IX-L'IDENTIFICATION
Séminaire du 27 juin 1962
(->p533) (XXVI/1)
Aujourd'hui dans le
cadre de
l'enseignement théorique que nous aurons réussi cette année à parcourir
ensemble, je vous indique qu'il me faut choisir mon axe, si je puis dire et que
je mettrai l'accent sur la formule-support de la troisième espèce
d'identification que je vous ai notée dès longtemps, dès le temps du graphe
sous la forme de S barré que vous savez lire maintenant comme coupure de grand
S <> a. non pas sur ce qui y est implicite, nodal à savoir le
F le point grâce
auquel l'éversion peut se faire de l'un dans l'autre, grâce auquel les deux
termes se présentent comme identiques, à la façon de l'envers et de
l'endroit, non pas de n'importe quel envers et de n'importe quel endroit. Sans
cela je n'aurai pas eu besoin de vous montrer en son lieu ce qu'il est quand il
représente la double coupure sur cette surface particulière dont j'ai essayé
de vous montrer la topologie dans le cross-cap.
Ce point ici désigné est le point F grâce auquel le cercle indiqué par cette coupure peut être pour nous le schéma mental d'une identification originale ; ce point - je crois avoir assez accentué dans mes derniers discours sa fonction structurale - peut, jusqu'à un certain point recéler pour vous trop de propriétés satisfaisantes ; ce phallus . Le voilà avec cette fonction magique qui est bien celle que tout notre discours lui implique dès longtemps. Ce serait un peut trop facile que (->p534) (XXVI/2) de trouver là notre point de chute.
C'est pourquoi aujourd'hui je veux mettre l'accent sur ce point, c'est-à-dire sur la fonction de a, le petit a en tant qu'il est à la fois à proprement parler ce qui peut permettre de concevoir la fonction de l'objet dans la théorie analytique, à savoir cet objet qui dans la dynamique psychique est ce qui structure pour nous tout 1e procès progresssif-régressif, ce à quoi nous avons affaire dans nos rapports du sujet à sa réalité psychique, mais c'est aussi notre objet, l'objet de la science analytique.
Et ce que je veux mettre en avant, dans ce que je vais vous en dire , c'est que si nous voulons qualifier cet objet dans une perspective proprement logique, j'accentue : logicisante, nous n'avons rien de mieux à en dire sinon ceci qu'il est l'objet de la castration. J'entends par là, je spécifie, par rapport aux autres fonctions définies jusqu'ici de l'objet. Car si on peut dire que l'objet dans le monde, pour autant qu'il s'y discerne, est l'objet d'une privation, on peut dire également que l'objet est l'objet d'une frustration. Et je vais essayer de vous montrer justement en quoi cet objet qui est le notre s'en distingue.
Il est bien clair que si cet objet est un objet de la logique, il ne saurait avoir été jusqu'ici complètement absent, indécelable dans toutes les tentatives faites pour articuler comme telle ce qu'on appelle la logique.
La logique n'a pas existé de tout temps sous la même forme. Celle qui nous a parfaitement satisfaits, nous a comblé jusqu'à Kant qui s'y complaisait encore, cette logique formelle, née un jour sous la plume d'Aristote, a exercé cette captivation, cette fascination jusqu'à ce qu'on s'attache, au siècle dernier, à ce qui pouvait y être repris dans le détail. On s'est aperçu par exemple qu'il y manquait beaucoup de choses du côté de la quantification. Ce n'est certainement pas ce qu'on y a ajouté qui est intéressant, mais c'est ce par quoi elle nous retenait. Et bien des choses qu'on a cru devoir y ajouter ne vont que dans un sens singulièrement stérile.
En fait, c'est sur la réflexion que l'analyse nous impose concernant ces
pouvoirs si longtemps insistant de la logique aristotélicienne, que (->p535)
(XXVI/3) peut se présenter pour nous l'intérêt
de la logique. Le regard de
L'objet aristotélicien
- car
c'est bien ainsi qu'il faut l'appeler - a justement, si je puis dire, pour propriété
de pouvoir avoir des propriétés qui lui appartiennent en propre : ses
attributs. Et ce sont ceux-ci qui définissent les classes.
Or ceci est une construction qu'il ne
doit qu'à confondre ce que
Ceci mériterait de longs développements
et, pour vous faire franchir
Déjà cette fonction décisive de l'attribut je vous l'ai montrée dans le cadran : c'est l'introduction du trait unaire qui distingue la partie phasique où il sera dit par exemple que tout trait est vertical, ce qui n'implique en soi l'existence d'aucun trait, de la partie lexique
où il peut y avoir des traits verticaux, mais Par c'est tout, il évoque je ne sais quel écho du Dieu Pan : c'est bien là une |
des coalescences
mentales dont je vous prie de faire l'effort de la rayer de vos papiers. Le nom
du Dieu Pan n'a absolument rien à faire avec le tout, et les effets paniques
auquel il se joue le soir auprès des esprits simples de la campagne n'ont rien
à voir avec quelque effusion mystique ou non.
Le raptus
alcoolique, dit par les vieux auteurs
panophobique, est bien nommé en ce sens que, lui aussi, quelque chose le
traque, le perturbe, et qu'il passe par la fenêtre. Il n'y a rien à mettre là-dedans,
c'est une erreur des esprits trop hellénistes d'y apporter cette retouche
(->p536) (XXVI/4) sur laquelle un de mes maîtres anciens,
pourtant bien-aimé de moi, nous apportait cette rectification : "on
doit dire le raptus pantophobique". Absolument pas, par
par est bien en effet
le tout et, si cela se rapporte à quelque chose, c'est à paraodai
à la
possession. Et peut-être trouverai-je à me faire reprendre si je
rapproche ce pas du pos de possidero et de possum ; mais je n'hésite point à
le faire.
La possession ou non du trait unaire,
du trait caractéristique, voilà autour de quoi tourne l'instauration d'une
nouvelle logique classificatoire explicite des sources de l'objet
aristotélicien. Ce terme "classificatoire", je l'emploie intentionnellement puisque c'est
grâce à Claude Lévi-Strauss si vous avez désormais le corpus,
l'articulation dogmatique de la fonction classificatoire à ce qu' i1 appel le
lui-même - je lui en laisse la responsabilité humoristique - "l'état
sauvage", bien plus proche de la dialectique platonicienne
que de l'aristotélicienne, la division progressive du monde en une série de
moitiés, couple de termes antipodiques qui l'enserrent dans des types. Donc,
sur ce sujet lisez "la pensée Sauvage", vous verrez que l'essentiel
tient en ceci : ce qui n est pas hérisson, mais que vous voudrez musaraigne ou marmotte , est autre chose.
Ce qui
caractérise la structure de
l'objet aristotélicien, c'est ce qui n'est pas hérisson est non-hérisson.
C'est pourquoi je dis que c'est la logique de l'objet de la privation.
Ceci peut nous mener beaucoup plus loin,
jusqu'à cette sorte d'élusion par quoi le problème se pose toujours aigu
dans cette logique de la fonction véritable du tiers exclu dont vous savez
qu'elle fait problème jusqu'au coeur de la logique la plus élaborée, de la
logique mathématique.
Mais nous avons affaire à un début, à
un noyau plus simple, que je veux pour vous imaginifier, comme je vous l'ai dit,
par un exemple. Et je n'irai pas le chercher bien loin, mais dans un proverbe
qui présente dans la langue française une particularité qui cependant ne
saute pas aux yeux, tout au moins des francophones. Le proverbe est
celui-ci : "Tout ce qui brille n'est pas or".
Je pourrais employer les cercles
d'Euler, les mêmes dont nous sommes servis l'autre jour à propos du rapport du
sujet à un cas quelconque
tous les hommes sont menteurs. Est-ce
simplement ce que cela signifie ? C'est que Ne
croyez pas que je sois le premier parmi |
méconnaître du point de vue de la
forme grammaticale, insistant sur ceci que les tours s'ordonnent de telle façon
que soit justement mise en question "l'orité", si je puis m'exprimer
ainsi, la qualité d'or de ce qui brille. L'authentique de l'or va donc dans le
sens d'une mise en question radicale ; l'or est ici symbolique de ce qui fait
briller et, si je puis dire pour me faire entendre, j'accentue, ce qui donne à
l'objet la couleur fascinatoire du désir.
Ce qui est important dans une telle
formule, si je puis m'exprimer ainsi - pardonnez-moi le jeu de mots - c'est le point "d'OR age"
autour de quoi tourne la question de
savoir ce qui fait briller, et pour dire le mot, la question de ce qu'il y a de
vrai dans cette brillance.
Et, à partir de
là, bien sûr nul or
ne sera assez véritable pour assurer ce point autour duquel subsiste la
fonction du désir.
Telle est la caractéristique radicale de cette sorte d'objet que j'appelle petit a : c'est l'objet mis en question, en tant qu'on peut dire que c'est ce qui nous intéresse, nous autres analystes, comme ce
(->p538)
(XXVI/6) qui intéresse l'auditeur de tout
enseignement. Ce n'est pas pour rien que j'ai vu surgir la nostalgie sur la
bouche de tel ou tel qui voulait dire : "Pourquoi ne dit-il
pas", comme s'est exprimé quelqu'un, "le vrai sur le vrai ?".
C'est vraiment un grand honneur qu'on peut faire à un discours qui se tient
tous les huit jours dans cette position insensée d'être là derrière une
table devant vous à articuler cette sorte d'exposé dont justement on se
contente fort bien d'ordinaire qu'il élude toujours une telle question.
S'il ne s'agissait pas de l'objet
analytique, à savoir de l'objet du désir, jamais une telle question n'aurait
pu même songer à surgir, sauf de la bouche d'un huron qui s'imaginerait que
lorsqu'on vient à l'Université c'est qu'il rentre dans la norme, qu'on sache
à quoi on a affaire, ce qui est dehors et ce qui est dedans, ce que vous montre
cet état de la figure, car vous voyez bien comment il faut la voir.
Ce lobe s'est prolongé de l'autre côté,
il a gagné sur l'autre face 2 ; il nous montre visiblement que la boucle
externe va, dans cette surface, rejoindre la boucle interne à condition de
passer par l'extérieur. La surface des plans projectifs se complète, se ferme,
s'achève. L'objet défini comme notre objet, l'objet formateur du monde du désir
ne rejoint son intimité que par une voie centrifuge.
Qu'est-ce à dire ? Que
trouvons-nous là ? Je reprends de plus haut. La fonction de cet objet est
liée par où le sujet se constitue dans sa relation au lieu de l'Autre, grand
A, qui est le lieu où s'ordonne la réalité du signifiant. C'est au point où
toute signifiance fait défaut, s'abolit, au point nodal dit le désir de
l'Autre, au point phallique, pour autant qu'il signifie l'abolition comme telle
de toute signifiance, que l'objet petit a, objet de la castration, vient prendre
sa place.
Qu'est-ce qu'un sceau ? le
lendemain du jour où je vous livrais cette formule, le hasard fit qu'un
antiquaire de mes amis me remit entre les mains un petit sceau égyptien qui,
dune façon non habituelle mais non rare non plus, avait la forme d'une semelle
avec, sur le dessus, les doigts du pied et les dos dessinés. Le sceau, comme
vous l'avez compris, je l'ai trouvé dans les textes, c'est bien cela : une
trace si l'on peut dire - et il est vrai que la nature en abonde - ;
mais ça ne peut devenir un signifiant que si, cette trace, avec une paire de
ciseaux, vous en faites le tour et vous la découpez. Si vous extrayez la trace
après, cela peut devenir un sceau. Et je pense que l'exemple vous éclaire déjà
suffisamment : un sceau représente le sujet, l'envoyeur-pas forcément
pour le destinataire : une lettre peut toujours rester scellée ; mais le sceau
est là : pour la lettre, il est un signifiant.
Eh bien, l'objet petit
a, l'objet de la
castration participe de la
chose curieuse, de cette extraction se trouve
|
(->p540)
(XXVI/8) point opposé, ce qui crée des
difficultés intuitives naturellement considérables et même qui nous ont
obligés à toute la construction que j'ai détaillée devant vous, sous la
forme du cross-cap imagé dans l'espace.
Mais quoi ? Quel est l'important ? C'est
que, par cette opération
Cette, disons-le, démonique plutôt
que divine intuition goethéenne qui lui fait aussi bien lire dans le crâne
trouvé sur le Lido la forme de Werther complètement imaginaire ou forger la
théorie des couleurs, bref laisse pour nous les traces d'une activité dont le
moins qu'on puisse dire c'est qu'elle est cosmogène, engendreuse des plus
vieilles illusions de l'analogie micromascrocospique, et pourtant captivante
encore dans un esprit si proche de nous.
A quoi cela tient-il ? A quoi le
drame personnel de Goethe doit-il la fascination exceptionnelle qu'il
exerce sur nous sinon à l'effleurement comme central du drame, chez lui, du désir.
"Warum Goethe Hess Frederik ?" a écrit, vous le savez, un des
survivants de la première génération dans un article " Theodor Reik.
J'ai très suffisamment rappelé la structure de ce cas en en
montrant
Dans ce rapport complémentaire de
a,
l'objet d'une castration constitutive où se situe notre objet comme tel, avec
ce reste et où nous ne pouvons tout lire, et spécialement notre figure i(a),
c'est ceci que j'ai tenté d'illustrer cette année à la pointe, pour vous, de
mon discours.
Dans l'illusion spéculaire, dans 1a méconnaissance
fondamentale à
Et en effet il n'y a
guère que nous qui puissions nous y retrouver dans cette fonction dont en somme on ne peut
approcher l'ombre ancienne après le progrès mental parcouru, qu'à y voir en
quelque sorte l'identique de tout ce qui se manifeste comme effets, mais quand
ils sont encore voilés. Et bien entendu ceci n'a rien de satisfaisant, sauf
peut-être si justement ça n'est pas d'être à la place de quelque
chose, de couper tous les effets, que la cause soutient son drame. S'il y a
d'ailleurs aussi bien une cause qui soit digne que nous nous y attachions, au
moins par notre attention, ça n'est pas toujours et d'avance une cause perdue .
Et c'est à partir de là que s'enracine
l'illusion de la cosmicité du monde. Ce point acosmique du désir en tant qu'il
est désigné par l'objet de la castration, c'est ce que nous devons préserver
comme le point pivot, le centre de toute élaboration de ce que nous avons à
accumuler comme faits concernant la constitution du monde comme objectal. Mais cet objet petit a
que nous voyons surgir au point de défaillance de l'Autre, au
point de perte du signifiant parce que cette perte c'est la perte de cet objet même,
du membre jamais retrouvé d'Horus démembré, cet objet comment ne pas lui
donner ce que j'appellerai parodiquement sa propriété réflexive, si je puis
dire, puisque c'est de lui qu'elle part, que c'est pour autant que le sujet est
d'abord et uniquement essentiellement coupure de cet objet que quelque chose
peut naître qui est cet intervalle entre cuir et chair entre Wahrnemung et
Bewusstsein, entre perception et conscience qui est la Selbstbewusstsein. C'est
ici qu'il vaut de dire sa place entre une ontologie fondée sur notre expérience.
Vous verrez qu'elle rejoint ici une formule longuement commentée par Heiddeger,
dans son origine présocratique.
Le rapport de cet objet à l'image du
monde qui l'ordonne constitue ce que Platon a appelé à proprement parler la
dyade à condition que nous nous apercevions que clans cette driade le sujet S
barré et le petit a sont du même côté : to
amto einai kai noiig. Cette
formule qui a longtemps servi à confondre ce qui n'est pas soutenable, l'être
et la connaissance, ne veut pas dire autre chose que cela.
Par rapport au corrélatif petit a, à
ce qui reste quand l'objet constitutif du fantasme s'est séparé, être et pensée
sont du même côté, du côté de ce petit a. Petit a, c'est l'être en tant
qu'il est essentiellement manquant au texte du monde. Et c'est pourquoi autour
de petit a peut se glisser tout ce qui s'appelle retour du refoulé,
c'est-à-dire qu'y suinte et s'y trahit la vraie vérité qui nous
intéresse et qui est toujours l'objet du désir, en tant que toute humanité,
tout humanisme est construit pour nous la faire manquer.
Toute métaphore, y compris celle du
symptôme cherche à faire sortir cet objet dans la signification, mais toute la
pullulation des sens qu'elle peut engendrer n'arrive pas à étancher ce dont il
s'agit dans ce trou d'une perte centrale.
Voilà ce qui règle les rapports du
sujet avec 1'Autre, grand A, ce qui rêgle secrètement mais d'une façon dont
il est sûr qu'elle n'est pas moins efficace que ce rapport de petit a à la réflexion
imaginaire qui la couvre et la surmonte. Qu'en d'autres termes dans la route, la
seule qui nous soit offerte pour retrouver l'incidence de ce petit a, nous
rencontrons d'abord la marque de l'occultation de l'Autre, sous le même désir.
Telle est en effet la voie : a peut être
abordé par cette voie qui est ce que l'Autre, avec un grand A, désire dans le
sujet défaillant, dans le fantasme, le S
barré. C'est pourquoi je vous ai
enseigné que la crainte du désir est vécue comme équivalente à l'angoisse,
que l'angoisse c'est la crainte de ce que l'Autre désire en soi du sujet, cet
"en soi" fondé justement sur l'ignorance de ce qui est désiré au
niveau de l'Autre. C'est du côté de l'Autre que le petit a vient au jour, non
pas comme manque tellement que comme à être.
C'est pourquoi nous arrivons ici à poser la question de son rapport avec la chose, non pas sacrée, mais ce que je vous ai appelé das Ding. Vous savez qu'en vous menant sur cette limite je n'ai rien fait que de vous indiquer qu'ici la perspective s'inversant, ce petit i de petit a qui enveloppe cet accès à l'objet de la castration, c'est ici l'image même qui fait obstacle dans le miroir, ou plutôt que, à la façon de ce qui se passe dans ces miroirs obscurs - il faut toujours penser à cette obscurité chaque fois que dans les auteurs anciens vous voyez intervenir la référence du miroir - quelque chose peut apparaître au-delà de l'image que donne le miroir clair. L'image du miroir clair, c'est à elle que s'accroche cette barrière que j'ai appelée en son temps celle de la beauté. C'est qu'aussi bien la révélation de petit a au-delà de cette image, même apparue sous la forme la plus horrible, en gardera toujours le reflet.
Et c'est ici que je voudrais vous faire part du bonheur que j'ai (->p544) (XXVI/12) pu avoir à rencontrer ces pensées sous la plume de quelqu'un que je considère tout simplement comme le chantre de nos lettres, qui a été incontestablement plus loin que quiconque présent ou passé dans la voie de la réalisation du fantasme, j'ai nommé Maurice Blanchot dont dès longtemps l'arrêt de mort était pour moi la sûre confirmation de ce que j'ai dit toute l'année, au séminaire sur l'Éthique concernant la seconde mort.
Je n'avais pas lu la seconde version de
son oeuvre première "Thomas l'Obscur". Je pense qu'un aussi petit
volume, nul d'entre vous, après ce que je vais vous en lire, ne manquera de s'y
éprouver. Quelque chose s'y rencontre qui incarne l'image de cet objet petit a,
à propos duquel j'ai parlé d'horreur ; c'est le terme qu'emploie Freud quand
il s'agit de l'Homme aux rats . Ici c'est du rat qu'il s'agit.
Georges Bataille a écrit un long essai
qui vire autour du fantasme central bien connu de Marcel Proust, lequel
concernait aussi un rat "Histoire de rat". Mais ai-je besoin de
vous dire que si Apollon crible l'armée grecque des flèches de la peste, c'est
parce que, comme s'en est très bien aperçu M. Grégoire, si Esculape, comme je
vous l'ai enseigné il y a longtemps, est une taupe - il n'y a pas si
longtemps que je retrouvais le plan de la taupinière dans une tolos (?) , une
de plus, que j'ai visité récemment - si donc Esculape est une taupe, Apollon est un rat.
Voici. J'anticipe, ou plus exactement je
prends un peu avant Thomas l'Obscur - ce n'est pas par hasard qu'il
s'appelle ainsi - :
Je vous passe ces franchissements qui
passent par ce "tandis que juchés sur ses épaules le mot il et le mot je
commençaient leur carnage jusqu'à la confrontation à laquelle je visais, en
vous évoquant ce passage .
"Ses mains cherchèrent à toucher
un corps impalpable et irréel. C'était un effort si horrible que cette chose
qui
"Tantôt l'un croyait avoir triomphé
et il voyait descendre en lui, avec une nausée incoercible , le mot
innocence qui le souillait ; tantôt l'autre le dévorait à son tour, l'entraînait
par le trou d'où il était venu, puis le rejetait comme un corps dur et vide.
"A chaque fois, Thomas était
repoussé jusqu'au fond de son être par les mots mêmes qui l'avaient
hanté et qu'il poursuivait comme son cauchemar et comme l'explication de son cauchemar. Il se retrouvait toujours plus vide et plus
lourd, il ne remuait plus qu'avec une fatigue infinie. Son corps, après
tant de lutte, devint entièrement opaque et à ceux qui le regardaient,
il donnait l'impression reposante du sommeil bien qu'il n'eut cessé d'être
éveillé.
Vous lirez la suite.
Et le chemin ne s'arrête pas là, de ce que Maurice Blanchot nous découvre. Si j'ai pris ici le soin de vous indiquer
ce passage, c'est qu'au moment de vous quitter cette année je veux vous dire
que souvent j'ai conscience de ne rien faire d'autre ici que de vous permettre
de vous porter avec moi au point où autour de nous, multiples, parviennent déjà
les meilleurs.
Petit i de petit a et petit a, leur différence, leur complémentarité et le masque que l'un constitue pour l'autre, voilà où je vous aurai menés cette année. Petit i de petit a, son image n'est donc pas son image, elle ne le représente pas, cet objet de la castration. Elle n'est d'aucune façon ce représentant de la pulsion sur quoi porte électivement le refoulement. Et pour une double raison : c'est qu'elle n'est, cette image, ni la Vostellung puisqu'elle est e11e-même un objet, une image réelle - reportez-vous à ce que j'ai écrit sur ce sujet dans mes Remarques sur le rapport de Daniel Lagache, - ni un objet qui n'est pas le même que petit a, qui n'est pas son représentant non plus. i ( a) et a
Le désir, ne l'oubliez pas, dans le
graphe où se situe-t-il ? I1 vise S
barré coupure de a le
fantasme, sous un mode analogue à celui du petit m où le moi se réfère à
l'image spéculaire. Qu'est-ce à dire, sinon qu'il y a quelque rapport de
ce fantasme au désirant lui même.
Mais pouvons-nous, de ce désirant,
faire purement et simplement l'agent du désir ? N'oublions pas qu'au deuxième
étage du graphe, petit d, le désir est un "qui" qui répond à une
question, qui ne vise pas un "qui", mais un "Che vuoi ?". A
la question : "Che vuoi ?" le désirant est la réponse, la réponse
qui ne désigne pas le qui de "qui veut '. ", mais la réponse de
l'objet. Ce que je veux dans le fantasme détermine l'objet d'où le désirant
qu'il contient doit s'avouer comme désirant.
Cherchez-le toujours, ce désirant,
au sein de quelque objet que
(->p548) (XXVI/16)
Et, c'est sur quoi les affecte nous
dit-il , les émotions considérées ici sous sa plume comme embrouillées,
si je puis m'exprimer ainsi, dans le signifiant, et reprises comme
telles. C'est à ce propos qu'il nous dit que toutes les émotions entérinées,
les formes, si je puis dire conventionnelles de l'émotion, ne sont rien d'autre
que des inscriptions ontogéniques de ce qu'il compare, de ce qu'i1 révèle
comme expressément équivalent à des accès hystériques, ce qui est retomber sur
la relation au signifiant.
Les émotions sont en quelque sorte des
caduques du comportement, des
Les émotions, si quelque chose nous en
est montré chez l'hystérique, c'est justement quand e11e est sur la trace du désir,
c'est ce caractère nettement mimé, comme on dit hors saison, à quoi on se trompe et d'où se tire l'impression de fausseté.
Qu'est-ce à dire, si
ce n'est que l'hystérique bien sûr ne peut pas faire autre chose que de
chercher le désir de l'Autre là où il est, où il laisse sa trace chez
l'autre, dans l'utopie, pour ne pas dire l'atopie, la détresse, voir la fiction
; bref que c'est par la voie de la manifestation comme on peut s'y attendre, que
se montrent tous les aspects symptomatiques. Et si ces symptômes trouvent cette
voie frayée, c'est en liaison avec ce rapport que Freud désigne au désir de
l'Autre.
Il est étrange que la pensée
analytique n'ait jamais rencontré sur ce chemin sauf dans les coins comme
toujours des observations de Freud - et ici je désigne le mot Schleier - ce voile dont l'enfant
naît coiffé et qui traîne dans la littérature
analytique sans qu'on n'ait même jamais songé que c'était là l'amorce d'une
voie très féconde : les stigmates.
S'il y a quelque chose qui permette de
concevoir comme comportant une totalité, je ne sais quel narcissisme primaire -
et ici je ne peux que regretter que se soit absenté quelqu'un qui m'a
posé la question c'est bien assurément la référence du sujet, non pas tant
au corps de la mère parasité, mais à ces enveloppes perdues où se lit si
bien cette continuité de l'intérieur avec l'extérieur, qui est celle à quoi
vous a introduit mon modèle de cette année, sur lequel nous aurons à revenir.
Simplement je veux vous indiquer, parce
nous le retrouverons dans la suite, que s'il y a quelque chose où doit
s'accentuer le rapport au corps, à l'incorporation, à l'Einverleibung, c'est
du côté du père laissé entièrement de côté qu'il faut regarder.
Je l'ai laissé entièrement de coté
parce qu'il aurait fallu que je vous introduise - mais quand 1e
ferai-je - à toute une tradition qu'on peut appeler mystique et qui
assurément, par sa présence dans la tradition sémitique, domine toute
l'aventure personnelle de Freud.
(->p550) (XXVI/18)
La fonction de l'analyse telle qu'elle
s'insère là où Freud nous en a laissé la suite ouverte, la trace béante se
situe là où sa plume est tombée à propos de l'article sur le splitting de
l'Ego au point d'ambiguïté où l'amène ceci : l'objet de la castration est ce
terme assez ambigu pour qu'au moment même où le sujet s'est employé à le
refouler il l'instaure plus ferme que jamais, en un Autre.
Tant que nous n'aurons pas reconnu que
cet objet de la castration
L'année prochaine, je traiterai pour vous, comme poursuivant strictement le point où je vous ai laissés aujourd'hui, l'angoisse.
note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire,
ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par
avance de m'adresser un émail.
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