansion",
comme vous savez que je l'ai écrit, aussi importante que les autres. Ça
se voit très bien dans la science mathématique. Je veux dire
dans celle qui est enseignable parce qu'elle concerne le réel que véhicule
le symbolique. Qui ne le véhicule d'ailleurs que de ce qui constitue
le symbolique, ce soit toujours chiffré. L'imaginaire c'est ce qui arrête
le déchiffrage, c'est le sens. Comme je vous l'ai dit, il faut bien
s'arrêter quelque part, et même le plus tôt qu'on peut.
L'imaginaire, c'est toujours une intuition de ce qui est à symboliser.
Comme je viens de le dire, quelque chose à mâcher, "à penser",
comme on dit. Et pour tout dire, une vague jouissance. Le branlage humain est
plus varié qu'on ne croit, quoiqu'il soit limité par quelque chose
qui tient au corps, au corps humain, à savoir ce qui, dans l'état
actuel des choses, mais justement c'est pas fini, il peut peut-être venir
autre chose, dans l'état actuel des choses, assure la dominance de
Je vous ferai peut-être cette année sentir le
noeud, c'est bien le cas de le dire, le noeud de l'affaire, à propos de
ce qu'ils appellent, je parle des mathématiciens, je n'en suis pas, je
le regrette, de ce qu'ils appellent "l'espace vectoriel".
C'est très joli de voir comment cette affaire, qui
est peut-être, enfin certains d'entre vous doivent en avoir entendu vaguement
parler, je peux leur affirmer en tout cas, que c'est vraiment le dernier grand
pas de la mathématique, ça part comme ça d'une intuition
philosopharde l'Ausdehnungslehre : la math, Lehre, c'est ce qui
s'enseigne, la math de l'extension, qu'il appelle ça, Grassmann. Et
puis il sort de là l'espace vectoriel et le calcul du même nom,
n'est-ce pas, c'est-à-dire quelque chose de tout à fait mathématiquement
enseignable, si je puis dire, de strictement symbolisé, et qui, à la
limite, enfin, peut... peut fonctionner dans, par une machine, hein ?
Elle, elle n'a rien à y comprendre.
Pourquoi faut-il revenir à comprendre, on reparlera
de l'espace vectoriel, laissez-moi simplement me contenter aujourd'hui d'une
annonce, pourquoi faut-il revenir à comprendre, c'est-à-dire à imaginer,
pour savoir où appliquer l'appareil ?
More geometrico. La géométrie, enfin,
la plus bête de la terre, celle qu'on vous a enseignée au lycée,
n'est-ce pas, celle qui procède du découpage à la scie
de l'espace : vous sciez l'espace en deux, puis après ça l'ombre
de sciage vous la coupez par une ligne, n'est-ce pas, et après ça
vous marquez un point... bon ! C'est quand même amusant, n'est-ce pas
que more geometrico ait paru comme ça pendant des siècles être
le modèle de la logique. Je veux dire que c'est ce que Spinoza écrit
en tête de l'Ethique. Enfin, c'était comme ça avant
que la logique en ait pris quand même certaines leçons, des leçons
telles qu'on en est quand même arrivé à vider l'intuition,
n'est-ce pas, et que, actuellement, c'est quand même à l'extrême
enfin que, dans un livre de mathématiques, de ces mathématiques
modernes enfin que l'on sait exécrables, au dire de certains, on peut
se passer pendant beaucoup de chapitres de la moindre figure. Mais quand même,
et c'est bien là l'étrange, on y vient. On finit toujours par
y venir.
Alors j'avance, j'avance ceci pour vous cette année
: on y vient, on y vient toujours, ce n'est pas parce que la géométrie
se fait dans l'espace intuitif, n'est-ce pas, la géométrie des
Grecs enfin, dont on peut dire que... c'était pas mal, mais enfin que ça
cassait pas les manivelles.
C'est pour une autre raison qu'on y vient.
Singulièrement, je vous la dirai : c'est qu'il y a
trois dimensions de l'espace habité par le parlant et que ces trois dit-mansions,
telles que je les écris, s'appellent le Symbolique, l'Imaginaire et le
Réel. C'est pas tout à fait comme les coordonnées cartésiennes,
c'est pas parce qu'il y en a trois, ne vous y trompez pas. Les coordonnées
cartésiennes relèvent de la vieille géométrie. C'est
parce que... c'est parce que c'est un espace, le mien, tel que je le définis
de ces trois dit-mansions, c'est un espace dont les points se déterminent
tout autrement. Et c'est ce que j'ai essayé, comme ça dépassait
peut-être mes moyens, c'est peut-être ça qui m'a donné l'idée
de laisser tomber la chose, c'est une géométrie où les points,
pour ceux qui étaient là, j'espère, l'année dernière,
dont les points se déterminent du coinçage de ce dont vous vous
souvenez peut-être, que j'ai appelé "mes ronds de ficelle".
Parce qu'il y a peut-être un autre moyen que de faire
un point, que de commencer par scier l'espace et puis ensuite déchirer
la page, et puis avec la ligne qui, on ne sait pas d'où, flotte entre
les deux, casser cette ligne et dire : c'est là le point, c'est-à-dire
nulle part, c'est-à-dire rien. C'est peut-être s'apercevoir que,
rien qu'à en prendre trois de ces ronds de ficelle tel que je vous l'ai
expliqué, quand ils sont trois, bien que si vous en coupiez un, les deux
autres ne sont pas liés, ils peuvent, rien que d'être trois, avant
ce trois les deux restant séparés, rien que d'être trois,
se coincer de façon à être inséparables... D'où le
coinçage. Le coinçage s'écrit quelque chose comme ça
: à savoir, que si vous tirez quelque part sur un quelconque de ces ronds
de ficelle, vous voyez qu'il y a un point, un point qui est "quelque part par
là" où les trois se coincent.
Nous allons donc, nous allons donc essayer de les distinguer,
de garder encore une once de distinction entre ces trois catégories,
tout en marquant ce que je mets à l'ordre du jour, à savoir de
bien marquer que, comme dimensions de notre espace, notre espace habité en
tant qu'êtres parlants, ces trois catégories sont strictement équivalentes.
On a déjà pour ça le truc, hein ! On
les désigne par des lettres. C'est là le frayage tout à fait
nouveau de l'algèbre et vous voyez là l'importance de l'écrit.
Si j'écris R.I.S., Réel, Imaginaire, Symbolique, hein ou mieux
: Réel, Symbolique, Imaginaire, vous verrez tout à l'heure pourquoi
je corrige, vous les écrivez en lettres majuscules, vous ne pouvez pas
faire autrement, et il reste pour vous comme ça, adhérant en quelque
sorte à la chose, simplement question d'écriture, c'est tout à fait
hétérogène, vous allez continuer comme ça parce que
vous avez toujours compris, vous avez toujours compris mais à tort...
que, que le progrès, le pas en avant, c'était d'avoir marqué l'importance écrasante
du Symbolique au regard de ce malheureux Imaginaire par lequel j'ai commencé,
j'ai commencé en tirant dessus à balles, enfin, sous le prétexte
du narcissisme, seulement figurez-vous que, que l'image du miroir, c'est tout à fait
réel qu'elle soit inversée. Et que même avec un noeud, surtout
avec un noeud, et malgré l'apparence car vous imaginez peut-être
qu'il y a des noeuds dont l'image dans le miroir peut être superposée
au noeud lui-même... Il n'en est rien.
L'espace, j'entends l'espace, comme ça, intuitif,
géométrique, est orientable.
Il n'y a rien de plus spéculaire qu'un noeud. Et c'est
bien pour ça, c'est bien pour ça..., c'est bien pour ça
que c'est tout autre chose, n'est-ce pas, si ces mêmes R. S. I. grand
R, grand S, grand I, vous prenez le parti de les écrire, vous voyez
là où gît l'astuce, hein, de les écrire petit a, petit
b, petit c. Là tout le monde sent que, enfin tout au moins ça les
rapproche, hein ! un a vaut un b, un b vaut un c, et... et ça tourne en
rond, comme ça.
C'est même là-dessus qu'est fondée la
combinatoire. C'est là-dessus qu'est fondée la combinatoire et
c'est pour ça que quand vous mettez les trois lettres à la suite,
eh ben, il n'y a pas plus de six façons de les ordonner. C'est-à-dire,
selon la loi factorielle qui préside au truc, c'est 1 multiplié par
2 multiplié par 3, ça fait 6, hein ! Dès que vous en avez
quatre, il y a vingt-quatre façons de les ordonner.
Seulement si, si pour vous soumettre à une conception
de l'espace où le point se définit de la façon que je viens
de montrer, par le coinçage, pardonnez-moi aujourd'hui de ne pas écrire
bien tout ça en figures, au tableau, je le ferai dans la suite, vous vous
apercevez que ce n'est pas en raison, comme ça, d'une scansion qui va
du meilleur au pire, du Réel à l'Imaginaire, en mettant au milieu
le Symbolique, c'est pas en raison d'une préférence quelconque
que vous devez vous apercevoir que, à prendre les choses par le coinçage,
autrement dit par le noeud borroméen : un rond de ficelle est le Réel,
un rond de ficelle est le Symbolique, un rond de ficelle est l'Imaginaire. Eh
ben, ne croyez pas que toutes les façons de faire ce noeud soient les
mêmes !
Il y a un noeud lévogyre et un noeud dextrogyre.
Et ceci même, même si vous avez écrit les
trois dimensions de l'espace que je définis comme étant l'espace
par l'être parlant habité, même si vous n'avez défini
ces dimensions que par des petites lettres, même si ces dimensions vous
les définissiez par petit a, petit b, petit c, que vous n'y mettiez aucun
accent de contenu diversement préférentiel, vous vous apercevez
que, si vous écrivez a, b, c, il y a une première série,
et malgré vous vous la qualifierez de la bonne : la série que j'appelle
lévogyre, qui sera petit a, petit b, petit c, puis petit b, petit c, petit
a, puis petit c, petit a, petit b, c'est-à-dire qu'il y a la série,
la série lévogyre qui laisse toujours un certain ordre, qui est
justement l'ordre a, b, c : c'est le même qui est conservé dans
b, c, a. Et que petit c vienne en tête n'a aucune importance. Il vous est
licite d'imaginer, puisque c'est le grand I que j'ai épinglé du
petit c, d'imaginer la réalité du symbolique.
Ce qu'il suffit, c'est que le Réel, lui, reste avant.
Et ne croyez pas pour autant que cet avant du Réel
par rapport au Symbolique, ça soit à tout seul, à soi tout
seul une garantie quelconque de quoi que ce soit ! Parce que, si vous retranscrivez
le a, b, c de la première formule, vous aurez R.S.I., à savoir
ce qui réalise le Symbolique de l'Imaginaire.
Eh bien, ce qui réalise le Symbolique de l'Imaginaire,
qu'est-ce que c'est d'autre que la religion ?
Rata pour moi !
Ce qui réalise, en termes propres, le Symbolique de
l'Imaginaire, c'est bien ce qui fait que la religion n'est pas près de
finir. Et ça nous met, nous analystes, du même côté,
du côté lévogyre, par quoi imaginant ce qu'il s'agit de faire,
imaginant le Réel du Symbolique, notre premier pas, fait depuis longtemps,
c'est la mathématique, et le dernier, c'est ce à quoi nous conduit
la considération de l'inconscient, pour autant que c'est de là que
se fraye, je le professe depuis toujours, c'est de là que se fraye la
linguistique.
C'est-à-dire que c'est à étendre le procédé mathématique
qui consiste à s'apercevoir de ce qu'il y a de Réel dans le Symbolique,
que c'est par là qu'est pour nous dessiné un nouveau passage.
L'Imaginaire n'a donc pas à être placé à un quelconque rang. C'est l'ordre qui importe, et dans l'autre ordre, dextrogyre, curieusement vous avez la formule a, c, b, moyennant quoi c'est au second temps que c vient en tête, mais b est avant a, et au troisième temps, c'est b, a, c, c'est-à-dire trois termes dont nous verrons que, s'ils ne comptent pas pour peu dans le discours, ça n'en est pas moins là d'où sortent quelques structurations distinctes qui sont justement toutes celles dont se supportent d'autres discours, ceux seulement que les discours lévogyres permettent, de par l'espace qu'ils déterminent, de démontrer, non pas certes comme n'ayant eu un temps leur efficacité, mais comme à proprement parler mis en cause par les autres discours. Et je ne fais preuve là d'aucune partialité, puisque je nous mets du même côté où la religion fonctionne.
Je n'en dirai pas plus aujourd'hui. Mais ce que j'avance
est ceci : si dans la langue la structure, il faut l'imaginer, est-ce que ce
n'est pas là ce que j'avance par la formule : les non-dupes errent ?
Comme ça n'est pas immédiatement accessible, je vais essayer
de vous le montrer.
Il y a quelque chose dans l'idée de la duperie, c'est
qu'elle a un support : c'est la dupe.
Il y a quelque chose d'absolument magnifique dans cette
histoire de la dupe, c'est que la dupe, si je puis, si vous me le permettez,
la dupe est considérée comme stupide. On se demande vraiment
pourquoi. Si la dupe est vraiment ce qu'on nous dit, je parle étymologiquement, ça
n'a aucune importance, si la dupe, c'est cet oiseau qu'on appelle "la huppe",
la huppe parce qu'elle est huppée, naturellement rien ne justifie que
huppée ça se dise la huppe, il n'en reste pas moins que c'est
comme ça qu'elle est appréciée dans le dictionnaire, la
dupe, c'est l'oiseau, paraît-il, qu'on prend au piège, qu'on prend
au piège, justement de ce qu'elle soit stupide.
On ne voit absolument pas pourquoi une huppe serait plus stupide
qu'un autre oiseau, mais la chose qui me paraît remarquable, c'est l'accent
que met le dictionnaire pour préciser qu'elle est du féminin. La
dupe est "la".
Il y a quelque part un machin que j'ai relevé, que j'ai relevé dans le Littré : que ce soit une faute, que La Fontaine ait fait dupe masculin. Il a osé écrire quelque part :
"Ceci est tout à fait fautif, marque bien le Littré, on ne dit pas un dupe, pas plus qu'on ne peut dire un linotte pour qualifier un étourdi." Voilà une forte raison.Du fil et du soufflet pourtant embarrassé,
Un des dupes un jour alla trouver un sage.
J'ai parlé du non-dupe. Et je semble l'avoir marqué,
enfin, d'une irrémédiable faiblesse, en disant que... que ça "erre".
Seulement, il faudrait bien savoir ce que ça veut dire
: "ça erre". Je vous ai déjà tout à l'heure un petit
peu indiqué que, qu'errer enfin, vous allez vous reporter quand même
au dictionnaire Bloch et von Wartburg parce que je ne vais pas passer mon temps à vous
faire de l'étymologie, n'est-ce pas, sachez simplement que... il y a,
y a quelque chose que l'étymologie, ce qui veut dire simplement pointer
l'usage au cours des temps, que l'étymologie rend parfaitement manifeste,
n'est-ce pas, c'est que, exactement comme dans mon titre les Non-dupes
errent et les Noms du père, hein, c'est exactement
la même chose pour le mot "erre", ou plus exactement pour le mot "errer".
"Errer" résulte de la convergence de error (erreur)
avec quelque chose qui n'a strictement rien à faire et qui est apparenté à cette
erre dont je vous parlais tout à l'heure, qui est strictement le rapport
avec le verbe iterare.
Iterare en plus, car si ce n'était que ça,
ce ne serait rien ! Iterare en plus, est là uniquement pour iter, ce
qui veut dire voyage. C'est bien pour ça que le chevalier errant est
simplement un chevalier itinérant.
Seulement, quand même, errer vient de iterare qui
n'a rien à faire avec un voyage, puisque ça veut dire répéter,
de iterum (re-) ! Néanmoins, on ne se sert de cet iterare que
pour ce qu'il ne veut pas dire, c'est-à-dire itinerare, comme le
démontrent les développements qu'on a donnés à ce
verbe errer au sens d'errance, c'est-à-dire en faisant du chevalier errant
un chevalier itinérant.
Eh bien, c'est là la pointe de ce que j'ai à vous
dire, considérant la différence, la différence qui se...
s'épingle de ce qu'il en est des non-dupes. Si les non-dupes sont ceux
ou celles qui se refusent à la capture de l'espace de l'être parlant,
si ce sont ceux qui en gardent, si je puis dire, leurs coudées franches,
il y a quelque chose qu'il faut savoir imaginer, c'est l'absolue nécessité qui
en résulte, d'une, non pas errance, mais erreur.
C'est à savoir que pour tout ce qui est de la vie et
du même coup de la mort, il y a une imagination qui ne peut que supporter
tous ceux qui de la structure se veulent non-dupes, c'est ceci : c'est que
leur vie n'est qu'un voyage.
La vie, c'est celle du viator.
Ceux qui dans ce bas monde, comme ils disent, sont comme à l'étranger.
La seule chose dont ils ne s'aperçoivent pas, c'est
rien qu'à faire surgir cette fonction de l'étranger, ils font resurgir
du même coup le tiers terme, la troisième dimension, celle grâce à quoi
des rapports de cette vie, ils ne sortiront jamais, si ce n'est d'être
alors plus dupes encore que les autres de ce lieu de l'Autre, pourtant qu'avec
leur Imaginaire ils constituent comme tel. L'idée de genesis, de développement comme on dit, de ce qui serait
je ne sais quelle norme, grâce à quoi un être qui ne se spécifie
que d'être parlant, dans tout ce qu'il en est de ses affects justement,
qu'il serait commandé par je ne sais quoi que quiconque est bien incapable
de définir, qui s'appelle le développement.
Et c'est à quoi, en voulant réduire l'analyse,
on manque, on fait l'erreur complète, l'erreur radicale quant à ce
qu'il en est de ce que découvre l'inconscient.
S'il y a quelque chose que nous dit Freud et là, c'est
sans ambiguïté : "Und (c'est le dernier paragraphe de la Traümdeutung) der
Wert des Traumes für die Kenntnis der Zukunft".
Et c'est là que c'est bien joli. Parce qu'on croit qu'en écrivant ceci, Freud fait allusion à la fameuse valeur de divination des rêves. Mais ne pouvons-nous pas le lire autrement ? C'est-à-dire nous dire et la valeur du rêve pour la connaissance de ce qui va en résulter dans le monde, de la découverte de l'inconscient. C'est à savoir, si, par hasard, un discours faisait que d'une façon de plus en plus répandue, qu'on sache, on sache ce que dit la fin du paragraphe de Freud, c'est à savoir que cet avenir tenu par le rêveur pour présent est gestaltet, structuré par l'indestructible demande en tant qu'elle est toujours la même : zum Ebenbild. C'est à savoir que, si vous voulez je vais vous mettre quelque chose ici :
qui serait ce voyage, à savoir ce développement, comme ça qu'on fait de la naissance à la mort qui serait ce voyage, à savoir ce développement, comme ça, ponctué, de la naissance à la mort.----------------------------------------------------------------------->
naissance mort
Et le "désir", comme on traduit improprement, est
strictement, durant toute la vie, toujours le même. Simplement des rapports
d'un être particulier dans son surgissement, dans son surgissement dans
un monde où déjà c'est ce discours qui règne, il
est parfaitement déterminé quant à son désir du
début jusqu'à la fin.
C'est bien en quoi ce n'est qu'à... qu'à ne
plus se vouloir dupe de la structure, qu'on s'imagine de la façon la plus
folle que la vie est tissée de je ne sais quels contraires des pulsions
de vie et des pulsions de mort, c'est déjà quand même un
tout petit peu flotter plus haut, enfin que la notion, la notion de toujours
du voyage.
Ceux qui ne sont pas dupes de l'inconscient, c'est-à-dire
qui ne font pas tous leurs efforts pour y coller, n'est-ce pas, qui ne voient
la vie que du point de vue du viator, c'est bien comme ça d'ailleurs
que sont surgies... enfin... toute une étape de la logique, n'est-ce pas
celle dont après-coup bien sûr et avec je ne sais quelles conséquences,
sont apparues ces choses dont on ne voit même pas à quel point c'est
un paradoxe, n'est-ce pas : tous les hommes sont mortels, c'est-à-dire
ce que j'ai dit du voyageur, hein. Socrate est un homme, et il est un homme,
il est un homme s'il veut bien, hein, il est un homme s'il s'y précipite
lui-même, n'est-ce pas, c'est bien d'ailleurs ce qu'il fait, et c'est bien
en quoi d'ailleurs, le fait qu'il l'ait demandée la mort, n'est-ce pas,
il y a quand même une toute petite différence, mais cette différence
n'a pas empêché la suite d'être absolument fascinante. Ça
n'a pas non plus été plus mauvais pour ça... Avec son hystérie,
enfin, il a permis une certaine ombre de science : celle qui justement se fonde
sur cette logique catégorique. C'était un très mauvais exemple.
Mais ça doit s'étendre, hein. En tout cas
cette fonction imaginaire essentiellement du viator doit nous mettre
en garde contre toute métaphore qui procède de la voie.
Je sais bien que la voie, la voie dont il s'agit, le Tao,
elle s'imagine être dans la structure.
Mais est-ce bien sûr qu'il n'y ait qu'une Voie ? Ou
même que la notion de la voie, de la méthode, vaille quoi que ce
soit ? Hum ! Est-ce que ça ne serait pas en nous forgeant une toute autre éthique,
une éthique qui se fonderait sur le refus d'être non-dupe, sur la
façon d'être toujours plus fortement dupe de ce savoir, de ce, cet
inconscient qui en fin de compte est notre seul lot de savoir.
Je sais bien qu'il y a cette sacrée question de
la vérité, hein.
Nous n'allons pas comme ça, après ce que je
vous en ai dit, combien de fois et en y revenant et en y retournant, nous mettre à y
coller sans savoir que c'est un choix, puisqu'elle ne peut que se mi-dire.
Et qu'après tout ce que nous choisissons d'en dire,
il y a toujours derrière un désir, une intention comme on dit.
C'est là-dessus qu'est fondée, enfin, toute
la phénoménologie, je parle de celle de Husserl. Selon comme ça
que vous variez, comme ça les "bouts à dire" de la vérité bien
entendu, voir ce que ça donne comme trucs : il y a des choses bien drôles.
Je ne voudrais pas compromettre Dieu, trop, dans cette affaire,
chacun sait que je considère que... il est plutôt de l'ordre du
super-chéri. Alors pourquoi est-ce qu'il dirait toujours la vérité,
alors que ca va aussi bien s'il est totalement trompeur, hein ?
En admettant qu'il ait fait le Réel, il y est d'autant
plus soumis que justement si c'est lui qui l'a fait, alors pourquoi pas ? Je
crois que c'est en fin de compte comme ça qu'il faut interpréter
la fameuse histoire de Descartes, n'est-ce pas, le malin génie, ben le
malin génie, c'est lui, et ça marche comme ça, enfin plus
il sera malin, mieux ça ira.
C'est même pour ça qu'il faut être dupe.
Il faut être dupe, c'est-à-dire coller, coller à la structure.
Bien, ben écoutez, j'en ai ma claque.