Hénologie, de l'Un,
ARISTOCLES-Platon,

 
Du génitif ἑνός, henos du grec ancien εἷς, heis (« un ») avec le suffixe -logie.
 
 
Définitions : de l'Un
Théorie qui pense l'Un, l'unité, au-dessus de tout.
La théorie de Platon est une hénologie.
selon wikitionary
 

Grammaticalement, le mot « un » est ici employé comme substantif et avec majuscule : Un, comme Dieu ou Être.

Le mot s'oppose principalement à Multiple (dès Platon) et entre dans la liste des transcendantaux (avec Être, Bien, Vrai, Beau... qui sont au-delà des catégories et peuvent se convertir : Un = Bien = Beau).
C'est l'Un-Dieu, l'Un-principe, mesure suprême.
On peut le distinguer de la « Monade (μονάς), unité numérique », et « l'unité numérique résulte de ce que la matière est Une »
(Aristote, Métaphysique, Delta/V, 6) ; le point est indivisible, la ligne n'est divisible qu'en un sens, la surface en deux, le volume en trois (longueur, largeur, profondeur). Il y a un lien entre l'Un-principe et l'Un-monade, puisque l'un est mesure, unité de mesure, mesure des nombres, puisque le domaine des nombres vaut comme modèle de mesure (Aristote, Métaphysique, Delta, 6 ; N, 1). Cela dit, il faut se souvenir que chez les penseurs de l'Antiquité grecque, un n'est pas un nombre, car, pour eux, la notion de nombre suppose la multiplicité 3 " ; pour les pythagoriciens (Nicomaque de Gerasa) et Plutarque, "un est à la fois pair et impair", il est "bisexuel" (arsenothêlu)

Euclide donne ces définitions dans les définitions de ses Éléments, livre VII :

« 1. L’unité est ce selon quoi chacune des choses existantes est dite une. 2. Un nombre est un assemblage composé d’unités. »

Pythagorisme
Chez les Pythagoriciens (dès Philolaos, vers 400 av. J.-C.), l'Un est la "Monade, l'unité originaire dont dérive la série des nombres, la Décade ou ensemble des dix premiers nombres entiers. Mais l'Un est à la fois principe et élément, car il dérive des deux "principes premiers", la Limite et l'Illimité5. Cosmogoniquement, les deux principes (Limite et Illimité) engendrent l'Un (qui est à la fois impair et pair), qui engendre les nombres (soit impairs soit pairs).
 
 
Platonisme

Euclide de Mégare, disciple de Socrate, identifie, avant Platon, l'Un et le Bien7. Dans son célèbre poème, Parménide, quant à lui, parle de l'Être en des termes qui laissent fortement suspecter une identification à l'Un, fait d'autant plus plausible en raison de ce qui suit.

voir Parménide sur Cosmovision,

Platon, dans La République 8 identifie l'Un et le Bien, principes de toute existence et de toute connaissance, dont la beauté transcende toute expression ; l'Idée de Bien, c'est Dieu. L'Un est au-dessus de l'Être9,10. Dans le dialogue du Parménide, l'Un est le principe d'unité sous-jacent à la multiplicité des Idées et des phénomènes. Platon envisage trois hypothèses :

  • Hypothèse 1. L'Un, c'est l'Un, il échappe à l'être et à la connaissance comme à la parole11 : il ne peut pas être quelque chose de plus qu'Un, car alors il serait multiple, et de ce fait il n'est même pas. Cet Un absolu, qui ne participe pas à la substance des choses, a particulièrement fasciné les néoplatoniciens.
  • Hypothèse 2. L'Un, il est, c'est l'être12, il est donc multiple, il accepte tous les contraires, mais il est connaissable et on peut tout en dire.
  • Hypothèse 3. L'Un est et n'est pas 13, il change, il est instant.

Dans son Parménide, dans une première hypothèse, Platon présente un Un qui est supérieur à toute distinction, à toute attribution, de sorte qu'on ne peut même pas dire qu'il existe. Dans une deuxième hypothèse, il montre un Un qui est pure multiplicité, puisque c'est un Un qui est, et qu'il faut admettre qu'entre l'Idée d'Un et l'idée d'être il y a une communication et, s'il y a une pareille communication, il faut encore une communication entre cette communication et chacune des deux Idées, ainsi à l'infini. Platon nie chacune de ces deux hypothèses, il pose l'idée d'une unité qui est unité de multiplicités, ce qui justifie sa théorie des Idées, car une Idée, une Forme, est une totalité qui englobe des particularités. C'est alors l'Un-Multiple.

Dans sa doctrine non écrite Platon pose deux « principes premiers », deux genres suprêmes éternellement opposés : l'Un et la Dyade indéfinie, dont l'interaction engendre les Idées et les Nombres14. L'Un et la Dyade ne sont pas des nombres, mais sources des nombres : "c'est à partir de cet Un que le nombre idéal est engendré15", "la Dyade indéfinie est génératrice de la quantité16". Il y a dualisme entre les principes, Monade et Dyade. L'Un est l'Idée du Bien, il se situe au-delà de l'être, il est Limite (la notion est positive, chez les Grecs). Il est genre suprême, mesure des nombres, condition d'où dérive tout être, cause de la vérité et source d'excellence (vertu). À l'autre bout, "la Dyade indéfinie du Grand et du Petit" est altérité, inégalité, dissemblance, mouvement.

Pour Speusippe, qui nie les Idées de Platon et les remplace par les Nombres selon le pythagorisme, l'Un est le principe premier, au-dessus de l'être, il se distingue de la Monade, principe des nombres. Speusippe fait dériver le point de l'Un (puis, comme Platon, du deux : la ligne, du trois : le plan, du quatre : le volume

Aristotélisme
Aristote (Métaphysique, Delta/V, chap. 6), rejette les Idées de Platon, dont l'Un, si abstrait chez Platon et qui en réalité se dit « en plusieurs sens » : « l'unité n'est pas la même dans tous les genres » (en musique, grammaire...).
Néopythagorisme

Eudore d'Alexandrie 18 pose un principe fondateur, absolument transcendant, et ensuite une paire d'opposés qui en découlent :

  • La Monade (Limite, Forme)
  • La Dyade (Illimité, Matière), constituant le second Un.

Tandis que la Dyade est l'archétype de la matière, la Monade est celui des Idées, qui intègrent le Logos, dont l'action sur la matière réalise l'univers. De cette succession de l'Un suprême, de l'Un composé de Monade et de Dyade et du Logos comme unité d'une multiplicité, se manifestent trois dieux ordonnés selon une hiérarchie, et dont les premières traces sont perceptibles dans les trois premières hypothèses du Parménide de Platon ainsi que dans la lettre II du pseudo-Platon19. La conception d'Eudore d'Alexandrie est rapportée vers 535 par Simplicios de Cilicie dans son Commentaire sur la 'Physique' d'Aristote, 181.

Moderatus de Gadès, philosophe néopythagoricien et platonicien actif vers 90 de notre ère, annonce aussi Plotin, car il place l'Un au-dessus des Formes.

Néoplatonisme

Numénios d'Apamée (vers 155) :

« Le premier Dieu [le premier Un] ne fait aucune œuvre et il est vraiment Roi, tandis que le Dieu qui gouverne tout, en parcourant le ciel, n’est que Démiurge [le deuxième Un]. C’est pourquoi nous participons à l’Intelligence (to noêton) quand elle descend et se communique à tous les êtres [le Troisième Un, comme Âme du monde ou cosmos ou étincelles de Dieu ?] qui peuvent la recevoir. »

Plotin, entre 254 et 270, dans ses Ennéades, contre Numénius, pense que l'Un transcende l'intellect. Il suppose trois hypostases, principes divins : l'Un, l'Intellect, l'Âme. L'Un est le Bien, unité absolue et plénitude. De lui découle tout être, mais aussi toute beauté. "La lumière est inséparablement liée au Soleil, d'une manière analogue l'être ne peut pas non plus être séparé de sa source : l'Un." Parce que l'Un est l'unité absolue, un accès vers lui plus direct est impossible. "Aucun nom ne lui convient, pourtant, puisqu'il faut le nommer, il convient de l'appeler l'Un, mais non pas en ce sens qu'il soit une chose qui a ensuite l'attribut de l'un" (Ennéades, VI, 9, 5). L'Un s'écoule à cause de sa surabondance, comme rayonnement, émanation. De là naît d'abord l'Esprit, l'Intellect (Noûs), qui représente la sphère des Idées, c'est-à-dire des archétypes éternels de toutes choses. Puis vient, troisième hypostase après l'Un et l'Intellect : l'Âme, qui, comme Âme du monde, contient toutes les âmes individuelles.

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Gilson, Métaphysique de l'Un
« Si l'on peut dire de chaque chose qu'elle « est », c'est grâce à l'unité et aussi à l'identique » écrit Plotin dans les Ennéades, rapporte Étienne Gilson22. On doit à l'« Un », l'unification de la multiplicité dont est constituée toute chose. S'il existe quelque chose libre de toute multiplicité à unifier c'est l'« Un » lui-même, principe de toute unité et par conséquent de tout être. Dans cette métaphysique engendrant l' « être », l'« Un » est aussi condition de l'intelligibilité de tout ce qui « est »2. Voici résumé l'exposé d'Étienne Gilson23 sur la métaphysique de l'Un.
Transcendance de l'Un
  • L'Un n'est pas l'être , pour la raison même que tout être, étant une certaine unité particulière il n'est pas l'« Un en soi ».
  • N'étant rien (pas un être), l'Un est inexprimable.
  • Toute pensée prétendant le saisir en ferait immédiatement un être, l'Un ne peut donc être pensé. En effet la réalité la plus simple de toute, ne peut se penser soi-même car si elle le pouvait en tant que connaissant et connu elle aurait un être multiple.
  • Pour autant l'Un est la cause de ce qui pense et par conséquent la cause de ce qui est.
Judaïsme
L'unité de Dieu est l'une des choses les plus importantes dans le judaïsme. Elle consiste à penser non seulement que Dieu est le seul à être Dieu, mais que c'est particulièrement son infinitude, non pas en tant qu'étendue matérielle, mais en tant qu'intériorité causale interminable, qui fait de Lui la Cause Première de toute chose et l'Un par définition que personne ne peut être lui. De manière étonnante, les idées de Plotin en ce qui concerne l'âme, à savoir cette sorte de liaison entre les basses parties, le corps, l'äme et l'intellect et enfin Dieu, sont des concepts très proches voire identiques à ceux de la Kabbale qui considère que l'âme est en fait liée à plusieurs autres parties, la partie basse étant Nefesh (pulsion du corps et donc corps en soi), la Neshama qui pourrait être considérée comme étant l'intellect, et Dieu lui-même qui est le père de l'esprit lié à toutes ces parties.
 
 
La théologie mystique du Pseudo-Denys l'Aréopagite (vers 490, en Syrie) conserve l'idée d'Un au-delà de l'essence mais il l'infléchit dans un sens chrétien : « Toute affirmation reste en deçà de la Cause unique et parfaite de toutes choses, car toute négation demeure en deçà de la transcendance de Celui qui est simplement dépouillé de tout et qui se situe au-delà du Tout »(Théologie mystique, trad. Maurice de Gandillac, 1943, p. 184). Le pseudo-Denys défend la fameuse proposition selon laquelle "tout être est super-être en Dieu" (en latin esse omnium est superesse divinitas) (Hiérarchie céleste, IV, 1). Or cela peut s'entendre de deux façons : soit au sens panthéiste où "Dieu est le même que les choses", soit au sens catholique, défendu par Bernard de Clairvaux, où « Dieu est l'être causal des choses ».
 
L'Un
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HIÉRARCHIE
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Le grand théoricien de la mystique de l'Un est, dans le christianisme, Maître Eckhart (vers 1260-1327). Il distingue la déité et Dieu. La déité, l'Un, c'est l'essence divine absolue, isolée, au-dessus de tout nom, de tout rapport, et dont nous ne pouvons rien affirmer, sinon qu'elle est unité. On ne peut donc en parler qu'en termes de théologie négative : la déité n'est pas ceci... Dieu, au contraire, c'est la déité en tant qu'elle entre en rapport. Pour certains commentateurs, il y aurait deux Eckhart, celui pour qui Dieu est l’Être et celui pour qui Dieu est l’Un, d'autres (comme Hervé Pasqua) tiennent Eckhart pour néoplatonicien.
 
Commentaires :
hein !
 
 
 
Textes d'ARISTOCLES-Platon :
 
 
 
20- La République, VI (506a, 526e)
22- Parménide, (137c-157b)
 
 
Bibliographie :
COULOUBARITSIS Lambros, Les pratiques hénologiques dans le stoïcisme ancien, Les Stoïciens, Vrin, 2005
- Hennologie, sur gaogoa
 
- Wikipedia, L'Un chez Plotin,