Divisions des oeuvres d'ARISTOCLES-PLATON
selon le PLATON de DIOGENE Laërce
Prévention à la lecture des oeuvres de Platon (par DIOGENE.L)
analyse :
 
2 caractères généraux dans les dialogues de Platon :

- les un sont des dialogues d'explication ou d'instructions :
a- sur la spéculation, soit physique ou logique.
b- sur l'action, soit politique ou moraux.

- les autres sont des dialogues de recherche, divisés en 2 classes,
a- pour s'exercer sur quelque sujet, ( 2 types : dialogues maieutiques, et dialogues d'essais).
b- pour combattre quelques idées (2 types : dialogues de démonstrations ou d'accusation et dialogues destructifs).

 

Je n'ignore pas qu'il y a des auteurs qui distinguent autrement les dialogues de Platon.

Ils disent que les uns sont dramatiques, les autres narratifs, et d'autres qu'ils appellent mixtes; mais cette distinction sent plutôt le style du théâtre que celui de la philosophie.

Parmi ces dialogues, il y en a qui roulent
sur la physique, comme le
25-Timée; d'autres
sur la logique, comme le 29-Politique, le 14-Cratyle, le 22-Parménide et le 23-Sophiste;
sur la morale, comme 15-l'Apologie, le 16-Criton, le 17-Phédon,
19
-le Phèdre, 18-le Banquet, 13-le Ménexène, 30-le Clitophon,
- les Lettres, 24-le Philèbe, 32-l'Hipparque, et 34-les Rivaux ;
[51] sur la politique, comme 20-la République, 27-les Lois,
33-le Minos, 31-l'Épinomis et l'Atlanticus ? = L'Atlantide (Début du 25-Timée et 26- Critias).

 

Platon se sert de la méthode maïeutique
dans les deux Alcibiades (01-Alcibiades Majeur et 02-Alcibiade mineur) , le Théagène (35-Thagès), 07-Lysis et 05-Lachès ;

de la méthode d'essai
dans - l'Eutyphron, 28-le Ménon, 09-l'Ion, 06-le Charmide,
et 21-le Théétète;

de la méthode de démonstration,
dans le 10-Protagore;

de la méthode de destruction,
dans 11-l'Euthydème, les deux Hippias (08- Majeur, 03-mineur), et 12-le Gorgias.

Cela suffit sur la nature du dialogue et sur ses différences; mais comme on dispute beaucoup si cette partie des oeuvres de Platon contient des dogmes, il faut dire quelque chose de cette question.

 

On appelle dogmatiste un homme qui établit des dogmes, comme on nomme législateur celui qui fait des lois.

[52] On donne le nom de dogme à un sentiment, et à l'opinion qu'on en a. Or Platon explique certaines choses comme véritables, en critique d'autres comme fausses, et ne définit point ce qui lui paraît incertain.

Sur les choses qu'il croit lui-même, il introduit quatre interlocuteurs, qui sont Socrate, Timée, l'étranger d'Athènes, et l'étranger d'Élée; ces étrangers ne sont pas, comme quelques uns le présument, Platon et Parménide, ce sont des personnages supposés.

Quand Platon enseigne des dogmes, il fait parler Socrate et Timée ; quand il combat des erreurs, il lait venir sur la scène Thrasimaque, Callicle, Polus, Gorgias, Protagore, Hippias, Euthydème, et d'autres semblables.

[53] Dans les raisonnements, il se sert beaucoup de l'induction, non de la simple, mais de celle qui est double.
L'induction est un discours dans lequel, de quelques vérités on en infère une autre. Il y en a de deux sortes :
l'une qu'on peut appeler du contraire, l'autre qu'on peut appeler de conséquence.
La première est celle dans laquelle, quelque réponse que fasse celui qui est interrogé, il en suit le contraire de ce qui est. Par exemple : Mon père est, ou autre que le vôtre, ou le même; si donc votre père est autre que mon père, il ne sera point père, étant autre qu'un père ; que s'il est le même que mon père, il sera mon père, étant le même que le mien.

[54] Autre exemple : Si l'homme n'est pas un animal, il sera du bois ou de la pierre. Mais il n'est point du bois ou de la pierre, car il est animé et il a des mouvements spontanés : il est donc un animal. Et si cela est, et qu'un boeuf et un chien soient des animaux aussi, l'homme sera tout ensemble un animal, un boeuf et un chien.
Platon se servait de cette induction dans la dispute, non pour établir des vérités, mais pour réfuter des objections.

L'autre espèce d'induction qui se fait par conséquence est aussi de deux sortes : dans l'une on conclut du particulier au particulier, dans l'autre du particulier au général; la première sert aux orateurs, la seconde aux dialecticiens.
Dans la première on demande, par exemple, si cet homme a commis l'homicide dont il s'agit; et la raison qu'il avait les mains sanglantes dans ce temps-là est une conséquence de laquelle on infère qu'il a commis le meurtre.
[55] J'ai dit que cette espèce d'induction sert aux orateurs, parce que la rhétorique se borne aux choses particulières et ne s'étend point aux générales, n'entrant point, par exemple, dans l'examen de ce qui regarde la justice même, et se bornant à celui des choses justes en particulier.

Dans l'espèce d'induction que j'ai dit être propre aux dialecticiens, on prouve le général par le particulier, comme sur la question Si l'âme est immortelle, et si les morts conservent quelque vie.
Platon prouve cela dans son traité de l'Ame, ?, (Phédon ?, Timée ?) par la proposition générale que les contraires se font des contraires; et cette proposition générale, il la prouve par des cas particuliers, comme : que le sommeil naît de la veille, et la veille du sommeil ; que le plus grand naît du moindre, et le moindre du plus grand. Cette sorte d'induction était celle qu'employait Platon pour établir ses propres opinions.

[56] Au reste, de même qu'autrefois le choeur représentait seul la tragédie, jusqu'à ce que Thespis inventa un acteur pour donner au choeur le temps de se reposer, Eschyle un second, et Sophocle un troisième, ce qui est la manière dont la tragédie se perfectionna, de même la philosophie fut longtemps restreinte à la physique, jusqu'à ce que Socrate y ajouta la morale, et Platon la dialectique; ce qui mit la dernière main à cette science.
Thrasylle dit qu'il écrivit ses dialogues sur le modèle du quadriloque tragique, à la manière des acteurs qui parlaient en vers dionysiens, lénaéens, panathénéens, et chytriens. La dernière espèce était satirique, et toutes ensemble formaient ce qu'on appelait le quadriloque.
[57] Thrasylle dit donc que tous les dialogues authentiques de Platon se montent à cinquante-six.

Sa République est divisée en dix livres, qui se trouvent presque tout entiers dans les contradictions de Protagore, selon Phavorin, au deuxième livre de son Histoire diverse.

Son traité des Lois est divisé en douze livres. Il y a neuf quadriloques, et le traité de la République y tient la place d'un livre, et celui des Lois pareillement.


Le premier quadriloque roule sur un sujet commun à tous les dialogues qui y entrent, le but que Platon s'y propose étant de faire voir quelle doit être la vie d'un philosophe ; il distingue chaque livre par un double titre : l'un est pris du principal interlocuteur, l'autre du sujet dont il parle.
[58] Ainsi le premier quadriloque contient l'Eutyphron, ou de la sainteté, dialogue d'essai ; la défense de Socrate; le Criton, ou ce que l'on doit faire; le Phédon, ou de l'âme, qui sont des dialogues moraux.

Le second quadriloque contient le Cratyle, ou de la justesse des noms, matière de logique; le Théétète, ou de la science, entretien d'essai ; le Sophiste, ou de ce qui est, discours de logique; le Politique, ou du gouvernement, aussi dialogue de logique.

Le troisième quadriloque contient le Parménide, ou des idées, sujet de logique ; le Philèbe, ou de la volupté ; le Banquet, ou du bien; le Phèdre, ou de l'amour, dialogues moraux.


[59] Le quatrième comprend le premier Alcibiade, ou de la nature de l'homme, entretien selon la méthode maïeutique; le second Alcibiade, ou de la prière, selon la même méthode; l'Hipparque, ou de l'amour du gain; les Rivaux, ou de la philosophie, dialogues de morale.

Le cinquième renferme le Théagès, ou de la philosophie, selon la méthode mæutique; le Charmide, ou de la valeur; Lysis, ou de l'amitié, selon la méthode mæutique.

Le sixième contient l'Euthydème, ou le disputeur, dialogue destructif; Protagore, ou les sophistes, démonstratif; Gorgias, ou de la rhétorique, destructif; Ménon, ou de la vertu, dialogue d'essai.


[60] Dans le septième quadriloque se trouvent les deux Hippias, dont le premier traite de l'honnête, et le second du mensonge, tous les deux du genre destructif; l'Ion, ou de l'Iliade, dialogue d'essai ; le Ménexène, ou l'Épitaphius, du genre moral.

Le huitième est composé du Clitophon, ou celui qui fait des exhortations, discours moral ; de la République, ou de la justice, entretien politique; du Timée, ou de la nature, discours physique; du Critias, ou Atlanticus, moral.

Enfin le neuvième contient Minos, ou de la loi ; les Lois, ou de la manière d'en faire ; Épinomis, ou, l'assemblée nocturne, autrement le Philosophe, dialogues politiques.

 

[61] Il y a treize épîtres morales de Platon dont l'inscription est Bonne vie ! au lieu qu'Épicure, dans les siennes, mettait Bonheur !
et Cléon se servait du mot de Salut !

Il y a une de ces épîtres adressée à Aristodème, deux à Archytas, quatre à Denys, une à Hermias, Éraste et Corisque, une à Léodamas, une à Dion, une à Perdiccas, deux aux amis de Dion.

Voilà quelle est la distinction des ouvrages de Platon selon Thrasyllus, et plusieurs auteurs l'admettent.

D'autres, entre lesquels est Aristophane le grammairien, divisent les dialogues de Platon en triloques, plaçant (répétition de la page Division des oeuvres) :

dans le premier la République, le Timée, le Critias;
[62] dans le second, le Sophiste, le Politique, le Cratyle;
dans le troisième, les Lois, le Minos, l'Epinomis;
dans le quatrième, le Théétète, l'Eutyphron, la défense de Socrate ;
dans le cinquième, le Phédon, le Criton, les Lettres.

Les autres ouvrages, ils les rangent un à un et sans ordre.

Quelques uns, comme nous l'avons dit, commencent l'énumération des oeuvres de Platon par sa République, d'autres par le premier Alcibiade, ou par le Théagès, par l'Eutyphron, par le Clitophon, le Timée, le Phèdre, le Théététe ; enfin par la défense de Socrate.

Il ne faut point regarder, comme étant de Platon, les ouvrages suivants qu'on lui a attribués, le Midon ou l'Hippostrophe, l'Eryxias ou l'Erasistrate, l'Alcyon, l'Acéphale ou le Sysiphe, l'Axiocus, le Phéacus, le Démodocus, le Chélidon, la Semaine, l'Épiménide.

Phavorin, dans le cinquième livre de ses Commentaires, dit que l'Alcyon est l'ouvrage d'un certain Léonce.

[63] Platon a emprunté à dessein différents noms, pour empêcher que des gens non lettrés entendissent facilement ses ouvrages.

Il croit que la sagesse consiste proprement dans la connaissance des choses qui sont spirituelles, et qui existent véritablement, lui donnant pour objet Dieu et l'âme séparée du corps.

Lorsqu'il prend le mot de sagesse dans son sens propre, il entend par là la philosophie, comme étant un désir de la sagesse divine; mais dans le sens commun il applique le mot de sagesse à toute sorte de talents, donnant par exemple le nom de sage à un artisan.

Souvent il se sert des mêmes termes pour signifier différentes choses : par exemple, il met le mot de négligé pour simple, à la manière d'Euripide, qui, en parlant d'Hercule dans son Lycimnius, dit qu'il était « négligé, sans ajustement, ne pensant qu'a faire bien, faisant consister toute la sagesse à en faire les actions, et ne mettant point d'ornements dans ses discours. »


[64] Quelquefois Platon se sert de ce même mot pour désigner ce qui est beau, et d'autres fois ce qui est petit.

Il donne la même signification à divers termes, appelant l'idée espèce, genre, modèle, principe et cause.
Il se sert aussi de termes contraires pour désigner la même chose, comme quand il applique aux choses sensibles les mots d'existence et de non-existence, disant que ce qui est sensible existe en tant qu'il a été produit, et n'existe point en tant qu'il est sujet à des changements continuels; et quand il dit que l'idée n'est ni une chose qui se meut ni une chose en repos, qu'elle est la même, qu'elle est une et qu'elle est plusieurs. Cet usage de Platon se remarque en divers endroits de ses ouvrages.


[65] Ils demandent trois sortes d'explications :

il faut voir premièrement ce qu'il dit;
secondement, s'il le dit dans la vue d'atteindre le but qu'il s'est proposé, ou par voie de comparaison, et si c'est pour établir quelque vérité, ou pour réfuter des objections;
en troisième lieu, s'il parle à la lettre.

Comme on trouve certaines marques dans différents passages des oeuvres de Platon, il est bon d'en donner une explication.
[66]
On marque les expressions et les figures usitées aux platoniciens par un X. Cette double ligne = désigne les dogmes et les opinions particulières de Platon.
Les manières de parler et les élégances de style sont marquées avec un •X• entre deux points.
Cette figure >: marque les endroits que quelques auteurs ont corrigés; celle-ci ÷, les choses inutiles qui doivent être ôtées;
cette autre ב désigne les endroits dont il faut changer l'ordre et ceux qui peuvent recevoir deux sens.
Celle qu'on appelle foudre désigne l'ordre et la liaison des vérités philosophiques;
l'étoile des idées qui se ressemblent;
et cette marque des choses qu'on rejette.

Voilà pour ce qui regarde le nombre des livres de Platon et les marques qui s'y trouvent.

Antigone de Caryste, dans son ouvrage sur Zénon, dit qu'après l'édition de ses livres, ceux qui souhaitaient d'en savoir le contenu payaient pour cela ceux qui les avaient.