J.LACAN gaogoa
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XVI- D'un
Autre à l'autre note
8 JANVIER 1969
(p143->)
Je vous souhaite la bonne année – 69, un bon chiffre ! Pour l’ouvrir, je
vous signale qu’à telle occasion, je reçois toujours de quelque horizon un petit
cadeau. Le dernier, celui à cette occasion-ci, c’est un petit article qui est
paru dans le numéro du 1 er janvier de la Nouvelle Revue Française. Il y a un
article intitulé : « Quelques extraits du style de Jacques Lacan ».
En effet, mon style, c’est un problème. Ce par quoi j’aurais pu commencer mes
Ecrits, c’est par un très vieil article que je n’ai jamais relu, qui était justement
sur le problème du style. Peut-être
que si je le relis, ça m’éclairera !
En
attendant, bien sûr, je suis le dernier à pouvoir en rendre compte, et on ne
voit pas pourquoi quelqu’un d’autre ne s’y essaierait pas. C’est ce qui s’est
produit, tombant de la plume d’un professeur de linguistique. Je n’ai pas à
apprécier personnellement le résultat de ses efforts. Je vous en fait juge.
En gros, j’ai plutôt eu l’écho que dans le contexte actuel, on pense, dans quelques
endroits retirés, sur (p144->) la qualité
générale de ce qui se dispense d’enseignements de la bouche des professeurs,
que ce n’était peut-être pas le moment de publier cela ; ce n’est pas le
moment le plus opportun parce qu’il m’est revenu que de certains n’ont pas trouvé
ça très fort.
Enfin,
je vous le dis, je vous en fait juge. Quant à moi, je ne m’en plein pas !
Je vois mal que quelqu’un puisse y prendre la moindre idée de ce que j’ai répandu
comme enseignement. Néanmoins, il y a une pointe : j’aurai osé, paraît-il,
écrire quelque part « Freud et moi ». Vous voyez ça, hein ! Il
ne se prend pas pour la queue d’une poêle.
Ca
n’a peut-être pas tout à fait le sens que croit devoir lui donner l’indignation
d’un auteur, mais ça montre bien dans quel
champ de révérence, au moins dans certain domaines, on vit.
Pourquoi,
pour cet auteur qui avoue n’avoir pas la moindre idée de ce que Freud a apporté,
y a-t-il quelque chose de scandaleux de la part de quelqu’un qui a passé sa
vie à s’en occuper, à dire « Freud et moi » ,
Je
dirai plus : à retentir moi-même de cet attentat au degré du respect
qui me serait là reproché, je n’ai pu faire autrement que de me souvenir
de l’anecdote
que j’ai citée ici, du temps où, en (p145->)
compagnie de Petit Louis, comme je l’évoquais, je me livrais sous la
forme la plus difficile aux menues industries qui font vivre les populations
côtières. Avec ces trois excellents types dont
le nom m’est encore cher, il est arrivé que j’aie fait bien des choses sur
lesquelles je passe. Mais il
m’est arrivé
aussi d’avoir avec le dit Petit Louis le dialogue suivant. C’était, comme je
l’ai dit, à propos d’une boîte de conserve de sardines que nous venions de
consommer et qui flottait aux abords du bateau. Petit Louis me dit ces paroles
très simples :
« Hein, cette boîte, tu la vois parce que tu la regardes. Ben elle, elle
a pas besoin de te voir pour te regarder »
Le
rapport de cette anecdote avec « Freud et moi » laisse ouverte la
question d’où dans ce couple je me place. Rassurez-vous, je me place toujours
à la même place, à la place où j’étais et où je reste, encore vivant. Freud
n’a pas besoin de me voir pour qu’il me regarde. Autrement dit, comme l’énonce
un texte que j’ai déjà cité ici, un chien vivant vaut mieux que le discours
d’un mort, surtout quand celui-ci en est venu au degré qu’il a atteint de pourriture
internationale.
Ce
que j’essaie de faire, c’est de rendre aux termes freudiens leur fonction en
tant que ce dont il s’agit dans ces termes, c’est d’un renversement (p146->)
des principes même du questionnement. Autrement dit – ce qui ne veut
pas dire « dit la même chose » - ce qui y est engagé, c’est l’exigence
minimale du passage à ce questionnement renouvelé.
L’exigence
minimale est celle-ci : il s’agit de faire des psychanalystes,
car ce questionnement, pour se poser, exige un remplacement du sujet dans sa
position authentique, et c’est pourquoi j’ai rappelé au début de cette année
de quelle position il s’agit, c’est celle qui le met d’origine dans
la dépendance du signifiant. Donc de cette exigence, de cette condition
fondamentale s’ordonne tout ce qui s’est affirmé de recevable jusqu’ici dont
il y avait des éléments dans la première pratique de l’analyse
où l’on a tenu compte assurément des jeux de mots et des jeux de langage,
et pour cause. Ce niveau là, je l’ai simplement
repris, légalisé dirai-je, en m’emparant
de ce que fournissait la
linguistique dans cette base qu’elle dégageait et qui s’appelle « phonologie »,
jeu du phonème comme tel, car il s’imposait vraiment de s’apercevoir que ce
que Freud avait frayé trouvait là tout simplement son statut avec quelque retard,
certes mais évidemment moins de retard que le public en général ne pouvait avoir,
et du même coup les psychanalystes.
(p147->)
Ce n’est pas une raison pour s’en tenir là, et
c’est pourquoi vous me voyez, quel que soit par ailleurs le
degré de compétence que j’ai montré précédemment dans cet usage de ce qui n’est
après tout qu’une partie de la linguistique, poursuivre ce travail qui
consiste à saisir partout où les
disciplines déjà constituées en prêtent l’occasion , cette
recherche qui, du niveau où il s’agissait vraiment d’une coïncidence,
car c’est vraiment du matériel phonématique lui-même qu’il s’agit dans les jeux
de l’inconscient, de poursuivre au niveau où une
autre discipline nous permet, entre ce statut du sujet et ce qu’elle développe,
de repérer un isomorphisme qui est l’abord,
mais qui aussi bien peut se révéler
recouvrir une identité d’étoffe, comme je l’ai affirmé.
Et
quelle est cette discipline ?
Je l’appellerai la pratique logicienne, terme qui ne
me semble pas mauvais pour désigner ce sont il s’agit exactement, car c’est
d’un lieu où cette pratique s’exerce qu’elle trouve maintenant ce qui l’impose,
mais il n’est pas inconcevable qu’elle trouve à se porter ailleurs.
Le
lieu où effectivement elle s’exerce, où il s’est passé quelque chose qui a
décollé la logique de la tradition où, au long des siècles, elle était
restée enfermée, c’est le domaine mathématique.
(p148->)
Il n’est certes pas de hasard, il était tout à fait
prévisible, malheureusement, après coup, que ce serait au niveau du discours
mathématique que la pratique logicienne trouverait à s’exercer. Quoi de plus
tentant, en effet, que ce lieu où le discours – j’entends discours démonstratif-
semblait assis sur une entière autonomie, autonomie au regard de ce qui s’appelle
l’expérience. Il
m’avait semblé que ce discours ne tenait que de lui même sa certitude,
à savoir des exigences de cohérence qu’il s’imposait.
Qu’allons-nous
dire de cette référence ? Allons-nous, cette
logique qui s’est attachée au domaine mathématique pour en donner une sorte
d’image , l’y désigner comme un recès de ce qui ne serait soi-même dans
un certain mode de pensée pour la mathématique qu’aussi quelque chose à
l’écart quoique soutenant le courant scientifique, quelque chose qui, au regard
d’un certain progrès, serait ça et puis ça encore :
(p149->)
C’est une image, mais une image digne d’être exorcisée, car nous allons
voir qu’il ne s’agit de rien de pareil.
C’est
une occasion pour rappeler que le recours à l’image pour expliquer la métaphore
est toujours faux ; toute domination de la métaphore par l’image doit être
suspecte, le support en étant toujours image spéculaire du corps, anthropomorphe,
laquelle est en défaut parce que, c’est très simple à illustrer encore que ce
ne soit qu’une illustration, cette image masque simplement la fonction des orifices,
d’où la valeur d’apologue de mon pot troué sur lequel je
vous ai quitté l’année dernière. Il est bien clair que de ce pot dans
le miroir on ne voit le trou que si l’on regarde
du dit trou.
La
valeur retournée de cet ustensile que je n’ai, je vous l’ai rappelé aussi en
vous quittant, mis en avant que pour vous indiquer ceci que sous ces formes
les plus simples, les plus primaires, ce que l’industrie humaine fabrique est
fait à proprement parler pour masquer ce qu’il en est des vrais effets de structure,
c’est en ce nom que je reviens, et ma digression est faite pour l’introduire,
sur cette distinction express à rappeler que la forme n’est pas le formalisme.
Il arrive dans certains cas que même les linguistes – je (p150->)
ne parle bien entendu pas de ceux qui ne savent pas ce qu’ils disent
– fassent des petites erreurs là-dessus. L’auteur dont je parlais tout à l’heure,
qui ne me donne aucune preuve de son extrême compétence, m’impute d’avoir parlé
de Jemslew, précisément c’est ce que je n’ai jamais fait.
Par
contre, le nom de Jakobson, à ma vue – car j’ai lu, comme il s’exprime lui-même,
en diagonale son article - est remarquablement absent, ce qui lui évite sans
doute d’avoir à juger si oui où non est pertinent l’usage que j’ai fait des
fonctions de la métaphore et de la métonymie.
Pour revenir
à ce point vif de la distinction de la forme et du formalisme, j’essaierai –
car c’est ce qu’il faut d’abord - de l’illustrer de quelques formes. C’est bien
nécessaire pour quiconque qui, comme l’est le psychanalyste, est engagé dans
les coupures qui, pour atteindre un champ auquel le corps est exposé, aboutit
bien à la chute à quelque " forte " ( portée ? ) .
Je rappellerai, pour toucher à une de ces images qui sort et l’on ne
sait pas d’où l’expérience psychanalytique, la coupe qui contient le lait, celle
qu’évoque sa prise à l’envers sous le nom du sein, premier des objet a, cette
coupe n’est pas la structure par où le sein s’affirme comme homologue au placage
placentaire, car c’est la même (p151->)
physiologiquement, et sans l’entrée en jeu du verbe, sa réalité. Seulement
même pour le savoir, ce que je viens de dire, avant qu’il s’applique, ce sein,
dans la dialectique de l’objet a, même pour savoir ce qu’il est là, j’entends
physiologiquement, il faut avoir une zoologie assez avancée, et ceci de par
l’emploi exprès, autrement ce n’est pas visible, d’une classification dont on
aurait tort de minimiser les relations à la logique.
On
a reproché à la logique aristotélicienne d’avoir avec son emploi des
termes « genres », « espèces », seulement collé à une
pratique zoologique, l’existence des individus zoologiquement définis. Il
faut être cohérent
et, si l’on énonce cette remarque plus où moins répréhensive, s’apercevoir
qu’inversement,
cette zoologie implique elle-même une logique, fait de structure, et de structure
logique.
Bien
sûr, vous le voyez, c’est la frontière entre ce que déjà implique toute expérience
explorative et ce qui va par nous être mis en question de l’émergence
du sujet.
En
mathématique, le formalisme, dans sa fonction de coupure, sans doute, se dégagera
mieux. Que voyons-nous de ce qu’il en est de son usage ?
(p152->)
Le formalisme en mathématique se caractérise ainsi :
il est fondé sur l’essai de réduire ce discours que j’ai annoncé tout à l’heure,
le discours mathématique, ce discours dont on a pu dire -
et non certes du dehors, on l’a dit du dehors aussi, c’était ce que disait
Kojève, mais il ne faisait que le reprendre de la bouche de Bertrand Russell-
que ce discours n’a pas de sens et qu’on ne sait jamais si ce qu’on y dit est
vrai. Formule extrême, paradoxale et dont il faut se rappeler que c’est celle
de Bertrand Russell d’un des initiateurs de la formalisation logique de ce discours
lui-même. Cette tentative de prendre ce discours et de la soumettre à cette
épreuve que nous pourrions définir en somme en ces termes, y prendre l’assurance
de ce qu’il paraît bien être, à savoir de fonctionner sans le sujet ; car
enfin pour faire sentir même à
ceux qui n’y sont pas tout de suite
ce que je désigne là, qui donc irait jamais parler quant à ce qui s’assure de
construction mathématique d’une incidence quelconque de ce qui ailleurs se détache
comme l’observateur ? Pas trace là concevable de ce qui s’appelle erreur
subjective, même si c’est là qu’ont peut donner les appareils qui permettent
ailleurs de lui donner un sens mesurable.
Ceci
n’a rien à faire avec le discours mathématique lui-même ; même quant il
discourt de l’erreur subjective, c’est en des termes – j’entends les termes
(p153->) du discours – pour lesquels il n’y
a pas de milieu : ils sont exacts, irréfutables, ou ils ne le sont pas.
Telle est du moins son exigence ; rien n’en sera reçu qui ne s’impose comme
tel.
Il
reste quand même le mathématicien. L’usage, la recherche de la formalisation
de ce discours consiste, je l’ai dit à l’instant à s’assurer que, même le mathématicien
complètement évaporé, le discours tient tout seul. Ceci implique la construction
d’un langage qui est très précisément celui qu’on appelle assez proprement dés
lors, vous le voyez, « logique mathématique ».
Il serait mieux de dire pratique de la logique, pratique logicienne sur
le domaine mathématique, et la condition pour réaliser cette épreuve se présente
sous une forme double et qui peut paraître antinomique. Ce langage sur un point
ne semble pas avoir d’autre peine que de renforcer ce qu’il en est de ce discours
mathématique tel que je viens de vous en rappeler les caractères, à savoir de
raffiner sur son caractère sans équivoque.
La
seconde condition, et c’est en ceci qu’elle paraît antinomique, c’est que ce
« sans équivoque » concerne quoi ? Toujours quelque chose que
l’ont peut appeler l’objet – bien sûr pas n’importe lequel ; c’est pourquoi,
dans tout essai d’étendre hors du champ de la mathématique cette nouvelle pratique
logicienne – (p154->) pour illustrer ce que
je veux dire, je parle du livre Word and Object de Quine par exemple
– quand il s’agit d’étendre au discours commun cette pratique, on se croit imposé
de partir de ce qui s’appelle langage-objet, ce qui
n’est rien que de satisfaire à cette condition d’un langage sans équivoque ;
occasion d’ailleurs excellente de mettre en relief ce sur quoi j’ai
toujours mis l’accent dès mon départ à la référence au langage, c’est qu’il
est de la nature du discours, du discours fondamental non seulement d’être équivoque,
mais d’être essentiellement fait du glissement radical, essentiel sous tout
discours, de la signification.
Première
condition donc, ai-je dit : être
sans équivoque, ce qui ne peut se référer qu’à un certain objet visé, bien sûr,
en mathématiques, pas un objet comme les autres. Et c’est pourquoi dès qu’un
whine (Quine ? ) transfère le maniement de cette logique à l’étude
du discours commun, il parlera le langage ob – s’arrêtent prudemment
à la première syllabe !
Mais
d’autre part, la condition seconde est que le langage doit être pure écriture, que rien de ce qu’il concerne ne doit
constituer que des interprétations. Toute la structure – j’entends ce qu’on
pourrait attribuer à l’objet – c’est elle qui fait cette écriture.
De
cette formalisation, il n’est rien dès lors qui ne se pose comme interprétation ;
à l’équivoque (p155->) néanmoins fondamentale
du discours commun s’oppose ici la fonction de l’isomorphisme, à savoir
ce qui constitue un certain nombre de domaines comme tombant sous le coup de
la prise d’une seule et même formule écrite.
Quand
on entre dans l’expérience de ce qui s’est construit ainsi, si l’on se donne
un peu de peine comme je n’ai pas cru indigne de moi de le faire, comme semblerait
le supposer l’article évoqué tout à l’heure, et si l’on approche le théorème
de Gödel par exemple – et après tout c’est à
la porté de chacun de vous, il suffirait d’acheter un bon livre ou d’aller
dans les bons endroits, nous sommes dans le pluridisciplinaire, après tout c’est
peut-être une exigence qui n’est pas sortie de rien du tout, c’est peut être
de s’apercevoir des ennuis qu’on éprouve à ce qu’on appelle improprement limitation
mentale – un tel théorème (d’ailleurs il y en a deux) vous énoncera qu’à propos
du domaine du discours qui semble le plus assuré, à savoir le discours arithmétique
– 2 et 2 font 4, il n’y a rien sur quoi on soit mieux assis ; naturellement
on en est pas resté là depuis le temps, on s’est aperçu de bien des choses qui
en apparence ne sont que dans le strict développement de 2 et 2
font 4, en d’autres termes qu’à partir de là on tient un discours qui,
selon toute apparence, (p156->) est ce qu’on
appelle consistant, ce qui veut dire que quand vous énoncez une proposition,
vous pouvez dire « oui » ou « non ». « Celle–là est
recevable » est un théorème,
comme ont dit, du système. « Celle-là ne l’est pas et c’est sa négation
qui l’est » à l’occasion, si l’on croit devoir prendre la peine de faire théorème de tout ce qui peut s’y
poser comme négatif ; eh bien ceci implique que ce résultat est obtenu
par la voie d’une série de procédés sur lesquels il n’est pas porté de doute
et qui s’appellent des démonstrations.
Le
progrès de cette pratique logicienne a permis d’assurer, mais seulement grâce
à l’usage des procédés de formalisation, c’est-à-dire en mettant sur deux colonnes
ce qui s’énonce du discours premier de
la mathématique, et cet autre discours soumis à cette double condition
de pourchasser l’équivoque et de se réduire à une pure écriture.
C’est
à partir de là et seulement de là, c’est-à-dire de quelque chose qui distingue
le discours premier, celui dans lequel la mathématique a fait hardiment tout
ces progrès, et sans savoir, chose curieuse, à y revenir par époques d’une façon
qui ruine les acquis généralement reçus aux époques précédentes, par opposition
à ce discours épinglé pour l’occasion, et très improprement
à mon gré, du terme de métalangage,
l’usage de ce langage formel appelé,
(p157->) lui, non moins improprement langage,
car c’est de quelque chose qu’une pratique isole comme champ fermé dans ce qui
est tout simplement langage, le langage sans lequel le discours mathématique ne serait proprement pas énonçable,
c’est à partir de là, dis-je, que Gödel met en évidence que dans ce système
le plus sûr en apparence du domaine mathématique, celui du discours arithmétique,
la consistance même supposée de ce discours implique ce qui la limite, c’est
à savoir l’incomplétude, à savoir qu’à partir même de l’hypothèse de la consistance,
il apparaîtra quelque part une formule, (et il suffit qu’il y en ait une pour
qu’il y en ait bien d’autres) à laquelle il ne pourra pas, par les voies même
de la démonstration reçue en tant que loi du système, être répondu ni oui ni
non.
Premier
temps, premier théorème.
Deuxième
temps, deuxième théorème. Ici (il me faut abréger) non seulement le système
(j’entends système arithmétique) ne
peut lui-même donc assurer sa consistance qu’à en constituer son incomplétude
même, mais il ne peut pas – je dis dans l’hypothèse même fondée de sa consistance
– la démontrer, cette consistance, à l’intérieur de lui-même.
J‘ai
pris un peu de peine à faire passer ici quelque chose qui n’est point assurément
à proprement parler ce qui est de notre champ, j’entends le (p158->)
champ psychanalytique, s’il est défini par je ne sais quelle appréhension
olfactive, mais n’oublions pas qu’au moment de vous dire même qu’il n’est pas
à proprement parler de quoi la
phrase impliquait que je finisse d’un autre sujet, vous voyez bien sur quoi
je tombe, sur ce point vif, c’est à savoir qu’il n’est pas pensable de jouer
dans le champ psychanalytique qu’à donner son statut correct à ce qu’il en est
du sujet.
Que
trouvons-nous à l’expérience de cette logique mathématique, quoi sinon justement
ce résidu où se désigne la présence du sujet ? Du moins n’est-ce pas ainsi
qu’un mathématicien, lui-même, un des plus grands certes, Von Neuman, semble
l’impliquer à faire cette réflexion un peu imprudente que les limitations j’entends
logiquement tenables, il ne s’agit là de nulle antinomie, de nul de ces jeux
classiques de l’esprit qui permettent d’appréhender ceci que le terme « obsolète »
par exemple est un terme obsolète et qu’à partir de là nous allons pouvoir spéculer
sur les prédicats qui s’appliquent à eux-même et ceux qui ne s’appliquent pas,
avec tout ce que cela peut comporter comme paradoxe ; il ne s’agit pas
de cela. Il s’agit de quelque que chose qui construit une limite, qui ne
recouvre rien sans doute que le discours (p159->)
mathématique n’ait lui-même découvert puisque c’est sur
ce champ de découverte qu’il met à l’épreuve
une méthode qui lui permet
de l’interroger sur ceci qui est tout de même essentiel, à savoir jusqu’où il
peut rendre compte de lui-même, jusqu’où il pourrait être dit atteinte sa coïncidence
avec son propre contenu si ces termes avaient un sens, alors que c’est
le domaine même où la notion de contenu vient à être à
proprement parler vidée. Dire avec von Neuman qu’après tout ceci
est très bien puisque ceci témoigne que les mathématicien sont encore
là pour quelque chose, puisque c’est avec ce qui là se présente avec sa nécessité,
son Ananké, ses nécessités de détour, qu’il aura bien son rôle ; c’est
parce qu’il y manque quelque chose que le désir des mathématicien va
venir en jeu.
Je
crois qu’ici même von Neuman va un peu plus loin, à savoir que je crois que
le terme de résidu est impropre et que ce qui relève ici de cette fonction que
déjà sous plusieurs biais j’ai
évoquée sous le titre de l’impossible
est d’une autre structure que celle à quoi nous avons à faire dans la
chute de ce que j’ai appelé l’objet a.
Bien
plus, je crois que ce qui se révèle ici de manque, pour n’être pas moins structural,
révèle sans doute la présence du sujet, mais d’aucun autre sujet (p160->)
que celui qui a fait la coupure, celle qui sépare le dénommé métalangage
d’un certain champ mathématique, à savoir tout simplement son discours,
la coupure qui sépare ce langage d’un autre langage isolé, d’un langage d’artifice,
du langage formel, en quoi cette opération, la coupure, n’est pas moins faite
pour autant puisqu’elle révèle les propriétés qui sont bien de l’étoffe même
du discours mathématique, en ceci qu’il s’agit bien de nombres entiers sur le
statut desquels vous savez qu’ on n’a pas fini et qu’on ne finira guère
avant un certain temps d’épiloguer mais sur lequel précisément de savoir si
ces nombres ont telle place ontologiquement ou pas est une question totalement
étrangère à l’expérience de discours en tant qu’elle opère avec eux et qu’elle
peut faire cette opération double 1°) de se construire
et 2°) de se formaliser.
Nous
sommes loin, sans doute, au premier abord, de ce qui nous intéresse au centre
et je ne sais pas, vu le peu de temps qui me reste, comment je pourrais vous
y ramener aujourd’hui. Néanmoins permettez-moi de rapidement brosser ceci :
que le point ou nous en étions parvenu à la fin de notre dernière séance était
ceci : la vérité parle je .
Du je, qu’en
est-il ? Si le je est ici à distinguer strictement du sujet tel que vous
voyez qu’on peut quelque part le réduire à la fonction de la coupure, (p161->)
impossible à distinguer de celle dite trait unaire en tant qu’il isole une fonction
de l’un comme seulement unique et seulement coupure dans la numération, le je
n’en est pour autant nullement assuré, car nous pourrions en dire ceci qu’il
est et qu’il n’est pas selon que, comme sujet, il opère, et qu’opérant comme
sujet, il s’exile de la jouissance qui pour autant n’est pas moins je.
Et
c’est ceci qu’il faut que je vous rappelle en ce graphe (voir page suivant)
construit pour répondre très précisément au questionnement constituant
l’analyse,
ce qui gîte entre les deux lignes dites de l’énonciation et de l’énoncé, c’est
à savoir que, recoupées par celle de la matérialité signifiante, par la chaînes
différentielle élémentaire des phonèmes, elle nous a permis d’assurer ces
quatre points de croisement dont le statut est donné en termes précisément
d’écriture :
ici le ,
ici le A (champ de l’Autre) ici le , à savoir
la signification, et ici enfin le ,
le signifiant de quelque chose maintes fois approché, jamais complètement élucidé qui
s’appelle le .
Homologue,
vous avez ici ce qui à mi-chemin icarne sous cette forme écrite ce qui s’impose
au niveau de l’énonciation pure, qui est ceci, à savoir
(p162->)
(p163->)
qui
s’articule de
qui veut dire ici comme ailleurs partout où je l’écris « Demande ».
Pas n’importe laquelle « je me demande » et écrivons ici « ce que tu
veux »- désir de l’Autre, dans cette entière ambiguïté
qui permet encore d’écrire « je te demande… ce que je veux puisque
mon désir est celui de l’Autre. Nulle distinction ici sinon induite par la fonction
même de l’énonciation en tant qu’elle porte en soi son sens comme d’abords
obscur, comme si toute énonciation, je l’ai déjà dit, la plus simple, n’évoque
son sens que comme conséquence
de son propre surgissement.
" Il pleut "
est événement de discours , quoiqu’il n’est que secondaire de savoir ce qu’il
veut dire concernant la pluie. " Il pleut " dans tel contexte,
n’importe qui est capable de l’évoquer, peut avoir les sens les plus divers.
Ai-je besoin à ce propos d’évoquer que ce n’est pas partout que « Sortez ! »
sonne comme Bajazet …
S’il
est quelque chose qui, de ce graphe, est plus important à repérer que ce discours
qui l’accompagne, ce sont les vecteurs de structure tels qu’ils s’y présentent,
au niveau où le tu comme dominant sur le je, comme le tu-en ( ?), ai-je
dit, au niveau du désir de l’Autre, les vecteurs convergent.
C’est
autour du désir de l’Autre que la demande du discours, du discours tel que nous
l’ordonnons dans l’expérience analytique, du discours précisément (p164->)
qui, sous son aspect, qui se prétend fallacieusement neutre, laisse ouvert sous
sa pointe la plus aiguë l’accent de la demande , c’est de façon convergente
autour du désir de l’Autre que tout ce qui est à la source comme l’indiquent
les flèches, converge vers le désir de l’Autre.
Le
point qui, comme support imaginaire, est le répondant de ce désir de l’Autre,
ce que j’ai écrit depuis toujours sous la forme ,
c’est-à-dire le phantasme, la gît, mais couverte, cette fonction qui est
le je, en tant que contrairement au point de convergence qui s’appelle
désir de
l’Autre, c’est de façon divergente que ce je caché sous le
se dirige sous la forme précisément que j’ai appelé au départ celle
du vrai questionnement, questionnement radical vers deux points où gisent
les éléments
de la réponse, à savoir dans la ligne du haut S, ce qui veut dire un signifiant
, un signifiant de ceci que A est barré, et qui est précisément ce que j’ai
pris, ce dont aussi je vous ai donné la peine d’avoir un support pour concevoir
ce qu’ici j’énonce, à savoir que ce champ de l’Autre n’assure pas à aucun
endroit,
à aucun degré, la consistance du discours qui s’y articule en aucun cas, même
le plus sûr apparemment.
Et
d’autre part, ligne inférieure, une signification en tant qu’elle est foncièrement
aliénée, et c’est ici qu’il faut que vous vous aperceviez du (p165->)
sens de mon entrée dans cette année, par la définition du plus-de-jouir et de
son rapport avec ce qu’on peut appeler,
au sens le plus radical, les moyens de production, au niveau de la signification,
si déjà le pot, comme je vous l’ai indiquer, n’est
qu’appareil à masquer les conséquences du discours, je veux
dire les conséquences majeurs, à savoir l’exclusion de la jouissance.
Vous voyez
qu’ainsi est mis dans cette Entzweiung
( le terme est hégélien ) , dans cette division radicale
qui est celle même à quoi aboutit
le discours de Freud à la fin de sa vie, qui est division du je articulé comme
tel, ce n’est rien de moins qu’entre ces deux termes, à savoir du champ où l’Autre
en quelque sorte, en quelque imagination, qui fut longtemps celui des philosophes,
pourrait répondre d’aucune vérité et où précisément ceci s’annule par le seul
examen des fonctions du langage, j’entends que nous savons y faire intervenir
la fonction de la coupure qui répond
non, non au Dieu des philosophes, et que d’autre part,
sur un autre registre , celui en apparence où la jouissance l’attend,
c’est là précisément qu’il est serf, et sous le mode même dont
on a pu dire jusqu’ici qu’on pouvait reprocher à la psychanalyse de méconnaître
les conditions dans lesquelles l’homme est soumis au
social, comme on s’exprime sans s’apercevoir qu’on se contredit, que le
matérialisme dit historique (p166->)
n’a de sens qu’à précisément s’apercevoir que ce n’est pas de la structure
sociale qu’il dépend puisque lui même affirme que c’est des moyens de production,
c’est-à-dire que de ce avec quoi on fabrique des choses qui trompent le plus-de-jouir
, c’est-à-dire qui, loin de pouvoir espérer remplir le champ de la jouissance,
ne sont même pas en état de suffire à ce qui, du fait de l’Autre, en est perdu.
Je
n’ai pu aller, comme d’habitude, plus vite que mes propres violons. Néanmoins
je peux vous annoncer là où, la prochaine fois j’ai l’intention de reprendre.
Je vous dirai que ce n’est pas vain, de la bouche du Dieu des Juifs, ce que
j’ai retenu, c’est « Je suis ce que Je est ». C’est bien là qu’il
est temps qu’enfin quelque chose se dissipe, quelque chose déjà dit en clair
par un nommé Pascal. Si vous voulez - peut-être cela vous aidera à entendre
ce que je vous dirai la prochaine fois – lire un petit livre qui, chez Desclé
de Brower, est paru sous le nom du Pari de Pascal par un M. Georges Brunet,
qui sait admirablement bien ce qu’il dit. Comme vous l’avez vu tout à l’heure,
ce n’est pas vrai de tous les professeurs ! Mais lui, il le sait. Ce qu’il
dit ne va pas loin, d’ailleurs, mais au moins il sait ce qu’il dit. D’autre
part, c’est un débrouillage pour vous indispensable de ce qu’il en est de cette
petite feuille de papier plié en quatre (p167->)
dont, je l’ai déjà dit, je me suis déjà exprimé là-dessus, on a fait les poches
de Pascal, Pascal mort. Je parle beaucoup du Dieu mort, c’est probablement pour
nous délivrer de bien d’autres rapports avec d’autres que j’ai évoqué tout à l’heure, mes rapports avec Freud mort ;
ça a un tout autre sens.
Mais
si vous voulez bien lire ce Pari de Pascal de Georges Brunet, au moins
saurez-vous de quoi je parle, quand je parlerai de ce texte, qui en est à peine
un quart, comme vous le verrez, c’est une écriture qui se recouvre elle-même,
qui s’embrouille, qui s’entrecroise, qui s’annote. On en a fait un texte pour
le plaisir, bien sûr , des professeurs. Ce plaisir est court, car ils n’en ont
jamais absolument rien tiré.
Il
y a quelque chose qui est, par contre, tout à fait clair, et c’est par là que
je commencerai la prochaine fois, c’est qu’il ne s’agit strictement de rien
d’autre que justement du je. On passe son temps à se demander si
Dieu existe, comme si c’était une question. Dieu est, ça ne fait aucune
espèce de doute, ça ne prouve absolument pas qu’il existe. La question
ne se pose pas. Mais il faut savoir si je existe.
Je
pense pouvoir vous faire sentir que c’est autour de cette incertitude – est-ce
que j’existe ? que se joue le pari de Pascal.
note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un émail. Haut
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