L'univers...l'âme, le dieu bienheureux
Au centre, il mit une âme ; il l’étendit partout et en enveloppa même le corps à l’extérieur.
Il forma de la sorte un ciel circulaire et qui se meut en cercle, unique et solitaire, mais capable, en raison de son excellence, de vivre seul avec lui-même, sans avoir besoin de personne autre, et, en fait de connaissances et d’amis, se suffisant à lui-même.
En lui donnant toutes ces qualités il engendra un dieu bienheureux.
L'âme précède le corps
Mais cette âme, dont nous entreprenons de parler après le corps, ne fut pas formée par le dieu après le corps ; car, en les unissant, il n’aurait pas permis que le plus vieux reçût la loi du plus jeune.
Nous autres, qui participons grandement du hasard et de l’accidentel, il est naturel que nous parlions aussi au hasard.
Mais le dieu a fait l’âme avant le corps et supérieure au corps en âge et en vertu, parce qu’elle était destinée à dominer et à commander, et le corps à obéir.
Genèse de l'âme
Voici de quels éléments et de quelle manière il la composa.
Avec la substance indivisible et toujours la même
et avec la substance divisible qui naît dans les corps,
il forma, en combinant les deux, une troisième espèce de substance intermédiaire, laquelle participe à la fois de la nature du Même et de celle de l’Autre,
et il la plaça en conséquence au milieu de la substance indivisible et de la substance corporelle divisible. p80
Puis, prenant les trois, il les combina toutes en une forme unique, harmonisant de force avec le Même la nature de l’Autre qui répugne au mélange.
Quand il eut mélangé les deux premières avec la troisième et des trois fait un seul tout, il le divisa en autant de parties qu’il était convenable, chacune étant un mélange du Même, de l’Autre et de la troisième substance.
Voici comment il s’y prit.
Du tout il sépara d’abord une partie ; après celle-là, il en retira une autre, double, puis une troisième, une fois et demie plus grande que la seconde, et triple de la première, puis une quatrième, double de la seconde, puis une cinquième, triple de la troisième, puis une sixième, octuple de la première, et enfin une septième, vingt-sept fois plus grande que la première.
Cela fait, il remplit les intervalles doubles et triples, en coupant encore des portions du mélange primitif et les plaçant dans ces intervalles de manière qu’il y eût dans chaque intervalle deux médiétés, l’une surpassant les extrêmes et surpassée par eux de la même fraction de chacun d’eux, l’autre surpassant un extrême du même nombre dont elle est surpassée par l’autre.
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De ces liens introduits dans les premiers intervalles résultèrent de nouveaux intervalles de un plus un demi, un plus un tiers, un plus un huitième.
Alors le dieu remplit tous les intervalles de un plus un tiers à l’aide de l’intervalle de un plus un huitième, laissant dans chacun d’eux une fraction telle que l’intervalle restant fût défini par le rapport du nombre deux cent cinquante-six au nombre deux cent quarante-trois.
De cette façon le mélange sur lequel il avait coupé ces parties se trouva employé tout entier.
La coupure
Fermeture et nouage à l'infini

[Proposition discutable mais à expliciter (GPE)]
Alors il coupa toute cette composition en deux dans le sens de la longueur, et croisant chaque moitié sur le milieu de l’autre en forme d’un χ, il les courba en cercle et unit les deux extrémités de chacune avec elle-même et celles de l’autre au point opposé à leur intersection.
3 D
Il les enveloppa dans le mouvement qui tourne uniformément à la même place et il fit un de ces cercles extérieur et l’autre intérieur.
Il désigna le mouvement du cercle extérieur pour être le mouvement de la nature du Même,
et celui du cercle intérieur le mouvement de la nature de l’Autre.
Dextrogyrie, lévogyrie : le sens
Il fit tourner le mouvement du Même suivant le côté vers la droite
et celui de l’Autre suivant la diagonale vers la gauche,
et il donna la prééminence à la révolution du Même et du Semblable ;
car, seule, il la laissa sans la diviser.
Au contraire, il divisa la révolution intérieure en six endroits et en fit sept cercles inégaux, correspondant à chaque intervalle du double et du triple, de façon qu’il y en eût trois de chaque sorte. Il ordonna à ces cercles d’aller en sens contraire le uns des autres, trois avec la même vitesse,
les quatre autres avec des vitesses différentes tant entre eux qu’avec les trois premiers, mais suivant une proportion réglée.
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Âme et corps liés par le centre
Lorsque la composition de l’âme fut achevée au gré de son auteur,
il disposa au-dedans d’elle tout ce qui est corporel et il les ajusta ensemble en les liant centre à centre.
Alors l’âme, tissée à travers tout le ciel, du centre à l’extrémité, l’enveloppant en cercle du dehors et tournant sur elle-même, inaugura le divin début d’une vie perpétuelle et sage pour toute la suite des temps.
Corps et âme
Ainsi naquirent d’une part
le corps visible du ciel,
et de l’autre, l’âme invisible, mais participant à la raison et à l’harmonie, la meilleure des choses engendrées par le meilleur des êtres intelligibles et qui sont éternellement.
La nature composite de l'âme
Or, parce que l’âme est de la nature du Même, de l’Autre et de l’essence intermédiaire, qu’elle est un mélange de ces trois principes,
qu’elle a été divisée et unifiée en due proportion,
qu’en outre elle tourne sur elle-même, toutes les fois qu’elle entre en contact avec un objet qui a une substance divisible ou avec un objet dont la substance est indivisible,
elle déclare par le mouvement de tout son être à quoi cet objet est identique et de quoi il diffère, et par rapport à quoi précisément, dans quel sens, comment et quand il arrive aux choses qui deviennent d’être et de pâtir chacune par rapport à chacune, et par rapport aux choses qui sont toujours immuables. p84
Les opinions et croyances vraies
Or quand un discours, lequel est également vrai, soit qu’il se rapporte à l’Autre ou au Même, emporté sans voix ni son dans ce qui se meut par soi-même, se rapporte à ce qui est sensible et que le cercle de l’Autre va d’une marche droite le transmettre dans toute son âme, il se forme des opinions et des croyances solides et vraies.
Intelligence et science
Quand, au contraire, le discours se rapporte à ce qui est rationnel, et que le cercle du Même, tournant régulièrement, le lui révèle, il y a nécessairement intelligence et science.
Et ce en quoi ces deux sortes de connaissance se produisent, si quelqu’un prétend que c’est autre chose que l’âme, il ne saurait être plus loin de la vérité.
Quand le père qui l’avait engendré s’aperçut que le monde qu’il avait formé à l’image des dieux éternels se mouvait et vivait, il en fut ravi et, dans sa joie, il pensa à le rendre encore plus semblable à son modèle.
Or, comme ce modèle est un animal éternel, il s’efforça de rendre aussi tout cet univers éternel, dans la mesure du possible.
Mais cette nature éternelle de l’animal, il n’y avait pas moyen de l’adapter complètement à ce qui est engendré.
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